Alexandre était l’un des avocats les plus prestigieux de Seikusu, quelqu’un qui avait, au sein de son cabinet, de prestigieux clients. Il y avait, par exemple, la Fondation Mishima, un consortium des grandes familles de la ville finançant le lycée Mishima, ce qui faisait que Dowell défendait régulièrement le lycée quand ce dernier était empêtré dans ses scandales sexuels. Et, au-delà de ce client sulfureux, Alexandre avait aussi, comme important client, Akihiro Guramu. L’homme, obèse, était l’Oyabun du clan Guramu, le plus puissant clan yakuza de la ville, clan qui, suite à des conflits avec d’autres clans de la ville, comme les Akuma, avaient perdu une solide partie de son influence, permettant à des rivaux de s’implanter. Le dernier cas notable était le « RACHELE’S », un casino installé le long du port, qui concurrençait directement le « Stranglehold », une tour de loisir conçue par les Guramu, abritant, outre un casino, un restaurant, et d’autres activités. Le « RACHELE’S » était financé par la famille Florenza, une puissante famille sicilienne affiliée à Cosa Nostra, et dont le mentor, Don Alerandro Florenza, était un puissant baron du crime organisé italien. Alexandre ne connaissait pas trop l’histoire des Florenza, mais savait que des querelles internes entre Rachele et son frère, Jucio, avaient contraint les Florenza à quitter l’Europe, et à tenter de s’implanter ailleurs. La femme, qu’on disait aussi belle que fatale, avait choisi de s’installer à Seikusu, parvenant à obtenir divers terrains pour enlever les entrepôts situés dessus, et y construire le « RACHELE’S », devenu le quartier général de son influence.
Les Florenza rejoignaient donc la guerre pour le contrôle du crime organisé. Un jeune concurrent, car, pour l’heure, les Guramu affrontaient surtout la Mafia russe, à savoir les Petrovski, une puissante famille russe qui avait quitté la Russie lors de l’arrivée au pouvoir des bolchévistes, sans pour autant renier leurs terres. On disait qu’il se passait beaucoup de choses dans les souterrains du « RACHELE’S », et, à l’image des techniques mafieuses classiques, Rachele avait rapidement su s’entourer de politiciens, venant la défendre. La femme avait rapidement réussi à se constituer un solide réseau, et avait notamment, à disposition, une batterie d’avocats, qui avaient attaqué l’une des filles d’Akihiro, Azuka Guramu. La jeune femme était une Japonaise arrogante, insouciante, très perverse, qui avait été poursuivie en justice par plusieurs de ses locataires, la femme dirigeant un cabinet immobilier. L’un de ses locataires, Alerendro, portant le même nom que l’ancien Don des Florenza, était en réalité un sbire de Rachel, et avait invoqué l’état insalubre des logements (ce qui était vrai) pour ébranler l’autorité des Guramu. C’était un coup bien joué, car la fortune des Guramu venait notamment de l’immobilier. En effet, suite à la Seconde Guerre Mondiale, Seikusu avait été lourdement bombardée, et les Guramu avaient profité de la reconstruction et du chaos qui avait suivi pour s’accaparer bon nombre de titres de propriété. Ils avaient ainsi la mainmise sur un grand nombre d’immeubles, et prélevaient les loyers, derrière des cabinets et des agences immobilières qui faisaient office de société-écran. Or, l’appât du gain justifiant tout, ces immeubles n’étaient pas entretenus. Ils commençaient à pourrir, devenant insalubres, mais aucun locataire n’osait s’en plaindre, les rares qui essayaient recevant des « visites » inopportunes, se faisant cambrioler, ou voler leurs voitures. On ne plaisante pas avec les Yakuzas, ni avec l’omerta.
Rachele était venue, et avait d’emblée chois de s’attaquer à ce commerce lucratif. Il suffisait d’un seul procès pour que tout l’échafaudage s’effondre, d’un seul coup de dé pour que les dominos tombent, les uns après les autres. Rachele avait lancé un vaste procès, et avait créé une association de quartier, se proposant d’intervenir au nom de tous les locataires lésés, et dénonçant la passivité des pouvoirs publics, menant parallèlement des actions contre les services administratifs pour dénoncer la corruption des services municipaux chargés de lutter contre l’insalubrité des locaux. Plusieurs procédures avaient donc lieu devant le Tribunal de district de Seikusu, car, au Japon, contrairement à d’autres systèmes juridiques, comme en France, il n’existait aucune séparation entre le droit public et le droit privé, les Japonais ayant, en 1947, opté pour un système unifié, de telle sorte que les juridictions connaissaient de toutes les matières, et qu’il n’existait aucune juridiction d’exception.
