On pouvait être une super-héroïne, sauver des personnes d’agressions nocturnes, affronter un cyborg-araignée dans les ghettos de Tekhos, envoyer en prison des super-vilains, mais, face à la toute-puissance de ses parents, on était rien. Quand Jessica rentra chez elle, elle n’en menait pas large. En réalité, elle ne voyait que de mauvaises options se profiler devant elle, et était en état de panique, ce qui rendait la réflexion d’autant plus difficile.
*Option n°1 : leur dire toute la vérité, que j’ai été mordue par une araignée, et que je dispose désormais de pouvoirs totémiques que je ne comprends pas, et que le meilleur moyen que j’ai trouvé de les utiliser, et d’apprendre à m’en servir, a été d’enfiler une combinaison achetée sur Internet.*
Idée totalement folle qu’elle rejeta, car elle imaginait déjà le regard rond de sa mère, et les tests en série qu’elle mènerait. Certes, elle venait de coucher avec Miranda Forge, mais elle connaissait aussi toutes les rumeurs qui circulaient sur ce que les pouvoirs publics (dont GeoWeapon Corp. faisait partie) faisaient aux gens dotés de capacités paranormales. Et Maman Carol ne voudrait jamais d’une fille justicière. Chaque fois qu’elles mangeaient le soir, et que Spider-Woman faisait une brève, ou ces autres justicières, comme cette femme en armure métallique aux longues griffes, ou celle déguisée en chauve-souris, sa mère s’enflammait, décriant ces « cinglées en collants » qui faisaient probablement ça parce qu’elles étaient chômeuses.
Mieux valait donc éviter d’envenimer la situation.
*Option n°2 : leur dire que je suis amoureuse d’Aemiliane, et que j’ai passé la nuit avec elle... Mais, dans ce cas, il faudra que je leur explique comment je l’ai rencontré, et je ne peux pas le leur dire que je suis lui suis tombée dessus depuis un toit, qu’elle m’a recueilli chez elle, et que, si je suis arrivée en retard ce matin, c’est parce que j’ai couché avec elle comme une bête, ainsi qu’avec sa patronne, qui s’avère aussi être la tienne, Maman Carol...*
Autant dire que cette option ne la tentait pas plus que ça... Mais elle était indéniablement meilleure que le choix n°1. Elle présentait l’avantage de couvrir son identité, et d’expliquer pourquoi elle n’avait pas parlé à ses mères de là où elle était cette nuit... Toutefois, elle présentait aussi le risque que leurs mères s’opposent à cette union, surtout si Maman Carol apprenait qu’Aemiliane était une groupie invétérée de Spider-Woman. Et puis, en parler reviendrait forcément à rapprocher davantage Jessica Witters de Spider-Woman, et ça, ce n’était pas quelque chose que Jessica voulait aussi.
Toutefois, disposait-elle d’autres options ? Les questions se bousculaient dans sa tête tandis qu’elle tournait en rond dans sa chambre, étudiant, l’une après l’autre, les options, les ressassant dans sa tête. Elle finit par s’asseoir sur son lit, en soupirant. La culpabilité lui rongeait l’esprit. Elle comprenait tout à fait pourquoi ses mères lui en voulaient, mais, pour autant qu’elle s’en souvienne, Maman Kelly avait toujours été de son côté. Elle ne s’était jamais montrée aussi dure et aussi sèche que tout à l’heure, ce qui ne terrorisait même plus Jessica, mais la faisait surtout se sentir triste.
Son téléphone vibra alors, l’arrachant à ses pensées moroses, et elle essuya son nez avec un Kleenex, avant de voir le nom s’afficher à l’écran : « AEMILIANE ». C’était sa chérie, qui lui avait envoyé un SMS, en lui demandant si elle allait bien.
*Pas vraiment, non...*
Plutôt que de lui répondre par écrit, elle choisit de l’appeler... Une bonne demi-heure après. Quand Jessica était dans cet état, elle avait un comportement pseudo-dépressif, dans le sens où elle ne bougeait pas. Inerte, elle laissait ses pensées l’emporter, jusqu’à se décider à appeler Aemiliane.
Après lui avoir exposé la situation, Aemi’ opta rapidement pour le choix n°2.
« Je... Je suppose, oui... Enfin, je ne vois aucune autre option, elles sont vraiment furax’. »
Jessica ne se voyait pas inventer un bobard face à ses deux mères qui la scruteraient comme des snipers. Autant tout avouer, donc, mais...
« Par contre... Il ne faut surtout pas leur dire... Euh... Enfin, que je suis Spider-Woman, quoi... Mes mères ne l’aiment pas trop, donc... Hm... On a qu’à dire qu’on s’est rencontrées lors d’une soirée, quelque chose comme ça... »
C’était la meilleure approche possible.
« Essaie de passer ce soir, si tu peux... Maman Carol n’est pas encore rentrée, mai, plus vite tu seras là, et mieux ce sera... »
Elle rajouta ensuite :
« Bien sûr, si tu peux venir ! »