Nouvelle rencontre [Pv ~> Marine]

Alors que Kei se déshabillait, Marine l’observait. Il était bel homme mais rien en lui ne permettait de dire qu’il s’agissait d’un être céleste. Il avait la stature et le physique d’un être humain quelconque.  Son dos ne portait aucune marque qui pouvait faire penser à des ailes. Une fois en sous-vêtement, il vint s’allonger près d’elle. Elle rougit de l’avoir ainsi regardé et détaillé sur toutes les coutures.

Ils s’allongèrent sur le côté, l’un en face de l’autre. Le jeune homme passa sa main sur sa joue. Elle appréciait toujours autant son contact.

« On peut dire que tu m’as bien surpris … »

Elle le vit approcher son visage du sien et il déposa un doux baiser sur sa joue. Ses lèvres étaient douces et chaudes. Elle s’en était déjà rendu compte quand elle l’avait embrassé un peu plus tôt. C’était un baisé spontané qu’elle lui avait donné mais elle apprécié de le faire. Tout comme elle appréciait celui qu’il venait de lui donner.

« Surpris ? C’est plutôt moi qui ai été surprise. Je rencontre un jeune homme un soir. Il m’invite à dîner et je le retrouve la nuit sur mon balcon avec une belle paire d’ailes blanches. Et là, il me dit qu’il est un ange. Je crois que côté surprise, on peut difficilement faire plus fort ! »

Elle souriait toujours. Elle se rapprocha de lui et posa sa tête contre lui. Elle ferma les yeux. Elle voulait tenter de dormir et peut-être que grâce à lui, les cauchemars ne viendraient plus la hanter. La chaleur qui émanait de Kei était douce et rassurante. Elle ses sentait si bien. Cette impression de se sentir protégée était toute nouvelle. Marine trouvait cela si agréable et si rassurant.

Ces sensations de béatitude et de sécurité lui permirent de se détendre et elle finit par s’endormir en quelques minutes contre l’ange.

« Surpris ? C’est plutôt moi qui ai été surprise. Je rencontre un jeune homme un soir. Il m’invite à dîner et je le retrouve la nuit sur mon balcon avec une belle paire d’ailes blanches. Et là, il me dit qu’il est un ange. Je crois que côté surprise, on peut difficilement faire plus fort ! »

Bon, c’était vrai que lui aussi devait bien l’avoir surprise. Mais ce qui était fait était fait, et il n’existait aucuns moyens de revenir en arrière. Et si même un tel moyen existait, il n’était pas en sa possession. Malgré tout, Marine prit la nouvelle assez bien et tout se passa ensuite normalement. A quelque chose près, bien entendu … La jeune femme se rapprocha doucement de lui et posa sa tête contre son torse, toute souriante. Lentement, ses yeux se fermèrent. Paisiblement, elle tomba dans les bras de Morphée …

Il resta là à la regarder, arrangeant doucement ses cheveux pour ne pas la réveiller : à la voir, elle semblait en paix. Après tout, elle l’avait mérité. De sa main libre, il parcourut son dos et en fit disparaitre les cicatrices. Pour elle, c’était une nouvelle vie qui se présentait, et il fallait qu’elle attrape sa chance. Mais il ne se faisait pas de soucis de ce côté-là. D’un geste de main, il tira le rideau devant la fenêtre pour ne pas que le soleil la réveille au petit matin, puis il l’embrassa une dernière fois avant de la rejoindre dans le pays des rêves …

Lorsqu’il se réveilla, ils étaient toujours dans la même position. Il la regarda un instant en souriant, puis sortit du lit sans faire de bruit. Il écarta un peu le rideau et s’aperçut qu’il était encore très tôt. Il se rhabilla et sortit par le balcon. Il s’envola et se dirigea vers un endroit assez calme, proche d’une rivière : un bon bain glacé lui ferait le plus grand bien. Nu comme un ver, il rentra dans l’eau et repensa à la soirée qu’il avait passait avec la belle Marine …
Quelques instants plus tard, il ressortit et attendit un peu qu’il sèche puis il remit ses habits et partit en ville. Il s’arrêta en cours de route à une boulangerie qui faisait l’angle d’une rue et acheta quelques croissants et pains au chocolat. Il retourna en direction de la chambre de Marine et lorsqu’il débarqua, il la vit en train de s’étirer au fond de son lit.

« Coucou … Bien dormis ? »

Il s’approcha d’elle en souriant et l’embrassa sur le front, puis alla poser son sachet sur une table non loin de là.

« Comme j’était réveillé, j’en ai profité pour passer à la boulangerie. Comme je savais pas trop ce que tu préférais, je t’ai pris des croissants et des pains au chocolat »

Puis il alla s’assoir à côté d’elle …

Pour la première fois depuis très longtemps, Marine dormit sans cauchemarder. Son sommeil fut doux et paisible, peuplé de plumes, d’ailes et d’anges. Un vrai sommeil réparateur.  La présence de Kei l’avait rassuré.

Quand la jeune femme ouvrit les yeux, elle fut surprise de ne voir personne. Le lit était vide et froid. Où était-il donc passé ? N’était-ce qu’un rêve qui s’était enfui aux premières lueurs de l’aube ? Non, ça ne se pouvait pas. Elle s’était sentie trop bien. Kei existait bien et était bien un ange.

La jeune femme se rappela qu’il lui avait dit aller au lycée. Bizarre ! Qu’est-ce qu’un ange pouvait bien faire sur les bancs du lycée ? Kei avait dû partir et se rendre au lycée. Elle n’aurait pas dû lui demander de rester. Tout ange qu’il était, il avait besoin de dormir d’autant plus s’il étudiait. Elle s’était différent, elle avait tout le temps qu’elle voulait. Elle s’en voulu de s’être montrer égoïste et de ne pas avoir pensé aux obligations que pouvait avoir le jeune homme. Elle s’étira, tel un chat, sous les couvertures. Mais soudain une ombre se dessina sur le balcon avant que la porte fenêtre ne s’ouvre et se referme.

« Coucou … Bien dormis ? »

Il vint vers elle et déposa un baiser sur son front avant d’aller déposer un petit sachet sur la table de la chambre.

« Comme j’était réveillé, j’en ai profité pour passer à la boulangerie. Comme je savais pas trop ce que tu préférais, je t’ai pris des croissants et des pains au chocolat »

Il revint vers elle et s’assit sur le lit.

« Bonjour. Oui, j’ai merveilleusement bien dormi grâce à toi ! – elle s’assit en ramenant ses genoux sous son menton, les entourant de ses bras – Je veux bien un pain au chocolat. Cela fait peu de temps que je connais ça mais j’avoue que le chocolat c’est vraiment très très bon »

C’était vrai, elle n’avait jamais goûté au chocolat de sa vie. La première fois où elle y avait gouté remontait à ses premiers jours de liberté ou de fuite. Marine avait adoré ça et dès qu’elle pouvait, elle ne ratait pas une occasion de pouvoir en remanger comme ce matin.

« Et toi, as-tu bien dormi ? »

« Bonjour. Oui, j’ai merveilleusement bien dormi grâce à toi ! Je veux bien un pain au chocolat. Cela fait peu de temps que je connais ça mais j’avoue que le chocolat c’est vraiment très très bon »

Kei prit le sachet et lui en tendit un. Comment cela se faisait-il qu’elle vienne à peine de découvrir ce qu’était un pain chocolat ? Que mangeait-elle donc-t-elle avant ? Il l’a regarda manger son déjeuner en souriant : elle avait bien dormi, c’était ce qui comptait le plus. Le problème était aussi maintenant de savoir quoi faire de la nouvelle chance qui s’offrait à elle. Comme elle lui avait dit, elle pourrait s’essayer à devenir prof. Même s’il la savait débrouillarde, il la savait également assez faible mentalement. Il suffirait peut-être qu’elle voit le visage de l’un de ses bourreaux pour qu’elle reperdre tout ses moyens. Bien sur, on en était pas encore là, mais le problème était bel et bien présent …

« Et toi, as-tu bien dormi ? »

Il sursauta à sa question : il était perdu dans ses pensées. Il avait emmagasiné trop de choses en si peu de temps.

« Oui, très bien … J’espère ne pas t’avoir pris toute la place de ton lit : comme j’ai l’habitude de dormir seul, je me suis peut-être un peu trop étalé … »

Il se laissa doucement tomber en arrière, s’allongeant ainsi sur le lit en croisant ses bras derrière la tête. Maintenant, il ne restait plus qu’à savoir ce qu’il allait faire de sa journée. Il n’allait pas partir à l’école, c’était bien trop tard. Mais il n’en voulait pas du tout à Marine et ne voulait pas qu’elle se sente coupable qu’il n’y soit pas allé : après tout, il avait le temps pour y aller, c’était le cas de le dire … Et il ne voulait pas non plus trop profiter de son hospitalité. Qu’allait-elle penser ensuite ?

