Tandem de choc [Aemiliane Ganis]

Après cette folle matinée, qui elle-même avait succédé à une folle soirée, Aemiliane avait eu du mal à travailler. Certes elle était quand même assez en forme pour faire le boulot correctement, mais assez rapidement, son manque de peps se fit ressentir. Faire l’amour à sa petite-amie la veille, puis le matin, puis subir le courroux sexuel de sa patronne l’avait quelque peu épuisé. Mais elle continuait de travailler et au final, la journée de travail finit par se terminer. Elle n’avait malheureusement pas pu faire tout ce qu’elle avait prévu de faire mais, le corps ne suivait pas. Il y avait encore cette chose que Miranda était censée lui avoir demandé mais qu’elle n’avait pas pu, à cause des évènements de la matinée. Aemiliane savait que lorsque Miranda se déplaçait pour venir lui demander quelque chose, cela voulait dire que c’était quelque chose d’important.

Mais ceci n’était rien comparé au sang-d’encre que se faisait l’ingénieure au sujet de Jessica. La pauvre allait devoir faire face à ses parents, qui devaient s’être bien inquiétés pour elle. Aemiliane ne savait pas comment ça allait se passer mais elle s’attendait à ce que son amoureuse finisse par l’appeler et lui faire le tour de la situation. Le soir venu, alors qu’elle tentait de se reposer de ce marathon, l’ingénieure finit par entendre son téléphone sonner. Elle était confortablement installée dans son canapé, devant sa série préférée au moment où cela arriva. Voyant la photo de sa chérie s’afficher, elle se jeta sur son téléphone et décrocha. Au bout du fil il y avait effectivement sa chérie, mais qui comme le craignait Aemiliane, était dans une mauvaise passe. « Je suis désolée Jess’, ça n’aurait pas dû arriver … » Dit-elle au bout d’un moment, voyant la situation délicate dans laquelle elle était.

Mais ce qui était fait, était fait. À présent si elle pouvait faire la moindre chose pour l’aider, l’ingénieure le ferait les yeux fermés ! Et quand Jessica lui expliqua que sa maman ne la laisserait plus sortir tant qu’elle ne lui aurait pas dit où elle était la dernière nuit, elle ne put s’empêcher de proposer sa solution. « