Une rencontre plutôt inattendue (PV Les Amazones)

Le voyage vers le camp se passa sans anicroche. Acté menait la marche, et Hélène la fermait, Calypso au milieu. La jeune Amazone avait toujours aussi honte de son comportement, et regardait ses pieds en avançant lentement. Elle avait réussi à ne pas pleurer, et se félicitait au moins de ça, mais elle doutait d’arriver à faire mieux. Une véritable Amazone aurait hurlé contre Acté, lui aurait répliqué qu’elle n’avait pas le droit de lui parler ainsi, et l’aurait probablement défié en duel... Mais Calpso n’était pas une guerrière. ERlle n’était qu’une guérisseuse, et, quand bien même toutes les Amazones étaient égales entre elles aux yeux de la Déesse-mère, certaines l’étaient toujours plus que d’autres. La Horde fonctionnait selon un système de castes, au sein de laquelle la caste des guerrières était la plus dominante. Acté en était le bon exemple. Fière et courageuse, l’Amazone ne se laissait pas faire, et était l’une des guerrières les plus puissantes. Calypso avait été flattée de faire une mission en la compagnie de la brave Acté, mais elle avait échoué... Elle n’avait qu’une seule envie : retrouver Ladé, et se perdre dans ses bras. La puissante chamane était plus conciliante que les guerrières, et était la confidente de Calypso.

Après plusieurs heures, le groupe atteignit le camp, qui, comme Acté l’avait dit, se trouvait autour d’un grand oasis, au milieu de palmiers, de buissons, et d’un grand point d’eau où les troupeaux des Amazones, qu’elles utilisaient pour manger, se reposaient. Les chevaux broutaient, et les brahmanes, qui portaient généralement les tentes et le matériel des Amazones, se reposaient également. Les jeunes filles étaient baignées dans le lac en même temps que les Amazones, le tout dans une ambiance très sensuelle. Bien des Amazones étaient ainsi, sans la moindre forme de gêne, nues. Les trois Amazones approchèrent des sentinelles, qui, naturellement, furent surprises de voir un homme. Un prisonnier ? Non, il n’avait aucune chaîne.

« Cet homme est sous ma protection. C’est un homme de foi et un prêtre. »

Les belles sentinelles hochèrent la tête.

« Tu connais nos lois, Sœur Calypso. Il faut que ton mâle aille obtenir le droit de séjourner ici auprès de notre grande Reine Andromaque.
 -  Je le sais, ma Sœur. Mais, avant cela, je me dois d’aller prier auprès de la statue de la Déesse-mère. »

Les sentinelles hochèrent la tête. Acté et Hélène étaient également parties prier, car la Horde était très pieuse. Elles s’agenouillèrent devant l’autel de la Déesse-mère, joignant les mains en priant silencieusement. L’autel comprenait des offrandes, mais aussi quelques statues à l’effigie de la Déesse-mère. Calypso se rapprocha, et vint également prier devant la Déesse-mère, formulant une rapide mélopée en joignant solidement ses mains, dans une véritable position de dévote, tandis qu’Acté se redressait, et s’écartait.

« Ô Déesse-mère, grande et noble Déesse-mère, je t’implore pour me partager un peu de ta Force... Car j’ai failli aujourd’hui, piètre mortelle que je suis... J’implore ton Courage et ta Noblesse, que les exemples de nos Saintes puissent m’inspirer... »

Calypso continua ainsi à prier, et se permit de laisser libre cours à ses larmes, car, devant la Déesse-mère, il ne fallait rien cacher. Calypso était l’une des Amazones les plus ferventes, et elle resta ainsi pendant près d’un quart d’heure, prononçant plusieurs prières improvisées. Contrairement à la religion de l’Ordre, il n’y avait pas de prières pré-faites, et Calypso finit par se redresser. Ses larmes étaient séchées, et elle se retourna, faisant face au Père.

« Je vais vous conduire à notre Reine. Elle seule pourra décider si vous pouvez rester ici ou non. »

Calypso se mit à avancer, et ne tarda pas à être abordée par les petites sœurs, de jeunes filles qui étaient presque nues, et qui la saluèrent. Calypso eut un sourire. Les filles l’aimaient bien, car elle les soignait, et était très douce et très gentille avec elles.

« Où se trouve la Reine Andromaque, mes chères sœurs ? s’enquit Calypso.
 -  Je vais te mener à elle ! »

Calypso eut un sourire, et la jeune Amazone se mit à courir rapidement, filant entre plusieurs petites tentes et des groupes d’Amazones, qui vaquaient à leurs occupations. Brosser les plus jeunes, leur apprendre à se battre, ou travailler les peaux, réparer les armures. Elles jetaient des regards curieux vers le mâle. La petite Amazone conduisit Calypso à la Reine Andromaque, qui se trouvait dans une tente. Calypso s’entra, et vit que la Reine était dans l’armurerie, et discutait avec une Amazone. Calypso resta poliment sur le palier, jusqu’à ce qu’Andromaque remarque leur présence... Et celle de l’homme.

« On m’a rapporté que tu avais offert l’hospitalité à un homme, Calypso...
 -  Oui, ma Reine...
 -  Et aussi que tu avais fait preuve de faiblesse... »

Calypso rougit, et baissa les yeux, mais elle savait que se taire ne ferait qu’agacer Andromaque. Partant de là, elle releva donc la tête, et hocha la tête.

« Oui, ma Reine...
 -  Nous en discuterons plus tard. »

La Reine darda ensuite son attention sur le Père Carmody, et se mit à parler :

« Comme vous avez du le remarquer, homme, la Horde est essentiellement féminine. On dit que vous êtes homme de foi. J’espère que votre motivation n’est pas d’insinuer le doute dans la foi de mes Amazones, mais que c’est simplement la soif de connaissance et la curiosité qui vous ont conduits ici. »

Carmody remarqua que Calypso semblait honteuse, baissant la tête et ne disant pas un mot de tout le voyage. Une fois arrivé au camp, Calypso expliqua aux sentinelles qui vinrent à leurs rencontre, la présence de l'homme en question. Il fallait apparemment obtenir l'aval de la chef du clan, dénommé Andromaque.

il laissa les amazones allait prier prés de l'autel, Calypso restant un peu plus longtemps. Il observa la scène avec attention. En observant autour de lui, il ne vit pas un seul homme et il comprenait des lors pourquoi les amazones devait demander l'autorisation à leur reine. Quand Calypso revint, il vit immédiatement que quelque chose n'allait pas, mais il préféra se taire.

- Bien dans ce cas , je vous suis...

Il suivit la jeune amazone, accompagné de jeunes filles qui les menèrent à l’intérieur d'une tente plus conséquente que les autres. Il s'agissait d'un véritable atelier de forgeron. Des établis, meules en pierre et atelier de tannage étaient disposé à l’intérieur et plusieurs tables ou se trouvait disposé plusieurs pièces d'armures ainsi que des armes se trouvaient au milieu de la pièce.

Une amazone, aux traits plus marqués et à l'allure plus mature leur adressa la parole. Carmody comprit qu'il avait affaire à la reine et il s'inclina en signe de respect, laissant Calypso prendre la parole. Il ne répondit qu'une fois, que la reine le lui autorisa.

- Je ne suis qu'un exorciste et non un inquisiteur ou un missionnaire en mission. Étant l'invité au sein de votre clan, je ne me permettrais pas de  d'agir dans ce sens. Je respecte les autres croyances bien que vous puissiez croire le contraire, je sais que nombre de mes semblables ne le font pas et j'en suis attristé.

- Toute croyance à ses fondements et ses raisons d'exister, qui font la force et l'identité d'une culture.

Il laissa un temps de pause avant de reprendre la parole.

- Je serais curieux, en effet de savoir comment votre société fonctionne et comment elle s'organise, si vous m'y autorisez bien sur. Dans d'autres cas, je partirais sans vous en vouloir si vous jugez ma présence inopportune, cela je le comprendrais.

Quand il reviendrait au sein du quartier général de l'ordre, il lui faudrait rester discret sur sa rencontre avec ce peuple, certains de ses confrères ou consœurs n'étaient pas aussi tolérants.

Bras croisés, Andromaque l’écouta parler. Elle se méfiait, et à juste titre, des envoyés de l’Ordre. En tant que Reine amazone, elle en savait un peu plus que ses sœurs sur le monde de l’extérieur, et savait que la religion de l’Ordre n’aimait pas les autres religions, qu’elle considérait comme hérétiques. La statue de la Déesse-mère serait pour ces religieux une forme d’idolâtrie à condamner, ce qui était assez curieux, dans la mesure où l’Ordre avait lui-même ses idoles, que ce soit la croix, ou le Christ. Mais, en matière de religion, surtout celle prônant un Dieu unique, on n’était pas à quelques contradictions près. Le Père assura Andromaque qu’il n’était pas un missionnaire ou un Inquisiteur, mais qu’il appartenait à d’autres ordres religieux. Il était exorciste, plus tolérant, et voulait simplement se renseigner. Andromaque hésita brièvement. Si l’homme était venu tout seul, elle l’aurait probablement chassé, mais Calypso, une Amazone, s’était portée garante. Dès lors, la coutume exigeait, pour faire partir un inopportun, soit un motif légitime, soit que l’Amazone en question cesse de le protéger. La Reine amazone n’aimait pas trop les hommes, et l’Ordre en était en partie responsable. L’Ordre était une religion essentiellement masculine, qui prônait la supériorité d’un Dieu unique masculin, et qui, de manière générale, n’aimait pas trop les femmes. La Déesse-mère des Amazones était une femme, et ceci expliquait pourquoi les mâles n’étaient pas bien perçus au sein de ce peuple très féministe.

La Reine finit par hocher la tête, sa décision prise. Après tout, la Horde allait encore rester un peu ici. Elles avaient traversé une partie d’un désert, et ce voyage avait été très éprouvant pour la plupart des jeunes Amazones et des ouvrières. La compagnie d’un homme n’était pas en soi dérangeant, tant qu’il respectait la coutume.

« Très bien, Père Carmody. Vous pouvez séjourner au sein de la Horde, et découvrir notre culture. Vous quitterez la Horde lorsque nous nous remettrons en route, conformément à ce que la coutume prescrit. Et, toujours en fonction de ce que la coutume décide, notre sœur Calypso vous guidera, et répondra à vos questions, puisqu’elle s’est portée garante de votre personne. »

La Reine avait tranché. Il était possible que le Père soit une espèce d’espion, mais Andromaque n’y croyait pas. L’Ordre devrait envoyer une armée pour venir à bout des Amazones, et se battre dans un désert n’était clairement pas une stratégie efficace. Ayant rendu son verdict, Andromaque hocha la tête, et Calypso acquiesça. La Reine devrait lui reparler plus tard de son comportement face aux coyotes, mais elle ne voulait pas l’opprimer encore plus. Il suffisait de voir le regard de la jeune Calypso pour réaliser qu’elle se sermonnait déjà elle-même de son attitude. Andromaque les congédia, et Calypso sortit, en croisant les bras. Elle savait que la Reine lui offrait une chance de se racheter avec cet homme, et elle était bien décidée à ne pas refaire d’erreurs.

« Très bien... Les Amazones effectuent couramment des patrouilles dans les environs, et, d’après ce que je sais, une patrouille va partir demain pour explorer des ruines... Vous pouvez aller voir Sélène, la fille de notre Reine. Elle se trouve près de l’arène, et sera responsable de cette expédition. D’après ce que je sais, on craint qu’il y ait des sources démoniaques dans les ruines... »

Calypso parlait d’un ton doux mais non moins précipité, et parla encore :

« Si vous voulez en savoir plus sur nos connaissances magiques, Mythilène se fera une joie de vous renseigner. Elle doit se trouver dans la tente médicale, près du point d’eau. Et, si vous avez des questions sur nos coutumes, je pourrais certainement vous répondre. »

Calypso devait accessoirement aller à la tente médicale, afin d’y rendre les ingrédients dont elle avait. Mais il revenait au Père de choisir où il voulait se rendre. Comme il était un exorciste, explorer des ruines où on soupçonnait une présence démoniaque pouvait sans doute l’intéresser... Calypso, quant à elle, était cultivée et intelligente, mais il n’existait aucun document légal, ou manuel historique sérieux, au sein du peuple. C’était une culture orale, les rites et les coutumes se transmettant de générations en générations. Mythilène s’était chargée de l’éducation de Calypso, ce qui était un grand honneur, connaissant la réputation de la puissante magicienne au sein de la Horde.

Après avoir fini ses explications, Carmody attendit la décision de la reine, qui après avoir réfléchi accepta de l'accueillir. Il savait qu'il devrait respecter les préceptes et les coutumes de la horde, pour cela, la jeune amazone qui l'avait invité lui servirait de guide. Le prêtre salua la reine, la remerciant pour son accueil.

- Merci de votre accueil...

Carmody et calypso sortirent ensuite de la tente avant que la jeune femme ne lui explique, un peu le fonctionnement de la horde en question. Il avait le choix entre allé rencontrer une certaine Séléné, fille de la reine qui devait partir le lendemain en patrouille avec d'autres amazones au sein de ruines abandonnées ou partir se rendre chez la la chamane en chef.

- Eh bien, pour commencer, j'aurais besoin de certains ingrédients pour confectionner des potions, c'est pourquoi, rencontrer en premier lieu votre consœur Mythiléne. Une fois cela accompli, je serais ravi de faire parti de la patrouille, je pense que j'aurais quelques ustensiles et sorts qui pourraient s'avérer très utiles pour ce périple.

En effet, Il commençait à être a cours de potions, la mission qu'il avait effectué il y a quelques jours ayant demandé pas mal de potions en tous genres. Des besoins qu'il avait sous estimé d'ailleurs. Entre les potions de soins léger, le sel, les potions de protections, de dés envoutement ou encore de perception d'aura démoniaque, il devait faire le plein.

- Ne vous inquiétez pas, j'ai de quoi payer, au pire j'ai des objets de grande valeur si la  monnaie n'est pas suffisante.

Il regarda dans sa sacoche, constatant le manque cruel d'ingrédients qui lui restait.

- Pardonnez ma curiosité, mais je ne vois pas de garçon au sein des enfants. Que faites vous des nouveaux nés de sexe mâle, je suppose que vous ne les gardez pas au sein de votre clan ?

Il grimaça un instant, ressentant une douleur au niveau du coté gauche, la ou se situait sa blessure. Il avait peut être des côtes cassés, en fait il n'avait pas vérifier. Il constata soudain qu'une tâche de sang ornait sa veste, recouvert par son lourd manteau de cuir. Il passa sa main dessus, avant de regarder sa main taché de sang.

- Je crois que je vais devoir refaire mon bandage...

Cela tombait bien, ils arrivaient prés de la tente de la chamane, une tente plus grande que les autres. Divers totems et objets tribaux entouraient l'entrée de cette dernière. A l’intérieur, il y avait plusieurs tables en bois recouverts de divers ingrédients et potions ainsi qu'un foyer au milieu de la tente. Une femme, au visage arborant des peintures de cérémonie, les vit entrait et vint à leur rencontre. Elle devait elle aussi être plus âgé que les autres amazones. Le prêtre la salua avec respect, avant de laisser la jeune amazone prendre la parole.

Suite à la demande du Père, le duo se mit en marche vers la tente de Mythilène. Calypso ignorait si la Chamane accepterait de vendre ses réserves médicales, dont la Horde avait grandement besoin pour soigner les nombreuses Amazones. Mythilène manquait de matériel médical. La Horde comprenait des centaines et des centaines de femmes ; c’était un véritable peuple, et il y avait constamment des soins à faire, ce que ce soit contre des blessures physiques, ou contre des maladies. Calypso garda ses réflexions pour elle, ne voulant pas décevoir le Père. L’or n’était pas quelque chose dont les Amazones avaient foncièrement besoin. Les caisses étaient souvent pleines, et, quand on avait besoin d’or, il suffisait d’aller faire quelques pillages. Généralement, les villageois préféraient payer des tributs, plutôt que de se faire attaquer. Calypso songeait à tout cela lorsque le Père lui posa une question concernant le sort des enfants mâles. Calypso pinça ses lèvres, et répondit rapidement :

« Jadis, la Horde abandonnait les enfants masculins dans le désert, mais, depuis lors, nous influons sur la grossesse des mères, à l’aide de plantes et de potions, pour nous assurer que le sexe de l’enfant sera féminin. Cependant, il arrive parfois que des complications nous empêchent de contrôler le sexe de l’enfant. Dans ce cas, si l’enfant qui naît est un homme, selon l’origine de la mère, soit il sera exclu de la Horde avec elle, soit il sera délaissé à un orphelinat. »

C’était sévère, mais c’était ainsi. La Horde, quand il s’agissait d’exclure une femme, choisissait de la renvoyer à son lieu natal, en envoyant une escouade d’Amazones sur place. Cependant, ce cas était très rare. Généralement, les femmes qui avaient été enlevées ne désiraient pas revenir chez elles. Elles quittaient souvent une vie de misère et de souffrance, où elles étaient des boucs-émissaires, ou des femmes promises à un mariage politique sans amour avec des hommes violents. Une fois un certain temps d’adaptation passé, les femmes incorporées à la Horde appréciaient cette vie de liberté et de vagabondage. On marchait beaucoup, mais rien ne pouvait retenir la Horde. C’était une immense famille, solitaire, xénophobe. Y entrer était difficile, douloureux, mais, une fois qu’on y était admise, on était sûre d’entrer dans une famille loyale et fidèle, où on pouvait compter sur chaque membre. La Horde n’avait pas une philosophie individualiste, mais plutôt collective. Le groupe prédominait sur l’individu, et se sacrifier pour la Horde était, pour les Amazones, la seule et unique façon de mourir qui soit acceptable.

Pendant ce temps, une blessure se rouvrait chez le Père, et Calypso fronça les sourcils en le voyant ainsi. Elle ne dit rien, car la blessre, vu le regard de l’homme, ne sembla pas très profonde... Mais il saignait malgré tout. Calypso ne lui en parla pas, car ils approchaient alors de la tente médicale.

« Nous y sommes. »

Mythilène était là, aidant visiblement de petites filles à ranger les produits médicaux. Il y avait une femme allongée dans un lit, et une autre qui était soignée par une autre fille, qui veillait à son bandage. C’était une guerrière qui avait été blessée lors d’une patrouille contre une créature du désert. La petite sœur avait appliqué une pommade sur sa blessure, puis remettait le bandage. Pour les jeunes filles, travailler pour Mythilène était un honneur et une fierté, car elles pouvaient côtoyer les puissantes guerrières. En voyant les deux visiteurs, Myhtilène se retourna, et s’avança vers eux.

« Voici les provisions, Sœur Mythilène. »

Myhtilène hocha la tête, et un fantôme de sourire vint éclairer son visage dur.

« Bravo, Calypso... Qui est donc cet homme blessé ? »

Calypso lui présenta rapidement le Père Carmody, lui expliquant qu’elle l’avait trouvé, avec Acté et Hélène, en revenant vers le camp. Andromaque l’avait autorisé à rester ici, et Mythilène la crut sur parole. Inutile d’aller demander confirmation à Andromaque, aucune Amazone ne s’autorisait à usurper la parole de la Reine... Ou très peu, en tout cas. Quoiqu’il en soit, Mythilène regarda le Père.

« Mes serments m’obligent à signer n’importe quelle personne, et je crois que vous avez besoin de soins... Asseyez-vous sur cette table, et déshabillez-vous, que je puisse examiner votre blessure. Calypso, sois gentille, et range le matériel que tu as ramené.
 -  Oui, ma sœur. »

La jeune femme lui expliqua la raison de l'absence de mâles au sein de la communauté, ce qui confirma ses dires. Il comprenait en parti leurs raisonnement, même si cette méthode était plutôt sévère, mais il n'avait aucun droit de les juger.

A l’intérieur de la tente, Carmody remarqua que plusieurs amazones étaient présente, certaines assises sur des lits d'autres qui semblaient plus mal en point, étaient couché et se reposaient. Il était un peu embêté de donner plus de boulots à la guérisseuse qui semblait déjà assez occupé comme cela. Il s'en serait presque voulu de s'imposer de la sorte. Cependant, le ton sec qu'elle employa lui indiquait de ne pas la contrarier et il ne voulait pas se faire mal voir, à peine arriver.

- Désolé de vous donner plus de boulots, vous semblez déjà bien occupé...

Il s'assit à la place indiqué, avant de retirer son manteau a coté de lui, avec son chapeau, son sac a dos et sa sacoche ainsi que ses armes. Il enleva ensuite sa veste et sa chemise à manches longues se retrouvant torse nu. Il sentaient que ses muscles tiraient sur le coté gauche. une tâche rougeâtre imprégnait le bandage qui recouvrait sa blessure au niveau du flanc gauche. Il en profita pour regarder sa blessure à l'épaule droite qui ne s'était semble t il pas rouvert. Les autres estafilades avaient presque cicatrisé.

- Ce n'est pas grand chose, sans doute un mouvement un peu brusque.

La guérisseuse ne semblait pas gêné par la semi nudité du prêtre, tout le contraire de sa jeune consœur qui rougissait, presque a vue d’œil, ce qui arracha un sourire au prêtre. Sans doute la première fois, qu'elle voyait le corps d'un homme.

" Et moi qui pensait essayer de passer inaperçu, c'est raté. De toute façon cela l'était à partir du moment ou je suis arrivé ici ."

Regardant autour de lui, pendant que la guérisseuse s'occupait de lui, il en profita pour voir quels étaient les herbes et ingrédients que la chamane utilisait. Il en reconnut quelques uns : des champignons de Namira, des racines de saule, de la mousse de sous bois, des fleurs de lion. Il dut rebuter sur certains, ne sachant pas trop ce que c'était. Il y avait également des ingrédients un peu plus exotiques et plus rares. Il avait lui même quelques ingrédients rares qu'il pourrait céder, n'en n'ayant aucune utilité. En fait la plupart des composants dont il avait besoin se trouvait être assez commun, il fallait juste en connaître le dosage exact pour en faire une potion efficace.

La guérisseuse semblait être plus conciliante et surtout plus diplomate avec la jeune amazone, tout le contraire des guerrières, apparemment. Il y avait la surement, tout un système de castes et de hiérarchie à respecter scrupuleusement, comme dans toutes société tribale.

Mythilène se contenta d’hausser imperceptiblement les sourcils. C’était son devoir, tout simplement. Elle n’allait pas se plaindre d’avoir une surcharge de travail, car elle était Amazone. Tout ce qu’elle faisait, elle le faisait pour la Horde. Au contraire, elle se plaindrait si personne ne venait la voir. Au sein de la Horde, l’important était de se sentir insérée dans la société, d’avoir l’impression d’être utile, de contribuer à sa puissance. Le Père se déshabilla entre-temps, exhibant son torse nu. La Chamane ne fut nullement surprise, mais il en fut très différent pour Calypso, qui rougit, et tourna la tête. C’était en effet la première fois qu’elle voyait la poitrine d’un homme, et c’était assez différent de celle d’une femme... La poitrine de l’homme était bien moins développée, et le torse avait l’air... Plus épais, et plus musclé. Calypso tâcha de ne plus y penser, et se concentra sur les ingrédients qu’elle avait récupéré dans la forêt, les plaçant.

« Ce n’est qu’une égratignure, décréta Mythilène. Ma magie sera suffisante pour combler la plaie. »

Fermant lentement les yeux, la Chamane alla poser la paume de sa main sur la plaie, et prononça entre ses lèvres une rapide mélopée. Un chant magique rapide et court. Au fur et à mesure que les syllabes se poursuivaient, ses doigts se mirent à briller intensément, et une lueur blanchâtre apparut au bout de sa main. Le sang sembla disparaître, et la plaie se mit rapidement à cicatriser. Mythilène avait les yeux clos, en phase avec la magie, et Calypso pouvait sentir dans la tente les ondes magiques, soulevant avec élégance les cheveux de la Chamane. La blessure de l’homme ne fut bientôt plus qu’un souvenir, et, quand la Chamane rouvrit les yeux, la lueur avait disparu. Elle retira ses doigts du torse du Père.

Ce dernier était maintenant soigné, et, en soupirant, Calypso acheva de ranger les ingrédients, puis se retourna... Pour sentir Mythilène la prendre dans ses bras. Elle sursauta, et ne dit rien, rougissant légèrement, avant de réaliser que les mains de la fière chamane caressait ses cheveux tendrement. Mythilène était comme une mère pour Calypso ; c’était elle qui avait veillé à ce que Calypso ne soit pas abandonnée dans un orphelinat, mais devienne l’une de ses apprenties. Au sein de la Horde, la mère biologique n’avait parfois qu’une incidence très secondaire dans l’éducation des Amazones. Concrètement, une Amazone était éduqée par les aïeules, afin que, dès le plus jeune âge, on comprenne que la Horde n’était qu’une grande famille, et ce bien qu’il existait des castes différentes.

« Il faut croire que toute la Horde est au courant de mon échec... soupira tristement Calypso, appréciant malgré tout le câlin de la Chamane.
 -  Un échec ? C’est ainsi que tu vois les choses ? »

Calypso releva la tête, en rougissant à nouveau. Oui, Mythilène était vraiment une personne très agréable avec elle. Elle était généralement une Amazone froide et détachée, mais elle voyait Calypso comme sa propre fille, et faisait donc attention à elle. Elle le prouva en embrassant tendrement la femme, droit sur ses lèvres. Calypso gémit doucement. Ce simple geste devait probablement confirmer aux yeux du Père les mœurs sexuelles très libres en vigueur au sein de la Horde. Le baiser se prolongea pendant quelques secondes, jusqu’à ce que Mythilène le rompe, avec un sourire amusé.

« Tu n’es pas une guerrière, Calypso... Rappelle-toi la fable de la lionne et du zèbre...
 -  Je me souviens, oui... »

La fable avait pour leçon d’expliquer aux jeunes Amazones le rôle des castes. Les castes n’existaient pas pour créer des tensions au sein de la Horde, mais pour montrer qu’une Amazone avait un rôle bien précis, confié par la Déesse-mère, et qu’il était inutile de chercher un autre rôle.

« La Déesse-mère n’a pas désiré faire de toi une guerrière, mais une guérisseuse, une chamane...
 -  Oui... Mais... Je dois lutter contre ma peur, Tante Mythilène...
 -  Tu le dois, en effet, consentit la Chamane. Mais tu es encore jeune, Calypso...
 -  Tallia avait déjà terrassé une cocatrix à mon âge... »

Mythilène soupira, et secoua lentement la tête.

« Tallia est la plus puissante des guerrières du clan. Même Sélène n’arrive pas à l’égaler. Il y a bien des Amazones qui sont comme toi, Calypso, et qui restent au sein de la Horde... Regarde Cymé... »

Calypso soupira, et devait bien admettre que Mythilène avait raison. A cet instant, une troisième femme pénétra dans la tente. Il s’agissait d’une autre chamane particulièrement puissante, Léda. Tandis que Mythilène et Calypso parlaient entre elles, cette dernière apostropha le Père :

« Y-a-t-il quelque chose en particulier que vous désiriez savoir auprès de notre tante Mythilène ? »

Carmody observa la chamane soignait ses blessures. Il pesait qu'elle utiliserait des onguents ou des bandages spéciaux à base de plantes ou de composant minéraux. Il sentit une douce chaleur sur sa blessure, et a mesure que cette chaleur s'étendait, la douleur disparaissait. Cela ne prit pas longtemps avant qu'il ne ressente plus rien. Une fois les soins fini, le prêtre enleva les bandages taché de sang, pour constater, qu'il n'y avait plus aucune trace de la blessure. Il exécuta quelques mouvements de bras, ne sentant plus de douleur.

- Merci, je ne pensais pas que ce serait aussi efficace

Le prêtre se releva, avant de se rhabiller. Il fut un peu surpris de voir la chamane, prendre la jeune amazone dans ses bras, mais cela lui remémora la scène du matin, ou il avait vu Calypso dormir dans la même couche que l'amazone blonde. En même temps, dans une communauté constituait exclusivement de femmes, il était naturel qu'il y ait des relations entre des personnes de même sexes. Le prêtre ne s'en souciait guère, chacun faisait sa vie et il était plutôt ouvert et compréhensif sur ce point la.

La scène suivante, en ferait certainement hurler plus d'un parmi ses collègues de l'ordre, l'homosexualité étant sévèrement puni par les lois divines. La aussi, le prêtre ne dit rien, constatant que les deux amazones semblaient très proches, la jeune Calypso étant très certainement la disciple de la chamane.

Il entendit également parler d'une certaine Tallia, la plus puissante des guerrières du clan a ce qu'il paraissait. Une personne avec qui il aurait bien aimé croisait le fer. C'est alors qu'une autre amazone entra dans la tente, elle aussi masqué et cette dernière demanda si il désirait autre chose. Il se tourna vers la chamane

- Euh...oui, j'aurais voulu savoir si vous pouviez me vendre quelques ingrédients, j'en aurais besoin pour fabriquer des potions, si vous n'y voyez pas d’inconvénients bien sur.

Il fouilla dans sa besace, avant d'en sortir une bourse pleine de pièces d'or. Il prit également quelques objets enveloppés dans des morceaux de chiffons, qu'il posa sur la table : un crâne de démon cornu consacré, un cube de métal nain de la connaissance, quelques parchemins de protections, 3 gemmes spirituelles emplies de puissantes âmes et d'autres objets.

- J'ai également quelques artefacts et ingrédients qui pourraient peut être vous intéresser

Enfin il sortit divers ingrédients exotiques dont il n'avait l'usage mais dont il connaissait les propriétés : des champignons fluorescents provenant de grottes abyssales, des plumes d'oiseaux de paradis, des griffes de harpies, de l'eau bénite, de la corne de satyre, des fragments d'écailles de dragons et quelques autres choses.

Il y aurait certainement des choses qui pourrait l'interesser. Il pourrait également lui céder quelques potions de sa fabrication.

La petite scène d’embrassement était, pour les Amazones, quelque chose de classique. S’embrasser sur les lèvres était un geste courant, et qui était pour elle, à peu de choses près, aussi sensuel qu’un baiser sur la joue. Autre peuple, autre culture. Personne n’en fut choquée, et Calypso retrouva le sourire, quittant les bras de Mythilène, alors que le Père exposait vouloir quelques objets. Il proposa de l’or, puis, de manière plus intéressante, indiqua ensuite une série d’objets divers. Léda, lentement, les regarda, mais parla bien vite, pour glisser quelques mots :

« Il ne m’appartient pas de laisser du matériel médical... Voyez cela avec Sœur Myhtilène. »

En entendant son nom, l’intéressée s’approcha. Léda lui expliqua rapidement de quoi il retournait, et elle hocha la tête.

« Nous ne vendons pas de fournitures médicales. Vous pouvez revendre votre or. »

Elle considéra ensuite les objets qu’il proposait. Le commerce, non. Le troc, peut-être. La Horde avait toujours besoin d’objets, et le Père présentait surtout des objets d’exorciste. Pour l’instant, rien n’intéressait vraiment Mythilène, avant qu’elle ne voie d’autres objets. Les champignons pouvaient l’intéresser, car ils étaient les ingrédients de bonne formule. Les fragments d’écailles de dragons intéresseraient également les métallurgistes, afin d’améliorer certaines armures. Ils n’étaient pas en très bon état, mais la Horde avait le moyen de les remettre. Hochant la tête, Mythilène désigna donc du doigt ces deux produits :

« Je prendrais ceux-ci. Calypso, tu utiliseras les champignons pour former des élixirs.
 -  Oui, ma tante », confirma celle-ci.

Dans la culture amazone, « mère » était un terme réservé, soit à la Reine, soit à la Déesse en personne. « Tante » désignait donc les Amazones qui s’étaient chargées de l’éducation des Amazones. En appelant Mythilène « tante », Calypso indiquait donc que cette dernière l’avait aidée à grandir, et avait veillé sur elle, l’éduquant et la protégeant. Encore une fois, c’était une preuve terminologique de la manière dont les Amazones concevaient leur appartenance à la Horde : l’insertion dans une grande et vaste famille. Mythilène se retourna ensuite, et s’approcha d’un étagère, désignant plusieurs élixirs.

« Je peux vous proposer quelques élixirs que des sœurs ont récupéré lors de patrouilles. »

Il y avait surtout des Hirondelles. Les Hirondelles permettaient d’améliorer la cicatrisation des blessures sur le long terme. La Horde en avait un certain nombre, et, lors de missions périlleuses, une Amazone partait toujours avec une ou deux Hirondelles, sachant combien ces élixirs pouvaient parfois sauver la vie. L’élixir avait une lueur bleuâtre faible, et on trouvait également d’autres produits, notamment quelques décoctés de Raffard le Blanc, des élixirs rougeâtres permettant de se soigner rapidement... Un peu comme la Chamane l’avait fait en utilisant la magie. L’inconvénient d’un décocté était qu’il comprenait une forte toxicité du sang. Les élixirs étaient généralement toxiques, et il ne fallait donc pas en abuser, sous peine d’être empoisonné, et même de mourir. Mais cela, le Père devait probablement le savoir, vu qu’il était itinérant.

Tandis qu’il faisait son choix, Mythilène, après quelques hésitations, lui parla à nouveau. Elle était plus cultivée que Calypso, et connaissait la doctrine de l’Ordre, notamment sur les questions sexuelles.

« Je pense que vous commencez à comprendre à quel point notre culture est différente de la vôtre Vous avez le droit d’en être surpris ou étonné, mais gardez-vous d’émettre des jugements hâtifs. La plupart des histoires qu’on raconte sur les Amazones sont des racontars et des rumeurs superstitieuses sans aucun fondement. »

D’aucuns disaient que les Amazones se mutilaient en retirant l’un de leurs seins, ce qui ne se faisait plus depuis des millénaires. D’autres, encore, affirmaient que la Horde n’était qu’un immense baisodrome, ce qui avait été, un temps, à l’origine de toute une littérature pornographique et aventurière sur les Amazones, où on en faisait, soit de courageuses héroïnes frustrées, soit des perverses qui capturaient des mâles pour satisfaire des pulsions naturelles qu’elle ne pouvait satisfaire. C’était une manière de critiquer l’homosexualité, et l’Ordre avait partiellement encouragé une littérature de ce genre, dans la mesure où elle donnait l’idée que l’homosexualité était un comportement sexuel déviant, une bizarrerie contre-nature. Il n’était pas si étonnant que la Horde soit si repliée au monde extérieur ; c’était un monde dangereux, hostile, violent, brutal, hypocrite, qui n’acceptait pas la différence, et ne pouvait s’empêcher de juger ce qui était différent par rapport à ses propres critères. Une forme d’ethnocentrisme dont il fallait se méfier. Bien qu’elle n’ait aucun État attitré, la Horde était un peuple à part entière.

Même si ça ne sautait pas forcément aux yeux, le Père devait sans doute finir par réaliser que les Amazones étaient assez susceptibles quand il s’agissait de les critiquer.

La chamane lui déclara qu'elle ne vendait pas d’ingrédients mais qu'elle était en revanche disposait à lui céder quelques élixirs. Carmody fut un peu déçu mais il allait s'en contenter. Ils n'étaient visiblement pas intéresser par l'or, peut être en disposaient ils déjà assez. La chamane choisit de prendre les écailles de dragons ainsi que les champignons, laissant à sa disciple le soin de s'en occuper.

- Volontiers

Le prêtre accompagna Mythiléne vers une étagère, remplit de potions et élixirs en tous genres. Il regarda attentivement les potions, réfléchissant à l'usage qu'il pourrait en faire. Il décida de prendre 3 élixirs, appelé hirondelles, la chamane lui ayant expliqué ses attributs. Il pris également 3 autres potions diverses. La chamane lui conseilla ensuite de ne pas former de jugements à l'encontre de la communauté.

- Ce n'est pas mon intention, je suis invité et je sais l'honneur que vous me faites, par ce geste.

- Que voulez vous, c'est souvent les personnes les plus mal informés qui font le plus de mal. Et puis notre société, n'es pas parfaite loin de la. Tout parait beau en surface, mais lorsque l'on gratte un peu, on commence à voir les défauts. Je suis moi même assez critique envers l'ordre, ce qui me vaut parfois des réprimandes.

Il rangea les potions dans son sac, avant de ramasser les divers ingrédients et objets qu'il avait déposer sur la table.

Il remarqua que Calypso venait d'appeler la chamane " tante " alors qu'il ne semblait pas avoir de lien de parenté entre eux. Peut être s'agissait il d'une appellation marquant un certain respect entre deux personnes d'âges différent. Il savait que les populations tribales avaient un  grand respect pour les personnes plus âgés, marque de sagesse et d'accomplissement qui ouvrait la voie aux plus jeunes en prenant exemple sur eux. En somme c'était comme le fait de s'appeler sœur entre elles. Il y avait une certaine similitude avec la hiérarchie de l'ordre et le fait d'appeler un prêtre "père".

- Bon, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, encore merci pour votre aide.

Il ramassa ses affaires, passant sa besace autour de son cou avant de revenir vers la jeune amazone.