« Et sinon, tu comptes faire quoi à partir de maintenant ? »

La jeune femme attaqua avec voracité son pain au chocolat. Que du bonheur ! Kei lui souriait mais sursauta à sa question.

« Oui, très bien … J’espère ne pas t’avoir pris toute la place de ton lit : comme j’ai l’habitude de dormir seul, je me suis peut-être un peu trop étalé … - il se laissa tomber en arrière sur le lit - Et sinon, tu comptes faire quoi à partir de maintenant ?  »

Marine, la bouche pleine de pain au chocolat, haussa les épaules. Elle n’en avait aucune idée. Mais il fallait qu’elle trouve un job. Elle ne pouvait pas passer toutes ses journées à la bibliothèque. Cette dernière serait toujours là pour son temps libre. Marine acheva son petit pain avant de répondre.

« Je ne sais pas. D’habitude, j’aurai dit la bibliothèque mais il va falloir que j’ailler chercher du travail. Je pense aller au lycée. Je vais essayer de rencontrer le directeur »

Elle le regarda. Il lui avait proposé de lui présenter le directeur mais elle préférait agir par elle-même. Elle n’aimait pas bénéficier d’avantages quel qu’ils soient. Elle arriverait bien à se débrouiller.
Elle se leva et se dirigea vers la salle de bain en prenant ses affaires au passage.
 
« Dis-moi, tu ne devrais pas être au lycée à cette heure-ci ? »

Elle dit cela en souriant. Elle se doutait bien qu’il n’irait pas au lycée ce matin. Elle s’en voulait d’ailleurs un peu pour ça. Même si il était un ange, il lui apparaissait comme un garçon normal et, par conséquent, qui n’a qu’un temps limité sur cette Terre.

Elle passa dans la salle d’eau et avant de fermer la porte, repassa la tête par l’ouverture.

« Et, non, tu n’as pas pris trop de place dans le lit. Au contraire, j’ai beaucoup aimé être près de toi »

Ses joues s’empourprèrent et elle se dépêcha de refermer la porte. Après une quinzaine de minutes, la porte se rouvrit et elle apparut totalement habillée et coiffée. Ses habits étaient les même qu’hier ou presque : jupe longue noir, corset noir et chemisier rouge, seul changement notable. Elle avait l’habitude de faire vite dans la salle de bain. Y rester des heures n’était pas son truc surtout parce qu’elle ne saurait pas quoi y faire. Prendre une douche ne prenait pas trois heures et elle ne se maquillait pas.

Elle fit quelques pas dans la pièce et un sourire aux lèvres se tourna vers Kei :

« Et toi, tu comptes faire quoi aujourd’hui, à part aller au lycée bien sûr ? »

« Je ne sais pas. D’habitude, j’aurai dit la bibliothèque mais il va falloir que j’ailler chercher du travail. Je pense aller au lycée. Je vais essayer de rencontrer le directeur »

Lorsqu’elle lui dit cela, il l’a regarda. D’un côté, il l’a comprenait. Ça ne devait pas être très marrant de passer ses journées enfermée, mais qui plus est sans personne à qui parler. Et cela valait pour tout, pas que pour les cours. Bien sur, ça risquait de lui être difficile la première semaine : passer de personne à une petite moyenne de vingt personnes par classe, ce serait dur. Et puis il fallait qu’elle ait surtout de la patience, chose que Kei avait, certes, mais pas en grosse quantité …

« Dis-moi, tu ne devrais pas être au lycée à cette heure-ci ? »

Le jeune homme fit mine de regarder une montre invisible accrochée à son poignet et reporta son attention sur elle en lui tirant la langue d’un air joueur. Pour rien au monde il voulait aller en cours. Il trouvait ça ennuyant, surtout lorsqu’il n’y avait personne à qui parler. Marine se dirigea ensuite vers la salle de bain et elle disparut. Quelques instants plus tard, sa tête réapparut pour lui dire qu’il avait dormit normalement et qu’elle avait passée une bonne nuit prêt de lui. Sa phrase fini, sa tête s’évapora une nouvelle fois et elle n’eut, du moins c’est ce qu’il espérait, pas le temps de voir l’ange rougir …

