Allez, encore une.
J'porte une énième poutre en métal qui finira sur un tas de poutres en métal pour la énième fois cette semaine. La construction d'un nouveau building lancé depuis quelques temps, j'ai été engagé à la maçonnerie pour les manipulations de force. Bizarrement j'assiste les véhicules qui sont censés prendre ma place. Mais ça va plus vite au moins, et puis, j'suis mieux payé qu'un salaire classique.
Seulement, le boulot est très binaire. Porte et pose. Porte et pose. Porte et...Bon, vous avez compris. Rien de transcendant. A ce moment, on est pas vraiment présent, nos gestes son mécaniques malgré les muscles qui travaillent. Le regard flouté, dans une sorte d'hypnose qu'on pourrait avoir quand on est au volant de sa bagnole pour rentrer chez soi. L'avantage d'être presque inépuisable, c'est de pas vivre les tourments physiques des terriens qui dégustent beaucoup, à l'usure du job. Mais comme moi, ils n'ont pas le choix.
On doit bouffer.
Dans mon état, j'regarde pas vraiment l'heure, seulement en train de broyer du noir. Pensant aux paroles de mon père biologique, qui doit être bien déçu de me voir faire ça. N'ayant aucun sens à ce que j'fais, ne compter pour personne, ne pouvoir aider personne. Du moins, pas à grande échelle. Est-ce que j'devrai m'en contenter? Hm, possible.
- Héraclès !
J'devrais pouvoir sourire alors, mais j'y arrive pas.
- Héra, merde !
-
Hm ? J'cligne des yeux à plusieurs reprises, comme pour retrouver un ancrage sur terre. Yashida mon patron de chantier qui me fait un signe de la main pour dire que c'est la fin de journée. Alors que j'suis sur mon tas de métal qui doit maintenant peser une centaine de tonnes. Une bonne journée de faite.
-
J'arrive. J'marche en trainant des pieds vers la sortie du chantier, des tapes amicales entre les collègues pour se féliciter du boulot. Le patron m'interpelle une main sur le torse.
- Héra, t'as encore oublié ton casque.
-
Désolé, m'sieur, c'est pas un réflexe. - Même si ton crâne ne risque rien, les autres c'est pas le cas. Je vais devoir prendre des dispositions sinon, et je sais que tu as besoin de ce travail.
J'le retire de mon harnais pour le foutre sur la tête, étirant un sourire timide.
- Allez, champion, demain même heure, avec ce truc sur la trogne.
-
Bien compris patron.On se dit tous aurevoir, on me propose de boire un café pour conclure cette journée, mais pas envie. J'refuse poliment pour prendre le chemin du retour. En m'envolant? Non pas cette fois, j'aimerai rester sur le plancher des vaches et marcher peinard sans prendre le risque de me prendre un oiseau par manque d'attention. Les mains dans les poches, une tenue de travail souillé par les gravas, le sable, la terre, la rouille et la peinture, sans oublier une sueur de mâle piquante pour le nez traduite par une gueule tout aussi dégueulasse, j'deviens un vrai répulsif pour les gens que j'croise sur mon trottoir. J'ai l'habitude de prendre une venelle qui est un p'tit raccourci pour aller plus vite à mon studio. Pianotant sur mon téléphone, j'fais pas trop attention ou est-ce que j'vais évidemment. De toute façon qu'est-ce qui m'attends...?
Et bien, j'm'attendais à tout, sauf ce flash blanc qui m'aveugle. J'crois même perdre connaissance dans un blackout.
Le bruit du vent me réveille alors que j'suis à ... Des centaines de mètres de haut ?! J'arrive en fendant l'air à une vitesse croissante, filant comme un boulet de canon vers le sol. Un sol qui se précise, on dirait une métropole, futuriste. Bordel, j'suis en train de rêver ?! J'vais trop vite, beaucoup trop vite, mon corps est comme paralysé parce qu'il voit, impossible d'utiliser mon don pour voler, mes yeux s'écarquillent à la vue d'un bâtiment qui grossit bien trop vite devant moi.
Merde, trop tard.
J'vois un mur, puis un sol, puis un mur, un autre sol, un bureau, des papiers, une salle de bain avant de traverser un autre mur que j'me retrouve de l'autre côté avant de voir un parc qui m'annonce le terminus.
Boom.
Dans un fracas, la collision avec le sol sonne comme un coup de tonnerre. Deuxième blackout. J'ouvre difficilement les yeux, essaie de chercher des blessures, mais rien. Juste avec encore plus de terre, de béton, de gravas sur le corps, habillé de vêtement déchiré de haut en bas. Le cratère a une circonférence d'une bonne dizaine de mètres alors que j'vois la lumière des sirènes. Montant difficilement, j'parviens à me hisser jusqu'au replat. Mais plusieurs canons seront pointés sur moi.
- Sortez de ce trou, les mains derrière la tête !
Une voix féminine. J'relève la tête, et c'est une floppée de paires de jambes, aussi sculptées les unes que les autres dans une cacophonie d'ordres qui me sont destiné, j'ai du mal à tout comprendre. En faite, j'comprends que dalle.
-
Où est-ce qu'on est...Une matraque part sur mon crâne, le métal se plie sous les regards ahurit dans cette auditoire dépourvus...D'homme ? Mais visiblement celle qui est en tête de groupe sort une pierre qui m'envoie une vague bizarre dans mon corps avant qu'un coup de cross me dévisse la tête. Les genoux au sol, des menottes dans un archétypes futuristes scellent mes bras en croix contre le torse alors que j'entends des espèces de fusils plasmiques charger devant moi. J'regarde derrière moi... Un énorme trou béant orne le building que j'viens de traverser et autour de moi, c'est un immense public apeuré qui me méprise du regard... Merde, j'ai fais du mal...? Le canon dans le creux de mon dos, on me fout dans un véhicule blindé prenant une direction encore inconnue... Mais qui n'a pas l'air commode.
***
J'essaie encore de m'approcher de la sortie de la cellule, j'reprends une autre décharge qui m'expulse contre un mur. C'est bien la première fois que j'ressens autant de douleur... Ils ont pris...
...Mes pouvoirs?
Deux gardes à l'entrée se tapent une marrade alors que mes traits se durcissent.
-
Où suis-je ? - Bienvenu à Tekhos, misérable mâle.
Tekhos... Je ne suis plus sur terre. Alors je suis seul. Comment j'ai pu finir ici ?
... Comment j'vais sortir de là..?