- Calypso, vous m'avez parler tout à l'heure d'une expédition qui devait se faire demain, si cela ne vous dérange pas, j'aimerais rencontrer la personne qui mènera la patrouille. Si vous le voulez bien, bien entendu.

Il aurait bien fait un tour chez un forgeron, juste pour aiguiser ses lames, mais cela pouvait attendre.

Maintenant qu'il était soigné et qu'il avait fini de faire du troc, il aurait bien été voir la fameuse Séléne, histoire de voir en quoi consisté l’expédition du lendemain.

Le Père prit plusieurs potions, et s’écarta ensuite. Il affirma être quelqu’un de critique envers l’Ordre, ce qui ne surprit pas la Chamane. Pour ne pas s’être emporté devant le baiser entre Calypso et elle, il devait faire preuve d’un esprit critique louable. Cependant, la réciproque n’était pas forcément vraie. Rares étaient les Amazones à être critiques envers la Horde. Critiquer la Horde, c’était comme critiquer un membre de sa propre famille... Ce n’était jamais évident, mais il y avait malgré eu des histories célèbres où des Amazones avaient contesté certaines lignes politiques. Ces histoires avaient notamment conduit à atténuer la férocité des Amazones envers les mâles.

« Je vous en prie » répliqua simplement la Chamane.

Elle ne dit rien de plus, conservant sa froideur habituelle, et alla s’occuper de ses fioles. Calypso ressortit avec le Père, et ce dernier lui demanda s’il pouvait voir la responsable de l’expédition qui aurait lieu demain. L’Amazone hocha la tête. Si le Père comptait effectivement sortir demain pour accompagner les Amazones, alors ce serait bien qu’il soit accepté par Sélène. Calypso se mit donc à marcher.

« Suivez-moi... Sélène est hors de l’oasis. »

Calypso s’éloigna donc, quittant l’oasis, longeant les tentes, pour rejoindre des plaines rocailleuses. Trouver Sélène ne fut pas difficile ; la magnifique blonde était en train de s’entraîner avec une autre Amazone, Pirène. Les deux Amazones s’affrontaient passionnément avec leurs épées, ces dernières s’entrechoquant violemment. C’était un combat d’entraînement ardent et sauvage, et Sélène était plus rapide que Pirène. En revanche, son adversaire frappait fort, et préférait compter sur sa force physique plutôt que sur son agilité. Sélène parait les attaques, et Calypso, en se rapprochant, vit qu’il n’y avait que peu de spectatrices. On trouvait quelques petites Amazones qui observaient le combat, mais il n’y avait pas grand-monde... Bien moins de spectatrices que quand Sélène et Tallia s’affrontaient. Pirène elle-même savait qu’elle avait peu de chance contre Sélène, et Calypso en profita pour parler un peu, décrivant ce qui se passait.

« Sélène est la guerrière blonde... C’est la fille de notre Reine Andromaque, et elle est destinée à devenir un jour notre Reine. Quant à Pirène, elle est une femme forte, l’une des Amazones les plus dures... Sa vie ne vous plairait pas. »

Pirène avait tué ses propres parents. Ces derniers étaient méchants avec elle, la battant. Ils étaient très pauvres, et envisageaient de la prostituer. Quand la Horde était venue dans leur ville, ils avaient vu un moyen de récupérer de l’argent, mais les Amazones avaient réagi différemment. Pirène avait été vendue à la Horde, et était revenue des années après, pour y tuer ses parents, quand elle avait appris qu’ils avaient eu une autre fille, et l’avaient vendu comme esclave au bailli local, un pédophile notoire. Calypso ne pouvait naturellement conter cela au Père, car il ne pourrait pas comprendre.

Entre-temps, Pirène et Sélène continuaient à s’affronter rageusement. Pirène tenta une pirouette, mais Sélène évita en bondissant en arrière, et attaqua encore. Sa lame frappa violemment celle de Pirène, et elle roula sur le sol, tentant alors un croche-pied. Pirène tomba vers le sol, mais se reçut avec un coude, et roula sur le sable. Elle se redressa, mais Sélène fut plus rapide, et envoya son pied frapper l’Amazone en pleine figure. Un peu de sang gicla des lèvres de Pirène, qui en eut les dents serrés. La fille d’Andromaque courut vers elle, mais manqua de précaution. Attrapant du sable dans le creux de sa main, la cruelle Amazone la balança vers le visage de Sélène, surprenant cette dernière. Le pied de Pirène frappa alors Sélène au ventre, l’envoyant se coucher sur le sol. Ce faisant, Pirène rebondit sur ses jambes, et se rua vers la duelliste. Sélène n’était toutefois pas vaincue, et remua ses jambes, décrivant un balayage avec ses jambes qui renversa la jeune femme. Sélène bondit ensuite sur elle, ses yeux rougis pleurant des larmes, et elle glissa sa dague sous sa gorge.

« Les Amazones s’entraînent beaucoup… Et le duel est la meilleure forme d’entraînement au sein de la Horde... Celle qui gagne a le droit d’exercer un droit sur celle qui a perdu... »

Sélène se releva, mais n’embrassa pas Pirène. Ce faisant, elle renonça à son droit, et elles se quittèrent en se souriant mutuellement, avant de se taper sur le front. Calypso tourna alors sa tête vers le Père.

« Sélène est une guerrière, comme Acté. Pour l’approcher, vous allez devoir la convaincre que vous valez la peine qu’on s’intéresse à vous... Comme lui montrer vos talents à l’épée... »

Aucune Amazone guerrière ne refuserait un duel, a fortiori avec un mâle. Un étranger de la Horde et du sexe féminin. Deux bonnes raisons de relever le duel. Autrement, ce serait, pour Sélène, une forme de honte et de déshonneur.

Calypso le conduisit donc vers l’arène, afin d'y rencontrer Sélène. Passé l'oasis, ils arrivèrent dans l’arène en question, arène qui ressemblait plus à un  terrain sablonneux entouré de rochers. Deux amazones s'affrontaient à l'épée, une guerrière rousse plutôt corpulente et qui dépassait son adversaire d'une tête contre une guerrière blonde plus menue. Calypso indiqua qu'il s'agissait de la fille de la reine.

- On ne choisit pas forcement sa vie, on nous donne simplement quelque fois les outils pour l’améliorer...

En tant que futur reine, elle se devait d'être la meilleure. Dans les sociétés tribales, les responsabilités incombaient aux personnes qui s'en montraient digne et qui prouver leurs valeurs, bien loin de certains cooptation,  népotisme ou autre subterfuge pour obtenir un poste convoité que l'on connaissait dans le monde d'aujourd'hui. Au moins la c'était clair, pas de place pour les menteurs. Il avait toujours respecté ce point la, dans les tribus et clans vivant en communautés, l'absence de mensonges, la fidélité, la parole que l'on donné et que l'on respecté; des points essentiels pour vivre ensemble souvent oublié.

Il regarda le combat, accompagné de Calypso et de quelques autres amazones plutôt jeunes. La guerrière rousse préférait la force pure a défaut de vitesse et d'agilité. Les coups qu'elle portaient viser à déstabiliser son adversaire, briser sa garde pour ensuite asséner de puissant coups pour finir le combat. La dénommé Sélène utilisait plutôt la vitesse et l'agilité, tel un chat donnant quelques touches sur sa proie avant d'attendre qu'elle ne tente de s'évader. Elle visait plutôt la contre attaque, attendant la faille juste après l'attaque de son adversaire. 

Tous les coups étaient permis visiblement, un bon entrainement pour la vie réelle ou seul la victoire comptait.

- Il en est de même dans la vie réelle, c'est en effet un très bon entrainement.

Voir deux jeunes femmes se battre, a moitié nues feraient plaisir à bien des hommes. Carmody ne pouvait dédaigner la beauté des guerrières, plus particulièrement la fille de la reine qui était une jeune beauté. Il préférait cependant se concentrait sur l'aspect martial de la chose. Bientôt ce qui devait arriver arriva et la guerrière blonde vainquit son adversaire avant de l'épargner. Calypso lui indiqua qu'il devrait sans doute joutait avec elle si il voulait attirer son attention et prouvait sa valeur.

- Je vois, je m'y attendais

Le prêtre n'était pas un novice en matière de combat. Il avait passé 10 ans dans l'armée : 5 années au sein des marines US et 5 autre années dans la légion étrangère. 10 années ou il avait appris à tuer un ennemi de centaines de façon différentes.  Il avait appris le close combat, le systema, et d'autres méthodes de combat ainsi que le maniement du couteau, dans lequel il excellait. Il avait par la suite appris à se battre à l'épée ou il n'était pas trop mauvais. Il avait également participait à des combats  clandestins pour gagner un peu d'argent après avoir quitté l'armée. Il posa son chapeau et retira sa veste en cuir.

Il se rapprocha un peu de Sélène avant de lui adresser la parole.

- M'accorderez vous un duel, noble amazone ?

Il ne savait trop comment appelait, étant étranger à la horde.

« M'accorderez vous un duel, noble amazone ? »

Sélène, qui était en train de nettoyer sa lame, tourna subitement sa belle tête blonde vers l’homme, et le toisa silencieusement. Elle s’était rapprochée d’une espèce de rocher où elle s’était appuyée pour pouvoir tranquillement essorer sa lame. Elle fronça lentement les sourcils. Refuser un duel était impoli, même si elle en avait théoriquement le droit, puisqu’elle venait d’en faire un. Cependant, Sélène était la fille de la puissante Andromaque, et devait naturellement faire ses preuves. Une Reine ne se fatiguait jamais, et relevait toujours les défis. Et, bien que Sélène ne soit pas encore Reine, elle se devait d’agir comme telle. Andromaque l’avait formé ainsi, et, de plus, il s’agissait d’un mâle. Une Princesse amazone ne pouvait fuir devant un mâle, en prétextant simplement la fatigue. Elle n’avait aucune blessure sérieuse suite à son combat contre la forte Pirène, et regrettait déjà de ne pas l’avoir embrassé. Pirène était terrible au lit, mais faire l’amour avec elle était physiquement très éprouvant.

Elle avait entendu parler de l’homme, mais sans trop s’y intéresser. Ce n’était pas étonnant de la part de Calypso ; elle était faible... Sélène était bien moins conciliante que sa mère pour le moment, car elle était très fière, et se battait constamment. Être une grande Reine était sa priorité, car elle voulait naturellement être Sélène la Reine, et non Sélène la fille d’Andromaque. Sa mère n’était pas contre ce sentiment de maturité et d’affirmation, même si cela n’empêchait pas les deux femmes d’être très proches l’une de l’autre. Sélène était ainsi l’une des plus puissantes guerrières de la Horde. A dire vrai, la seule qui parvenait à la battre était Tallia, ce qui était une grande source de frustration pour Sélène. Elle DEVAIT être la plus forte, car elle était appelée à diriger la Horde ! Cependant, elle n’avait jamais réussi à vaincre Tallai. La mettre en difficulté, elle l’avait fait à bien des reprises, mais la terrifiante Amazone avait toujours réussi à s’en sortir, triomphant à chaque fois de la belle blonde.

« Une Amazone ne refuse jamais un duel, répliqua Sélène, avant de se présenter. Sélène, fille d’Andromaque. »

En retour, l’homme se présenta, et elle hocha la tête devant son nom. Un homme de foi. Soit... Ce n’était pas pour la déranger, après tout. Elle avait un regard acéré, fier et beau, et brandit son épée, la tenant à deux mains, et attendit que le Père se mette en position avant de bondir sur lui. Elle attaqua la première, et frappa d’un coup sec, sentant la lame trembler sous ses doigts. Un sourire aux lèvres, elle attaqua à nouveau, visant l’autre côté du Père, qui réussit à contrer, et elle continua à attaquer. Aucun coup d’estoc ; elle tentait surtout de frapper avec le rebord tranchant de la lame, continuant à la tenir à deux mains pour une plus grande précision, et une meilleure stabilité de l’arme. Sélène était rapide et puissante, portant des coups précis et adroits, sans jamais trembler, prenant successivement appui sur chacun de ses pieds à chaque fois qu’elle bondissait. Dans ces conditions, il était particulièrement difficile de la renverser, car la jeune femme ne se laissait pas faire, opposant une farouche résistance.

*Ce mâle se bat plutôt bien...* nota-t-elle pour elle-même.

Elle esquiva un coup en bondissant en arrière, et utilisa ses jambes pour tournoyer dans les airs, amplifiant ainsi le mouvement de son épée, qu’elle tint d’une seule main en frappant sec. Elle se reçut avec son pied gauche et envoya le droit dans l’estomac du Père, se tenant brièvement à la perpendiculaire, dos courbé, avant de se redresser en faisant un autre bond, frappant à nouveau. Sa lame siffla de bas vers le haut, pour repousser celle du Père, mais ce dernier tint bon. Sélène grogna en montrant les dents. Une véritable furie, qui, étant proche du Père, en profita pour envoyer sa tête heurter celle du Père, à hauteur de son nez. Négligeant sa douleur, elle tournoya alors sur elle-même, frappant à nouveau. Sélène avait elle l’expérience des anciens, la fougue des jeunes, et la confiance inébranlable des guerriers, qui la rendait particulièrement audacieuse. Elle était une furie, et ceci expliquai pourquoi les jeunes Amazones adoraient la voir se battre. Elle se donnait à fond dans ce qu’elle entreprenait. Ses enchaînements rapides, précis et millimétrés n’avaient été stoppés en duel que par Tallia, confirmant le haut niveau des deux bretteuses.

*Pour vaincre Sélène, songeait silencieusement Calypso, il faut arriver à suivre son rythme frénétique… Ce n’est pas donné à tout le monde, car elle bondit sur chaque opportunité qu’elle voit…*

La réponse de la belle amazone ne se fit pas attendre et elle accepta, ce a quoi le prêtre s'attendait. Il aurait surement était inconvenant de la part de la futur reine de refuser un combat, contre un étranger mâle de surcroit.

Les deux combattants entrèrent dans l’arène, et Carmody qui s'était délestait de ses bagages et armes, sortit son épée en argent avant de se mettre en garde. Il ne gardait que l'épée et son couteau de chasse rangeait à la ceinture qui ne le quittait jamais. C'était presque un porte bonheur et son meilleur ami. A peine prit il position que la jeune femme se rua sur lui. Il para son attaque grâce à sa lame, faisant résonner le métal. Elle enchaina plusieurs autres coups, essayant plusieurs angles différents que Carmody para sans trop de difficultés. Le prêtre ne faisait que défendre pour l'instant, attendant une ouverture pour lancer une contre attaque. La jeune femme se battait bien, solides sur ses appuis, elle était enraciné au sol lors de l'attaque et aussi fluide que l'eau lorsqu'elle bougeait.

Lors d'un mouvement d'esquive de la part de la jeune femme, le prêtre reçut un coup de pied dans l'estomac, qu'il encaissa sans broncher, le coup manquait de puissance, car la jeune femme n'avait pas eu le temps d'engager un mouvement de hanches, indispensable a tout coup de pieds efficace. Son style était très aérien mais elle semblait pouvoir changer de style a tout moment. Ce fut ensuite un coup de tête bien placé qui le fit reculait d'un pas, mais il se ressaisit bien vite, parant le coup d’après.