Pendant qu’elle prenait sa douche, Kei ferma les yeux et se laissa aller, écoutant le bruit de l’eau couler. Il imagina vêtue très faiblement, l’eau ruisselant sous les formes généreuses de son corps. En un bond il ouvrit les yeux, essayant de chasser ces images de sa tête, rouge de honte. Non, il n’était pas là pour ça. Elle avait beau être belle, ce n’était pas une raison. Un baiser et point barre, ça n’irait pas plus loin. Peut-être cherchait il inconsciemment à se prouvait le contraire ? « Allez, ressaisis toi ! » Les images disparurent et sa peau reprit sa teinte normale. Enfin, juste quelques instants …

Marine sortit de la douche devant le regard surprit de Kei : les filles n’avaient-elles pas pour habitude de passer du temps sous la douche ? Apparemment, elles ne fonctionnaient pas toutes comme ça. Il remarqua qu’elle était simplement coiffée et qu’elle était habillée dans le même style qu’hier : simple mais ça lui allait à ravir. Elle se tourna vers lui en souriant.

« Et toi, tu comptes faire quoi aujourd’hui, à part aller au lycée bien sûr ? »

Kei répondit à sa question par une grimace. Allait-elle le faire aller au lycée, quitte à le trainer de force ? Quoique, cette idée lui plut : au moins, il resterait un peu plus longtemps avec elle. Il décida donc de jouer la carte de la vérité avec elle.

« A vrai dire, je ne comptais pas y aller aujourd’hui … A moins qu’une certaine personne ne me force … Sinon je pense que je vais trainer par ci par là … »

Il faisait bien évidemment allusion à elle. Il avait misé sur le fait qu’elle n’avait pas que ça à faire et espérait vraiment ne pas y aller. Il se releva et lui tourna le dos, faisant mine de ramasser le sachet de la boulangerie pour lui cacher son embarras.

« En tout cas, tu es très belle … »

Marine rit en entendant ses propos. Elle se doutait bien qu’il n’avait pas plus envie que ça d’aller au lycée et que ce n’était pas totalement sa faute. Elle était un prétexte, une bonne excuse pour ne pas aller en cours. Vu la manière dont il lui avait parlé de son amour et de son intérêt pour les études, le fait qu’il les délaisse ne l’étonnait pas. Elle ne comptait pas l’y forcer. Ça ne servait à rien d’obliger quelqu’un à faire quelque chose s’il ne veut pas. Par contre, elle perdit son sourire en entendant la suite de ses propos.

« En tout cas, tu es très belle … »

Il lui tournait le dos. Marine ne savait pas s’il le pensait ou pas. Elle ne se considérait pas comme belle, loin de là. La jeune femme se trouvait très ordinaire, pas laide, mais sans intérêts. Elle avait du mal à croire ce que Kei lui disait. Elle se dit que c’était probablement de la politesse ce qui était très gentil de sa part et très touchant.

« Merci mais c’est les habits qui font tout »

Elle haussa les épaules et fit comme si de rien n’était. Elle attrapa sa cape et se la mit sur les épaules.
 
« Comme je te l’ai dis je vais aller au lycée, libre à toi de venir ou non. Mais… on peut peut-être se voir ce soir, si tu veux bien ? »

Elle baissa la tête espérant qu’elle ne rougissait pas trop en disant ça. Elle avait encore envie de passer du temps avec lui.

« Merci mais c’est les habits qui font tout »

Kei souleva un sourcil : comment ça c’était les habits qui faisaient tout ? Elle avait si peu confiance en elle ? Après tout, elle s’en rendrait vite compte si elle se faisait engager par le directeur. En effet, la plupart des élèves tombaient sous le charme des professeurs. Quelques uns les regardaient timidement alors que d’autres ne se cachaient vraiment pas, et profitaient des fois de leurs faiblesses pour les coincer dans un couloir … Mais il ne voyait pas Marine se laisser faire … Il haussa donc simplement les épaules à sa remarque, ne voulant pas aller plus loin et surtout pour ne pas qu’elle ait une fausse image de lui.

« Comme je te l’ai dis je vais aller au lycée, libre à toi de venir ou non »

Hé bien si elle y aller, il irait aussi … Ils feraient ainsi le trajet ensemble … Et puis sans compter que si elle voulait, elle pouvait l’avoir sous la main pour qu’il lui file un petit coup de pouce devant le proviseur. Dans tout les cas, il serait obligé d’y aller pour justifier son absence …

« Mais… on peut peut-être se voir ce soir, si tu veux bien ? »

Le visage de Kei s’illumina tout à coup. Bien sur qu’il voulait bien la revoir ce soir. Il était prêt à endurer les interminables heures de cours rien que pour ça. Oui, c’était décidé ! Il irait en cours !

