Nouvelle précision, SERF : les parties signataires de l'ACTA (ACAC, dans sa traduction française) ne sont pas "que" des nations ; on trouve aussi l'Union Européenne. "Quelques pays d'Europe", ça laisse penser que la majorité des pays européens ne font pas partie de l'ACTA ; c'est plutôt le contraire, en réalité. Ceci dit, l'ACTA a en effet suscité de vives critiques, que je rejoins pour la plupart, tant sur la procédure d'adoption, sur ses motivations, et sur ce qu'il implique.
S'agissant de la procédure d'adoption, je trouve personnellement anormal et suspect qu'une convention internationale aussi importante, mobilisant pas mal d'États (les Ricains, les Européens, les Japonais, mais aussi des pays du Moyen-Orient, comme les Émirats arabes unis), se soit faite dans un secret quasi-religieux. C'est d'autant plus suspect que l'ACTA a pour domaine un champ assez large, puisqu'il s'applique sur tout Internet, les produits pharmaceutiques, et, de manière générale, l'intégralité des marchandises. Selon moi, l'ACTA illustre les différentes dérives qui ont lieu dans plusieurs États depuis une bonne vingtaine d'années :
- Influence des groupes de pression. Pour moi, l'ACTA, comme l'Hadopi, la SOPA, et ces lois liberticides, trouvent avant tout leur origine dans l'influence trop forte des lobbies, et autres groupes de pressions, plutôt que dans une réelle volonté de vouloir lutter contre le piratage sur Internet. Cette influence des lobbies illustre aussi le rôle de plus en plus atténué qu'a la société civile. La manière dont l'ACTA a été ratifiée par l'UE est un grand doigt brandi dans le ciel à la notion même de démocratie, confirmant le rôle symbolique du Parlement Européen dans le processus décisionnel de l'UE. Le Parlement n'y a non seulement joué aucune rôle, mais n'a été que difficilement informé de l'évolution des négociations, envoyant à plusieurs reprises des résolutions aux autres organes de l'UE pour leur rappeler qu'ils existent, et que le Parlement ne sert pas qu'à faire griller des saucisses le Dimanche midi.
- Développement de lois liberticides sous le couvert de la protection et de la sécurité nationale. Plus généralement, ce que l'ACTA illustre aussi, pour moi, c'est le raisonnement politique en vigueur dans différents pays occidentaux depuis quelques années, et qui tend à accentuer de manière grotesque et irréfléchie la répression. En matière pénale, la création de nouvelles infractions comme le racolage passif, l'entrave à la circulation dans les cages d'escalier, sont pour moi les exemples parfaits de lois qui font double emploi, sont mal écrites, et, soit sont inutiles, soit dangereuses. L'ACTA, pour moi, c'est un peu ça. La récente fermeture de MegaUpload devrait pourtant convaincre n'importe qui que les instruments juridiques permettant de lutter contre le piratage, le téléchargement illégal, sont déjà en place, et sont déjà efficaces.
Quant aux mesures prodiguées par l'ACTA, sur celles concernant le droit d'auteur, elles sont pour moi grotesques. Sanctionner les FAI a pour moi autant de sens que sanctionner un concessionnaire automobile parce qu'un chauffard a renversé un piéton sur la route. Un FAI ne fait que proposer un service, il n'a pas vocation à fliquer ses clients. M'enfin, je ne suis pas vraiment inquiète pour l'ACTA et ses répercussions sur le monde du Net. Internet n'est pas quelque chose qu'on peut censurer ou contrôler par les méthodes classiques. Peu importe les lois, si elles ne peuvent pas être appliquées. Ce n'est pas parce que l'Hadopi a été créée que le téléchargement illégal a cessé. La fermeture de MegaUpload n'a pas non plus mis fin au piratage illégal. Tout ce que ça a réellement fait, c'est embêter provisoirement de petits téléchargeurs, et pénaliser bien des utilisateurs qui avaient hébergé des fichiers légaux dessus, et qui, comme moi, se retrouvent dans la m****. De même, l'adoption éventuelle de l'ACTA ne changera pas grand-chose. Ce n'est pas par la répression qu'on parviendra à endiguer le téléchargement illégal. Plus généralement, ce n'est pas non plus par la répression qu'on parviendra à sécuriser un pays. Comme l'a dit un jour un de mes anciens prof', la répression, c'est l'échec du droit.