Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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[FINI] Les ailes flamboyantes d'un Phénix [Yamagashi-senseï]

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Mélinda Warren

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    Petite vampire qui aime mordre des fesses <3
Suite du RP Gravité

Mercredi, manoir Warren
12h10
Une semaine après la visite d’Hitomi au manoir Warren


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Chère Madame,

Comme d’habitude, je vous écris cette lettre pour vous parler de la semaine de votre fille. J’ai bon espoir que vous recevrez ces quelques informations Vendredi. Comme d’habitude, j’ai également joint à ce courrier un CD comprenant une vidéo montrant votre fille en train de jouer, de rire, et de prendre un repas. Ont été également joints une photocopie de sa dissertation de philosophie et d’une interrogation de mathématiques, qui confirme bel et bien que votre fille est plus intéressée par la réflexion abstraite que la logique cartésienne.

Cette lettre est porteuse de bonnes nouvelles. Comme je vous l’avais informé Mercredi dernier, votre fille continuait à manquer volontairement plusieurs cours, notamment les enseignements d’anglais. Ces raisons, indépendantes de votre volonté, commencent à se résoudre, et, bien que je comprenne vos interrogations à ce sujet, il m’est impossible de tout vous révéler pour le moment. Soyez assurée que votre fille est en train de se reprendre en main, et dispose à cet effet de tout un cercle d’amies prêtes à la soutenir dans les moments difficiles.

En revanche, je me dois aussi de vous informer de plusieurs problèmes qui me préoccupent. Les blessures et cicatrices au dos de votre fille se sont encore rouvertes, et ce malgré mes pansements. Cette dernière refuse de se faire hospitaliser, et je pense devoir bientôt prendre les mesures qui s’imposent pour mettre fin à ces souvenirs d’un passé que, ni elle, ni vous, ne souhaitez raviver. Je tiens néanmoins à vous rassurer, et à vous certifier, comme les vidéos le montreront, que, malgré ces quelques blessures, votre fille est sereine, et fait preuve d’une vigueur et d’un entrain d’esprit qui sont très contagieuses. Elle est un peu le pilier de ma petite entreprise, et la voir ainsi me comble personnellement de joie.

Conformément à votre requête, j’ai tenté de lui parler de vous, mais, à la simple mention de votre nom, cette dernière s’est rétractée, et a refusé d’en entendre parler. Bien que je ne doute nullement de vos bonnes intentions, et de votre volonté de renouer avec votre ville, je suis toujours en réflexion sur votre proposition.

Bien cordialement.

C’était la lettre classique. Mélinda la contemplait silencieusement, hésitant à choisir quelle lettre elle devrait mettre dans l’enveloppe. Elle se mordilla les lèvres, en pleine réflexion, et contempla la nouvelle, celle qui avait germé dans son esprit quand Hitomi était venue la voir, il y a une semaine. Celle-là était plus audacieuse, plus originale, mais aussi plus risquée.

Citer
Chère Madame,

J’ai longuement réfléchi à votre proposition d’une rencontre, afin de vous permettre de revoir votre fille. J’ai soigneusement pesé le pour et le contre des implications et des conséquences d’une telle décision, et j’ai finalement consenti à accepter ceci. Comme vous avez du le constater, cette lettre, contrairement aux autres, ne contient aucun fichier joint. Je compte en effet vous remettre en mains propres ces éléments, et éventuellement vous permettre de revoir votre fille.

Je me tiendrais à disposition aujourd’hui même, à 18h, au café Dwanzig. C’est précisément celui où vous travaillez en tant que serveuse. J’espère vous y voir.

Bien cordialement.

Cette seconde lettre était bien plus courte, car Mélinda avait tout simplement eu moins de choses à mettre. Elle contempla les deux, l’enveloppe, et se titilla les lèvres. Habituellement, elle chargeait l’un des agents de la Sombra d’aller poster cette lettre depuis Tokyo, de manière à ce que la femme en question ne puisse pas remonter jusqu’à elle. Mais ce petit jeu épistolaire qui durait depuis des mois commençait à la fatiguer. Et elle avait justement l’occasion d’y mettre un terme. Grâce à Hitomi. La prof’ avait bel et bien dit qu’elle serait toujours disponible pour elles. Il était justement temps de le prouver. Mélinda consulta sa montre. 12h11. Hitomi était en route. Elle lui avait envoyé un message à 11h55, vers la fin de son cours, sur son téléphone portable. Un message court et simple :

« J’ai besoin de toi. Tu peux passer rapidement, stp ? Je t’offrirais à manger.
 
M.
»

M. pour « Merci », M. pour « Mélinda ».

L’accusé de réception avait confirmé que le message était bien arrivé, et, depuis, Mélinda attendait, nerveuse et inquiète. Si Hitomi ne venait pas, elle devrait envoyer la lettre classique. Et ce n’était pas vraiment ce qu’elle souhaitait. A vrai dire, Mélinda ne savait pas du tout ce qu’elle souhaitait, car elle se retrouvait ici face à un problème insoluble pour elle, un problème qu’elle n’avait jamais pu connaître, et qu’elle se prenait de plein fouet, maintenant qu’elle avait une fille. Ce problème était cauchemardesque, et le fait d’avoir Akira à domicile lui avait justement rappelé de la manière la plus désagréable possible l’existence de ce souci.

L’amour entre une mère et sa fille. Entre Clara et sa mère. Avec Mélinda qui se tenait en plein milieu.
« Modifié: mardi 10 mars 2015, 01:12:28 par Princesse Alice Korvander »

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Yamagashi Hitomi

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La semaine a été bonne, l'un dans l'autre. J'ai à peine recroisé Clara, et on s'est très cordialement fuies comme la peste. La mise à l'épreuve que je m'étais imposée pour Kyle a été une leçon, celle de Mélinda n'a rien à voir. J'ai décidé de ne rien imposé, du moins pas sans être sollicitée. Le petit jeu de la prof et de sa simple élève se poursuit avec Shii, ou plutôt il est redevenu un jeu. Et bien sûr il y a une foule de choses à côté. Même si tous les nuages ne sont pas dissipés cette fois j'ai vraiment l'impression d'avancer, paradoxalement, avec Mélinda, ça revient à attendre tout bêtement.

J'ai profité de ces quelques jours pour rattraper le temps perdu où je le pouvais, donc loin de Seikusu. J'ai écrit à mes parents pour les rassurer sur mon état, assez posément pour qu'ils n'aient pas à en douter. J'ai d'ailleurs dit à ma mère de laisser ma petite offrande à Mister Tic-Pic la prochaine fois qu'elle passerait à la maison. J'ai aussi écrit à droite et à gauche et j'ai eu des nouvelles. C'est fou ce que le monde a tourné quand je ne regardais pas. Je me suis excusé auprès de Liam, et de sa fiancée, pour la lettre incendiaire que je lui avais envoyé. Et de savoir qu'ils comptaient appeler leur fille à naître Dana ne m'a pas effondrée, bien au contraire. Yukio et Sakura, deux anciens amis de la fac, filent encore le parfait amour. leur fils aura bientôt deux ans et il a un petit frère en route. Il me manquent tous.

Il y a quelqu'un d'autre qui me manque, et dont les nouvelles m'ont un peu peinée. Makiko. Visiblement elle n'a pas changé : virée de la ligue nationale pour avoir participé à des combats d'arts martiaux mixtes un peu douteux. Elle n'a pas l'air de regretter. Au contraire : elle donne des cours à une poignée de disciples triés sur le volet, qui doivent parfois le regretter. Et elle a tiré son épingle du jeu malgré la disparition de ses espoirs olympiques. Chorégraphe de combats pour la télé et le cinéma, à vingt-six ans, c'est plutôt... rassurant. Elle tient toujours la forme et ça doit lui donner de quoi bien s'occuper.

Il faut que je lui rende visite un de ces jours, mais les occasions de retourner à Tokyo ne vont pas se multiplier. Et j'ai ma petite carrière, moi aussi. Je dois encore un bon paquet de chapitre à mon éditeur. Je n'ai pas encore osé parler de ça à Mélinda. Je n'ai pas envie qu'elle pense que je suis revenue en quête d'un mécène. Vu mon quota de confiance j'ai peur qu'elle croit que j'ai voulu me venger et qu'elle se mette à chercher la petite bête. Elle reconnaîtra assez facilement nos expériences dans les passages érotiques, ça c'est clair. Et j'ai maudit ma petite Danu à travers une Banshee, pour ajouter tant au dark qu'à la fantasy.

Enfin ! Plus tard, tout ça. Pour l'instant je me dépense un peu. C'est peut-être de repenser à Makiko mais j'ai décidé d'aller cogner un peu dans le sac de la salle de sport du lycée. À l'époque on le tenait tour à tour, ou plutôt elle le tenait en me disant comment taper, puis je m'efforçais de ne pas décoller du sol à chacun de ses coups. Ce n'est plus pour défouler ma colère que je frappe. Je suis motivée, je vois clairement mes buts et je suis déterminée à les atteindre. Je dois fatiguer mon corps pour alléger mon esprit. Et depuis mon arrivée à Seikusu je n'avais pas vraiment pu prendre soin de mon corps. Dès le départ, avec Kyle, j'ai cherché à me rendre disponible. Ça m'a appris à tirer parti de mon temps libre. Alors je profite des deux heures de trou que j'ai aujourd'hui en fin de matinée.

Essoufflée mais bien contente de m'être prouvée que j'ai retrouvé la pêche, je laisse le sac de frappe ceinturé de ruban adhésif. Il ne pendouille pas bien longtemps avant que quelqu'un ne vienne prendre ma place. L'ambiance des salles de sport aussi m'avait manqué. Plein de gens qui soufflent et qui transpirent en faisant travailler les muscles... Ça réveille pas mal de souvenirs. Makiko se dépensait aussi beaucoup aux vestiaires, je n'ai jamais cherché à critiquer les méthodes d'une championne. Pour aujourd'hui je m'en tiendrai à la salle. Je déroule les bandes autour de mes mains en regagnant le banc où j'ai laissé mon sac, et je fait les cent pas avant de les y fourrer. Une petite douche, retour au tailleur, un gros plateau à la cantine, puis j'aurai un peu de temps pour buller avant de me remettre au travail.

Mais en rangeant les bandes, je trouve mon portable qui affiche un message reçu.

J’ai besoin de toi. Tu peux passer rapidement, stp ? Je t’offrirais à manger.
 
M.

J'hésite une seconde. C'est parti. Elle m'invite enfin à revenir. Est-ce que je serais vraiment à la hauteur ? Je n'en sais rien, mais j'ai promis d'être là. Mon prochain cours démarre en milieu d'après-midi, en attendant j'avais prévu de bosser quelques fioritures toutes personnelles à ajouter au programme de mes élèves. Le genre de petites choses qui faisait que j'étais moi et que j'ai laissé de côté comme le reste. mais je pourrai toujours m'en occuper plus tard.