« J’en serai très heureux … »

Il faudrait tout de même qu’il aille chercher ses affaires … A moins qu’il emprunte un stylo au directeur … Il lui dit alors avec un grand sourire.

« Alors, on y va à ce lycée ? »

Marine hocha la tête en souriant.

« Mais je pense qu’il vaudrait mieux qu’on passe par la porte plutôt que par le balcon. On risquerait de trop se faire remarquer. Enfin… surtout toi ! »

Elle se dirigea vers la porte et l’ouvrit. Elle s’engagea dans le couloir et attendit que Kei la rejoigne. Elle ferma la porte de sa chambre et ils descendirent, ensemble, dans la rue. Arrivée devant l’entrée, la jeune femme regarda à droite puis à gauche  de la rue.

« Je te laisse me guider. Je ne sais pas où se trouve le lycée »

Elle suivit le chemin que lui indiquait le jeune homme et se perdit dans ses pensées. Elle allait devoir faire des pieds et des mains pour pouvoir intégrer le lycée. D’ailleurs, le proviseur ne savait rien sur elle. Elle n’avait pas de diplôme et n’avait jamais enseignée. Du moins pas dans les matières scolaires traditionnelles.

Faire face à une classe de jeunes gens ne lui faisait pas plus peur que ça. Affronter quotidiennement la mort était autrement plus effrayant. Par contre, transmettre un savoir n’était pas des plus évidents mais elle l’avait déjà fait, certes pas dans ce contexte mais bon c’était toujours de l’enseignement.

Elle avait des connaissances non négligeables mais comment allait-elle le faire comprendre au directeur ? Elle allait devoir improviser et prier le ciel que ça fonctionne. Elle espérait que si un poste de professeur n’était pas envisageable, elle pourrait peut-être au moins obtenir un travail dans l’enceinte du lycée.

Sans s’en rendre compte, ils se retrouvèrent bientôt devant les grilles de l’établissement scolaire. Marine vit la pancarte « direction » et commença à se diriger dans la direction indiquée. Elle se retourna alors vers Kei.

« Je vais voir le directeur. Toi ! Tu vas en cours. Je me débrouillerai seule ! »

Son ton était des plus durs et ne supporterait aucunes contestations. Elle se retourna et continua son chemin.

Kei rigola à sa remarque : c’était sur qu’à cette heure ci, utiliser ses ailes pour se déplacer serait un peu trop voyant. Tranquillement, il sortit à la suite de Marine et la laissa fermer la porte à clef. Arrivés dans la rue, il prit la tête de la troupe pour lui montrer le chemin. Il se demandait si Marine avait un peu de stress car durant le trajet, elle n’ouvrit pas la bouche. C’était surement normal après tout.

Ils déambulèrent encore un moment dans les rues puis ils arrivèrent enfin en vue des grilles du lycée. Le surveillant qui gardait le portail le reconnut et lui fit un signe de tête voulant lui dire de se dépêcher d’aller en cours car il finirait pas être en retard. S’il savait qu’il l’était déjà, il lui aurait certainement passé un de ces savons. Néanmoins, il ne fit pas plus attention que ça à la présence de Marine.

Ils pénétrèrent donc à l’intérieur du bâtiment et Marine repéra instantanément la direction qu’il lui faudrait suivre afin de rencontrer le proviseur. Cela étonnait quand même Kei : c’était quand même la première fois qu’elle venait. Elle se tourna alors vers lui et lui dit d’un drôle de ton, presque comme si elle le grondait.

« Je vais voir le directeur. Toi ! Tu vas en cours. Je me débrouillerai seule ! »

Hé bien, pas plus tôt arrivait qu’il se faisait déjà ‘’engueuler’’. Elle prenait vraiment ce boulot de professeur à cœur. Du moins, c’est ce qu’elle laissait paraitre. Toutefois, il l’a suivit encore un peu car il devait aller justifier son absence. Il réfléchit à ce qu’il pouvait dire comme excuse, et jugea que celle du réveil qui n’avait pas sonné était plus mal : ça passerait sans doute inaperçu puisqu’il n’était pas souvent absent en cours. Le moment des séparations arriva juste après. Il était temps pour lui de rejoindre sa classe et temps pour elle d’aller s’entretenir avec le directeur.

