Symptômatique ... ( Miya's RP )

... Un symptôme ? Erwan releva les yeux vers le charmant infirmier qui le dévisageait, qu'il se mit à détailler. Une alliance ... Dommage. Il baissa les yeux, passant sa main dans ses cheveux, un peu trop secs à son goût. Tssk, ça ne te ressemble pas, ça. Puis il les releva vers l'infirmier. Il toussa un peu, éclaircissant sa voix.

- Un ... symptôme ?

Il avait pris ce ton inquiet, là, qui ne lui ressemble pas. Et ce regard perdu , qui lui non plus ne lui ressemble pas. Jouer le rôle de jeune père quand une de ses "filles" tombait enceinte était devenu une habitude, depuis peu. Cela devait faire la ... Cinquième, oui, la cinquième ... Nom de dieu, le printemps est dans un mois, attendez un peu. Il soupira. Je me trouve bien français.. Il toussa à nouveau, serrant la main de la jeune fille, à côté de lui, qui regardait, les yeux brillants, l'infirmier.
Sûrement pas pour les mêmes raisons que lui, tiens. Il regarda le temps, dehors, un moment. Un vent fugace ... Il envisagea de se balader le long de la digue, un peu plus tard.

- Oui, Mlle Lind est ... enceinte. Réellement enceinte, assura l'infirmier.

Il se retint de soupirer de fatigue, tachant d'afficher un sourire heureux. Faussement, heureux.

- Quel bonheur ! s'exclama t'il d'un ton un brin exagéré.

- Oh, Erwan, c'est merveilleux ! s'exclama t'elle.

Elle avait une larme sur la joue. Il sentit un soupçon de bonheur traverser son propre cœur - voir les gens auxquels il tenait heureux d'être et ivre de vie le touchait - et toussa à nouveau, serrant dans sa main celle de sa "compagne". Puis il annonça qu'il devait se retirer ... Il ne devait pas tarder. Sinon, il recommencerait à être nostalgique. Ce qu'il détestait le plus au moins, sans doute. Une nostalgie qui pouvait le pousser à rester allongé une journée entière, une bouteille de vin à la main.
Une épave, dirons les poètes.

Il la fit monter dans la voiture avec précaution, bien décidé à la ramener chez elle sans encombres.

- Erwan, je te remercie ...

- Hum ?

Il s'alluma une cigarette, par réflexe.

- Éteins ça, ordonna t'elle.

Il s'exécuta, sans mot dire.

- Je voulais te dire ...

- Que voulais-tu me dire ?

Il la regarda, curieux, les yeux presque brillants de curiosité.

- Tu devrais te remettre à écrire, Erwan.

Il rigola, amusé.

- Ah oui, vraiment ?

- J'ai lu un de tes ... textes. Celui avec Phédre ...

- Ah ... ?

- On dirait ... Rimbaud, tu sais, celui qui ...

- Je connais Rimbaud. Merci pour la comparaison ... Tiens, on est arrivé.

Elle descendis prestement, il la salua rapidement. Il n'aimait pas les cérémonials, et ignora même le baiser qu'elle lui lança, affectueuse. " Tu devrais te remettre à écrire ... " Il ne demandait que ça. Mais sur ce texte ... Il avait sa muse. Actuellement, il peinait à trouver des compagnies agréables, regrettant même d'avoir posé le pied sur le sol Japonais. Il s'alluma, cette fois, sa cigarette, et sortit de sa voiture, hâtif à l'idée de retrouver sa mer, celle qu'il chérissait tant.
Il n'avait pas envie de retourner dans ses appartements. Pas pour le moment. Trop de paperasses, d'inutilités ... Il avait une furieuse envie de déménager prés de cette mer. D'ici peu, je m'y mets ... Il tira une bouffée de sa cigarette. Il devait bien être 19h, maintenant.

Il l'ignorait. Il s'en fichait presque. Il fallait qu'il chasse cette effroyable nostalgie ... Il inspira une autre bouffée, qui faillit l'abattre sur place. Allez, Destin, montre-moi que tu as des tripes ... Offre moi une Ophélie, digne de celle de Millais ...

"Un nouveau départ."

On n'arrêtait pas de rabâcher à Miya qu'elle devait passer à autre chose. Ils étaient marrants... En fait, ça en devenait tellement pénible que la demi déesse avait fini par quitter son travail, et à s'éloigner du centre de Seikusu. Ce n'était pas grand chose pour la plupart des gens, un déménagement. Mais tout plquer en cet instant, c'était couper définitivement les ponts avec un passé visiblement révolu. Elle avait attendu deux longues années - une bagatelle quand on est éternelle ! Mais deux années d'un terrible calvaire.

Miya ne savait pas encore comment, ni pourquoi, elle avait trouvé la force de faire un tel nouveau départ. Peut-être parce qu'avec le temps, elle était devenue aussi raisonnable qu'elle pouvait l'être. Qu'elle s'était mise à chérir des objets et des moments plutôt que des personnes, ce qu'elle aurait du toujours faire. Hélas, ne dit-on pas "jamais deux sans trois" ? La prochaine personne à laquelle elle commencerait à s'attacher, elle lui trancherait elle-même la gorge pour s'en débarasser.

