Shad accepta de rester ici, et entreprit de se vêtir. Elle avait toujours mal au cul, et la grimace qu’elle fit en s’asseyant sur un canapé fit naturellement sourire le Diablotin, amusé par la situation. Elle avait le cul en chou-fleur, mais sa fierté et son entrain la refusaient visiblement à se reposer dans le beau lit de cette chambre. Tout en s’habillant, elle demanda ainsi des informations supplémentaires sur l’organisation de l’Enfer. Alastar se releva à son tour, son regard se portant furtivement vers une grande armoire dans un coin. Elle abritait des tenues différentes... Des corsets, des guêpières, des
catsuits, des tenues sanglées... Malheureusement, une domestique avait remis les affaires de Shad dans cette pièce, ce qui faisait qu’il ne pouvait pas lui proposer des tenues plus attirantes.
*
Dommage... Cette Terranide ne cesse de vouloir fendre mon pauvre petit cœur fragile...*
Néanmoins, elle lui avait posé une question, et il était de son devoir d’hôte d’y répondre.
«
Suis-moi, Shad... Marcher soulagera ton cul, et je dois te montrer quelque chose pour répondre pleinement à ta question. »
Ils allèrent dans le couloir, et Alastar marcha droit devant lui, sa queue caudale glissant sur le sol. Par le biais de certaines portes parfois entrouvertes, on pouvait entendre des soupirs, des cris. Un œil curieux verrait essentiellement des succubes en train de faire l’amour, soit avec des hommes faisant office d’heureux esclaves, soit avec des femmes... Soit elles se faisaient plaisir, soit elles formaient d’autres succubes, ou couchaient avec quelques clients. Les succubes n’étaient pas que de simples prostituées, elles étaient aussi des démones de Luxure. Concrètement, c’était souvent elles qui passaient par les Plans Intermédiaires pour tenter de jeunes hommes amoureux... Chaque succube avait sa propre affinité. Certaines aimaient bien venir tenter les jeunes amoureux transis persuadés d’être tombés sur l’amour de leur vie, et elles s’amusaient à les tenter, afin de voir s’ils succomberaient à la tentation, ou non. D’autres préféraient les hommes puissants, d’autres préféraient les femmes... Bref, il y avait de tout, et, si certaines tuaient leurs amants en dévorant leurs âmes, d’autres se contentaient juste de les faire souffrir régulièrement, en leur offrant des parties de sexe endiablée, hantant ainsi leurs rêves et leurs fantasmes. Les succubes n’étaient pas des trésors interdits aux humains pour rien.
«
L’Enfer n’est pas qu’un monde, Shad, c’est une dimension exceptionnelle et unique, aussi grande qu’un univers. Tu ne peux pas comprendre le fonctionnement de cette dimension si tu raisonnes sur le même modèle que les Plans Inférieurs. Ici, il n’y a pas de planète, pas de soleil, rien d’autre qu’une immense réalité avec des grottes interminables et gigantesques. »
Il conduisit Shad par un escalier menant à une grande salle confortable, avec des tableaux montrant de superbes succubes. Il y avait de grands fauteuils et canapés en cuir, rouges ou de couleurs chaudes, avec des édredons, des coussins, et une table au centre.
«
Voici le salon familial des Magoa... Chaque tableau que tu vois ici représente les Matriarches successives qui ont dirigé le clan. On en fera un pour Onyxian quand elle sera morte. »
Il la laissa s’asseoir sur l’un des fauteuils.
«
Assieds-toi sur des coussins, ça soulagera la douleur dans ton postérieur. »
De son côté, Alastar continua à parler, en déambulant à droite et à gauche.
«
Jadis, l’Enfer était une anarchie totale, uniquement composée de monstres et de démons formant des clans hybrides et sauvages se battant continuellement dans une atmosphère aride et dure. L’histoire de notre peuple est complexe, car il n’y a pas beaucoup d’écrits datant de cette époque... Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’un démon, différent des autres, a réussi à tous nous unifier, et à nous parler d’une terre plus fertile, plus agréable... Les Plans Intermédiaires. Cet être s’appelait Satan. On le connaît aussi sous le surnom du Diable. Satan a réussi à unifier tous les sauvages clans, et a développé l’Enfer en se plaçant à son sommet, et en envahissant les Plans Intermédiaires. Ceci a donné lieu au Grand Conflit, car nous nous sommes heurtés aux Anges, ces mêmes Anges qui avaient jadis brisé l’équilibre de l’Enfer en scellant les Grands Anciens, et en bouleversant, par ce biais, l’écosystème de l’Enfer... Je ne suis même pas convaincu que notre monde se soit initialement appelé ainsi. Contrairement à ce que les humains pensent, je ne crois pas que nous ayons été créés pour être fondamentalement mauvais et cruels. »
Il se tut un peu, perdu dans ses pensées. Décrire l’Enfer lui prendrait des heures, et il alla donc à l’essentiel :
«
Satan est mort, officiellement tué par Lucifer, un Ange renégat. Lucifer a alors pris sa place en tant que Monarque des Enfers, mais, comme tu peux t’en douter, les choses ne sont pas aussi simples. La structure de l’Enfer démoniaque s’articule autour de différentes notions, comme les Cercles et les Péchés Capitaux. Les Princes Infernaux sont au sommet de leur propre chaîne, et on trouve, pour chaque Péché, un Grand Prince. »
Sept... Nombre parfait et symbole de l’abondance divine. Six était donc par excellence le chiffre de la Bête, le chiffre de l’imperfection. Pourtant, on parlait bien des
Sept Péchés Capitaux. Satan avait perverti ce nombre, en s’efforçant de copier Dieu. Les Sept Péchés Capitaux étaient la structure même des Démons, et avaient été découverts par les hommes par le biais de Saint Augustin. Alastar énuméra donc les Princes représentant les Sept Péchés Capitaux :
- Avarice : Mammon ;
- Colère : Satan ;
- Envie : Léviathan ;
- Gourmandise : Belzébuth ;
- Luxure : Asmodée ;
- Orgueil : Lucifer ;
- Paresse : Belphégor.