Le premier litige avait eu lieu, opposant ainsi le locataire à la bailleresse, et le juge avait rejeté les demandes du locataire. Pour autant, ce n’était que partie remise, car un appel avait été initié. Rachele, qui avait assisté au verdict, avait été furieuse. Alexandre avait, comme à son habitude, joué sur tous les tableaux. Le procès avait été houleux, avec des expertises, des contre-expertises, des témoins qui subissaient de curieux accidents, et un juge tentant, tant bien que mal, de croire à la régularité de sa procédure.
La bataille était encore loin d’être finie, mais Alexandre s’était couché heureux, et, se sentant en confiance, avait bu une potion spéciale. Quand un vampire dormait, il dormait comme n’importe qui, mais un vampire pouvait aussi choisir d’entrer en état de « sommeil profond »... Ce qui, pour un vampire, était vraiment « profond », car il sombrait dans un état proche de la mort, mais qui, au réveil, permettait au vampire de décupler ses sens. Ce fut donc ce que Dowell choisit de faire, sans savoir que Rachele allait, justement, profiter de cette soirée pour prendre sa vengeance.
Autrement dit, quand Dowell se réveilla, il lui fallut un certain temps pour comprendre... Comprendre pourquoi il n’était pas réveillé par l’une de ses esclaves de luxe, l’une de ses collaboratrices, qui l’accueillerait en corset, avec de longs gants en cuir, et palperait son corps, le stimulant pour déclencher une érection. Alexandre prenait de plus en plus goût au fait de se réveiller avec une trique de tous les diables, car une érection faisait circuler son sang, le faisant bouillonner dans ses veines.
Il était torse nu, avec de l’eau dégoulinant le long de ses cheveux bruns, et vit une femme devant lui. Elle était assise à l’envers sur une chaise, portant une impeccable robe rouge, une poitrine considérable, et un air d’arrogance et d’assurance sur le visage. Dowell secoua la tête, papillonnant des yeux. La lumière, même faible, l’aveuglait. Il se réveillait avec des sens hypersensibles, et entendit ainsi très clairement la voix de la femme, mais également les battements cardiaques des deux laquais qui étaient là. Il put ainsi sentir que les deux commençaient à bander devant la position sulfureuse de leur chef.
« Ma... Madame Florenza... »
Il secoua encore la tête, et releva la tête, avant de lui sourire. Pour un avocat, on ne pouvait qu’admirer sa condition physique d’exception. Aucun poil, aucune trace de graisse, simplement un corps musclé, solide, qui observa la femme.
« Vous êtes très mauvaise perdante, Madame Florenza... »
On avait attaché ses poignets dans son dos, ainsi que ses chevilles.
*Ridicule...*
Dowell, commençant à reprendre ses esprits, réalisa qu’il était avec son boxer de nuit uniquement, et sourit. Même dans ce simple accoutrement, il n’était pas à son désavantage, car l’homme était d’une beauté incroyable.
« Mais je comprends ça... Vous avez un bon élément, mais l’avocat que vous aviez choisi était un nul. Une telle branlée, ça doit être humiliante pour vous... »
La claque fusa sèchement, venant de l’un des deux, et Dowell le regarda brièvement, avec une lueur haineuse dans les yeux, crispant ses poings, se retenant tout juste de le tuer... Tout juste.
« Un peu de respect, connard ! » grogna l’homme.
Alexandre grommela à nouveau, et observa la femme. Si elle s’attendait à le prendre en défaut, elle allait se tromper. Aucune peur dans les yeux de l’homme, qui l’observait avec le regard furieux et courroucé d’un prédateur observant sa proie.
« Qu’est-ce que tu veux, Rachele ? Me faire un strip-tease ? »
Il allait jouer un peu, lui donner l’illusion qu’elle avait le contrôle... Comme ça, ce serait encore plus excitant, surtout qu’il n’était pas dans une simple pièce aux murs nus, mais voyait quantité d’instruments de torture, plus ou moins futuristes. Et, en les observant, et en les imaginant s’en servir sur Rachele, Dowell sentit un début d’érection le traverser, ce qui était nettement visible, vu le simple pagne qu’il portait...