Aujourd'hui, donc, Miya avait pris la résolution de ne pas passer à l'appartement de Ryuga, ni au bar dans lequel elle avait travaillé jusqu'à il y a quelques semaines encore. Aujourd'hui avait été une journée oisive, où elle avait été voir un mauvais film policier au cinéma, fait les magasins et ce soir, après un dîner composé principalement de salade et de chocolat - curieux mélange, n'est-ce pas... - Miya était sortie à nouveau. Pas forcément avec une idée en tête. C'est d'ailleurs l'odeur de la mer qui l'attira, ce soir là. Il faisait frais, mais elle ne craignait pas la fraicheur. Elle avait retiré ses sandales, et marché longtemps sur la plage, regardé le soleil commencer à décliner. Et puis, sans crier gare, la demi déesse avait jeté ses sandales par dessus son épaules, et couru vers la mer pour y plonger, et y nager longtemps. Elle tenta même de battre le record d'apnée, pas un exploit pour elle... Mais juste pour le plaisir de la douleur fugace de sa poitrine qui se contracte à cause du manque d'air. Elle émerge pour aspirer une grande goulée d'oxygène. Miya n'est toujours pas heureuse de vivre : juste de voir ce soleil sanglant continuer à descendre.

Elle regagne la plage, et tandis qu'elle marche encore dans l'eau, elle commence à essorer ses cheveux, puis le bas de sa robe bleue. La plage est déserte à cette heure-ci... Vraiment ? Miya voit un homme, et sans doute l'inverse est-il vrai aussi. La demi déesse a suspendu son geste, alors qu'elle ramassait ses sandales à moitié enterrées dans le sable, et dévisage ouvertement Erwan. Ses doigts attrapent finalement les chaussures, et la jeune femme se dirige vers lui, d'une démarche simple et souple, et le sourire d'une personne surprise de trouver quelqu'un ici. Elle s'arrête à côté de lui, et finit par s'appuyer contre sa voiture, et observer l'horizon. Puis un murmure :

- Vous auriez une cigarette ? S'il vous plaît ?

Tiens, une naïade ? Il préféra conserver pour lui cette remarque digne d'un dragueur de bas-étage. Il se contenta de la dévisager, un moment. Une siréne ? Non, arrête, t'es ridicule ...
Il ne l'avait même pas vue arriver. Il pensa même, un moment, qu'on voulait attenter à sa vie, une nouvelle fois - Les Tekhanes étaient si agressives ... - mais balaya cette pensée à la fois belliqueuse et consternante. Il se sentait bien trop faible pour ça, ce soir. Il avait les yeux embués de souvenirs, et un kaléidoscope en cristal incrusté dans le front. Kaléidoscope qu'elle venait de briser. Il ne lui en voulait pas ... S'il continuait à glisser sur la pente des souvenirs, il savait qu'il se casserait la figure.
Et avec fracas, s'il vous plaît.

- Très certainement ...

Il sortit un paquet de sa poche, en extirpa une cigarette, du bout des doigts. Il traitait ces poisons comme des trésors. Cela lui coûterait, un jour ... Évidemment. A quoi bon vivre, sans aucun frisson ? La cigarette en était un, assurément. Chaque fois qu'il la portait à ses lèvres, il embrassait, de loin, la Mort.
Qui viendrait réclamer, sans doute, ces baisers. Il n'était pas pressé. Il coinça la cigarette entre ses doigts, l'alluma avec un briquet - qui avait osé coller une étiquette Diddle, dessus ? - et lui présenta.

- Je vous en prie ... Elle vous appartient.

Pourquoi tant de manières ? Il voulut se taire, mais ne pouvait pas. En présence de quelqu'un, il ne pouvait s'empêcher de livrer des mots. Même infimes, mêmes discrets.
 Il regarda furtivement la jeune femme. Il ne l'avait jamais vue ; il aimait ce genre de surprises. Il attendit qu'elle cueille la cigarette, pour venir mettre ses mains dans ses poches, recherchant la moindre chaleur. Il avait en tête, depuis peu, Wish you were here ... Chaque fois que Paris lui manquait ... Chaque fois que Phédre lui manquait.

"How I wish, how I wish you were here ...We're just two lost souls, swimming in a fish bowl ... "

Il chassa rapidement cette mélodie de sa tête, de son organisme, et se concentra sur les flots.

- C'est inexplicable, l'effet que certaines choses peuvent avoir sur certaines personne, dit-il, se retournant pour regarder cette inconnue insolite.

Puis il se tourna à nouveau vers la mer. Là, il fallait avouer que la nostalgie l'avait à nouveau mordue, à sang. Il tira une bouffée sur sa cigarette, qu'il recracha presque aussitôt.

- Cette mer-là m'écartèle et m'apaise à la fois ... J'aime la retrouver à la nuit tombée ... Est-ce votre cas ?

Il se retourna vers cette jeune femme, mais ne la détailla pas comme il le faisait avec les autres femmes. Non, il ne se sentait pas l'envie de déstabiliser cette inconnue. Il n'avait peut-être que l'envie de converser avec elle sur la force des sentiments libérés par la mer, ou peut-être pas ... Juste une présence, pour se prouver qu'il n'était pas seul, là, à délirer sur la digue.

Miya leva un sourcil face à toutes ces manières... Juste pour une cigarette. Elle ne put s'empêcher pourtant de sourire, lorsqu'elle la saisit entre ses doigts, remerciant d'un murmure le jeune homme.

- Vous êtes bien aimable...

Son regard azur repartit à l'assaut de la mer, dont les teintes hésitèrent entre l'orange, le bleu et le noir de la nuit qui commençait déjà à tomber. Miya tira longuement sur sa cigarette, avant d'en souffler délicatement la fumée. D'ailleurs, elle cessa d'expirer quand Erwan reprit la parole, et elle le regardait, ses lèvres formant toujours cet étrange petit "O" d'où s'échappaient les dernières volutes de fumée. Elle s'était attendue à ce qu'il tente de la séduire, comme les hommes tentaient souvent. Fière de son physique ? C'est bien peu de le dire. Pourtant, elle n'est pas déçue, non. Elle suit du regard la ligne du profil de son interlocuteur. Il se tourna à nouveau vers elle, et elle secoua doucement la tête avant de reporter son attention sur l'eau.

- J'aime regarder la mer... Parce qu'elle n'est jamais deux fois identique, même par le calme le plus plat. Qu'importe son humeur, elle a tendance à m'apaiser, et à vider mon esprit. Quand je l'observe, je ne pense plus à rien.

Miya eut un frisson, et elle coinça la cigarette entre ses lèvres. Tirant une nouvelle bouffée, elle essora à nouveau le bas de sa robe trempée.

- Je ne suis pas assez venue, ces derniers temps.

Hum. Mauvaise idée de pleurer sur sa vie sur l'épaule d'un bel inconnu... Nouveau nuage de fumée qui s'échappe de ses lèvres entrouvertes.

- Je préfère la mer lorsqu'elle est en colère, et déchaînée. Grise... Blanche... Où les vagues cherchent à envahir le ciel.

Le nez de la demi déesse se fronça dans une grimace de dérision, et elle regarda Erwan en souriant à peine.

- N'écoutez pas mes bêtises. (Un instant d'hésitation, avant qu'elle n'incline légèrement la tête.) - Je m'appelle Miya.

Sa remarque, sur la mer déchainée, en extase incontrôlable, le fit sourire. Il se retourna vers elle, comme pour appuyer ses propos, la gratifiant d'un sourire léger, avant de regarder à nouveau les flots. Peut-être avaient-ils pris cette teinte grisâtre qui avait l'air de l'enchanter ... Nombre de fois, il avait pu se référer à cette mer, comme étant son reflet. Les souvenirs ressurgissaient toujours ; il se souvenait bien qu'à Paris, la seule mer qu'il voyait était dans les tableaux de Turner. Il eut un plus grand sourire en l'entendant ; " N'écoutez pas mes bêtises. ", mais se retint de se retourner vers elle. Il ne voulait pas qu'elle pense qu'il se moquait d'elle.
Il aurait pu en dire autant, d'ailleurs ... Mais il se retint. A nouveau. De parler pour ne rien dire. Il se contenta d'inspirer, lui-aussi, une grande bouffée de cigarette, qui lui électrisa l'âme. Face à cette mer, là, ce fut Antony and the Johnsons qui capta son attention. Il se souvenait vaguement de la mélodie de cette chanson ... ( http://www.youtube.com/watch?v=d_Nq9fUX2WE ).
Il ne se souvenait que de cette beauté. Incomparable ...

Mais là, il ne put se retenir de la regarder à nouveau. Elle avait ce timbre de voix chargé de nostalgie, et cette allure digne d'une ... créature enchanteresse, sans nom peut-être. Il la compara doucement à son Ophélie, celle-là même qui s'était noyée, chargée de bouquets, peinte par Millais. Son favori.

- Parfois, je plonge sous l'eau quand elle est déchainée ...

Il remarqua qu'il venait à la fin de sa cigarette. Il l'éteignit avant même de la terminer. La part des anges ...

- Jusque là, les vagues ne m'ont jamais portée au ciel.

Un bref sourire. Il ne se sentait pas d'humeur macabre, loin de là. Mais il avait apprécié ses mots. 

- Je m'appelle Erwan.

Il avait répondu, certes, par politesse. Son nom, ce n'était que pour se faire reconnaître, dans une conversation. Il ne lui accordait pas grand intérêt.

- Un prénom ne sera jamais le reflet d'une âme ... Vous y croyez, à ces " Je m'appelle comme ça, donc je suis comme ça ... " ?

Il soupira. Diable, depuis quand ses pensées passaient les barrières de ses lèvres, sans prévenir ?

- A mon tort de dire des bêtises. Navré ...