J'arrive dans une demi-heure. J'ai une faim de loup.

H.

Je file vers les vestiaires pour prendre une douche et me changer. Puis en route pour le manoir. J'évite de me demander ce qui m'attend, même si le mot "besoin" a de quoi surprendre venant de Mélinda... Je préfère me dire qu'elle a déjà retrouvé assez confiance en moi pour l'employer.

Mélinda Warren

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Mélinda avait reçu une réponse, et en éprouva un indicible soulagement. Elle avait une « faim de loup ». Mélinda décida donc de quitter son bureau, et se rendit en bas. Il y avait quelques-unes de ses filles. Ni Shii, ni Clara, mais Kaori était là, avec Akira. Lorsque le regard de Mélinda croisa celui d’Akira, cette dernière préféra s’en aller, suçotant du sang par un verre. Elle le faisait sans gêne devant Kaori, mais, dès qu’elle voyait sa mère, elle n’arrivait pas à rester plus longtemps. Mélinda sentit sa bonne humeur être légèrement refroidie, et laissa Akira partir, impuissante à la retenir. Reprenant ses esprits, elle demanda à Kaori ce qu’il y avait à manger.

« Ben... On a commandé des pizzas... » expliqua cette dernière.

Des pizzas... Hum... Soit. Après tout, c’était bourratif, alors ça devrait sans doute convenir pour Hitomi. Mélinda ne pouvait que l’espérer. Elle ne put que remarquer à quel point Kaori était gênée. La situation entre Akira et Mélinda conduisait en effet la brave petite à se retrouver au milieu d’une dispute familiale vampirique. Ce n’était pas une position très enviable pour une humaine, surtout quand elle devait choisir entre sa meilleure amie et sa maîtresse. Et Mélinda ne pouvait pas non plus la forcer. Elle savait que Kaori essayait aussi, à sa manière, d’aider Akira, mais la tâche serait longue et ardue.

Les pizzas arrivèrent plus rapidement qu’Hitomi. Mélinda se tenait dans l’un des salons, devant une télévision murale qui diffusait les actualités à Midi de manière condensée. Au niveau des taux d’audiences, le débat organisé la veille sur l’avenir des super-héros avait accompli une belle performance, concurrençant sérieusement la diffusion de Men In Black II sur une autre chaîne. Plusieurs de ses filles l’avaient suivi. Visiblement, la chaîne appréciait peu les clowns bariolés. Ce fut après cette nouvelle qu’Edgar annonça la venue d’un scooter transportant les pizzas. Kaori s’était chargée d’aller les chercher, et Mélinda avait silencieusement regardé les informations.

« ...Et rappelons qu’Akori Aoyama est toujours introuvable. Cela fait maintenant plus d’un mois que personne ne l’a retrouvé, et, même s’il est trop tôt pour évoquer son décès, la police commence, comme l’ont révélé des sources internes, à se poser des questions. De même, beaucoup de gens font le rapprochement entre cette disparition et celle survenue, il y a plus d’un an, par Sakura Konoe... »

L’image de la belle lycéenne apparut dans un coin, et Mélinda éteignit rageusement l’écran en appuyant sur le bouton rouge de la télécommande. Le sort s’acharnait ! Elle bouillonnait sur place, et la porte se rouvrit, livrant passage à Kaori. Les pizzas étaient dans plusieurs petits cartons chauds, l’ensemble retenu par des cordes, et Kaori les posa lourdement sur la table. Mélinda en récupéra une, l’ouvrit, et sentit son estomac gargouiller en sentant l’odeur de la pizza. Elle ouvrit le carton en grand, et vit le regard gêné de Kaori. Elle tenait une autre pizza, et Mélinda comprit.

« Vas-y... » soupira-t-elle.

Kaori la remercia, et se rendit vers la chambre d’Akira, afin de partager avec elle sa pizza. Mélinda, de son côté, soupira. Plusieurs des autres pensionnaires du manoir débarquèrent pour commencer à manger. Mélinda les laissa faire, Seule Liana, sa neko, choisit de rester avec elle. Elle se posa sur ses genoux, et se roula en boule. Tout son corps débordait plus ou moins, mais Mélinda appréciait le geste. Elle savait, cette petite, elle savait quand sa Maîtresse n’allait pas très bien.

*Dépêche-toi, Hitomi, ça va refroidir...*

Son portable finit par sonner assez rapidement. Elle le décrocha. Edgar. Hitomi. Le vigile mangeait une pizza, et elle ne tergiversa pas longtemps. Les portes s’ouvrirent, et la vampire n’eut qu’à attendre. Liana se poussa légèrement, et alla s’étaler sur un fauteuil dans un coin, sa queue atterrissant devant sa tête, qu’elle se mit plus ou moins à suçoter. Hitomi arriva ensuite. Mélinda la regarda avec un léger sourire, mine de rien rassurée qu’elle soit là. Il fallait qu’elle évacue Akira de sa tête. La vampire avait d’autres soucis pour le moment.

« Salut, Hitomi. Les filles ont commandé des pizzas. J’espère que ça t’ira... »

Autant l’accueillir, avant de lui sauter dessus pour lui exposer l’objet de sa requête. Jadis, Mélinda l’aurait accueilli par un gros câlin avec, dans la foulée, un tendre baiser, mais elle ne se sentait pas encore assez proche de la senseï pour se permettre un tel élan.

DC d’Alice Korvander.

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Yamagashi Hitomi

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J'ai peut-être été un peu plus enthousiaste que prévu à la salle de sport. La douche m'a mis un coup de barre. Dans un monde parfait je remplirai le ventre pour aller faire une sieste, même pas crapuleuse. Je reste debout dans le bus pour éviter de somnoler et manquer mon arrêt. Mais je doit me tenir à la poignée qui pend du plafond pour résister à l'envie. Il faut dire aussi que j'ai presque deux mois de nuits blanches à récupérer. Presque deux mois de solitude aussi... Quand j'y pense c'est quand même bizarre : sur la forme les choses ne changent pas tant que ça. Je suis encore crevée, je dois encore m'acharner pour m'en sortir, je dois aussi me défouler et garder une certaine distance avec mon entourage. Mais dans le fond tout est différent. J'ai enfin trouvé les bonnes raisons et je le sais. Je ne me bat plus contre mais pour. Ça fait toute la différence.

Le bus s'arrête, et je mets dix bonnes secondes à percuter que je dois descendre. Puis je file pour remonter le trottoir en direction de chez Mélinda. la demi-heure que je lui ai annoncée était prise à la louche, j'espère que je ne la laisse pas poireauter. J'espère aussi qu'elle a effectivement à manger, parce que je pourrais manger un hippopotame en salade, dents comprises. Et ces bêtes-là, même bien cuite, c'est pas pour les mâchoires fragiles ! En approchant du manoir j'ai au moins la faim pour me distraire. Je me suis retenue d'imaginer ce que Mélinda peut attendre de moi, pour ne pas ouvrir la porte à l'angoisse. Je ne craque pas en arrivant devant la grille.

Une délicieuse odeur de fromage fondue et de sauce tomate chaude vient me caresser les narines. Mon estomac entame la danse de la pluie en espérant que ça va tomber. Le vigile, dont je ne connais toujours pas le nom, est en train de bouloter tranquillement une part de pizza. Il devient méfiant en remarquant mon approche, et je ne peux pas lui en vouloir. En fait je ne m'en soucis pas : c'est son boulot et c'est la confiance de la patronne que je dois retrouver. Je dois surtout me retenir de fondre sur sa pizza comme un rapace. Je lui sourie poliment, mais sincèrement. D'une certaine façon ce gars est un morceau de la porte que je suis contente de passer à nouveau dans le bon sens.

" Bonjour ! Cette fois je suis attendue. "

Un petit coup de fil à la patronne et je le remercie de m'ouvrir la grille. Je rejoint le manoir à foulées aussi grandes que la dernière fois. La dalle, ce serait mentir que de prétendre le contraire, et surtout la joie d'être à nouveau la bienvenue, un tant soit peu. J'entre et tout le monde est en train de manger. Une horde de jolies filles avec des pizzas, si je ne venais pas pour rendre service à Mélinda je pourrais me croire au paradis, ou en enfer vu ce que cette orgie ferait subir à ma ligne.

Un peu l'enfer quand même. Dire qu'avant, dès qu'on se voyait on se sautait dans les bras. Je me prends en pleine poire le mur que j'ai dressé entre nous. Ça fait mal mais je ne le cache pas plus que ma détermination à le démonter pierre par pierre. Je suis venue pour que tout aille mieux, et j'espère qu'elle le voit dans mon petit sourire. Elle ne m'a pas appelée pour rien. Je la sais, même si je le devine plus qu'elle ne le montre.

" Salut, Hitomi. Les filles ont commandé des pizzas. J’espère que ça t’ira...
- C'est parfait ! "

Je m'approche encore un peu. Toutes filles restent à distance respectueuse, ou plutôt froidement polie, mais elles nous surveillent. J'aime autant ne les laisser entendre que Mélinda m'a appelée à l'aide. Je suis encore détestée entre ces murs.

" Si tu as déjà mangé, ça te dérange qu'on commence à discuter pendant que je m'y mets ? Je sors de la salle de sport, j'ai vraiment faim. Mais ça m'empêchera pas d'écouter. "

Mon corps est affamé, mais je sens que la rancœur ambiante va vite me couper l'appétit. Et puis je préfère être honnête. Elle sait aussi bien que moi à quel point ses protégées m'en veulent d'avoir bousillé leur maîtresse, elle le sait même mieux. En revanche elle ne pouvait pas savoir que j'ai l'estomac dans les talons. D'ailleurs le réconfort de me remplir la panse ne pourra que me mettre dans de meilleures dispositions pour l'aider.

Mélinda Warren

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« Si tu as déjà mangé, ça te dérange qu'on commence à discuter pendant que je m'y mets ? Je sors de la salle de sport, j'ai vraiment faim. Mais ça m'empêchera pas d'écouter. »

L’arrivée d’Hitomi ne fut pas très bien accueillie par la plupart des filles de Mélinda. Une écrasante majorité des lycéennes en voulaient toujours à cette dernière d’avoir trahi leur Maîtresse, et de l’avoir blessé. Ce n’était pas quelque chose qu’on pouvait pardonner facilement. Pour elles, Mélinda était un symbole, une espèce de modèle à suivre. Ce modèle avait été flétri, marqué, fané. Mélinda était même partie en vrille pendant un temps. Elle reprenait peu à peu du poil de la bête, mais avait, pour ainsi dire, voyagé de Charybde en Scylla. Hitomi sentit bien cette apparente animosité, cette tension, et Mélinda fit signe de la main. Les filles en profitèrent pour rallumer la télévision, baissant toutefois le son, tandis qu’Hitomi, heureuse, se jetait sur les pizzas.