« On se quitte là pour l’instant. Et surtout, ne te laisse pas intimider par ce vieux machin. Il est un peu grognon mais a un bon fond. Et si tu as le courage de passer après ton entretien, je serai surement en A-3, c’est par là-bas. »

Il tourna les talons et partit en direction de sa classe, mais avant de tourner pour le prochain couloir, il montra ses mains à Marine : il croisait les doigts. Puis il disparut. Il souhaitait sincèrement qu’elle réussisse.

« J’espère que ça se passera bien pour elle … »

Il marcha jusqu’à l’entrée de sa classe et toqua à la porte. Il pénétra à l’intérieur, marmonna quelques phrases d’excuses pour son absence et partit s’assoir à sa place, en plein milieu de la pièce. C’était la pire place qu’il existait pour lui. Il demanda à un de ses camarades de classe si il pouvait lui prêter un stylo pour écrire puis prit la leçon comme tout le monde sur une feuille. Il se tourna vers la fenêtre, regardant le ciel : encore quelques heures avant d’être libre …

Elle remarqua que Kei la suivit un moment. La jeune femme espérait qu’il n’insisterait pas pour l’accompagner mais il n’était venu avec elle que pour se procurer l’indispensable billet de retard. Une fois obtenu le précieux laissé passé, il se dirigea vers sa salle de cours en croisant les doigts pour porter chance à la jeune femme.

Marine se dirigea alors vers le secrétariat et demanda à voir le directeur. Par chance, ce dernier avait un trou dans son emploi du temps et pouvait donc la recevoir. Pour une fois, elle tenta d’afficher un sourire sur son visage. Avec Kei s’était facile mais devant les inconnus s’était beaucoup plus dur. Le directeur, un homme d’un certain âge, se montra des plus courtois avec elle.

Elle passa un très long moment avec lui. Elle lui expliqua sa situation, sans trop rentrer dans les détails, inutile d’aller effrayer le brave homme par son passé guerrier. Le proviseur était un homme érudit et ils se lancèrent dans de multiples conversations savantes. Des domaines que Marine maîtrisait parfaitement. Dans ce genre de discussion, la jeune femme changeait du tout au tout. Elle devenait beaucoup plus joviale et ouverte aux autres.

Après plus de deux heures d’entretien, la conclusion fut plus qu’heureuse. Le poste lui était acquis car un professeur avait du quitter le lycée pour raisons personnelles. Lorsqu’elle sortit du bureau directorial, elle remarqua que l’heure de midi était proche. Elle décida d’aller attendre Kei et de l’inviter à déjeuner pour fêter la bonne nouvelle. Il lui avait parlé de la salle A-3. Elle s’installa alors dans le couloir, devant la porte et attendit que la sonnerie retentisse. Elle vit le jeune homme en plein milieu de la classe et il semblait s’ennuyer copieusement. Cela la fit sourire.

La sonnerie retentit alors et Marine se recula pour laisser sortir les étudiants. Quand Kei sortit à son tour, elle lui accorda son plus charmant sourire.

« Ton croisement de doigt a porté ses fruits. Tu as devant toi ta nouvelle prof de philo. Enfin, prof à l’essai. Le directeur a été des plus charmants et malgré mon absence de diplôme a accepté de me laisser une chance. Je commence lundi prochain. Si ça se passe bien, je pourrais passer le concours en même temps que j’enseignerai. Du coup, maintenant tu n’auras plus d’excuses pour rater tes cours ! Pour fêter ça, c’est moi qui t’invites à déjeuner »

Elle était folle de joie et ça se voyait.

Kei, affalait sur sa table, s’ennuyait copieusement : c’était une vraie torture. Il jetait des regards furtifs quelques fois à l’horloge accrochée au dessus du tableau, mais alors qu’il lui semblait qu’il s’était déjà passé dix minutes, il ne s’en était passé réellement trois. A ce rythme, il allait mourir sous les coups des formules mathématiques que tentait de lui faire rentrer dans la tête sa prof. Et sans son matériel, il avait encore plus de mal. Il irait surement chercher ses affaires à la pause de midi.

Kei pensait à Marine : cela faisait un moment qu’ils étaient arrivés et il ne connaissait pas la réponse que le proviseur lui avait donnée. Il fallait qu’il aille vérifier par lui-même si tout se passait bien ! Il leva la main, prétextant une envie d’aller aux toilettes pour sortir de la salle. Son professeur accepta, plus pour s’en débarrasser car il n’arrivait à rien avec lui. Il marcha donc à tâtons dans les couloirs pour ne pas se faire repérer par un éventuel surveillant et se dirigea vers le bureau du directeur. La jeune femme lui avait strictement interdit de la suivre, mais cette attente était insoutenable. Il souhaitait qu’elle réussisse du fond du cœur, elle le méritait.