Une discussion simple, terriblement simple. Pas de sous entendus, pas de reproches... Non, un simple échange de banalités, d'idées. Cela faisait longtemps que ce n'était pas arrivé à Miya. Cela lui faisait un bien fou. Après une dernière bouffée, la demi déesse laissa le mégot choir à ses pieds, et elle l'écrasa sans lui accorder un dernier regard.

- Parfois, je plonge sous l'eau quand elle est déchainée ...
- C'est là qu'elle est meilleure. Et quand il pleut.

Elle se retint de parler de cette sensation grisante, incroyable, où l'on perdait le contrôle sur son corps, toute notion d'espace et d'équilibre, de haut et de bas, et qu'en arrivant à ce qui devait être la surface, on n'était même pas sûr de pouvoir y respirer de l'air salvateur. Décidément, elle restait trop... Mélancolique. Ou dépressive, au choix. "Mélancolique" sonnait bien mieux, et faisait moins dramatique. Erwan, puisqu'il se présenta ainsi, se vit gratifié d'un nouveau sourire, un peu plus large que les précedents, avant que Miya ne secoue la tête doucement, en négation à ses dernières phrases.

- Arrêtons de nous juger ainsi. Des bêtises ! Il faut bien en dire et en faire pour avancer, non ?

Les yeux de la chanteuses se plissèrent légèrement, pour accentuer son sourire. Son regard repartit vers la mer. Il commençait à faire frais.

- Je n'accorde pas d'importance à la signification des prénoms. J'ignore si le mien en a une ici, mais ma vie aurait sans aucun doute été très différente si je m'étais seulement appelée Elena.

Déjà, si elle n'avait pas été "Miya", elle ne serait pas immortelle et ne tiendrait même pas cette conversation. Oh oui, sa vie aurait été bien différente. Parce qu'elle aurait pu se tuer en même temps que son jumeau - auraient-ils seulement entrepris cette aventure débile ? Elle n'aurait pas connu Ryuga, et n'aurait pas eu à souffrir autant.

Miya soupira : il était tellement facile de refaire le monde avec des "Si"... Sans tout à fait s'en rendre compte, elle commença à fredonner, tout en se frictionnant les bras légèrement. Quittant l'appui de la voiture derrière elle, Miya se tourna vers Erwan.

- La mer est merveilleuse, quelle que soit son humeur, nous sommes bien d'accord là-dessus - et malgré toutes les bêtises qu'on semblait dire... Mais après une telle baignade, rien ne veut un bain chaud. Et ça, ce n'est pas une bêtise, mais une vérité absolue.

La demi déesse s'inclina et hésita pourtant à partir. Elle fit un pas, mais l'arrêta en cours de route.

- Si je transforme ce bain en douche... Vous m'attendriez à ce bar, là ? on pourrait raconter tout un tas de bêtises, sans nous soucier des apparences. Je vous offre un thé, et cette fois, je n'oublierai pas mon paquet de cigarettes.

Il ne put s'empêcher, aussitôt, d'acquiescer, et ce à chacune de ses phrases, sans pour autant oser répondre. Qu'avait-il ? Il ne voulait pas briser sa voix, sans doute. Il ne voulait pas qu'elle perde le film de ses mots, tissés de tant de mélancolie qu'il ne pouvait pas , qu'il ne devait pas les briser. On aurait dit qu'elle chantonnait ce genre de chansons, douces et tristes, celles que chantonne un soir, dans un bar, une chanteuse fraîche et menue, les yeux dans le vague, et qui enfouit le cœur des rares spectateurs d'un coton protecteur. Il avait juste cette sensation, là, mais qui lui suffisait amplement à savourer chacun des mots de ... Miya. Puisqu'elle semblait avoir ce nom.
Ainsi donc, il acquiesça, lui faisant comprendre d'un sourire qu'il ne comptait pas s'enfuir à toute vitesse, qu'il l'attendrait donc dans ce bar, qu'elle avait indiquée du bout du regard. Il se dirigea doucement vers l'endroit convenu, avec ce même pas nonchalant qui le caractérisait souvent, le bruit des vagues le quittant peu à peu. Il se sentait grisé, déjà.

En entrant dans le bar, il réalisa que Bashung, brusquement, lui manquait. Non, merde, mon portable ... Il décrocha. Depuis deux jours, il avait Vénus, de Bashung - donc - comme sonnerie. Délicieuse sonnerie. Il hésita à décrocher. Le numéro d'une de ses "filles" clignotait, avec son prénom écrit au dessus. Tant pis ...
Ce soir, il avait juste envie de faire preuve de négligence. Il éteignit son portable, et le rangea dans une de ses poches. Il s'installa donc à une table, les yeux rivés dans les embruns imaginaires de son esprit - à moins qu'un réel brouillard ne soit tombé ? - imaginant, d'un bout à l'autre, Phédre débarquant sur la pointe des pieds, les yeux brillants. Il se ressaisit bruyamment, faisant grincer sa chaise. Non, Phédre ne viendrait pas. Ce que j'ai envie d'une cigarette ... Ou d'un refuge quelconque. Il cligna trois fois des yeux, décidés à ne pas se laisser embarquer par son imagination.