La chaîne retransmettait un débat télévisé qui avait eu une bonne part de l’audimat, dans laquelle plusieurs individus s’affrontaient : Paul Zickmann, spécialiste, Kenneth Douglas, un avocat, et d’autres. Le débat commençait, et les filles mangeaient des pizzas, jetant parfois des coups d’œil suspicieux vers Hitomi. Si tu oses refaire une connerie... Voilà ce que ces regards disaient, lourds de promesses allant en ce sens. Mélinda ne dit rien, se contentant de regarder Hitomi, se demandant comment aborder sa requête.

« Et que pensez-vous de l’apport sociétal des super-héros, M. Douglas ? »

L’animateur du débat venait de parler. Dans un impeccable costume ouvert montrant une chemise blanche avec des traits verticaux, l’intéressé tira sur les pans de sa veste avant de parler, un éternel sourire d’adolescent rivé sur les lèvres :

« Vous savez, Petey... Je peux vous appeler Petey, Petey ? En tant qu’avocat pénaliste, je ne peux être opposé à l’apport sociétal des super-héros, comme vous les appelez... Et je rejoins d’ailleurs en ce sens M. Zickmann dans ses analyses pertinentes. »

Hochement de tête satisfait et approbateur de l’intéressé. Amusé, Petey laissait Douglas parler.

« Vous voyez, quand j’ai à défendre le cas d’un client qui a été molesté par l’un de ces justiciers autoproclamés, l’affaire est pliée d’avance. Dans 95% des cas, les suspects qui ont été arrêtés par des super-héros sont relâchés pour un quelconque vice de forme qui rend toute l’enquête caduque.
 -  Voilà un chiffre qui fait mal !
 -  Voilà bien pourquoi je voudrais adresser à tous ces justiciers un message simple. Revenez. Les avocats ont besoin de vous.
»

Mélinda fronça les sourcils.

« Baissez le son ! »

Cette mode des médias était agaçante. Impossible de trouver un quotidien ou une chaîne télévisée qui ne parle pas un jour ou l’autre des clowns costumés. Mélinda, agacée, reprit son calme, et planta son regard dans celui de la senseï, afin de se mettre à parler.

« Bref... Je t’ai appelé pour un service, comme tu as du t’en rendre compte. Je ne peux pas trop en dire plus sans devoir tout t’expliquer, et j’aurais pour cela besoin de toute ton attention. Finis donc tranquillement de te remplir l’estomac, et je t’expliquerai tout. Tout ce que je peux te dire, c’est que ce service concerne Clara, et pourrait sensiblement améliorer tes relations avec cette dernière. »

Voilà qui devrait indéniablement attiser la curiosité d’Hitomi. Elle savait que les relations entre elle et Clara étaient toujours conflictuelles, et ce même après la visite surprise d’Hitomi au manoir. C’était même encore pire, et Mélinda avait eu du mal à savoir ce qui s’était passé. La senseï avait vu les blessures de Clara, et avait menacé cette dernière. Et Mélinda avait été incapable de la rassurer. Clara vivait depuis dans la peur constante d’entendre son père sonner à la grille, avec des policiers, pour ramener sa fille. Cette perspective la terrorisait. Tout simplement. Et Mélinda, sur ce point, ne pouvait que la comprendre.

*Mais je vais t’offrir l’occasion de prouver ta valeur, Hitomi... L’occasion de voir à nouveau toutes ces lycéennes qui te détestent te sourire radieusement.*

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Je dois me concentrer pour bien mâcher mes bouchées de pizzas au lieu de les avaler tel quel. J'ai entendu quelque part que l'estomac met un certain temps à informer le cerveau, ce qui explique qu'on ne sache pas qu'on a trop mangé avant qu'il ne soit trop tard. Donc je réfrène un instinct de plus. Et j'en profite pour garder un œil sur la télé pour me distraire de Mélinda. L'envie de la manger elle aussi, bien sûr encore hors de ma portée, mais également de lui demander ce qu'elle me veut.

Mais les deux abrutis suffisants qui passent les super-héros à la moulinette avec leurs sourire éclatants me soulèvent le cœur. Je ne peux pas cacher une très acerbe pointe de colère dans mon regard, surtout pour l'avocat tout content de remettre en liberté 95% des mecs qui se font choper par les "justiciers autoproclamés". D'après sa statistique, les cinq hommes qui me sont tombés dessus le soir où j'ai rencontré Kyle s'en sont sortis les mains dans les poches, on peut sans doute y ajouter les deux dont Gabriel m'a sauvée. Alors c'est comme ça que ça doit marcher ? Je repense à Priscilla qui élimine froidement tous les gars de ce genre qu'elle croise. Sans aller jusqu'à l'approuver, je ne la condamne pas. Et une femme aussi "instinctive" ne peut pas être ailleurs qu'au bout de la ligne de prédation.

" Baissez le son ! "

Heureusement que Mélinda m'arrache à toutes ces conneries. Je commençais à imaginer ce qui serait arrivé si elle m'avait effectivement transformée en Vampire. Je suis une grande sensible et j'ai fait pas mal de dégâts autour de moi malgré ma petite condition de mortelle. Alors avec des crocs, des griffes, une force surhumaine et une soif de sang... je sens que je vais passer de très longues heures à creuser le sujet dans les aventures de ma petite Danu.

En attendant je suis bien contente d'échapper à ce genre de cas de conscience. Et même si je n'ai plus beaucoup d'appétit après avoir entendu ces deux zouaves se payer publiquement la tête de mon Kyle, j'arrache une bouchée de plus à ma pizza en revenant à Mélinda.

" Bref... Je t’ai appelé pour un service, comme tu as du t’en rendre compte. Je ne peux pas trop en dire plus sans devoir tout t’expliquer, et j’aurais pour cela besoin de toute ton attention. Finis donc tranquillement de te remplir l’estomac, et je t’expliquerai tout. Tout ce que je peux te dire, c’est que ce service concerne Clara, et pourrait sensiblement améliorer tes relations avec cette dernière. "

Mes relations avec Clara ? Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de les améliorer. Avant mes terribles conneries on se supportait, une sorte d'amour vache ou de concurrence déloyale pour les faveurs de Mélinda, avec cette dernière comme arbitre. Ensuite elle a été la seule à me mettre le nez dedans, bien qu'elle n'avait pas la carrure pour ça. Le fait est que je dois beaucoup à cette fille et que je ferais tout ce que je pourrais.

Quant à me remplir l'estomac, je suis en train de finir ma troisième part de pizza. Décidément, que les choses aillent bien ou mal, Mélinda semble en vouloir à ma ligne. Il m'est arrivé de me demander si quelques petits kilos bien placés, ça et là... Mais on verra après mon petit programme de remise en forme. Et il y a plus important.

Une fois la croûte de ma dernière part de pizza engloutie, je suis Mélinda jusqu'à son bureau. Je ne sais pas ce que Clara et Shii lui ont raconté de ce qui s'est passé au lycée. Je serais étonnée qu'elle sache pour le couteau, et même si je veux être honnête avec elle je ne lui en parlerais pas.

" Je préfère te le dire tout de suite, Mélinda : je te promets de faire de mon mieux, mais pas que ça sera facile. Tu sais comment ça se passe entre Clara et moi, quand tu n'es pas dans les environs on se saute à la gorge une fois sur deux. Et on pouvait déjà pas se voir avant que je te rencontre. Je ne sais pas ce que tu vas me demander, mais je sais déjà que c'est délicat. "

J'ai essayé de dire ça sur le ton le plus léger possible. D'accord, ça ne peut être que grave pour que Mélinda m'appelle à la rescousse. Surtout s'il s'agit de Clara. Mais si tout le monde en fait une montagne dès le départ on va droit dans le mur.

" Dit-moi ce qui te tracasse, mais reste simple. Si on s'emballe on fera plus de mal que de bien. Et tu sais que là : c'est l'expérience qui parle. "

L'expérience très récente, qu'il va falloir mettre à profit. Je doute de rassurer Mélinda en lui disant tout ça, mais je ne veux pas la rassurer. Je veux qu'elle sache que je vais faire au mieux, pas au plus rapide.

Mélinda Warren

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Hitomi se mit à manger comme dix, dévorant la pizza. Silencieusement, Mélinda la regardait, se rappelant que, effectivement, la femme avait toujours eu un trou à la place de l’estomac. Il fallait aussi dire que, quand Mélinda l’avait dans ses petits souliers, Hitomi se dépensait beaucoup, sexuellement parlant. Fatalement, elle brulait énormément de calories. Est-ce que c’était toujours le cas depuis son expérience amoureuse ? La vampire en doutait, mais elle ne se sentait pas assez proche pour lui poser cette question. Ce qu’elle savait, c’est que ça lui manquait suffisamment pour qu’elle saute sur les opportunités que Mélinda lui offrait pour la rejoindre, quitte à négliger son déjeuner en comptant sur ce que la vampire lui offrirait.

Le repas fini, Mélinda se dirigea d’un pas tranquille vers son bureau. Hitomi la suivit, et c’est en s’asseyant sur son fauteuil, et en regardant la senseï, que cette dernière se permit une remarque qui fit légèrement froncer les sourcils de Mélinda :

« Dit-moi ce qui te tracasse, mais reste simple. Si on s'emballe on fera plus de mal que de bien. Et tu sais que là : c'est l'expérience qui parle. »

Elle rajouta sur un ton un peu sec :

« Évite de remuer le couteau dans la plaie, Hitomi. Ne va pas t’imaginer un seul instant que c’est parce que j’ai accepté de te réintégrer dans ma vie que j’ai oublié ce que tu as fait. »

Voilà qui était dit. Concis et on ne peut plus clair. Les agissements d’Hitomi étaient encore une plaie ouverte dans le cœur de Mélinda, une plaie qui se ravivait à chaque fois qu’elle voyait dans le regard d’Akira l’envie, au mieux de l’ignorer, au pire de la tuer. Mélinda se racla la gorge, et décida de rapidement penser à autre chose. Elle désigna les deux papiers posés devant elle. Elle avait écrit les lettres à l’ordinateur, sur du papier de premier choix.

