"Le monde est trop grand pour moi, maman.
- Alors rapetisse le ! Imagine que c'est une grande île. Tu l'as vois...?
- Ouais. Je la vois."
J'me réveille alors sur ses paroles.
Je quitte ce rêve pour cette réalité. Je quitte la ferme de mes parents pour cette chambre qui même malgré son confort n'est pas aussi chaleureuse que je le voudrais. Elle me renvoie à ma propre solitude. On aimerait que ça s'arrête, mais on peut pas. Juste, subir. En me relevant doucement, j'pouvais voir à la fenêtre qu'il était encore très tôt; l'émergences des premiers rayons caressent à peine la fenêtre de la pièce. Evidemment, j'pète la forme, même si j'avais pas dormi une seule minute. J'ai appris à dormir par habitude. Plutôt compliqué quand j'étais gosse, mais maintenant, j'en profite pour plonger dans mes songes les plus doux. Mon corps se repose peut-être pas ou ne ressens rien, mais mon esprit, lui, médite et profite de ce créneau pour se requinquer.
Le lit grince, les lattes couinent, et mes deux pieds trouvent le sol avant de prendre la direction de ladite malle pour chercher des fringues potables. J'trouve sans mal, un pantalon bleu marine, l'équivalent d'un t-shirt gris moulant, des chaussettes épaisses et une paire de chaussure de marche à ma pointure. En allant me débarbouiller la gueule à la salle d'eau, je me remets en mémoire la dernière conversation avec Lied. Putain, c'était pas joli. J'essaie de me rassurer, me dire qu'elle a peut-être comprit et que mine de rien ce n'est pas un argument pour me refoutre en taule. Enfin, j'crois. Dans tout les cas, j'oserai jamais faire une chose pareille malgré la difficulté qui m'attends.
La maison est silencieuse. J'entendais mes respirations raisonner dans le couloir mais aussi d'une occupante dans la chambre, j'suppose que c'est Mueller qui doit encore roncher et elle en a bien besoin, elle a donné beaucoup de sa personne ces derniers jours seulement pour moi et elle a droit au plus grand repos. Elle avait parlé d'une console de jeux dans le salon, alors j'me dis que geeker en déjeunant vite fait reste un bon programme. Mais c'était avant de remarquer ce papelard à côté d'une ripaille qui s'étale sur la table. J'pourrais tout descendre tout seul. C'est pour moi ?
Un coup de fil à passer. Sylphe ? Elle doit déjà être partie. J'compose alors directement le numéro et pose l'appareil sur la table. Ca attend pas longtemps et voilà qu'une nana se déploie holographiquement. J'ai cru voir Lied pendant une seconde. Mais non, ça n'a pas l'air et c'est après les présentations que j'pige que c'est sa soeur ? Mais pourquoi elle m'a demandé de l'appeler ? J'vais pas tarder à le découvrir, et va m'étirer une tête assez agacée.
« Alors monsieur le colosse, comme ça, on a la trique un peu trop souvent ? Ca doit pas être simple de se trimballer un manche toute la journée, j'comprends j'comprends. Bon, déjà, est-ce que t'as des défauts érectiles, malformation du prépuce, frein trop court ou... ? Hé, tu m'écoutes ? A poils ! »
J'hausse un sourcil. Les nerfs montent, et faute de mieux, faire exploser la maison ne va pas plus me détendre. Oublions la déontologie médicale, les confidences entre amis avec Mueller, tout ça n'existe pas visiblement. J'sais pas si je me sens trahis ou pas, mais une chose est sûre, je sais que j'vais devoir faire gaffe au prochaines confidences qui vont sortir de ma bouche. J'déglutis, échappant une expiration las et commence le déshabillage. Elle ne verra pas grand chose de plus qu'un homme classique si on omet les 2m20 et les 180 kilos qui se promènent un peu partout sur mon corps, muscles roulant sous une peau épaisse et velues à certains endroits.
Une énième fois où j'me fous à poils contre ma volonté, mais y parait qu'elle comprend, hein ? Commence alors l'interrogatoire sur mes antécédents, des réponses négatives qui s'enchaînent; que ça soit sur le gluten, le lactose, les graminées ou bien le béton d'un building traversé de part en part. Son regard intrusif ira plus loin sur l'analyse de mon pénis, j'veux pas assister à se spectacle alors je ferme les yeux, et attends que ça passe. Un œil s'ouvrira quand ça fait du bruit derrière la porte.
« Bon, je pense que tu devrais t'en sortir. Si jamais, tu trouveras quelques cachets qui pourront t'aider à te détendre et ne plus penser à ça. Et quelques anti-douleurs, aussi. C'est essentiel quand on rencontre Belphy et June. Surtout les deux en même temps. Bonnes vacances ! »
Anti-douleur ? Qu'est-ce qu'on va encore me faire ici ? J'réponds d'un signe de tête par dépit et ne patiente pas la fin de la transmission pour me rhabiller. J'avais envie de pulvériser un millier de choses. Mais est-ce que ce n'est pas un mal nécessaire ? Il n’y a pas beaucoup de gens qui savent ce que c’est, d’avoir la rage dans les veines. Enfin, ils comprennent, tout le monde comprend, au départ. Puis ils demandent au p’tit enragé un truc dont il se sent incapable, tourner la page. Personne comprend. Encore moins une nana qui pense être dans ma tête en voulant savoir ce que j'bouffe le midi ou s'il y a une tâche de naissance sur mes testicules, ou bien si ma queue est un peu trop courbé de cinq degrés.
Belphy et June... Deux donzelles dangereuses y parait. Alors on va rester méfiant. Lied arrive sur mes dernières pensées. J'reste interdit à ses dires, même si sa petite voix douce et adorable proclame le prétexte d'une profonde bienveillance pour me faire gober des cachetons, j'ai quand même du mal à digérer la pilule. Parce que je n'arrive pas à admettre que j'ai un problème ? Possible. Mais surtout que j'aimerai que les choses se fassent convenablement pour une fois. Un flingue sur la tempe tout les jours, sans demander mon avis.
"Bonnes vacances" ? Mon cul.
La sénatrice revient avec une tasse chaude d'un parfum revigorant d'un café qui a l'air de faire beaucoup de bien. Qu'est-ce que j'veux faire ? Hm...
-
Eh bien, j'vais commencer ce déjeuner. Et ensuite, pendant tes deux heures j'irai me dégourdir les jambes. En attendant, j'veux bien que tu me parles de ton pays. Je sais que tu es sénatrice, mais encore ? Et qui sont Belphy et June ?Ma voix était ferme, rauque et ne traduisait pas une quelconque négociation. J'ai le droit d'avoir des réponses. Attendant la sienne, j'ouvre la porte et saisis le colis au sol. Déchirant le carton, plusieurs boites blanches sans noms génériques dessus. Des pilules. Tant qu'à faire, autant gober et tester. Mon organisme éliminera le problème si c'est mortel pour le commun terrien.
Et vous allez pas me croire mais... Mais on dirait que Lied est devenu d'un coup...
... Moins belle ?