Alecto avait les yeux remplis de larmes, elle voyait cependant parfaitement bien Klaus se résigner, les yeux furieux, et tous ses muscles roulants sous les écailles, en posant un genou au sol. Malgré la précarité de sa propre situation, la petite Esclave ne pouvait faire autrement que penser à lui, prenant une part de ses blessures en regardant s’écouler le sang, en tirant une profonde tristesse et pire, de la douleur au fond de son cœur trop poreux.
Elle n’avait pas compris ce qu’il venait de dire, mais assurément, au son de sa voix, la Créature n’agissait que pour la protéger, et elle était encore une fois, la cause de ses déboires. Un fort sentiment de culpabilité l’envahit, alors qu’elle voulut bouger, mais la lame au niveau de sa glotte l’en empêcha.
Petrona Hijo souffrait, elle aussi, de plusieurs blessures, son armure cabossée lui était rentrée dans les côtes, elle boitait. Mais quand elle se releva, parce qu’il était hors de question qu’elle reste à genoux alors que la Saurien pliait devant elle, la Magicienne paraissait victorieuse, le regard méprisant, le menton haut.
- Cause tant que tu voudras, mon Beau. Ce soir, tu dors en prison, et tu vas en adorer les barreaux.
D’un geste, se retenant visiblement de grimacer de souffrance, elle donna l’ordre à ses hommes d’encercler Klaus, et pesta pour ceux qui détenait la Domestique.
- Apportez-la au Guet, une cellule près de son camarade, je la veux sous surveillance.
Trois miliciens autour d’elle, l’épée encore contre sa gorge, elle n’avait d’autre choix que de marcher docilement, et lorsqu’elle passa à la hauteur de Klaus, lui lança un regard éperdu, en reniflant.
« Sois… sois gentil Klaus. Ne fais rien de mal. Je… Je vais arranger ça. Ne tue pas, ne tue pas. »
Elle craignait les représailles violentes de la Milice s’il s’énervait, avant même de songer à sa propre vie, en danger s’il faisait quoi que ce soit de suspect. Et pour sûr, la vie d’une petite esclave n’avait aucune valeur ici, il suffirait de dédommager Thiana Gian, comme cela se faisait dans les accidents où les domestiques étaient impliqués, et dont ils étaient victimes.
Lentement, dans le dos du Reptile, les piques et les lances lui intimèrent d’avancer pour suivre le petit groupe qui détenait Alecto fermement. On venait de lui attacher les poignets, même si la jeune femme jugeait cela inutile : elle était en état d’arrestation et devrait se plier aux lois, c’était ainsi… Fuir n’avait fait qu’augmenter leurs ennuis. Elle aurait à paraître devant sa Maîtresse et priait pour que la sanction ne soit pas trop dure.
La caserne n’était pas loin, et la Cheffe blessée se hissa tout de même sur son cheval pour rester en arrière, fixant l’Animal sans jamais se laisser perturber par autre chose, les doigts nerveux sur les rênes.
On poussa l’Esclave sans ménagement dans une cellule, et elle constata que tous les miliciens piquaient les écailles pour faire entrer le Saurien dans celle d’à côté, avant que Petrona ne referme elle-même la porte à barreaux, un sourire menaçant aux lèvres.
- Pour mes hommes en charpie, tu vas payer. Pour leurs familles, tu vas souffrir.
Les paumes sur les barreaux se mirent à illuminer autour d’elles, comme brûlant le métal à une température adaptée pour qu’il ne fonde pas, gardant toute sa résistance. Dans un ballet de couleurs oranges, jaunes et rouges, le contour de la geôle se dessina lentement, et au passage près d’Alecto, la petite Domestique sursauta sous la brûlure, reculant d’un bond. Lorsque les lueurs enflammées revinrent aux mains de la Magicienne, celle-ci planta ses yeux dans ceux de l’Animal.
- Tu les touches. Tu grilles. Essaye, pour voir.
Elle tourna alors le visage vers Alecto, la considérant avec mépris, puis ricanant. Sans doute ne pouvait-elle pas tenir un instant de plus avant de s'effondrer, et elle ne tenait pas à montrer sa faiblesse aux prisonniers...
- Quant à toi, je crois que ta Maîtresse va avoir besoin de tes explications. Repose-toi, je reviens te chercher pour t’interroger, puisque ton ami ne parle pas comme il faut.
Petrona tourna les talons, les laissant seuls. Aussitôt, Alecto retourna près des barreaux, prenant garde à ne pas les toucher.
« Klaus, Klaus, est-ce que ça va ? Tu es blessé ? » Les larmes revinrent immédiatement. « Oh, pardon, pardon Klaus. Je suis désolée, c’est ma faute ! »