- Elle est née des caprices ... Pomme d'or, pêche de diamant ... Pomme d'or, pêche de diamant.


Chantonna t'il doucement, évitant de regarder à nouveau dehors. La peur d'un nouveau mirage ...

Miya se dépêcha de regagner son appartement, d'un pas tout aussi rapide que léger, et presque... Guilleret. La perspective d'une soirée simple, sans doute, et d'une discussion sans prise de tête. L'avantage de parler à un illustre inconnu, c'est qu'à moins de lui refiler votre numéro de téléphone, vous ne le reverrez jamais. Un inconnu finit par être oublié, et par vous oublier. Et Miya n'avait pas de numéro de téléphone... Du coup, elle ne se faisait pas de bile. Ce serait une soirée tranquille.

Pourtant, quand elle se retrouva sous le jet d'eau brulant, la demi déesse ne cessa de se demander ce qu'elle allait bien pouvoir porter. Elle ne cherchait pas à plaire à Erwan, juste... Juste à être jolie. Voilà bien longtemps que ça ne lui était pas arrivé. cette soirée était pleine en nouveautés...

Une fois réchauffée, son corps fin séché et ses cheveux mouillés nattés en une épaisse tresse, Miya resta plantée un instant devant son armoire avant de se décider pour une robe blanche qui s'arrêtait au-dessus des genoux et au décolleté assez inexistant. Elle opte pour un jean assez moulant, pour masquer ses longues jambes, et de simples bottes qui montent jusqu'à mi mollets. En bonus, un bracelet d'or autour du poignet gauche, assorti à la bague qu'elle ne quitte jamais. Après un dernier regard dan la psyché qui trône dans son salon, et Miya repart vers la mer. La voiture d'Erwan n'a pas bougé, et la demi déesse se dirige avec  emphase vers le bar où elle lui a donné rendez-vous. Son sac à main se balade au bout de son bras balant, et sans plus de cérémonies, elle entre.

La belle s'arrête, cherchant son cavalier du regard, et avec un nouveau sourire, comme rassurée de le voir présent, elle se dirige vers lui et s'assoit en face de lui.

- J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre, Erwan. Vous chantiez ? J'ai cru vous entendre, à l'instant...

Ce que c'était ? Dans quelle langue il avait chanté ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Mais ça lui avait plu, même si c'était dans un registre complètement différent de ce qu'elle avait l'habitude d'évoluer. Elle fit signe à un serveur pour deux thés, avant de sortir son paquet de cigarettes, d'en allumer une et de la tendre à Erwan.

- Je vous renvoie la faveur.

- Merci ... Miya.

Il apprécia prononcer ce prénom. Pour qui se prenait-il ? Il était si rare qu'il appelle les gens par leur prénom ; il préférait les regarder, leur faisant comprendre avec son regard perçant que c'était bien à eux qu'il parlait. Non, là, il avait eu envie de prononcer ce prénom, au moment même où il avait attrapé la cigarette. Qui crissa entre ses doigts. Il la coinça entre ses dents, jetant un œil au dehors, et souffla la fumée face au paysage. Comme pour le noyer d'ignorance.
Puis il la regarda, à nouveau, un moment. N'y croyant qu'à peine. Il était là, à discuter avec quelqu'un qu'il avait croisée sur la digue ... Non, pas quelqu'un. Une femme. Tout de suite, ça change tout ...

- Cette chanson ... Elle s'appelle "Vénus", de Bashung. Un artiste français, incomparable.

Il inspira une grande bouffée de tabac. La recracha, rapidement.

- ... A mes yeux.

Il n'osa pas partir dans un délire " Je suis fou des mots, de tout ce qui les entoure ... ". Il se serait égaré et, sans doute, aurait pu la mettre mal à l'aise.
Il préférait s'égarer, de loin, à regarder son invitée. Qu'avait-elle pour qu'il accepte de couper tous liens avec l'extérieur, pour même qu'il accepte de l'attendre face à une mer qui réveillait trop de souvenirs ? Ah, là, le mystère est grand ... Il ne l'avait même pas détaillée, sous tous les angles. Il n'y avait que son visage, qui ne reflétait qu'un mystère ambiant, inexplicable. Il baissa les yeux, n'osant pas la disséquer encore du regard. Que cette aura de mystère demeure ...

- Je fume trop, paraît-il, dit-il simplement en souriant. Mais il y a cette fumée, et alors je fume, ne serait-ce que pour elle ...

Sans doute pour cela qu'il allumait autant d'encens, chez lui. Il reposa sa cigarette, à moitié, achevé, cherchant ses mots. Il n'avait pas envie de l'assaillir de " Que faites-vous dans la vie ? " ou ce genre de banalités ... Car ce moment était tout sauf banal.

- J'ai l'impression que tout cela est ... Irréel. Vous ne trouvez pas ? Je devrais être chez moi, à boire un whisky au goût "boisé", et je suis ici, à boire du thé ...

Un sourire.

- C'est étrange ... Comme dans un rêve. Mais ... Ce n'est pas désagréable. Simplement inhabituel.