« Regarde... Regarde ces lettres, Hitomi. La tâche que j’ai à te demander est rapide à résumer, mais, pour que tu comprennes tout ce que ça implique, je vais devoir te raconter une longue histoire. Commence donc par les lire. Et assieds-toi. »

Elle allait rester dans ce bureau pour un petit moment, car ce n’était pas une histoire qu’on pouvait boucler en cinq minutes. Un léger silence s’instaura tandis qu’Hitomi parcourut les deux lettres. Elles n’étaient pas très longues, et, quand Mélinda vit que le regard d’Hitomi avait fini de tout de lire, elle précisa quelques éléments importants pour qu’Hitomi comprenne bien tout ce qu’elle lisait :

« Ce sont des lettres que je compte envoyer à la mère de Clara. Du moins, une seule des deux. Et ça dépend de toi. A dire vrai, j’ai choisi de t’appeler car le poste que tu conviens au sein du lycée correspond à l’idée que j’ai en tête... Et parce que je crois que tu es un peu plus portée que moi sur l’amour filial. Dans la mesure où mon grand-frère m’a violé pour la première fois à l’âge de mes sept ans, et que j’ai tué ma mère en naissant, puis que mon père a été le premier homme à périr de mes griffes, je t’avouerai que l’amour filial est quelque chose que je ne comprends que difficilement. »

Mélinda n’avait jamais eu l’occasion de vraiment parler à Hitomi de son enfance, avant qu’elle ne devienne une vampire. Dit comme ça, c’était violent, mais assez exact. Quand Mélinda était née, la grossesse de sa mère avait connu des complications, et la pauvre en était morte. Son père en avait toujours tenu rigueur à sa petite fille, voyant dans son beau visage, dans ses yeux d’émeraudes, dans ce corps si similaire à celui de sa mère, une espèce de cruelle voleuse de vie.

« J’entretiens avec la mère de Clara une correspondance depuis maintenant plusieurs mois, et j’en suis arrivée au point où je me demande si cette situation doit rester ainsi, ou si je dois permettre à la mère de Clara de retrouver sa fille. J’aurais donc besoin, non seulement de ton avis sur la question, mais aussi, et surtout, de ta contribution. Tu m’as dit qu’on pouvait compter sur toi la dernière fois. Mais je ne veux rien t’imposer. Alors, dis-moi... Es-tu disposée à aider Clara ? A en savoir plus sur cette petite peste ? A savoir qui a causé ces marques dans son dos, et pourquoi elle déteste tant les professeurs ? »

Ce service pouvait également être profitable pour Hitomi, dans la mesure où, si Clara cessait de la harceler, la senseï ne pourrait fatalement qu’aller mieux. Mélinda ne pouvait qu’espérer qu’Hitomi serait capable de le voir, et d’agir intelligemment.

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Yamagashi Hitomi

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Je dois prendre sur moi, mais d'une force ! Il vaut mieux que je ne remues pas le couteau dans la plaie : elle le fait tellement mieux que moi. Au moins une chose n'a pas changé depuis notre rencontre : quand on ne parle pas de sexe elle prend systématiquement tout ce que je dis de travers. Je commence à me demander si le mieux n'aurait pas été de faire vœux de silence à le seconde où je suis tombée amoureuse de Kyle. Ou dès que j'ai mis un pied à Seikusu. C'est la même chose avec tout le monde, ou peu s'en faut : pour peu qu'on m'entende on ne m'écoute pas. Je suis peut-être tout simplement une inadaptée sociale ? Bien sûr, après ce que je viens de traverser, je vois ça de trop loin pour en faire un drame.

Inutile d'avoir toute l'histoire pour lire entre les lignes des courriers qu'elle me tend. D'un côté une situation qui pourrit bien gentiment sous l'eau de rose, de l'autre on crève l'abcès et advienne que pourra. Je suis même surprise qu'elle me demande mon avis, ça doit être difficile pour elle de demander conseil à quelqu'un, et par-là même avouer indirectement qu'elle n'a pas toutes les réponses. Donc la mère de Clara : je ne tombe pas de mon fauteuil. Une seule partira : je ne suis pas surprise. À moi de choisir : bin voyons ! Je commence à me demander si au lieu de me laisser une chance, elle ne cherche pas plutôt quelqu'un à qui en vouloir si ça part en vrille.

Et tant qu'à faire autant m'utiliser comme sac poubelle sentimental, puisque c'est gratuit. Elle aurait simplement pu me dire que la famille n'était pas sa tasse de thé, ça j'étais déjà au courant. Non, bien sûr. Il faut encore des drames, des viols et des meurtres, racontés bien froidement par l'inébranlable Mélinda Warren. Elle n'a pas parlé de la mort de son frère, s'il est encore vivant j'espère pour lui qu'il n'est pas à sa portée. En seulement quelques minutes les sentiments que j'ai pour elle ont perdu beaucoup de terrain face à mes seuls remords. Mes remords qui, eux, sont restés les mêmes.

Je la laisse finir son exposé, mais je n'écoute la dernière partie que pour la forme. J'ai répondu à son appel aussi vite que j'ai pu, j'ai accouru pour l'aider sans avoir la moindre idée de ce qui m'attendait. J'ai essayé de démarrer en douceur, je me suis faite aussi petite que j'ai pu. Si c'est pour me faire écraser : d'une c'est du foutage de gueule, et de deux... c'est du foutage de gueule. Je m'en veux mais je ne suis pas non plus responsable de tout. Et si elle veut vraiment mon aide elle va devoir me laisser de la marge.

Je ne sourie plus, je ne montre que ma détermination.

" Je vais être directe, Mélinda. Si tu me connaissais aussi bien que tu le crois tu saurais que le choix est déjà fait. Oui, je veux aider Clara. Et oui, elle doit revoir sa mère. "

Elle me croit aveugle ? Je sais très bien d'où vienne ses doutes. Elles viennent de cette fille dont le visage est sur des avis de recherche : Aoyama Akira. Cette même fille que j'ai aperçue en quittant le manoir la dernière fois, à faire la gueule en buvant quelque chose qui n'était certainement pas du jus de tomate. Mélinda est tombée sur un problème insoluble, qu'elle ne peut ni laisser de côté ni éliminer. Et qu'elle me remet sur le dos parce que je me laisse faire. D'un autre côté si je lui renvois ça en pleine face : elle m'égorge dans la seconde, pour de bon.

" La question n'est pas de savoir si elles doivent se revoir : c'est comment je vais préparer Clara à ça. Et ne le prend pas mal, mais si je m'en mêle c'est pour elle, pas pour te faire plaisir. Je ne vais pas contribuer. Je ne suis pas un fusible que tu pourras changer si ça se passe mal. C'est son problème, donc ce sera à elle de le régler comme une grande. Nous deux on sera là que pour l'épauler et la guider. "

Elle ne m'a pas encore sauté à la gorge, mais je sens que c'est pas loin.

" Et bien sûr il va falloir que j'en sache plus sur elle. Il va falloir que je sache qui lui a déchiré le dos, et pourquoi elle déteste les profs. Mais ce n'est pas toi qui doit me l'apprendre. Je vais déjà devoir aller la voir en lui disant qu'on pense qu'elle devrait revoir voir sa mère. J'ai bien dit on, parce que sinon c'est moi tout seule et tu seras la sortie de secours parfaite. Mais si en plus je dois lui dire que tu m'as tout raconté : elle va se sentir trahie par la personne en qui elle a le plus confiance. Là je parle de toi. Et si elle se sent obligée de jouer le jeu ça servira à rien. Faut que ça vienne d'elle. "

Clara et sa mère, comme s'il n'y avait pas une autre relation mère-fille disfonctionnelle derrière. Faut vraiment qu'elle soit conne pour me siffler comme une chienne avant de me coller ça sur les épaules. Et faut vraiment que je sois gentille pour accepter dans ces conditions. Mais si je ne pose pas clairement les règles du jeu on va toutes finir dans le mur, et bien sûr ce sera de ma faute.

" Donc pour te planter simplement le tableau : Clara doit pouvoir garder une confiance absolue en toi, tu dois me faire une confiance absolue pour gérer la situation, et je dois pouvoir te faire une confiance aveugle pour encaisser la pression. Ensuite c'est à moi de me démerder pour qu'elle me fasse confiance malgré tout ce qu'elle a contre moi. Ça va être difficile, et même si on s'en sort Clara va passer un très sale moment. Ça va peut-être même être la pire épreuve de sa vie. Mais avant d'en arriver à sa mère, le gros du boulot devra se passer entre elle et moi. C'est indispensable, Mélinda. C'est même vital. Je vais devoir la convaincre d'aller remuer la merde. Elle aura besoin de toi plus que jamais. Elle aura besoin de tout le soutien possible, surtout de toi... Et de Shii aussi. "

C'est le moment de tendre le cou. Elle m'égorge, ou elle décroche la laisse. De touts façons, si Akira a entendu parler de moi, j'ai deux Vampires en colère sur le dos. L'une d'elle a encore un peu d'affection pour moi, l'autre n'a pas encore eu le temps de me tomber dessus : pour autant que je sache ma survie ne tient à rien d'autre. Si je veux arranger un tant soit peu les choses, apprendre à Mélinda comment on prend soin de ses enfants, rendre à Clara ce que je lui dois et sauver mon joli petit cul : je dois prendre des risques.

" On fait comme ça et pas autrement. Sinon c'est foiré d'avance, autant laisser la situation pourrir et Clara crever avec ses problèmes. "

Autant que je me casse et que je me lave les mains une bonne fois de toutes ces histoires. Je le regretterai, ça c'est clair, je vais même en traîner des remords jusqu'à mon dernier souffle. Mais je ne peux pas changer le passé, et j'ai promis l'avenir à quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui voit en moi beaucoup plus qu'un joli petit cul ou un bouc émissaire... Quelqu'un qui n'a pas eu peur d'offrir son cœur à une maladroite comme moi, au lieu d'exiger le mien.

Égoïste ? Peut-être. Mais j'ai été à bonne école.

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« Je vais être directe, Mélinda. Si tu me connaissais aussi bien que tu le crois tu saurais que le choix est déjà fait. Oui, je veux aider Clara. Et oui, elle doit revoir sa mère. »

Sur le coup, elle ne pouvait qu’admettre. Si elle connaissait Hitomi aussi bien qu’elle le pensait, cette dernière serait à ses côtés, et serait tout, sauf une simple prof’ avec un problème de cœur. Mais bon, il était inutile de refaire le passé. Le choix d’Hitomi, visiblement, se portait sur une réconciliation entre Clara et sa mère. Les yeux d’émeraude de Mélinda la fixaient à chaque fois qu’Hitomi parlait, et qu’elle lui soumettait une idée assez curieuse : amener Clara à revoir sa mère. Comme il aurait été impoli de l’attendre, la vampire la laissa parler, un fait en soi surprenant. Il y a quelques mois, elle aurait rapidement balayé cette idée, mais, comme on lui disait qu’elle avait trop tendance à s’imposer, Mélinda essayait de se calmer, et de montrer qu’elle écoutait un peu plus les autres... Même quand elle avait l’impression qu’on lui sortait des conneries.

