«
Monday you roll the dice
Tuesday you fall through the ice
Wednesday you're coming to terms
Thursday the nightmare returns
Thank god it's friday
Thank god it's friday »
Dans le manoir de Mélinda, il y avait des petits rituels. L’un de ces rituels, curieux, était de mettre en boucle à 17h30, tous les Vendredi, une musique de rock de Mudmen,
Saturday, afin d’accueillir la venue du WE. Le WE signifiait en effet la possibilité de faire la grasse matinée, et, surtout, de ne pas avoir à porter l’uniforme scolaire, ce qui, il fallait bien le dire, enchantait la plupart des adolescents. Ceux qui vivaient sous le toit de Mélinda ne faisaient pas exception. Dans une confortable chambre, la délicate propriétaire des lieux souriait légèrement. Assise sur un élégant fauteuil, elle caressait une neko qui ronronnait sur ses genoux, tout en entendant plusieurs des filles répéter à tue-tête les paroles qui rugissaient depuis les enceintes du grand salon :
«
That’means’that SAAAAAATURDAAAAAYYYY is on the WAAAAAAAAY, wooooooh !!! »
Diriger tout un troupeau de lycéennes, c’était parfois savoir s’exposer à ce genre de choses. Elles ne faisaient toutefois rien de mal, et un peu de gaieté dans ce manoir, après les évènements récents, n’était pas de trop. Le manoir avait après tout été au cœur d’une guerre démoniaque, et en avait subi quelques traces. Toute une aile avait été pulvérisée, et il avait fallu refaire une bonne partie du mobilier. La vue triste des échafaudages et des bâches de sécurité longeant toute une partie du manoir était déprimante. La Sombra Corporation avait néanmoins été plutôt efficace pour les réparations et pour l’amélioration des protocoles de sécurité du manoir. Ce dernier ressemblait maintenant à une espèce de forteresse digne de Big Brother. La Sombra était une puissante corporation japonaise dont la PDG était une succube ashnardienne, ainsi que la plupart des actionnaires, des Ashnardiens.
Mélinda se reposait, savourant de ne plus sentir dans l’air l’odeur du ciment et du placo. Il en allait de même pour ses esclaves, même si ces dernières avaient largement profité du fait d’avoir des ouvriers pour se permettre de petits fantasmes. Les ouvriers avaient installé un préfabriqué dans le jardin, qui se tenait encore là, ainsi que quelques pelleteuses qui avaient été utilisés pour évacuer les gravats.
Depuis Lundi, Mélinda n’était pas retournée au lycée, ayant supervisé la fin des travaux. Son manoir ressemblait enfin à quelque chose, et elle s’était aussi familiarisée avec les protocoles de sécurité. On avait sensiblement augmenté le nombre de caméras de sécurité, et chaque fenêtre disposait maintenant de volets en acier qui se refermaient quand le manoir passait en mode «
Siège », comme l’avait dit l’une des esclaves de Mélinda quand elle avait présenté le nouveau règlement. Mélinda avait également des gardes du corps à l’entrée du manoir. Si on pouvait auparavant y entrer facilement, les invités ne pouvaient maintenant pénétrer que sur autorisation explicite de Mélinda. Il y avait également des gardes du corps dans l’enceinte du manoir. Mélinda réduirait sûrement leur nombre, car ils n’étaient pas gratuits, mais, pour l’heure, elle attendait que cette crise soit éloignée. Même si l’histoire avec Alexis et sa famille de démons psychotiques s’était calmée, on n’était jamais à l’abri d’un autre problème.
Tout le long du mur d’enceinte, on avait installé des cristaux magiques qui empêchaient désormais de se téléporter à l’intérieur d’un dôme magique. L’installation n’était pas encore au point. Il fallait rajouter à cela différents capteurs sensoriels fixés discrètement sur les troncs d’arbres, et qui prévenaient encore plus les risques d’intrusions.