Miya ne connaissait pas la France. On lui avait parlé de Paris, la capitale de l'amour, l'endroit le plus romantique après Venise ; des photos qu'elle avait pu voir, cela lui avait fait l'effet d'une ville froide. Pourtant, la façon de chanter d'Erwan, les paroles qu'elle n'avait pas comprises, la rendaient curieuse. Miya fait partie de ces chanteuses lyriques, qui ont du coffre, et ce talent qu'on ne cesse de lui vanter... "On" crierait au sacrilège si elle n'usait pas de cette voix à 100 %. Et jamais elle n'avait cherché à chanter autre chose. C'était un style qui lui plaisait, qui l'obligeait à donner d'elle, à pousser toujours plus loin - et surtout, où elle pouvait montrer qu'elle excellait. Oh oui, Miya était redevenue un brin orgueilleuse. Cela ne pouvait pas faire de mal, de temps en temps.

A son tour, elle alluma une cigarette, sans regarder Erwan. Elle pouvait sentir ses yeux posés sur elle, et la demi déesse trouva le courage de redresser la tête au moment où il la baissa. Drôle de synchronisation. Il y avait quelque chose de fascinant, d'hypnotique chez cet homme. Miya suivait chacun de ses mouvements des yeux, d'une grâce rare chez un homme. Elle porta la tasse fumante à ses lèvres, et en but une gorgée en même temps que les paroles de son compagnon. Elle haussa un sourcil, et suspendit un instant son geste, alors qu'elle allait reposer sa tasse.

- Un artiste..." , commença-t-elle. Elle posa sa tasse. "Etes vous écrivain ? Vous allez me trouver stupide... Vous avez mis les mots justes sur ce que je ressens aussi."

Miya eut un rire. pas moqueur ni cynique ou joyeux. Juste un bref éclat. Un sourire léger resta sur ses lèvres, alors qu'elle reprit sa cigarette et murmura, la fumée dansant devant son visage.

- Je devrai être en train de me morfondre dans mon appartement, sans doute avec une bouteille de whiskey aussi, à chanter une quelconque chanson triste à mourir, jusqu'à ce que mes voisins, excédés, ne finissent par venir frapper à ma porte que je cesse. Vous...

Ses yeux se portèrent sur les mains d'Erwan, et sourit.

- Vous avez des mains d'artiste, vous aussi. Ecrivez-vous ? De la poésie, peut-être...

Puis, appuyant la joue de sa tête penchée contre sa main, sans transition, Miya demanda :

- Parlez-moi français. Cette ville m'a semblée si froide, sur les photos...

Un sourire qu'il esquissa. Parler français ... ? Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus parlé dans sa langue maternelle ... Mais il conservait, malgré tout, cet accent français, tendre et suave. Il leva son index, appuyant entre les deux yeux de la jeune femme, lui intimant un ordre, comme un murmure.

- Fermez les yeux, c'est ainsi qu'on apprécie ... au mieux.

Un brin mielleux, cette voix, quand il prononça :

- "L'étoile a pleuré rose au creux de ton oreille,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins,
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles,
Et l'homme a saigné noir à ton flanc souverain."

Un sourire, à nouveau. Il ne perdait pas la main. Il retira son doigt du visage de Miya, lui faisant comprendre qu'elle pouvait à présent ré-ouvrir les charmes dissimulés derrière ses paupières. Il avait presque envie de se demander combien d'étoiles avaient pû ainsi choir dans son regard ... Il attrapa sa cigarette, posée sur la table, la porta à ses lèvres, la savoura. Avant de continuer, en japonais cette fois.

- Arthur Rimbaud. Un maître dans l'art de tisser les mots.

Il la reposa, comme un trésor. Il attendrait un peu, avant de lui répondre, encore un peu. Pour apprécier un silence court. Pas de cohorte de mots qui se chevauchent, non. Plutôt de ceux qui s'enlacent, se tiennent entre eux, pour former des combinaisons de mots tendres. Et savoureux. S'il avait choisit ses vers, c'était pour leur substance, leur goût, leur délice. Cette façon qu'avaient ces mots de se glisser les uns contre les autres, cherchant leur présence, et animant une vivacité ... Pas de mots pour les décrire. Tant pis. Puis il releva ses yeux vers elle - tiens, son regard avait dérivé, un instant, guettant le thé qui risquerait d'arriver sous peu -, brillants.

- Poète inexpérimenté ... A mes heures perdues.

Ne pas avouer que ses mains touchaient plus de corps et d'argent que d'encre et de papier. Cela serait mal passer. Ce genre de choses ne devaient pas être révélées ... Du moins, pas pour le moment. Il se contenta de sourire, comme amusé par lui-même. Puis revint vers elle, inévitablement.

- Je vous préfère ici, à mes côtés, plutôt qu'ivre dans votre appartement ... Sincèrement.

Un sourire. Puis il ne put s'en empêcher. Sans user d'un ton de "dragueur", avec une voix sincère, il la regarda. Et osa dire, sans afficher aucun sourire, juste un visage sérieux, un ton sérieux.

