S’adossant contre le rebord, Hélène soupira lentement, yeux fermés. Un peu de vent frais, de repos, ça faisait du bien, même pour une Amazone. D’autres épreuves l’attendaient, elle le savait, mais ce n’est pas pour autant qu’elle ne pouvait pas relaxer un peu. Elle respira lourdement, reprenant son souffle. Le Nephalem sembla alors sortir de sa méditation, et elle le sentit poser son regard sur elle. Il choisit alors d’entamer la conversation, et elle rouvrit lentement les yeux, sentant quelques rayons ensoleillés éclairer son visage.
« Dites-moi, en attendant que vos sœurs reviennent du camp, nous avons du temps devant nous… Et la zone est déserte, vous pourriez me parler de vous… Comment êtes-vous devenue Amazone ? »
C’était une longue histoire, et elle fut brièvement perdue dans ses pensées, avant de faire la moue, et de répondre. Après tout, ça ne pourrait pas lui faire du mal, et ça l’aiderait à se détendre. Hélène devait conserver à l’esprit que, si elle était une guerrière, elle était aussi une machine. Andromaque et les plus vieilles guerrières ne cessaient de le rappeler aux jeunes Amazones : éviter les prouesses inutiles, et toujours se rappeler qu’une guerrière reposée et sereine en valait deux. La passion était une bonne chose dans un combat, car elle donnait du cœur à l’ouvrage, mais se laisser guider par elle était le meilleur moyen de mourir. Elle parla donc.
« On devient une Amazone soit en naissant, soit en étant recueillie par la Horde. »
Jusqu’ici, rien de bien étonnant ; Hélène ne faisait que confirmer que la Horde connaissait les deux modes classiques d’attribution de la nationalité : le droit du sol, que les Amazones appelaient sous sa dénomination latine ancienne, « jus solis », et le droit du sang, qu’elles appelaient « jus sanguinis ».
« Je ne suis pas née au sein de la Horde, expliqua-t-elle, mais dans un petit royaume, que les Amazones ont alors entrepris d’attaquer. Ma destinée était d’épouser un noble du royaume, afin de consolider une alliance entre le domaine royal, et la maison de ce noble. Une vie peu attirante, me direz-vous... »
La venue de la Horde avait été perçue comme un fléau, et, à cette époque, Hélène les avait détesté. Elle était trop jeune pour réellement comprendre, et pensait que son mariage serait une bonne chose, qu’elle se marierait à un élégant prince charmant. Le Roi avait pris peur, car ses troupes n’arrivaient pas à repousser la Horde. Les Amazones avait fait tomber plusieurs châteaux frontaliers, et ce dernier avait envoyé des pourparlers.
« La Horde voulait des femmes pour se reproduire, revendiquant un ancien principe juridique et divin qui leur accordait le droit de réclamer des femmes pour les former et les endurcir. En échange de quoi, elles leur laisseraient une progéniture. Elles revendiquaient aussi de l’or et des armes comme tribut de guerre. Au début, le Roi refusa, trouvant ces conditions absurdes, et parvint à réunir un ost pour assiéger le château où les Amazones se tenaient. »
A cette évocation, Hélène eut un léger sourire. C’était bien la preuve que ce petit royaume ne connaissait rien à l’art de la guerre. Le château était un leurre. La Horde, Hélène le savait maintenant, n’aimait pas vivre entre quatre murs. On y avait simplement entreposé quelques fines archères, et les ouvrières amazones. Contrairement à ce qu’on pouvait penser, cette occupation s’était bien passée pour les serfs. Ces derniers avaient initialement craint pour leur vie, mais, tant qu’ils aidaient les Amazones, il ne leur arrivait rien. Les capitaines et les nobles avaient de toute façon été enfermés dans des geôles dans les profondeurs de ce fort en bois.
Le gros de la troupe se trouvait dans la forêt, et les Amazones attaquèrent de nuit, en poussant des cris de guerre. L’attaque commença par une phase d’infiltration. Plusieurs Amazones avaient été capturées, et le Roi avait menacé la Reine de l’époque, qui était déjà Andromaque, de les pendre si la Reine ne se rendait pas. Cette dernière avait requis un temps de réflexion, et le Roi avait accepté. Ce que ce dernier ne pouvait pas savoir, c’est que les Amazones s’étaient laissées capturer, afin d’avoir plus d’hommes pour l’attaque du camp. Une sorte de variante du cheval de Troie. Les Amazones infiltrées libérèrent les prisonniers, et les guidèrent à la tente comprenant les armes et les armures. Ces Amazones entreprirent ensuite d’ouvrir le corps de garde, et les Amazones captives déferlèrent dans une partie du camp, tandis que le gros de la Horde pénétra en hurlant dans le camp.
Le Roi fut capturé, ses vassaux en fuite, et on le mena, enchaîné, devant Andromaque. Sa fille, qu’il avait emmené dans le camp, était avec lui.
« Andromaque m’a dit que ce couard s’était fait dessus, et implorait grâce. Moi, j’étais terrorisée, mais déjà plus brave que lui, d’après ce que les sœurs m’ont dit. C’est lui-même qui a suggéré qu’on prenne ma fille en échange de sa vie. Andromaque a accepté ce marché. Autant vous dire qu’à l’époque, j’étais terrorisée. On racontait tant de choses cruelles sur les Amazones... J’ai eu une enfance difficile, éprouvante, rude... C’est un fait, les Amazones sont dures et sévères. On voulait me faire oublier mes origines nobles, à dormir dans de grands lits à baldaquin, à manger des truites et des plats délicieux, à m’apprendre à vivre à la dure, comme une espèce de vagabonde... »
Hélène ne parlait pas avec rancœur. Elle était reconnaissante envers ses sœurs de l’avoir accepté. Elle haussa les épaules.
« J’ai aussi rencontré la chaleur, l’affection, et un amour commun, simple, décomplexé. Ceci a fait de moi la fière guerrière que je suis, dévouée envers sa famille, comme n’importe quelle Amazone se doit de l’être. »
Son pucelage, elle l’avait perdu dès ses treize ans, et avait connu son premier baiser (féminin) à l’âge de neuf ans. Elle ne se pensait pas attirée par les femmes, mais les Amazones lui avait montré le contraire. Elle y repensait avec un léger sourire sur les lèvres. Elle avait même eu l’occasion de coucher avec Andromaque. C’était l’un de ses meilleurs souvenirs.
« Et vous ? C’est quoi, votre histoire ? Qu’est-ce qui peut amener un Ange dans cette ville maudite et abandonnée ? On m’a dit que vous recherchiez également des artefacts religieux... Quelles sont les croyances d’un Ange ? Ou d’un Nephalem, plutôt ? »