La neko qui se tenait sur ses genoux,
Liana, était une délicieuse neko serveuse, qui travaillait aussi bien au harem sur Ashnard, que dans ce manoir de repos. A l’origine, elle devait juste apporter un Coca-Cola à Mélinda, mais cette dernière en avait profité pour la prendre sur ses genoux, et lui faire un câlin. Depuis l’épisode des démons, Liana avait été éprouvée, ce qui, pour une petite neko, signifiait beaucoup. Dans sa tenue de maid, elle avait reçu un câlin en règle, et Mélinda entendit alors son portable vibrer. Tournant la tête, elle tendit la main vers la table basse, à côté de son verre de Coca avec une paille, et lut le message. Court et lapidaire, venant de
Shii, qui lui en avait déjà envoyé plusieurs :
« Yamagashi-sensei et moi venons de quitter le métro. Nous serons là rapidement. »
Mélinda eut un léger sourire, et reposa le téléphone. Si Shii était en retard, c’est parce qu’elle avait été retenue, à son dernier cours, par Hitomi. Cette dernière avait manifestement envie de parler à Mélinda, mais ne l’avait pas vu de la semaine, et avait donc demandé à Shii si elle pouvait l’accompagner au manoir. Cette dernière avait envoyé un SMS à Mélinda, qui y avait répondu par l’affirmative.
Quelques minutes plus tard, Shii arriva devant le portail, et un garde du corps la dévisagea silencieusement, regardant tout aussi brièvement Hitomi, d’un air soupçonneux.
«
Votre carte d’identification, Mademoiselle » demanda-t-il sur un ton neutre.
Obtempérant, Shii ouvrit son porte-feuilles. Désormais, chaque esclave, pour rentrer dans le manoir, avait une carte plastifiée faite par la Sombra, sans laquelle il était impossible de rentrer. Shii suivait ensuite le garde près d’une petite machine, où ce dernier vérifia que la carte n’était pas une fausse. Pour cela, dans le portique de sécurité, il y avait une machine permettant de relever les empreintes de Shii. La machine envoyait l’empreinte digitale aux bases de données de la Sombra. Les puissants superordinateurs renverraient ensuite un code qui devait correspondre au numéro d’identification sur la carte. Un chiffre ne tarda pas à s’afficher sur l’écran d’un ordinateur portable, que le garde lut, et compara avec celui sur la carte :
« MW 000000125 »
D’un air satisfait, le garde hocha la tête, et se tourna alors vers Shii, avant de désigner la femme.
«
Qui êtes-vous ? »
Shii répondit à sa place.
«
C’est... C’est ma senseï d’anglais, Madame Yamagashi. Maîtresse Mélinda désire la voir. »
L’agent de sécurité ne dit rien, et se contenta d’appeler la Maîtresse pour obtenir confirmation. Cette dernière confirma, et les grilles s’ouvrirent alors, permettant aux deux femmes de passer. Nerveuse, comme à chaque fois qu’elle se tenait avec des gardes, Shii soupira lentement, et marcha vers le perron. Dans le salon, elle ne tarda pas à entendre des espèces d’adolescentes hystériques rugir en dansant furieusement, et s’empressa de rejoindre les couloirs latéraux, où sa Maîtresse se trouvait. Lorsqu’elle ouvrit la porte du salon où se tenait Mélinda, la vampire entendit des airs de musique. Mudmen avait laissé place à
Shaka Ponk, et elle entendit une lycéenne hurler :
«
I’M PIICCCKKKKYYYYYYYYYYYYYYYYYY ! »
Ce cri fit sursauter la brave Liana, qui tomba par terre. Une autre raison justifiant qu’elle soit avec Mélinda était que, la dernière fois qu’elle avait assisté à cette fête, on l’avait habillé, coiffé, et maquillé n’importe comment. Elle préférait donc rester près de sa Maîtresse. Lorsque la porte se referma, la musique ne fut plus qu’un léger brouhaha, et Mélinda tourna la tête vers Hitomi, lui faisant un grand sourire :
«
Bonsoir, Hitomi. Je suis heureuse de te revoir. »