En ce qui concernait le commerce, il n’y avait pas meilleur endroit que Nexus. Ashnard avait beau avoir développé un important marché intérieur entre ses provinces, il fallait bien reconnaître que Nexus surclassait encore largement l’Empire. La foire quotidienne de Nexus était un vaste rassemblement d’échoppes en tout genre, et, quand Nexus organisait des foires exceptionnelles, on trouvait de tout, absolument de tout. Mélinda était toujours impressionnée par ces kilomètres de tentes et d’échoppes qui se dressaient ici et là. Et, aujourd’hui, elle se rendait, en compagnie de
Metera, vers une vente particulière : la vente publique de prisonniers.
Nexus faisait face à une hausse de la criminalité très forte, qui entraînait une surpopulation carcérale. Pour contrer cette situation, l’État n’ayant plus les moyens de construire des prisons supplémentaires, il avait été décidé de vendre, en fonction de certaines infractions, une certaine quantité de récents prisonniers. Les acheteurs étaient généralement des guildes marchandes ou des alchimistes, qui utilisaient les esclaves comme des subordonnés, ou comme des rats de laboratoire. Une chose qu’Ashnard faisait déjà, par ailleurs.
«
J’évite généralement de me procurer des esclaves qui sont des criminels... Je n’ai qu’une confiance modérée en eux. -
C’est la crise à Nexus, Maîtresse, lui expliqua Metera.
Les gens sont affamés, exsangues, et beaucoup deviennent des criminels parce que la faim les a poussés à agir, ou qu’ils n’avaient pas d’autres options. Normalement, ces ventes se font à huis clos, mais j’ai réussi à obtenir une autorisation. -
Voilà qui ne m’étonne pas venant de toi. »
Metera eut un léger sourire. Mélinda et elles étaient proches. Quand la vampire avait acquis un titre de propriété à Nexus, de la part de son vieil ami, Lenn Silvercoat (devenu son esclave), elle avait chargé l’une de ses plus fidèles esclaves, Metera, de venir gérer ce nouvel harem. Elle s’en sortait plutôt bien. Metera avait beau être une Terranide, elle était très intelligente, perverse, belle... Autrement dit, elle avait toutes les qualités requises pour pouvoir gérer cet établissement. C’était elle qui avait reçu à obtenir une invitation à participer à la vente des prisonniers.
Cette dernière se déroulait sur la foire, dans un chapiteau protégé par plusieurs gardes. Elle leur présenta le décret d’autorisation, signé et tamponné par un clerc qui avait répandu sa sève dans le con de Metera, puis les deux femmes entrèrent. On avait installé une série de bancs face à une estrade, et les deux femmes s’assirent, au milieu de connétables, de négociants cherchant de belles jeunes femmes, ou d’alchimistes ayant des critères bien plus précis.
«
Pour le reste, tout fonctionne comme une adjudication classique, si ce n’est que les prix sont très faibles. »
Chacun allait donc pouvoir enchérir. Les premiers lots se succédèrent, et Mélinda nota que les femmes étaient la proie des marchands, tandis que les alchimistes, eux, se concentraient davantage sur les Terranides. D’aucuns auraient pu s’insurger contre le sort qui leur serait réservé, mais ce serait, aux yeux de Mélinda, méconnaître le fait que la Nature fonctionnait ainsi. Le fort abusait toujours de son droit sur les plus faibles, et elle-même, en tant que vampire, résonnait aussi comme ça. Ceci ne voulait pas dire qu’elle tolérait tous les abus qu’elle voyait, mais elle comprenait le fonctionnement.
Les instincts vampiriques de Mélinda perçurent alors un sang particulier, et elle fronça la tête en voyant un homme arriver sur l’estrade.
*
Oh...*
Il était vendu par un certain Malgor, pour la somme de 200 pièces d’or, comme il l’avait annoncé plus tôt dans la rue au public, avant de se rendre vers le chapiteau. Il tenait un homme crasseux, sale, et visiblement abattu. Rien à voir avec les ventes privées où les vendeurs prenaient le temps de nettoyer leurs esclaves et de les préparer. Celui-là était sale, puant, mais ce n’était pas ç aqui intéressait Mélinda.
*
Son sang...*
Comme elle était la seule vampire dans la salle, personne ne semblait l’avoir remarqué, mais le sang ne mentait pas. Mélinda disposait en effet d’un sixième sens lui permettant de
sentir (faute d’un terme qui soit plus approprié pour décrire cette sensation) le sang des individus proches autour d’elle. Et là, chez cet esclave, elle sentait un sang bestial, qui lui rappelait... Celui de Lenn, un Lycan.
«
Lui, je le veux, décréta-t-elle.
-
Entendu. »
Metera leva la main, faisant signe qu’elle enchérissait.
En toute logique, il ne devrait pas y avoir foule pour surenchérir après elle...