- Vous avez une voix de nymphe, de muse ... En seriez-vous une, par le plus grand des hasards ?

Miya s'enfonça légèrement dans sa chaise en voyant ce doigt s'approcher de son visage ; elle n'aime pas qu'on la touche... Elle louche dessus jusqu'à ce qu'il arrive à destination. Ses yeux se baissent un instant, pour regarder une seconde Erwan, avant d'obéir à son "ordre". Et elle écoute. La voix d'Erwan a quelque chose d'envoutant, qui fait frissonner la demi déesse. Elle ne comprend pas un traître mot de ce qu'il lui récite. Car elle sent que ce ne sont pas des mots en l'air, mis bout à bout pour "l'impressionner" ; ce sont des mots qui sont faits pour être ensembles, qui s'attirent et s'appellent, qui coulent de source. Le doigt quitte son front, et la jeune femme attend quelques secondes avant d'ouvrir à nouveau les yeux. Qui se rivent automatiquement dans le regard du français. Et elle sourit. Elle ne sait pas quoi dire, juste retenir le nom : Rimbaud... Des recherches s'imposeraient pour le lendemain. Sa bouche légèrement bée se referma, et d'une geste délicat de la main sur laquelle elle s'appuyait, Miya replace ses cheveux derrière son épaule, baisse légèrement la tête pour fixer sa cigarette - ça, ou autre chose... - avant de murmurer :

- J'ai aimé. Quoi que ça puisse signifier.

Ainsi il écrivait. Aussi rarement qu'elle devait chanter à présent. Du moins, qu'elle chantait en y mettant vraiment de la volonté, et du coeur. Miya n'avait plus cette étincelle, cette passion qui l'animait. Paradoxalement, cela lui manquait... Mais dès que la demi déesse tentait de faire pousser sa voix, de porter son chant au ciel, elle semblait manquer d'air, s'étrangler. La cigarette trouva ses lèvres à nouveau, et Miya eut un sourire amusé. S'enivrer ? Elle ? Si seulement c'était possible, elle irait sans doute bien mieux. Que ne donnerait-elle pour une cuite bienfaitrice, où l'on peut tout oublier le temps d'une soirée ? Laisser ses soucis de côté ? Pourtant elle ne dit rien, et se contenta de hausser une épaule. De toute façon, elle n'aurait pas eu le temps de dire quoi que ce soit. Miya manque de s'étrangler avec sa cigarette et elle pouffa assez peu élégamment avant d'éclater de rire, franchement, la tête en arrière.

- Excusez-moi, je ne me moque pas ! Une muse, moi ?

La demi déesse reprend rapidement un semblant de sérieux. Ses yeux brillent toujours d'un certain amusement alors qu'elle reprend :

- Une muse ? Je ne le souhaite à personne. Je peine à chanter correctement en ce moment...

Elle s'interdit de s'apitoyer sur son sort. Il ne manquerait plus qu'elle fasse fuir Erwan avec ses déboires !

- Mais si vous avez besoin d'une muse pour écrire... Je serai cette muse.

Voilà une sacrée prétention. Miya écrasa sa cigarette dans le cendrier.

- Je chanterai pour vous, et vous me déclamerez vos poèmes. Nous boirons du whisky avec modération, et nous irons nous baigner dans une mer déchaînée. Qu'en pensez-vous ?

Miya pensa qu'elle était devenue folle.

Pourquoi une muse, alors, lui qui ne souhaitait s'encombrer de personne ? Parce que cette oppression, sur son torse, devenait intenable, sans doute. Parce que ce brasier, en lui, ne pouvait pas s'éteindre à coup d'alcool ou de clopes. Rechercher de la compagnie était si ... Putain, ce qu'il détestait avoir besoin de quelqu'un prés de lui, dans ses moments de faiblesse. Mais là ... Il releva les yeux vers elle, un moment, en l'entendant énoncer ses idées. Une muse ... Ce terme là, il n'avait pu l'attribuer qu'à une seule personne ... Phédre. Qu'il voyait dans les ruelles de PIgalle, qu'il embrassait le long des boulevards de Paris, qu'il étreignait toujours contre lui. Plus que jamais, avant de se quitter ... Allons, il est temps de passer à autre chose, non ?Il se souvenait à peine du son de sa voix, même plus de ses yeux. Comme si la mémoire avait fait tout le boulot, à sa place. Qu'elle avait donnée un grand coup, dans sa tête. Tout est à refaire ...
Il leva les yeux vers elle. Il sentait une chaleur, là, à l'orée de ses pupilles. Celle qui vient avant une larme salvatrice, qu'il chassa d'une pensée. Pleurer lui ressemblait peut-être, mais jamais face à une personne. Surtout elle.

Les thés arrivérent. La fumée, chaude, chassa les pensées d'Erwan.

- Une muse ...

Il avait soufflé ces mots, comme une vague fumée extraite d'un esprit embrasé. Il leva les yeux vers elle.

- J'ignore si ... Ce serait convenable. Pour vous, j'entends.

Il baissa les yeux.

- Si vous étiez ma muse ... J'aurais une soudaine envie de vous mettre dans une geôle, une cage.