La porte du bureau du proviseur était enfin en vue et personne ne l’avait encore vu. Il était tout de même passé aux toilettes qui étaient sur le chemin histoire que son excuse fasse un peu plus vraie. Il s’en approcha donc doucement et regarda à travers la fenêtre en forme de hublot. Mauvaise idée. C’est cet instant précis que choisit un surveillant pour ouvrir la porte. Il se la prit donc le nez et tomba en arrière. Il se massait le nez en se faisant en même temps réprimander pour ne pas être en cours. Il tenta vaguement de trouver une excuse puis repartit, où il dut aussi en trouver une pour avoir été absent plus de dix minutes …

De nouveau assit à sa place, il tenta de se faire expliquer non pas par le prof, mais aussi par ses camarades de classe comment le résoudre le problème qui lui en posait tant. Même avec toutes les formules marquées sur sa feuille, il ne trouvait rien. Décidemment, les maths ce n’étaient pas son truc. Mais s’il y avait que les maths … Il fallait qu’il commence sérieusement à se mettre à travailler …

La sonnerie de midi retentit enfin dans tout le bâtiment. Kei rendit le stylo à son propriétaire et s’étira longuement comme s’il avait fait quelque chose d’incroyable : en un sens, c’était incroyable de s’être tant investit sans rien pouvoir faire … Il suivit les autres élèves dans le couloir et remarqua que Marine était présente. A sa vue, il retrouva le sourire. Toute excitée, elle lui raconta que le directeur avait accepté de la faire travailler comme professeur de philo : la voir comme ça lui faisait très plaisir. Il s’approcha d’elle en souriant, posant ses mains sur ses épaules pour la féliciter.

« Ah mais c’est super ! Je savais que tu y arriverai ! Chapeau madame ! »

Restait plus qu’à savoir s’il aurait la chance de la compter parmi ses profs …

Kei était heureux pour elle ce qui fit chaud au cœur de la jeune femme. Il avait posé ses mains sur ses épaules. Ils devaient offrir une image hors norme aux autres lycéens. Ils se dirigèrent vers la sortie du lycée. La cour était remplit de jeunes gens affamés et qui bousculaient tout sur leur passage.
 
« En revanche, je ne sais pas trop si c’est une bonne nouvelle pour toi, mais tu m’auras en cours »

Marine ne savait pas trop s’il apprécierait ou non ce fait une chose en tout cas était certaine, il n’allait pas apprécier la suite de son discours.

« Je t’apprécie énormément mais ça risque d’être compliqué pour se voir. Inutile de te dire qu’un élève et une prof qu’on voit se balader ensemble, ça risque de poser un certain nombre de problèmes et de questions »

Elle n’avait pas du tout envie de lui dire ça mais elle y était obligée. Ça nouvelle fonction l’obligerais à prendre ses distances avec lui ce dont elle n’avait pas du tout envie. Elle l’appréciait énormément et même un peu plus que ça. Mais ils risquaient des problèmes tous les deux et la jeune femme ne voulait pas lui en causer. Il avait été gentil et attentionné à son égard. En aucun cas, elle ne voudrait qu’il ait des ennuis.

« Je pense qu’il vaudra mieux qu’on se limite aux heures de cours pour se voir à présent »

La joie de la jeune femme avait disparu. Ses yeux étaient devenus tristes. Elle n’osait pas regarder le jeune homme de peur de ce qu’elle risquait d’y voir. Elle tenta de sourire.

« Je ne serais ta prof que lundi. Alors profitons de ce repas de midi ensemble »

Ils étaient à présent arrivés aux grilles du lycée. Elle se tourna vers lui acceptant de le regarder pour ne pas dire de l’affronter, d’affronter son regard.

« Tu aurais un endroit préféré où aller déjeuner ? »

Elle espérait qu’il voudrait toujours déjeuner avec elle et qu’il ne lui en voudrait pas trop. Elle voulait profiter encore un peu de sa présence. Elle craignait qu’il lui en veuille

Ils marchèrent tranquillement côte à côte. Le bruit que faisait les étudiants était énorme et tout le monde se rentrait dedans pour savoir qui serait sortit le premier. Ils attendirent donc calmement leur tour, jusqu’à ce que Marine lui dise qu’il l’aurait en cours. Il sourit à cette pensée. Par contre il ne comprenait pas pourquoi elle lui disait qu’il ne serait pas content. Au contraire, il en était ravi ! Il comprit lorsqu’elle fini.

