... Un symptôme ? Erwan releva les yeux vers le charmant infirmier qui le dévisageait, qu'il se mit à détailler. Une alliance ... Dommage. Il baissa les yeux, passant sa main dans ses cheveux, un peu trop secs à son goût. Tssk, ça ne te ressemble pas, ça. Puis il les releva vers l'infirmier. Il toussa un peu, éclaircissant sa voix.
- Un ... symptôme ?
Il avait pris ce ton inquiet, là, qui ne lui ressemble pas. Et ce regard perdu , qui lui non plus ne lui ressemble pas. Jouer le rôle de jeune père quand une de ses "filles" tombait enceinte était devenu une habitude, depuis peu. Cela devait faire la ... Cinquième, oui, la cinquième ... Nom de dieu, le printemps est dans un mois, attendez un peu. Il soupira. Je me trouve bien français.. Il toussa à nouveau, serrant la main de la jeune fille, à côté de lui, qui regardait, les yeux brillants, l'infirmier.
Sûrement pas pour les mêmes raisons que lui, tiens. Il regarda le temps, dehors, un moment. Un vent fugace ... Il envisagea de se balader le long de la digue, un peu plus tard.
- Oui, Mlle Lind est ... enceinte. Réellement enceinte, assura l'infirmier.
Il se retint de soupirer de fatigue, tachant d'afficher un sourire heureux. Faussement, heureux.
- Quel bonheur ! s'exclama t'il d'un ton un brin exagéré.
- Oh, Erwan, c'est merveilleux ! s'exclama t'elle.
Elle avait une larme sur la joue. Il sentit un soupçon de bonheur traverser son propre cœur - voir les gens auxquels il tenait heureux d'être et ivre de vie le touchait - et toussa à nouveau, serrant dans sa main celle de sa "compagne". Puis il annonça qu'il devait se retirer ... Il ne devait pas tarder. Sinon, il recommencerait à être nostalgique. Ce qu'il détestait le plus au moins, sans doute. Une nostalgie qui pouvait le pousser à rester allongé une journée entière, une bouteille de vin à la main.
Une épave, dirons les poètes.
Il la fit monter dans la voiture avec précaution, bien décidé à la ramener chez elle sans encombres.
- Erwan, je te remercie ...
- Hum ?
Il s'alluma une cigarette, par réflexe.
- Éteins ça, ordonna t'elle.
Il s'exécuta, sans mot dire.
- Je voulais te dire ...
- Que voulais-tu me dire ?
Il la regarda, curieux, les yeux presque brillants de curiosité.
- Tu devrais te remettre à écrire, Erwan.
Il rigola, amusé.
- Ah oui, vraiment ?
- J'ai lu un de tes ... textes. Celui avec Phédre ...
- Ah ... ?
- On dirait ... Rimbaud, tu sais, celui qui ...
- Je connais Rimbaud. Merci pour la comparaison ... Tiens, on est arrivé.
Elle descendis prestement, il la salua rapidement. Il n'aimait pas les cérémonials, et ignora même le baiser qu'elle lui lança, affectueuse. " Tu devrais te remettre à écrire ... " Il ne demandait que ça. Mais sur ce texte ... Il avait sa muse. Actuellement, il peinait à trouver des compagnies agréables, regrettant même d'avoir posé le pied sur le sol Japonais. Il s'alluma, cette fois, sa cigarette, et sortit de sa voiture, hâtif à l'idée de retrouver sa mer, celle qu'il chérissait tant.
Il n'avait pas envie de retourner dans ses appartements. Pas pour le moment. Trop de paperasses, d'inutilités ... Il avait une furieuse envie de déménager prés de cette mer. D'ici peu, je m'y mets ... Il tira une bouffée de sa cigarette. Il devait bien être 19h, maintenant.
Il l'ignorait. Il s'en fichait presque. Il fallait qu'il chasse cette effroyable nostalgie ... Il inspira une autre bouffée, qui faillit l'abattre sur place. Allez, Destin, montre-moi que tu as des tripes ... Offre moi une Ophélie, digne de celle de Millais ...