« On fait comme ça et pas autrement. Sinon c'est foiré d'avance, autant laisser la situation pourrir et Clara crever avec ses problèmes. »

Mélinda eut un léger sourire, et se redressa un peu sur son siège.

« Laisser la situation pourrir et Clara crever avec ses problèmes... répéta-t-elle. C’est une belle formule. Laisse-moi résumer ce que tu veux faire... »

Mélinda se passa les mains dans ses cheveux, fermant ses yeux en réfléchissant. Les problèmes familiaux, ce n’était définitivement pas sa tasse de thé, que ce soit ceux des humains, ou ceux des vampires. Elle réfléchit donc brièvement, et se mit à parler :

« Tu sais, si j’ai demandé ton aide, c’est pour Clara aussi. Contrairement à ce que tu sembles croire, je suis bien moins égoïste que tu peux le penser. Mais je ne peux pas t’en vouloir, on dit souvent que la fierté et l’égoïsme sont des synonymes. »

Il n’y avait pas besoin d’être grand voyant pour savoir ce qu’Hitomi devait penser de Mélinda. Ceci ne faisait que confirmer que Mélinda s’était bel et bien plantée sur son compte. C’était dur à admettre, mais, de toute manière, elle n’avait pas appelé Hitomi pour régler entre elles leurs comptes. Mélinda, de toute manière, estimait que leurs comptes étaient déjà réglés. Si elle ne voyait Hitomi, ce n’était que parce qu’elle avait vu en elle un moyen d’amener Clara à se réconcilier avec sa mère. Mais est-ce que Clara en avait vraiment besoin, de sa mère ? Pendant longtemps, Mélinda avait estimé que répondre favorablement aux demandes de cette dernière en lui indiquant où était sa fille causerait à cette dernière un plus grand préjudice que de ne pas la voir, ce sur quoi ladite mère l’avait pendant un temps rejoint. Maintenant, Mélinda en était beaucoup moins sûre. Avoir une fille, ça remettait tout en perspective, qu’on le veuille ou non.

« Ce que je sais, Hitomi, ce dont je suis convaincue, c’est qu’il y a une chose, sur toute cette planète, qui prend encore plus de place dans le cœur de Clara que l’affection qu’elle peut me porter, ou que la confiance qu’elle m’a. Une chose à laquelle même moi n’ait pas réussi à trouver de réponses, ce qui explique d’ailleurs ta présence. C’est la peur irrationnelle que Clara éprouve pour son père. Si tu vas la voir en lui disant que j’entretiens depuis des mois une correspondance avec sa mère, et que tu veux qu’elles se rencontrent, Clara se sentira trahie. J’ai déjà trahi la confiance de cette dernière en engageant un détective pour qu’il retrouve ses parents, et pour me tenir au courant de l’évolution de leur situation. »

Mélinda se mordilla les lèvres, et poursuivit :

« Clara ne t’aime pas, Hitomi. Et je pense que tu le sais. Il m’a fallu des mois et des mois pour qu’elle parvienne à se confier, et à progressivement m’expliquer pourquoi elle a fugué de Tokyo, avant que je ne la retrouve dans une ruelle puante en train de... Hum... Laisser la situation pourrir et voir Clara crever avec ses problèmes. Tu penses vraiment pouvoir l’amener à se confier à toi ? Si tu le crois, alors c’est que tu es aussi prétentieuse que je peux l’être, si ce n’est plus. Même Shii ne sait pas toute l’histoire, seulement des bribes que j’ai pu lui confier. Clara ne se confiera jamais à toi, je peux te l’assurer. »

C’était violent, mais honnête. Mélinda disait bien plus souvent la vérité qu’on ne le pensait. Il n’y avait tout simplement aucune chance pour qu’Hitomi parvienne à obtenir la confiance de Clara simplement en lui parlant. Et, pour qu’Hitomi le comprenne bien, il fallait que Mélinda précise les choses :

« Ce n’est pas de sa mère que Clara a peur, mais de son père. Et tout ce qui, de près ou de loin, se rapproche à ce dernier suscite sa peur, une peur qu’elle masque derrière sa colère. Quand on lui parle de sa mère, c’est son père qu’elle voit. Et, quand on lui parle des professeurs, c’est aussi son père qu’elle voit. Son père en est un. Un prof’. Ou était, plus précisément. »

Dit comme ça, Hitomi ne devait pas comprendre grand-chose, et Mélinda haussa les épaules.

« J’ai déjà étudié bien des possibilités, et je pense que le mieux pour Clara est que je consomme pleinement ma trahison. Je pourrais me rendre moi-même à Tokyo pour la voir, mais, si je lui explique que je suis une vampire, les choses, qui sont déjà très compliquées, risquent de devenir totalement ingérables.  Voilà pourquoi j’ai besoin de toi. La mère et le père de Clara ne se fréquentent plus, ils sont divorcés, crut-elle utile de préciser. Ceci étant dit, rien ne t’empêche d’aller voir Clara et d’essayer d’obtenir sa confiance. De réussir là où j’ai échoué. »

Mélinda soupira. C’était presque un aveu, et elle continua en lâchant :

« Je ne suis pas aussi parfaite et géniale que j’aimerais qu’on le croit. Je me dois d’avoir cette image pour ceux et celles que je protège, mais, quand bien même je suis une vampire, je ne suis pas pour autant parfaite. Je ne sais tout simplement pas ce qui est le mieux pour Clara. Si, pour toi, il faut jouer l’honnêteté, et lui expliquer tout, alors, nous allons jouer la carte de l’honnêteté. Ça va peut-être te surprendre, Hitomi, mais, même après ce que tu as fait, je continue à te porter dans mon estime. »

La vampire secoua la tête, regarda par la fenêtre, soupira, puis décida d’en finir :

« Shii est là, et Clara rentrera bientôt au manoir. D’ici quelques minutes, normalement. Si c’est comme ça que tu veux jouer ce jeu, Hitomi, alors on jouera comme ça. »

Et ce quand bien même Mélinda pensait que c’était une mauvaise idée. La vampire n’était vraiment plus la même. Akira lui avait fait perdre ses convictions, à tel point qu’elle en arrivait à faire confiance à une humaine qui l’avait trahi par le passé pour résoudre un problème qui était potentiellement susceptible de nuire à sa relation avec Clara. Or, Mélinda tenait énormément à Clara. La petite vampire avait pleinement conscience de prendre des risques sérieux.

*De toute manière, prendre des risques, c’est ce que je sais faire de mieux.*

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Forcément, elle me laisse m'emballer avec seulement la moitié facile du problème. Et elle a encore pris de travers ce que je lui ai dit. En même temps je voulais juste la prévenir qu'à la place que je me donnais dans le plan : je ne me gênerais pas pour me carrer ses conseils. D'ailleurs c'est toujours d'actualité. C'est elle qui demande mon aide, après tout. J'écoute. Clara ne m'aime pas, ça je le sais. Je note les points importants. Clara a une peur panique de son père, et elle ne sais rien pour les lettres. Il fallait commencer par ça, le capitale confiance de Mélinda ne peut plus nous servir. La mère a fini par lourder le père, ce qui n'aide pas forcément. Et comme Mélinda est la seule à tout savoir sa position est encore plus critique. Le père était prof, ce dont je me doute déjà au moment où elle me le dit.

Et la fin n'étant plus vraiment liée au problèmes de Clara, je laisse mon regard, et toute ma tête avec, dériver en direction de la fenêtre. Je n'ai qu'une conclusion, que je compte larguer rapidement.

" Shii est là, et Clara rentrera bientôt au manoir. D’ici quelques minutes, normalement. Si c’est comme ça que tu veux jouer ce jeu, Hitomi, alors on jouera comme ça.
- On est dans la merde. "

Un soupir, et plutôt abattu. Il y a de quoi. Bon, il faut changer d'approche.

" Je comptais pas avoir la confiance de Clara en cinq minutes, Mélinda. Je te parlais psychologie. Même si elle avait décidé d'y mettre du sien, ça aurait pris des semaines rien que pour qu'elle me parle. Mais on en est déjà plus là. "

Je reviens à Mélinda. Il faut que j'arrête de parler plus dans ma tête qu'en dehors. Après tout si elle ne me connaissait pas si bien, c'est que je n'ai pas dû assez lui en apprendre. De toutes façons j'ai changé. Je compte bien faire en sorte qu'elle en apprenne plus sur moi, qu'elle puisse refaire ma connaissance. Je ne suis plus la même, mais je suis de nouveau entière.

" Tu peux oublier tout ce que je t'ai dit, à quelque détails près. D'abord on obtiendra de bien meilleures résultat en la persuadant doucement qu'en la forçant. Mais on va quand même devoir la forcer un peu. De toutes façons Clara est plus du genre à se rebeller qu'à écouter. On va devoir l'amener à affronter ses démons. Personnellement j'ai donné, et ça a pas été une partie de plaisir. Je doute qu'elle ait soudain une révélation. Mais on sera là tout du long pour la soutenir. "

Je me lève, j'ai besoin de faire quelques pas, de bouger. Je sens l'excitation qui monte, la motivation. Je vais vers une épreuve très difficile, un défi à relever. Je vais aider, pour une fois. Vraiment aider. Si ce manoir a besoin d'une chose c'est d'optimisme.

" On ne peut plus tabler sur la confiance, pourtant il faut bien qu'on agisse. Je vais être directe une fois de plus : je n'ai pas la moindre idée de comment on doit s'y prendre. Je pense même qu'on va méchamment se planter une paire de fois. On va provoquer une très sale crise dans sa vie. Je sors de ce genre d'épreuve, et comparée à elle je suis le Dalaï-lama. Alors on va dire que mon aide et mes conseils s'arrêtent là pour l'instant. "

Je m'arrête, et je me tourne vers Mélinda. Je lui souris, avec confiance et aussi une pointe de défi, pour déjà lui dire que je suis prête à risquer le coup et que je n'attends plus qu'elle.

" Et la question qui se pose, c'est : est-ce que tu es prête à me suivre, pour pousser Clara dans le vide ? Sans savoir si on réussira à la rattraper, sans garanti qu'on la sortira du trou, ou qu'elle nous laissera seulement essayer. "

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« On est dans la merde. »

Le tout ponctué d’un soupir. Mélinda n’ajouta rien. Hitomi commençait-elle à comprendre toute l’ampleur de la tâche qui les attendait ? Clara était une véritable montagne, et l’escalader, la dominer, n’aurait rien de facile. Ceci étant dit, si ça avait été le cas, la vampire n’aurait jamais fait appel à Hitomi. Et, même maintenant, dans un petit recoin de sa tête, elle se demandait si, tout compte fait, elle avait bien agi en choisissant d’y mêler la senseï. Son rôle initial était tout simplement de servir de courtière, mais la prof’ semblait en vouloir plus. Le problème était de déterminer jusqu’où son implication irait dans cette histoire.