« Je pense qu’il vaudra mieux qu’on se limite aux heures de cours pour se voir à présent »

En effet, c’était un peu dur à avaler. Même si ce n’était qu’une journée qu’ils avaient passée ensemble, des liens étaient nés. Ça voulait donc dire qu’il ne la verrait plus que quatre heures chaque semaine, car dans la branche où il était, il n’y avait que très peu de philosophie. Il jeta un regard en coin à Marine et il remarqua qu’elle regardait droit devant elle, le regard un peu perdu dans le vague. Elle n’appréciait apparemment pas non plus cette nouvelle résolution. Elle tenta tant bien que mal d’essayer de se rassurer, lui disant qu’elle n’assurerait les cours que lundi prochain, et qu’ils feraient mieux de profiter de ce repas de midi ensemble. Sur ce point là, il était d’accord.

D’un autre côté, il s’y attendait un peu. Le fait qu’ils soient tout deux au même lycée posait problème en effet. Il aurait pu effectivement changer de lycée ou tout simplement arrêter l’école, mais s’il le faisait Marine risquait de se sentir coupable, et ça il ne le voulait pas.

« Tu aurais un endroit préféré où aller déjeuner ? »

Il s’arrêta de marcher alors qu’elle continuait légèrement son chemin, puis remarqua son absence à ses côtés. Elle se retourna donc et l’observa avec un regard interrogateur. Elle était quand même incroyable. Elle venait d’avoir une place dans ce qu’elle voulait faire et la joie qu’il voyait un peu plus tôt dans son regard avait complètement disparut. Il soupira.

« Tu me déçois … »

Il s’approcha d’elle et leva les mains vers son visage, lui attrapant les joues, les tirant légèrement sur le côté afin d’imiter un sourire. Elle venait d’avoir un job qui lui plaisait, alors que beaucoup de personnes travaillaient sans faire ce qu’ils souhaitaient vraiment … Il voulait juste revoir un de ses sourires, un sourire sincère …

« Souris un peu. Tu viens de décrocher ce poste que tu désirais tant … C’est quoi cette tête d’enterrement ? Allez, viens. On va manger un bout et je t’emmène faire un tour cet après-midi »

Marine ne lui fit pas remarquer qu’il devrait être en cours plutôt qu’avec elle l’après-midi. Elle se sentait coupable quelque part parce qu’elle avait envie de passer cet après-midi avec lui. Un des derniers peut-être le dernier d’ailleurs. Cela rendait Marine triste. C’était la première fois qu’elle se sentait si bien avec quelqu’un. Bien au point d’avoir envie de rire avec lui, d’échanger, de partager. Des choses qu’elle ne faisait jamais d’habitude.

Il essayait de la faire sourire. Il avait raison de dire que c’était une chance pour elle d’avoir réussi à trouver un travail et en plus un travail qui lui plaisait. Elle essayait d’en être heureuse mais plus elle le regardait, moins elle avait envie de suivre les propres règles qu’elle venait d’énoncer. Mais il était difficile de faire autrement. Elle tenta de lui sourire mais elle savait que ce n’était pas un vrai sourire mais là, elle était incapable de faire mieux.

« D’accord on va déjeuner et on se balade après »

Ils sortirent du lycée et se dirigèrent vers le centre ville. Marine avait du mal à mener une conversation. Elle fit alors ce qu’elle considérait faire le mieux c’est-à-dire se taire. Pourquoi l’idée de ne plus revoir Kei en dehors des heures de cours était-elle si terrible et difficile ? Certes, il lui apportait un bien-être inconnu d’elle mais était-ce tout ? Elle aurait pu reprendre sa vie comme elle était ou presque. L’isolement n’était pas ce qu’il y avait de plus drôle mais c’était comme ses cicatrices, elle vivait avec. Ils ne se connaissaient que depuis une journée mais elle avait l’impression qu’ils se connaissaient depuis bien plus longtemps que ça.
 
Elle essaya de se ressaisir en se disant qu’elle ne devait pas gâcher leur journée. Elle s’en voudrait encore plus. Elle se tourna vers lui en souriant.

« Alors, à toi de choisir le restaurant pour ce midi. T’as une envie particulière ? »