Il décida d'agir pour éviter de se faire dépasser. Il para un coup d'épée vertical, avant de venir plaquer sa main gauche sur le plat de sa lame afin de maintenir le contre et surtout de le dévier vers la gauche. Il en profita pour changer de position, se mettant de profil et il assena un rapide coup de coude droit dans la mâchoire de la jeune femme pour la faire reculer et lui donner un peu de champ.

- Une redoutable guerrière, vous faites

Le prêtre décida à son tour d'entrer dans son jeu et d'utiliser un style rapide et fluide. Il avait eu plusieurs maitres d'armes qui lui avaient enseigné le maniement de divers types d'épées. Néanmoins, l'un d'entre eux les surpassaient tous sans nul doute. Il s'agissait d'un vieux maître venant des lointaines contrées d'Orient, passé maîtres dans le maniement du sabre, des lames fines et effilés ainsi que dans bien d'autres types d'armes.

- On passe aux choses sérieuses ?

Il se mit en garde de profil, plaçant son épée à la verticale au dessus de sa tête, son avant bras gauche en position défensive. Restant sur cette position, il fonça vers la guerrière blonde, effectuant un coup d'estoc en direction de sa tête. Elle esquiva le coup comme prévu et il enchaina par une coupe latéral en dessous des cotes, avant de se baisser pour effectuer un revers vers son cou.

Il enchaina par un balayage arrière, avant de se relever rapidement pour effectuer deux coups de taille latérale, suivit d'un mouvement de pique vers le bas. C'est alors qu'il envoya un rapide coup de pied latéral avec sa jambe droite directement dans les côtes de la jeunes femme, avant de dégainer son couteau de chasse pour parer le coup d'épée qu'elle envoya juste avant, suivit d'un coup de coude gauche à la tête. Il avait plus l'habitude du combat au corps à corps que du combat à distance.

Carmody effectua ensuite un saut retourné arrière histoire de montrer que lui aussi pouvait le faire, prenant un peu de distance par rapport à la jeune femme. Il bascula le couteau qu'il tenait dans sa main gauche, de la position haute, en position basse, comme un poignard, utile pour parer.

- On continue ?

Le Père surprit Sélène. Vu son âge et sa corpulence, elle ne s’attendait pas à ce qu’l soit aussi vif et agile. Il contra, et Sélène dut se laisser faire, ce qui était déjà une chose. Briser les enchaînements de l’Amazone n’était pas en soi impossible, mais c’était compliqué. Néanmoins, c’était le seul moyen de la vaincre : s’imposer. Si on suivait le rythme effréné de Sélène, on finissait tôt ou tard par s’écrouler. Même Tallia le savait. Sélène apprenait à manier de l’épée depuis qu’elle pouvait tenir sur ses pieds, en commençant par de simples épées en bois. Elle avait toujours tenu une épée entre ses mains, et s’entraînait, jeune, plusieurs heures par jour, avec sa mère. Il y avait bien longtemps que Sélène avait vaincu sa propre mère, mais Andromaque était la Reine admise, et avait vieilli. Il était normal que sa fille ait réussi à la vaincre. La Reine se battait toutefois encore très bien, mais n’avait pas la fougue de son intrépide fille.

Cette dernière se reçut plusieurs coups, dansant avec le Père, et finit par cracher du sang de sa bouche, après un autre coup. Son coude avait heurté sa joue, la faisant reculer, et elle en avait mal à la joue... Mais ce fut un sourire de plaisir qui la traversait. Elle était une Amazone, une guerrière ; elle adorait se battre. Elle était née pour ça.

« On continue ? » lança-t-il.

Il avait sorti son poignard, le tenant la lame en bas. Sélène conservait uniquement son épée, préférant se battre avec une seule arme. C’était plus facile pour elle. Elle sourit lentement, une lueur de plaisir dans les yeux. Le Père était en train de gagner son droit d’accès au sein de la Horde. En tenant tête à Sélène, il montrait qu’il savait se battre, et cet élément était important pour les Amazones.

« Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? » rétorqua simplement Sélène.

Elle frotta le bout pointu de la lame contre le sable, puis attaqua à nouveau, en poussant un cri guerrier. Sa lame heurta violemment celle du Père, Sélène frappant désormais plus fort. S’il tenait le manche avec une seule main, il ne pourrait pas repousser les assauts chargés de Sélène. Elle pouvait charger ses coups avec autant de force que Pirène, et elle sentit l’épée vibrer dans ses mains. Elle avait frappé fort, et sa lame rebondit contre celle du Père. Les premières fois qu’elle avait tenté une attaque pareille, le contrecoup l’avait renversé, mais elle s’y attendait, et ses jambes la permirent de rester en position, de tournoyer sur place, et der frapper en visant les jambes du Père. Dès que sa lame rencontra celle du Père, elle tournoya à nouveau, frappant dans l’autre sens, poussant à chaque coup un cri bestial, un rugissement amazone.

*Elle est tellement belle ainsi, songeait Calypso, admirative. Ce n’est pas qu’un combat pour elle, c’est un art, une sorte de magique danse.*

Elle était fascinante, envoûtante, et Calypso sentait son cœur battre la chamade. Le combat se poursuivait, intense, et Sélène tenta subitement un coup de pied retourné, avant de frapper avec sa lame. Les deux duellistes étaient plutôt doués, et Calypso était également très étonnée par la performance du Père. Le bruit des lames qui s’entrechoquaient avait, pour Sélène, quelque chose de divin... Tout comme sentir la douleur le long de son corps. Le sang qui la piquait était exquis, la réveillant, lui rappelant à quel point les combats étaient excitants. La douleur était une piqure de rappel, la preuve qu’on était en vie. Andromaque l’avait formé à souffrir, une leçon particulièrement difficile, mais indispensable pour une Amazone guerrière. Sélène avait passé des heures avec des plaies à vif, devant s’accommoder à la douleur, l’accepter, pour comprendre qu’il ne fallait pas fuir la douleur, mais la voir comme le signe qu’on était encore en vie. Inquiète-toi plutôt de ce que tu ressentiras quand une plaie à vif ne te fera pas souffrir, disait sa mère en lui caressant les cheveux, alors que Sélène pleurait devant son doigt blessé. Le souvenir était encore vif en elle, même s’il remontait à des années.

Sélène continua donc à jouer de l’épée, avant de se recevoir un coup qui l’envoya au sol. Le sable remua autour d’elle, mais la croire vaincue était une erreur. Elle bascula son poids sur le haut de son dos, et bascula en arrière, le sable se faufilant dans ses cheveux. Sa tunique se releva, révélant brièvement son gracieux dos. Elle en profita pour attraper du sable dans l’une de ses mains, l’autre tenant l’épée, et, en se redressant, envoya le sable droit vers les yeux du Père. Ce n’était pas très loyal, mais on n’apprenait pas aux Amazones, dans un combat, à être loyal. On leur apprenait à survivre et à gagner. Elle frappa l’homme avec le pommeau de son épée, et ce fut à son tour de tomber sur le sol. Sélène resta debout, un sourire sur les lèvres. Comme il ne faisait pas partie de la Horde, la coutume n’exigeait pas qu’elle aille jusqu’à la fin du combat, et jusqu’à ce que l’un des deux se rende.

« Vous vous battez bien, homme. »

Elle l’avait appelé homme, et non pas mâle. Dans la bouche de Sélène, c’était une forme de respect.