Emballée, la senseï parlait rapidement, devant même se lever, comme si elle ne tenait pas en place. Une fois encore, c’est dans un pieux silence que Mélinda l’observait. C’était une femme curieuse, cette Hitomi. Elle avait des sautes d’humeurs imprévisibles, et, visiblement, était bien moins égoïste qu’elle aimait le faire croire. La perspective d’aider Clara semblait la réveiller de cette léthargie dans laquelle sa romance avortée l’avait plongé. Dans le fond, Mélinda lui offrait un cadeau : la possibilité de contribuer à quelque chose.

*Clara a besoin de toi, mais c’est surtout toi qui a besoin d’elle, Hitomi... réalisa pensivement Mélinda. Tu ne veux pas d’un modèle à suivre, pas d’une petite vampire que tu crois intouchable et inébranlable, c’est d’une femme brisée dont tu as besoin. Afin de la reconstruire, et de te reconstruire...*

On aurait presque dit son propre cas, à elle. Brisée dans son enfance, brisée et martelée dans sa vie d’humaine, réduite en pièces, au point de devenir une arme qui avait commis un parricide. Mélinda avait autant besoin de ses esclaves qu’eux d’elle. C’était ce lien qu’elle s’efforçait de construire, un lien de dépendance et d’amour mutuels, avec comme base le respect. Hitomi, quant à elle, poursuivait son raisonnement, et Mélinda retint un passage assez significatif :

« Je vais être directe une fois de plus : je n'ai pas la moindre idée de comment on doit s'y prendre. Je pense même qu'on va méchamment se planter une paire de fois. On va provoquer une très sale crise dans sa vie. Je sors de ce genre d'épreuve, et comparée à elle je suis le Dalaï-lama. Alors on va dire que mon aide et mes conseils s'arrêtent là pour l'instant. »

‘‘Je sors de ce genre d’épreuve’’... Est-ce que ça ne voulait pas tout dire ? Est-ce que ça ne confirmait pas ce que Mélinda pensait ? Hitomi était en souffrance, et l’était sans doute encore bien plus qu’elle ne daignait le montrer. Mais, pour autant, Mélinda ne la laissera pas faire du mal à Clara. Que Clara souffre, c’était évident, mais Mélinda ne provoquerait pas une ‘‘très sale crise’’. Ça ne faisait pas partie des termes de l’accord tacite. Mélinda y songeait, alors qu’Hitomi cessa de gesticuler, et la regarda. Un sourire, un regard plein d’assurance. Elle savait qu’elle allait entrer dans un ring, et ça l’emballait plus qu’autre chose. Hitomi était ainsi, après tout : une fonceuse. Une Irlandaise.

« Et la question qui se pose, c'est : est-ce que tu es prête à me suivre, pour pousser Clara dans le vide ? Sans savoir si on réussira à la rattraper, sans garanti qu'on la sortira du trou, ou qu'elle nous laissera seulement essayer. »

Sur le coup, Mélinda répondit assez vite :

« Non. »

Elle renforça le mot choisi en secouant la tête, et se déplaça alors de l’autre côté du bureau, près d’une étagère avec de nombreux et énormes dossiers rangés par ordre alphabétique. Elle se dirigea vers la lettre « C », en sortit un épais dossier bleu intitulé « CLARA », et le posa sur le bureau. Dans cette liste de dossiers, il y avait même un dossier « HITOMI », mais il ne comprenait pas grand-chose. Mélinda essayait de dresser un dossier sur chaque personne qu’elle connaissait. Elle ouvrit donc le dossier « CLARA », et sortit plusieurs sous-dossiers de couleur différente. Elle écarta un gros dossier jaune, et se mit à parler :

« J’ai fait sortir Clara du trou, ce n’est pas pour la replonger dedans. Je ne tiens pas à ce qu’elle refasse une tentative de suicide. »

Mélinda ouvrit un dossier bleu, et écarta des feuilles volantes, cherchant un document en particulier. Elle finit par jubiler en le voyant. Le document comprenait plusieurs pages reliées par une agrafe, et elle le tendit vers Hitomi.

« Voici une copie du jugement de divorce prononcé entre ses parents. Ton rôle initial, Hitomi, consistait à être une courtière. Mais, comme tu désires plus, il faut effectivement revoir mes plans. »

Mélinda réfléchit brièvement, passant sa langue sur ses lèvres, et lâcha, après avoir légèrement réfléchi :

« Toute seule, tu n’as aucune chance. Clara a trop peur de toi. Voilà pourquoi je commencerais à lui parler. Mais, quoiqu’il arrive, je doute fortement qu’elle racontera son histoire. Même à moi, elle n’a jamais réussir à tout dire. Je me suis servie des informations de sa mère pour réussir à relier les différents éléments donnés par Clara. C’est donc moi qui te le dirais, en présence de Clara. Ce n’est pas ce que tu souhaites, mais il me semble que c’est le meilleur que nous pourrons obtenir, pour le moment. »

Il était pour l’heure inconcevable que Clara puisse se confier à Hitomi, ce qui amena Mélinda à enchaîner.

« Quant à conduire Clara à vouloir revoir sa mère... »

Il y eut une petite pause, le temps que Mélinda y réfléchisse.

« Ça n’est pas impossible, mais ça me semble difficile. Je pensais lui faire la surprise, mais, si tu estimes que c’est mieux pour elle, alors ce sera à toi de la convaincre de venir avec toi à Tokyo... Même si Clara a peur de toi et a de la rancœur pour toi, elle continue malgré tout à t’aimer. C’est bien pour ça qu’elle s’acharne sur toi, d’ailleurs. Elle t’en veut. Elle doit sûrement penser que tu nous as trahi, et que tu reviens nous voir, hypocrite, pour qu’on te serve de roue de secours. Ce sera à toi de lui montrer que tu tiens à elle. »

Le plan se dessinait, les contours se précisaient. Il serait d'autant plus difficile pour Hitomi de convaincre Clara que c'était aussi ce que la vampire pensait. Après tout, si ça avait marché avec son abruti, Hitomi ne serait pas là, non ? Elle n'aurait jamais débarqué au manoir en furie il y a une semaine pour reprocher à la vampire de l'avoir abandonné. Mélinda et ses filles n'étaient, dansle fond, rien d'autre que des roues de secours auxquelles Hitomi se raccrochait pour ne pas sombrer définitivement. Cette perspective suffisait à enrager la vampire, et c'était bien pour ça qu'elle avait, à plusieurs reprises, précisé qu'elle n'accepterait pas une nouvelle fois qu'Hitomi vienne fanfaronner sous son nez en lui disant d'aller se faire voir. Quand on pardonnait une fois, c'était par compassion. Quand on pardonnait deux fois, c'était par bêtise. Décidant de songer à autre chose, Mélinda enchaîna pour conclure :

« En somme, beaucoup de choses reposeront sur tes épaules, mais, ne t’en fais pas, je serais là pour le soutenir. Et, comme je t’ai dit, il est hors-de-question que cette discussion brise Clara. Qu’elle l’attriste et l’émeuve, c’est concevable, mais réussir à la reconstruire psychologiquement, à la sortir de sa dépression, est une tâche qui m’a pris des mois. Je n'ai pas particulièrement envie de recommencer. Et Clara est bien plus fragile qu’elle aime à le faire croire. »

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Yamagashi Hitomi

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L'image du trou n'était pas la meilleure. Le problème des lieux communs c'est qu'ils veulent tout et rien dire. Le plan de Mélinda était une catastrophe programmée. Bien sûr, sur la forme, une prof est la personne toute indiquée pour servir de trait d'union entre Clara et sa mère. Mais pas une prof que Clara déteste, qui a été si proche d'elle et lui a fait autant de mal. Pour elle je n'aurai qu'une trop bonne raison de résister ou de fuir. Mais comme vivre dans le drame est le meilleur moyen d'y rester coincé, je m'accorde quelques petites dérives. Je me demande si elle a un dossier pour moi ? Probablement. Pas étonnant qu'on aient couru droit dans le mur.

Je la laisse encore parler jusqu'au bout, et sans doute me juger encore. C'est ça le problème. Mélinda n'a vraiment confiance qu'en elle, qu'en sa façon de voir. Mais je ne suis pas revenue vers elle parce que ce serait facile. Clara pourrait me voir comme une hypocrite qui cherche une roue de secours ? Seulement Clara ? Tout ce petit jeu apparaît de plus en plus sombre. Je préfère ne pas trop y penser, ne pas vraiment me faire d'idée. En fait je me fous de ce qu'elle pense de moi. Je suis venue lui prouver que je tiens à elle et à ses protégées. Et ça me fait réaliser que j'ai été aveugle. C'est tellement évident, pourtant. Mélinda et ses filles ne comprennent plus que la dépendance affective la plus absolue, elles sont autant des refuges que des prisons les unes pour les autres. Ce n'est pas ma façon de les aimer. J'ai mis du temps à m'évader, à vrai dire je n'y suis parvenue qu'après ma dernière visite. Mais si je ne me sentais pas capable de les quitter à nouveau je ne serais pas revenue aussi vite.

Ça va vraiment être difficile de trouver les mots pour leur faire comprendre ça. Surtout de leur faire comprendre que c'est ma façon de les aimer encore plus qu'avant.

J'ai jeté un coup d'œil au papier du divorce, mais honnêtement je n'en ai rien retenu. Ça dissocie formellement le père et la mère de Clara, rien de plus. Les détails ne me concernent pas. Et que Clara soit bien plus fragile qu'elle ne veut le montrer, ça on le sait toutes.

" Ce n'est pas plus mal que Clara ne craigne et me déteste, Mélinda. Et si elle m'aime vraiment encore un peu ça pourra aider. Moi je tiens à elle, et c'est bien pour ça qu'elle risque d'en baver. Je vais lui faire avouer qu'elle n'est pas aussi forte qu'elle veut le montrer.. "

Mon sourire se fait moins excité, plus... je ne sais pas. Tendre ? Rassurant ? Protecteur ? Je me demande si Mélinda comprend déjà que ça s'adresse aussi à elle.

" Parce que sans ça, elle ne pourra pas voir qu'elle est plus forte qu'elle ne le pense. "

Et tant qu'à faire je joue la carte de l'honnêteté, comme elle l'a dit. Toujours avec le sourire. Un sourire plus las, moins confiant. mais tout de même un sourire.