Il rit, doucement.

- Le supporteriez-vous seulement... ?

Vivre avec lui relevait d'un défi qui ne portait pas de nom. Que personne ne pouvait, sur le long terme, endurer. S'il s'enfermait à nouveau dans l'Art, il en serait ... Intenable. Il osa cependant relever les yeux vers elle, les sourcils légèrement froncées, un mince sourire sur les lèvres.

- Buvez ce thé. Je vous ferais boire ensuite le meilleur des whisky. Et, après minuit, nous nous jetterons dans l'eau.

Les mains de Miya enlacèrent tendrement la tasse brulante qu'on venait de leur servir. Elle devait perdre la tête. A peine se remet-elle d'une séparation involontaire, à peine trouve-t-elle la force de repartir à peu près à zéro, qu'elle tombe pratiquement dans les bras du premier inconnu qu'elle croise. Enfin, que la providence à mis sur son chemin, pense-t-elle. Allons bon, si elle se met à parler du Destin, la demi déesse va partir dans des délires impossibles... Pourtant, quand Erwan parle de l'enfermer, elle trouve presque l'idée plaisante. Miya se met à penser qu'elle n'aura plus à souffrir de l'extérieur, d'un monde qu'elle ne comprend pas et qu'elle n'intègre pas, et avec un peu de chance... Erwan s'avèrera une compagnie agréable pour le temps où il voudra d'elle, ou jusqu'à ce qu'il ne meure et là... Là, elle tombera dans l'oubli, dans un cage oubliée, et avec un peu de chance, elle finira par mourir.

C'est beau de rêver. La tasse s'élève jusqu'à ses lèvres, en silence, alors qu'elle continue à le regarder ; il lève son regard sombre vers elle en riant doucement. Elle répond d'un haussement d'épaules évasif. Si ça ne lui plaisait pas, Miya réussirait à fuir, non ? C'était sa spécialité, ça, la fuite. Surtout quand une situation dégénère ou ne lui convient plus.

Le thé lui brule la gorge, et Miya a une légère grimace avant de reposer sa tasse. Les japonais sont maso, à boire un thé trop chaud. Croisant les doigts devant son visage, elle fixe Erwan, comme envoutée. Chaque fois qu'elle pose les yeux sur lui,c 'est comme si elle le voyait pour la première fois.

- Après Minuit ? Ne craignez vous pas que le charme ne soit rompu après cette heure ?

Un sourire, et un léger rire. Elle ramène la tasse devant ses lèvres et souffle dessus.

- Promis, je ne m'envolerai pas. Je vous suivrai pour un whisky, pour une baignade, et ensuite... Nous aviserons. Peut-être votre cage vaudra-t-elle le coup, qu'elle me fera rester.

(Désolée, je n'ai pas prévenu de mon absence... But i'm back :3 )

Un sourire, à nouveau. Aurait-il une crampe, là, à la joue ? Il sentait bien que sa peau tirait, à cet endroit.

- Je ne crois plus aux contes de fées.

Murmura t'il, comme réponse à sa première phrase. D'une voix à peine audible, presque comme s'il susurrait. Comme s'il se parlait à lui même, où à une quelconque entité. Depuis combien de temps ne croyait-il plus au contes de fées ? Il se souvient que les filles, dans le bar de son père, lui en racontait des beaux. De l'amour, de la magie ... Ce que ça avait pû l'enchanter. La réalité, ainsi, pendant quelques minutes, lui avait semblé mangeable. Plus tard, l'âcreté de cette réalité lui avait fait comprendre à quel point certains contes pouvait ruiner de rêves ... Un peu de magie, certes, donne les joues roses. Mais de manière aléatoire et irréelle. Il n'aimait pas la réalité, il préférait de loin s'enfermer avec des vers et des verres dans sa chambre. Plus de contes, que des poèmes. Rêver et embellir, voilà ce qu'il lui fallait.

- Mais je croirais volontiers à ceux de ma muse.

Ajouta t'il. D'un voix un peu plus haute. Buvant sa tasse de thé. Qui lui incendia le palais. Naturellement, il n'en fit rien transparaître. Et il accepta sa dernière phrase, sans oser trouver une répartie enviable. Il la regarda juste, sans rien dire, sans qu'aucune émotion ne vienne apparaître sur ses traits. Pendant quelques minutes, au moins. Un silence de peut-être deux minutes. Jusqu'à ce qu'il le brise. En buvant d'un trait sa boisson. Il se sentait immortel ... Était-ce elle qui agissait ainsi sur lui ? Il en serait surpris. Ou alors, à peine. Elle possédait une chose, chez elle, qui lui donnait envie de ne pas la quitter des yeux. Ses gestes, ses yeux, sa voix, sa manière de lui répondre. N'importe quoi.

Un sourire, à nouveau. Il habitait à l'embranchement, face à cette mer agitée. Il ne voulut pas la stresser inutilement, il se contenta de se lever, une fois qu'elle eut fini ce thé - brûlant - , et de lui tendre la main.

- Je t'invite à me ... suivre.