Les Sept Princes n’étaient toutefois pas les Princes exclusifs. Le Panthéon démoniaque était un véritable casse-tête chinois :
«
Là où les choses se compliquent, petite Shad, c’est qu’il n’existe pas sept Cercles, mais neuf Cercles... »
Là où les Sept Princes Infernaux étaient une personnification des Péchés Capitaux, les Neuf Cercles de l’Enfer constituaient la carte de ce dernier :
«
Chacun de ces Cercles représente une catégorie précise de personnes qui sont punies en fonction de leurs péchés, chaque Cercle menant au plus grave de tous. Comme tu le vois, la représentation humaine montre les Neuf Cercles comme une sorte de puits qui s’enfonce de plus en plus loin, mais voir les Neuf Cercles ainsi, c’est oublier que la dimension infernale ne fonctionne pas sur les mêmes règles physiques que la vôtre. »
C’était un véritable cours, et le Diablotin continua, en listant chacun des Cercles :
- 1er Cercle : les Limbes. Il s’agissait de l’endroit où on trouvait les personnes non baptisées... Dans la vision catholique et religieuse. Dans une vision plus laïque, les Limbes désignaient juste les âmes errantes venant, suite au jugement dans le Purgatoire, d’être envoyées en Enfer, et qui erraient dans ces régions limitrophes. Aucune autorité ne pouvait prétendre régner sur ces terres, car elles étaient très sauvages, peuplées de monstres, de fantômes ;
- 2ème Cercle : la Luxure, la région de l’Enfer où Alastar et Shad se trouvaient. Les personnes qui avaient été reconnues coupables du Péché de Luxure, comme les violeurs, les pervers, les pédophiles, étaient envoyés ici, et croupissaient dans les bordels interminables de la Luxure, où, comme Shad l’avait vu, ils subissaient des orgies interminables ;
- 3ème Cercle : la Gourmandise ;
- 4ème Cercle : l’Avarice ;
- 5ème Cercle : la Colère, où on trouvait le Styx ;
- 6ème Cercle : les Hérétiques. Le Cercle des Hérétiques abritait essentiellement les individus ayant commis des crimes religieux : fanatiques, Inquisiteurs... À partir de ce Cercle, on entrait dans une autre région du royaume démoniaque, le « Bas-Enfer » ;
- 7ème Cercle : le Cercle de la Violence ;
- 8ème Cercle : le Malebolge, abritant les menteurs et les trompeurs, ceux dont les crimes consistaient à avoir usurpé la confiance des autres, et à les avoir trahis. Concrètement, le Malebolge abritait généralement les prisons infernales ;
- 9ème Cercle : la Traîtrise. Ce Cercle était un immense marais glacé où on disait que sommeillaient ceux qui avaient trahi leurs Nations, les terroristes, les tyrans ayant trahi leurs peuples, et les Anges déchus... C’était le marais glacé de Cocyte, où la température était si basse que nul ne pouvait y aller, et où on disait que Satan sommeillait.
C’était une avalanche de noms, de dates, et de lieux, mais le Diablotin n’avait pas encore fini :
«
Toute la difficulté est que chacun de ces Cercles n’est pas clairement délimité, et qu’ils ne correspondent pas non plus à l’ensemble de la superficie de l’Enfer. Le Malebolge, par exemple, est un Cercle instable, car les prisons infernales se trouvent un peu partout en Enfer, et abritent la grande majorité des âmes qui se trouvent dans les Limbes, et qui sont brisées, broyées, avant d’être envoyées dans leurs Cercles respectifs. Au centre de tous ces Cercles, on trouve Dité, une cité infernale bordée par le Styx, et qui abrite le Palais Infernal, et la demeure de Belzébuth. Belzébuth, vois-tu, n’est pas que l’Avatar de la Gourmandise. Il est aussi le grand responsable de toutes les Légions, et l’un des Quatre Princes Primordiaux, en compagnie de Satan, de Belial, et de Lucifer. »
Il reprit un peu son souffle, et continua :
«
Comme tu le vois, rien n’est simple. Si nous savons qui sont les Princes, selon la classification que l’on choisit, tout varie. Je t’ai présenté celle en fonction des Sept Péchés Capitaux et des Neuf Cercles, car les deux sont liés, mais il existe aussi d’autres classifications, notamment une qui élabore une distinction entre les Quatre Princes Primordiaux et les sous-Princes. Il faut s’y faire... L’Enfer est une dimension anarchique, il est normal qu’il n’y ait pas de réponses simples à une question aussi simple que celle de savoir qui commande dans tout ce foutoir. »
Il se tut à nouveau, et quelques secondes se mirent à passer.
«
Tu comprends pourquoi nous aimons aller sur Terre... C’est moins compliqué... Et ce d’autant plus que chaque Prince aime magnifier sa propre importance, et se faire passer pour plus qu’il n’est réellement. »