Valentin avait été terrible pour elle… Juliette avait aimé cet homme, elle l’avait sincèrement aimé, aimé comme on avait jamais aimé quelqu’un d’autre. Quand il était venu dans sa vie, ça avait été pour elle une sorte de révélation. Juliette avait toujours été une jeune femme effacée, timide, écrasée par le charisme et les talents de ses frères et de ses sœurs. Elle, elle ne savait rien faire, elle faisait toujours honte à sa mère, et avait bien compris que son rôle, dans la vie, serait de ne faire aucune bêtise, et de ne jamais trop déshonorer le nom des Beaumont. Elle était la cinquième roue du carrosse, l’erreur dans la descendance des Beaumont. Juliette n’avait jamais eu la moindre confiance en elle, et, quand Valentin avait commencé à l’aborder sur les bancs de l’académie, elle avait été folle de joie. Les rares personnes s’intéressant à elle voulaient surtout, par son accès, obtenir l’aide financière ou militaire des Beaumont. Valentin, lui, avait été le seul à lui parler d’elle, de Juliette, et non pas de Juliette Beaumont. Il lui avait demandé ce qu’elle aimait, ils avaient visité ensemble le Muséum d’Histoire naturelle, le Palais des Arts, avaient été à l’Opéra ensemble… Valentin aimait la musique, notamment les sons au piano, et était lui-même un bon pianiste. Elle l’avait entendu jouer du piano pour elle, récitant des sonates amoureuses, la faisant rougir. Il n’avait jamais voulu la forcer, et l’avait embrassé à plusieurs reprises… Juliette l’avait aimé, mais… Et bien, comme toute chose en ce monde, le bonheur n’était pas fait pour Juliette. Sa famille avait enquêté sur Valentin, et avait appris que son passé était faux. Il ne s’était rapproché de Juliette que pour obtenir des informations sur les Beaumont.
Parler de Valentin était un coup bas, tout simplement, parce qu’il était l’illustration même de l’échec constant et continuel que représentait Juliette. Une jeune femme incapable d’honorer dignement sa famille, une jeune femme qui ne pouvait rien faire d’autre que des bêtises avec les gens qu’elle croisait. Elle avait été jusqu’à amener l’ennemi dans leur maison ! Elle s’était attendue à ce que Mère la déshérite, et, depuis lors, Juliette faisait tout son possible pour être dans le droit chemin… Mais il fallait se rendre à l’évidence. La seule chose qu’elle avait réussi à faire, c’était à devenir l’esclave d’une autre femme, à lui ouvrir son esprit…
*Il n’y a pas plus idiote que moi, c’est tout… Je ne comprends pas pourquoi ma mère ne m’a pas encore tué, je n’apporte que des ennuis…*
Elle se sermonnait, pleurant sur elle-même, pleurant sur sa bêtise intrinsèque. Une déception, voilà tout ce qu’elle était, tout ce qu’elle avait jamais été. Rien d’autre qu’une déception, un Échec avec un E majuscule. Il n’y avait aucune raison que sa mère lui pardonne ça… Pas après Valentin. Juliette ne savait plus pourquoi elle pleurait vraiment. Pour l’échec de son amour avec Valentin ? Pour l’incapacité qu’elle avait à être heureuse ? Parce que, au fond de sa tête, une petite voix lui disait que, avec Décatis, les choses iraient pareilles ? Pourquoi Maîtresse s’intéresserait-elle à elle, l’idiote de Juliette, si ce n’est pour obtenir des informations sur sa famille ? Juliette ne voyait aucune autre explication !
Et, alors que la jeune femme pleurait, elle sentit un souffle la traverser. Comme une brise, une caresse d’air frais… Mais la fenêtre était fermée. Elle sentit alors des pensées positives l’enlacer, comme une caresse chaude, et reconnut la signature de sa Maîtresse… Puis ce fut comme si elle la vit, flottant dans les airs.
« Maî… Maîtresse ? »
C’était bel et bien elle… Et elle lui demanda de se calmer, en lui révélant ce qui se passait. Juliette soupira, puis, en se pinçant les lèvres, lui parla de Valentin… Car elle ne pouvait rien lui cacher. Elle lui expliqua donc qui était Valentin, à savoir son premier amour, quelqu’un qu’elle avait sincèrement aimé, mais qui l’avait trompé.
« J’ai cru que ma famille l’avait tué, mais… Il est toujours en vie. On… On m’a menti, et… Oh, Maîtresse, j’ai peur, si peur… »
Elle n’osait pas le dire, mais ses pensées parlaient pour elle. Juliette aimait sincèrement et profondément sa Maîtresse, mais elle avait du mal à croire que cette dernière puisse l’aimer… Comment pourrait-on l’aimer ? En ce moment, Juliette était en plein doute d’elle-même, et, par conséquent, elle en devenait suspicieuse, méfiante… Mais elle tenait trop à sa Maîtresse pour l’avouer à voix haute.