" Je ne suis pas venue combler un vide ou implorer ton pardon. Je ne me pardonne pas, Mélinda, j'arrive seulement à comprendre pourquoi j'ai agi comme je l'ai fait. Je ne reviendrais pas en arrière avec toute la volonté du monde. Alors je vais de l'avant. Je suis venue parce que je tiens à toi, et que tu me donnes une chance de t'aider à aller de l'avant comme j'y arrive, difficilement. Je suis venue faire tout ce que je peux, le peu que je pourrais, parce que je tiens à toi. Si tout ce qui est encore possible entre nous deux ne devait se résumer qu'à ça, je m'en contenterais. Ça vaut pour Clara, pour Shii et pour toutes les autres. De toutes façons je ne peux en voir une sans toutes les voir... "

Mon sourire est remonté un peu, juste un peu.

" Et toi devant elles. "

Le temps de souffler, mon sourire remonte carrément.

" Mais ne va pas croire que je suis résignée ! Et c'est pas parce que c'est sérieux qu'on doit en faire un drame. On doit pas oublier ce qu'on risque de perdre, mais on doit aussi penser à ce qu'on veut gagner : une Clara en pleine forme. Alors sourie un peu ! À te voir comme ça c'est foutu d'avance. On a une chance, oui ou non ? "

C'est vrai, quoi. Je vais finir par me dire qu'elle m'a appeler pour l'enterrer au fond du jardin...

Mélinda Warren

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« Je vais lui faire avouer qu'elle n'est pas aussi forte qu'elle veut le montrer. »

Mélinda n’ajouta rien. Elle était trop intelligente pour deviner le sous-entendu. Cette phrase-ci pouvait à vrai dire autant s’appliquer à Clara qu’à Mélinda, et même qu’à Hitomi. Elle pouvait à vrai dire s’appliquer à beaucoup de monde. Mais c’était ainsi. La Terre était, comme Terra, un monde de loups. Montrez à quelqu’un vos faiblesses, et vous pouvez être sûrs qu’il en profitera. Même outre ça, quand on faisait un métier qui impliquait un contact relationnel, il fallait toujours paraître en bonne santé. Ferait-on confiance à un avocat avec la tête d’un dépressif ? A une prof’ qui viendrait en sous-vêtements assurer son cours ? Personne ne pouvait vraiment lire dans les pensées. A défaut, il fallait savoir se mettre en valeur. Mélinda se devait de paraître forte. Tout un chacun se le devait. Seuls les idiots et les faibles, les incrédules et les naïfs, daignent afficher leurs faiblesses. Ceux qui n’ont pas réussi à vieillir, et qui croient encore que Papa et Maman sont là pour veiller sur eux. Des larves. Le début de ce discours inquiétait à vrai dire un peu Mélinda, mais elle laissa Hitomi parler, exposer son idée.

« Parce que sans ça, elle ne pourra pas voir qu'elle est plus forte qu'elle ne le pense. »

Là encore, difficile de savoir si elle s’adressait spécifiquement à Clara, ou si elle parlait d’elle-même. Mélinda ne se sentait pas vraiment concernée, car elle n’avait jamais douté de ses capacités, de ses points forts comme de ses faiblesses. Ils se confondaient généralement. Sa fierté était autant un avantage qu’un défaut. Mélinda savait pertinemment qu’elle avait tendance à instaurer un climat de dégoût, de jalousie, de suspicion, d’irritation, autour d’elle. Elle savait très bien qu’elle préférait toujours se fier à son propre avis, à sa propre intuition, qu’à celle des autres. Mais elle était ainsi. Une vampire fière d’elle, indubitablement convaincue de sa supériorité sur la majorité des êtres vivants, qu’ils soient humains ou non. Ce n’était pas que génétique, pas que lié à sa race. Bien des vampires avaient du mal à admettre leur supériorité. Akira en était un parfait exemple.

Mélinda, elle, n’avait pas ce problème. Elle savait qu’elle était forte. Pas parfaite, les évènements récents le lui avaient cruellement rappelé, mais forte. Suffisamment forte pour être devenue esclavagiste, alors qu’elle était esclave. Suffisamment forte pour avoir surmonté ses traumatismes vampiriques. Suffisamment forte pour s’être forgée toute seule, et avoir consolidé des alliances avec l’Empire, et être ainsi très bien placée. Suffisamment forte pour diriger un petit empire financier qui lui assurait une fortune personnelle importante.

Ceci étant dit, ce qui s’appliquait à elle ne s’appliquait pas forcément à elle. Clara, effectivement, était loin, très loin, de réaliser tout son potentiel. Comme Shii, comme Kaori, Akira, et toutes les autres... Mélinda ne les avait pas pris sous son aile par générosité, ni même par pitié... Quoique, la question pouvait se poser pour Akira, mais, si Mélinda ne tenait pas à sa fille, elle l’aurait déjà tué. Clara dévoilerait son potentiel sur Terra, car elle n’avait rien à faire sur Terre. Avec son tempérament de feu, son courage et sa détermination, elle dompterait probablement des monstres ou des démons, et deviendrait une redoutable guerrière. Shii, elle, resterait sur Terre, car sa place était là. Elle deviendrait une femme d’influence, une grande avocate, voire une magistrate ou une politicienne, et elle atteindrait le sommet en devenant membre du conseil d’administration de la Sombra Corporation, voire même PDG. Elle serait alors l’une des plus femmes les plus riches de la Terre et les plus influentes de l’Empire d’Ashnard, puisqu’elle aurait en charge les activités impériales sur Terre. Kaori, elle, irait très certainement sur Terra, pour faire partie des hautes sphères du harem. Avec sa douceur et son entrain naturel, elle entraînerait, formerait, et initierait les jeunes recrues, les rassurant, et les protégeant. Ayumi, elle, serait une nageuse de haut niveau sur Terre, une vedette qui participerait aux Jeux-Olympiques et à des compétitions mondiales.

Mélinda ne se le répéterait jamais assez, mais l’esclavage, c’était quelque chose qui rapportait énormément sur le long terme. Toute cette génération d’esclaves constitueraient un essor inédit du domaine Warren. Hitomi poursuivit ses explications :

« Je ne me pardonne pas, Mélinda, j'arrive seulement à comprendre pourquoi j'ai agi comme je l'ai fait. Je ne reviendrais pas en arrière avec toute la volonté du monde. Alors je vais de l'avant. »

Mouais. Mélinda ne dit rien, mais restait sceptique. Hitomi sembla progressivement le réaliser, et finit donc par lâcher :

« Alors sourie un peu ! À te voir comme ça c'est foutu d'avance. On a une chance, oui ou non ? »

Mélinda dessina un léger sourire sur ses lèvres, et haussa les épaules. Elle était plongée dans ses pensées, et retourna à la réalité. Elle rangea la copie du jugement de divorce dans l’attaché-case bleu, et attrapa ce dernier. Elle regarda alors Hitomi, et sourit légèrement. Un sourire un peu plus assuré, un peu plus serein et honnête.

« On a toujours une chance, Hitomi. Reste à la saisir... Mais j’ai confiance, ne t’en fais pas. »

Elle se rapprocha d’elle, tenant le dossier, et fila par la porte.

« Shii doit être rentrée, maintenant... Allons lui en parler, avant de cueillir Clara. »

Mélinda sortit donc du bureau, et avança d’un pas rassuré et tranquille vers la chambre de Shii. Hitomi lui emboîtait le pas, et l’esclavagiste glissa quelques mots à son attention :

« Tu sais, je crois que pour vous, les humains, le passé présente plus d’importance que le futur. Ce n’est pas une critique. Cet état d’esprit a bien des avantages. C’est dans le passé qu’on trouve les solutions du futur, car l’Histoire, après tout, n’est qu’une éternelle répétition. Mais c’est toutefois assez regrettable, car cette attirante obsession du passé vous amène à ne jamais vouloir abandonner les histoires mortes. C’est le cas pour Clara, mais aussi pour toi, Hitomi... Et même pour moi... »

Les Terriens l’influençaient bien trop. Elle ne cessait de se le reprocher, et cessa d’y penser quand elle atteignit la porte de la chambre de Shii. Mélinda toqua brièvement à la porte, et, n’obtenant aucune réponse, ouvrit la porte. Une musique de rock, assez forte, se déversa dans ses oreilles. Bad Religion. Le groupe de rock américain hurlait, et Shii... Et bien, Shii était en train de sauter sur le lit, avec sa chemise d’écolière, et sa petite culotte. Dès que Mélinda ouvrit la porte, elle vit Liana bondir à toute allure en miaulant, paniquée par cette musique suraiguë. Liana, de manière générale, aimait bien être avec Shii, car elle était calme, et elle recevait beaucoup de câlins. Cependant, il y avait des fois où Shii se laissait aller.

« THIS IS JUST A PUNK ROCK SOOOOOOOOONG, WOOOOOOHHHH !!! »

Mélinda s’avança un peu dans la pièce, et se rapprocha de l’ordinateur portable répandant la musique par des enceintes. Shii bondissait joyeusement sur le lit, et Mélinda ferma l’écran. Shii bondit sur place, et tomba à la renverse, s’écrasant à côté du lit. Elle releva la tête, si bien que seule cette dernière jaillit d’au-dessus du lit... Et devint rouge comme une pivoine en voyant Hitomi et Mélinda.

« Oh non... » gémit-elle.

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Yamagashi Hitomi

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C'est vraiment motivant de l'entendre. On a toujours une chance et elle a confiance, ça c'est bien. Mais la suite...

" Mélinda, si c'est dans un éternel cercle vicieux d'histoires mortes que t'as confiance : autant que j'y aille toute seule. "

Et elle ne veut pas que Clara RE-fasse une tentative de suicide. Elle commence à me gonfler avec son fatalisme. En fait il faudrait la congeler, puis la passer au micro-onde une fois que tout le monde sera mieux dans sa peau. Encore que je ne sais pas comment un Vampire, même congelé, réagirait dans un micro-onde. De toutes façons, avec sa manie de vouloir tout régenter, je ne donne pas cher de notre chance. Toute seule elle bloque, elle ne veut pas me laisser faire, à part s'envoyer en l'air : ensemble on est bonne à rien. Et je doute qu'une partie à quatre avec Clara et sa mère soit la solution. En fait je n'ose pas lui dire carrément qu'elle n'a que deux options : vampiriser Clara pour l'envoyer tuer son vieux, ou accepter de se glisser dans la peau d'une Humaine.

Quand elle ouvre la porte c'est la débande du genre félin, ainsi qu'une petite révélation pour moi. Alors comme ça Shii aussi se défoule de temps en temps. Et elle n'y va pas à moitié, si bien que quand Mélinda ferme les vannes, la jeune femme tombe du lit. Je file pour l'aider à se relever, sans faire grand cas de sa gêne. Je m'en fous : je suis une gai-jin.

" Oh non...
- Ça va, Shii ?
- Oui, Sensei. "

Je m'écarte du lit pour laisser passer la lycéenne, trop gênée pour rester en petite culotte devant moi. Ce n'est pas plus mal vu ce qu'on lui réserve. Et le temps qu'elle se rhabille je lance un regard à Mélinda.

