« Bien sur ! Ce n'est pas dans mes attributions mais... à force de fréquenter des personnes sous drogues, alcool et autres. » répondit-t-elle en hochant la tête « J'ai fini par m'y habituer. Là il demande ce qu'on lui a fait ? » Le pauvre type parlait plus vraiment désormais. Sa tête dodelinait doucement alors qu'il dévisageait les deux femmes... et le cadre autour d'elle. Solace pouvait clairement le voir : un paysage champêtre où cavalaient des satyres pourchassés par des nymphes qui lui envoyaient quelques coups d’œils lubriques. Le gars était bienheureux... pour le moment. Du coin de l’œil, elle vit que la déesse s'était assise sur une des chaises et observait désormais le petit spectacle qui s'offrait à elle. Solace déglutit avant de se retourner totalement vers leur victime. Il n'était pas question de perdre la face ! D'ailleurs, à ce sujet...
« Je... d'accord » murmura-t-elle lorsque Sanguilia lui affirma qu'une divinité ne devait pas se rabaisser. C'était plus fort qu'elle, se retrouver face à tant que puissance et d'expérience lui tournait la tête. Elle était intimidée, et ses états d'âme lui avaient échappé. La jeune femme se promit donc de ne plus laisser échapper quoique ce soit qui pouvait témoigner de ses doutes. Après tout, la déesse de la frénésie et du bon temps n'avait qu'une vingtaine d'années avancée, une peccadille quand on considérait l'âge de certaines divinités, l'âge de Sanguilia par exemple étant donné l'assurance dont elle faisait preuve. Solace ramena une autre chaise pour la placer devant l'homme et s'y posa, à l'envers, afin de poser ses bras sur le dossier. Le type avait les yeux vitreux et un mince filet de bave dégoulinait le long de son menton. Pathétique. Enfin au moins il avait l'air de sacrément s'amuser. De temps à autre, il tressautait légèrement, laissant échapper une plainte dans laquelle ne se trouvait plus ni peur, ni angoisse, juste une fascination étouffante et l'envie pressante d'aller rejoindre les créatures que lui seul (et Solace) pouvait entrevoir, le seul fruit de son imagination.
« Mais, je peut vous faire confiance ? » Elle s'était arrachée à sa contemplation pour se retourner, pleine d'espoir, vers la déesse. Le conseil dont elle l'avait gratifié, et l'attention qu'elle lui portait, lui donnait l'impression qu'elle pouvait pleinement se fier à elle. « Ce n'est pas faiblesse, je suis puissante, mais mon pouvoir est nettement plus impressionnant sur les foules » grimaça-t-elle. C'était la simple et pure vérité. Myreck, l'homme dont elle avait habité les geôles pendant un temps qui lui avait semblé interminable, avait usé d'elle et de ses capacités. C'était à ce moment là qu'elle s'était rendue compte de ce qu'elle pouvait accomplir. Dans la cité et le palais de celui-ci, la déesse avait vu des foules entières se plier devant elle. Les plus prudes, les plus chastes et les plus innocents s'étaient adonnés aux pires vices, cédant à la tentation sous la pression de sa seule volonté. Elle n'était qu'une étincelle qui embrasait un feu de paille, se propageant de personne en personne. Meurtre, sexe, orgies, cannibalisme même, violence gratuite, l'âme était libérée de toute pression, de toutes barrières. D'une certaine façon, Solace les libéraient. Bien entendu, de pareils moments se soldaient rarement calmement, il y avait au moins quelques pertes dans le tas. Elle en avait vu s'amputer leur propre main sans raison ou lancer un camarade dans un puits et n'en ressentir que délivrance et liberté.
« Après on pourra peut-être trouver quelques volontaires supplémentaires ? » Elle en trépignait presque. Il n'était pas rare qu'elle organise ses propres raves ou bien qu'elle fasse un petit détour par une boîte de nuit, une salle de concert, des événements qui rassemblaient les foules comme des concerts, des mariages, des remises de diplômes. Des réunions de bureaux aussi. Bien entendu, Solace s'était un peu calmé. Les orgies c'était son petit plaisir, mais Ciri aimait moyennement ses petits passe-temps. Alors elle restait sage. Oh bien sur il y avait ses auto-proclamés fidèles qui n'hésitaient pas à lui demander l'honneur de pareil événement. Eh bien ! Il semblait que ses derniers temps tout semblait pousser Solace vers l'exploration de sa nature divine, et Sanguilia était bien là pour confirmer ça. « Mais d'abord, il faut s'occuper de notre invité. » continua-t-elle en se penchant vers l'homme. Elle claqua des doigts et le premier pouvoir arrêta d'agir. Désormais, il pouvait exprimer sa pensée - il fallait savoir si ça avait de l'effet après tout ! Les phéromones quant à eux continuèrent d'agir, il avait donc tout le loisir de reluquer les créatures imaginés qui dansaient à quelques pas de lui. Solace pouvait le voir dans ses yeux, il voulait les rejoindre. C'était un des effets secondaires du pouvoir qui se montrait drôlement cocasse. C'était toujours amusant et grotesque de voir quelqu'un se déhancher avec des partenaires de danse invisibles. Solace réfléchit rapidement. Les liens de feu qui l'empêchent de pouvoir lui permet de s'offrir le luxe de l'omophagie, un talent dont elle use habituellement avec précaution pour ne pas se trouver face à de mauvaises surprises : se faire sauter dessus par un cannibale furieux qui n'en veut pas qu'a votre viande.
La capacité fit rapidement effet : les pupilles se rétractèrent, ses babines se retroussèrent et il se remuait sur son siège (autant qu'il était possible de le faire lorsqu'on était attaché par des anneaux de feu). Il émit un grognement bestial alors que ses yeux roulaient dans leurs orbites. « Faim... » grogna-t-il en se secouant sur son siège. Un instant de lucidité perça sur son visage alors qu'il était étouffé par une frénésie naissante. Il claqua les dents plusieurs fois, tout en continuant à tenter de se libérer. « Vous voyez... l'avantage est de libérer les pulsions chez l'individu » expliqua-t-elle en levant un index dans les airs, avec un air bien trop sérieux pour la situation « On retrouve dés lors l'inévitable lien entre l'homme et l'animal. Il m'est possible de l'appliquer sur plusieurs individus à la fois. J'ai déjà vu des trucs détonnant dans ces cas là. » continua-t-elle avec un grand sourire. L'homme poussa un cri alors qu'il tremblait de rage, d'envie et de faim. Une faim irrépressible. Il ouvrit grand la bouche avant de la renfermer à grand bruit, mordant violemment un bout de sa joue. Un peu de sang perla au coin de sa bouche alors que les effets commençaient à se dissiper. Peu à peu l'esprit sain de l'homme glissait vers des tréfonds bien plus obscurs.
Bien entendu, il ne s'agit que d'un avant-goût de ses capacités. Solace avait nettement plus en réserve.