" Sérieusement, vous ne vous nourrissez qu'au punk ici ? "

Je n'ai rien contre, en fait le style ne m'importe pas vraiment. Quand j'accroche c'est à une morceau. Peu de temps après l'Irlande je me suis faite un gros traitement de choc à base de "I Just Want To Celebrate" des Rare Earth. Et ces derniers jours c'est surtout "The Creationnist" de Kerli. C'est peut-être à cause de mon identité plus si secrète d'auteure pas encore tout à fait à succès ? D'un autre côté j'ai du mal à trouver des chansons qui me parlent. À peu près autant que des gens qui me pigent.

Donc j'hésite une seconde à parler la première. De toutes façons, un démarrage en douceur ne sera pas envisageable avec Clara. Autant ne pas pécher par excès de prudence. Je retourne me planter à côté de ma vampirique acolyte. D'ailleurs je crois que je viens de trouver une petite idée pour la forcer à se remuer un peu. Une petite pointe pour picoter son orgueil, mais pas devant témoins.

" Shii, on va avoir besoin de toi pour quelque chose d'important. Ça va nécessiter toute ta bonne volonté, et que tu regardes sous le lit voir si tu retrouves ta bonne humeur... Mélinda va tout t'expliquer. "

Je me tourne soudain vers cette dernière, me penchant pour chuchoter.

" Désolée, je trouve pas comment aborder le sujet. "

D'un autre côté, plus on mettra de pression sur tout le monde, plus vite la première crise viendra, et donc plus vite on commencera à vraiment avancer. Dans tout ce fatras, s'il n'y a pas une Irlando-japonaise pour positiver...

Mélinda Warren

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Mélinda se contentait d’un léger sourire amusé, bras croisés, en voyant Shii. La jeune lycéenne avait eu une semaine assez éprouvante, avec un certain nombre de devoirs et de contrôles. Partant de là, Shii était assez épuisée, et avait surtout besoin de se défouler. La vampire n’était, à vrai dire, pas surprise. Elle connaissait bien ses protégées, et savait que Shii, si elle était d’un tempérament très calme, devait parfois relâcher la tension. Elle imaginait très bien la scène. Shii rentrant des cours, s’enfermant dans sa chambre, voyant Liana en train de dormir. Là, elle lui faisait un tendre câlin, et mettait alors un peu de musique en se déshabillant pour enfiler autre chose que son sailor fuku. Mais la musique l’avait emporté. Shii était à l’âge rebelle, cet âge de contestation où on se méfiait intrinsèquement des gouvernements, de tout ce qui évoquait l’âge adulte. Bad Religion était donc tout à fait approprié pour elle, et, comme elle était seule, à l’exception de Liana, elle s’était donc laissée aller.

Jusqu’à ce que sa Maîtresse coupe la musique, et soit... En compagnie d’Hitomi ! Shii devint rouge comme une tomate. Si Mélinda ne l’inquiétait pas trop, en revanche, qu’une senseï l’ait vu ainsi, et bien... C’était gênant. Et puis, qu’est-ce qu’Hitomi fabriquait ici, d’ailleurs ?! Shii savait qu’elle et Hitomi s’étaient entretenues ensemble, mais Mélinda avait juré à une Clara suspicieuse qu’il ne s’était rien passé, et qu’Hitomi n’avait toujours pas droit de se promener librement dans le manoir, comme jadis. Que faisait-elle ici, alors ?!

« Ça va, Shii ? s’enquit Hitomi
- Oui, Sensei » répondit-elle au quart de tour, toujours aussi rouge.

Adossée contre son bureau, Mélinda avait posé le dossier bleu près de l’ordinateur-portable, et esquissait un très léger sourire. Hitomi se retourna alors vers elle, laissant un peu Shii essayer de sortir de sa torpeur, pour lui lâcher :

« Sérieusement, vous ne vous nourrissez qu'au punk ici ?
 -  Tes chastes oreilles ne le supportent pas ? répliqua Mélinda avec une ombre de sourire. Bien que je sois une maniaque compulsive qui adore tout contrôler, mes protégées écoutent la musique de leur choix. Personnellement, je préfère écouter du Guiseppe Verdi. »

Difficile de savoir à quel point Mélinda plaisantait ou était sérieuse. L’autocritique n’avait jamais été son fort, mais elle savait très bien ce qu’on pensait d’elle. Elle estimait même qu’elle laissait à ses filles bien plus de libertés que des parents normaux le feraient, tout en assortissant lesdites libertés de devoirs : entretenir sa chambre, accomplir les corvées, et, de manière plus générale, plaire à sa Maîtresse. Tandis que Shii se remettait, Mélinda laissa Hitomi s’amuser avec elle, en profitant pour rechercher dans le dossier divers documents qu’elle allait devoir montrer à Shii. Cette jeune fille serait le premier pas vers Clara, un autre moyen d’atténuer la colère que cette dernière éprouverait.

« Shii, on va avoir besoin de toi pour quelque chose d'important. Ça va nécessiter toute ta bonne volonté, et que tu regardes sous le lit voir si tu retrouves ta bonne humeur... Mélinda va tout t'expliquer. »

Les yeux de Shii se firent soudain plus interrogateurs, plus curieux, mais ce n’était pas pour autant qu’elle s’était rhabillée. Hitomi se tourna alors vers Mélinda, et lui fit un aveu de faiblesse. Mélinda ne dit rien, mais elle le pensait très fort.

*Comment comptes-tu affronter Clara, ma pauvre, si tu perds tes moyens face à Shii ? Crois-tu que Clara aurait rougi comme une tomate si tu avais débarqué dans ta chambre ? Mais peut-être que c’est justement face à l’affrontement que tu décides de te battre, Hitomi...*

Mélinda garda tout ça pour elle. Elle avait sorti plusieurs papiers, et regarda Shii, pour lâcher, sur un ton assez autoritaire :

« Nous n’avons pas le temps de jouer, Shii. Hitomi a déjà léché ton minou, et je t’ai déjà vu nue bien des fois. Alors, dépêche-toi de te changer ! »

Shii rougit encore plus, mais obtempéra. Elle laissa malgré tout sa culotte et son chemisier d’écolière, enfilant un jean. Elle était toujours aussi gênée, mais avait aussi vu les documents que Mélinda tenait. Elle ne disait rien, ne voulant faire aucune bêtise. Mélinda la relança donc :

« Où est Clara ?
 -  Au… Au Mac Do, avec des amies… Théoriquement, elle ne devrait plus tarder, maintenant. »

Mélinda hocha lentement la tête, puis se lança.

« Regarde... »

Elle lui tendit la copie du jugement de divorce, que Shii lit attentivement. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise, l’expression de son regard passant de la curiosité à l’étonnement, puis de l’étonnement à la stupéfaction, de la stupéfaction à l’incompréhension, et de l’incompréhension à une forte joie contenue. Toute excitée, elle finit par relever la tête.

« Il... Il faut qu’elle le sache ! Ça pourrait tout changer !
 -  Ça, Shii, c’est à moi d’en juger, nuança Mélinda. Vois-tu, j’ai décidé d’appeler Hitomi pour avoir besoin de son... Expertise sur les relations entre Clara et sa famille. Je comptais par cette même occasion réconcilier notre irascible Clara et notre volatile senseï.
 -  Oh... Ça va pas être simple... Et... »

Mélinda ne lui laissa pas le temps de poser sa question, préférant enchaîner.

« J’aimerais savoir si Clara t’a déjà confié des choses au sujet de sa mère. Je sais qu’elle déteste son père, mais j’ai besoin de savoir si c’est aussi le cas avec sa mère. »

Shii se tut légèrement, baissant les yeux, rouge, se mordillant les lèvres. Elle savait quelque chose, mais elle n’osait pas le dire, regardant tour à tour Mélinda, et, surtout, Hitomi. La vampire n’était pas idiote. Elle savait qu’il s’était passé quelque chose entre Clara et Hitomi. Quoi, elle l’ignorait précisément, mais elle savait que, si Hitomi avait débarqué en furie au manoir la semaine dernière, c’était parce qu’elle avait vu l’état du dos de Clara. Mais il n’y avait pas eu que ça. Mélinda rajouta, sur un ton doucereux :

« Shii... Je sais que je n’ai pas été au top ces derniers temps, mais je crois avoir suffisamment agi pour mériter ta confiance, non ? »

Shii rougit à nouveau, mais ne dit toujours rien. Mélinda était assise sur le lit, à côté de Shii, et prit dans sa main l’une des mains de Shii.

« Je t’aime, Shii. Je crois que tu le sais, non? Tout comme j’aime Clara. Et, bien que cet amour ne soit pas désintéressé, il n’en est pas moins honnête et réel. Je veux savoir si ça vaut le coup, Shii. Si je dois me battre pour que Clara retrouve sa mère, et si ça l’aidera à aller mieux... Je ne dis pas que Clara ne va pas bien, mais elle continue toujours à percevoir les adultes, la société, comme des menaces potentielles, et, tôt ou tard, ceci risque de lui être fatal. Et je sais tout à fait que ce que tu ressens pour Clara n’est pas que de l’amitié.
 -  Ce... Ce n’est pas vous, Maî... Maîtresse... »

Shii triturait nerveusement ses doigts, ayant donc libéré sa main de l’étreinte de Mélinda, et ferma les yeux en parlant. Mélinda pouvait sentir son sang battre furieusement dans ses veines. Shii avait une peur monstrueuse. Elle finit néanmoins par achever :

« C’est... C’est... »

Elle fit un simple mouvement de tête, mais Mélinda comprit. Faire appel à Hitomi était peut-être, en définitive, le pire choix possible.

« Cla... Clara ne... Elle ne veut plus que... Que... Enfin, voilà... Elle... Elle vous dirait tout, Maîtresse, mais... Je... Je ne veux pas la trahir... »

Elle ignorait ce qui s’était passé, mais elle comprenait ce qui avait lieu : Clara percevait clairement Hitomi comme une menace, une adversaire. Elle avait du confier des choses à Shii, mais en lui promettant de ne rien dire à personne. Tout comme Mélinda le lui avait promis. Les confier à Hitomi serait difficile. Mélinda regarda alors cette dernière, en remuant légèrement la tête, comme pour l’inviter à venir.

*C’est toi qui as voulu cette situation, Hitomi. C’est toi qui as voulu te rapprocher de Clara. Je ne t’en aurais jamais demandé autant, mais il est trop tard pour reculer. A toi de trouver les mots pour convaincre Shii, je ne peux pas le faire à ta place.*

Et, comme pour appuyer cette remarque tacite, Mélinda se releva, et s’écarta du lit, croisant les bras, laissant ainsi à Hitomi la place.

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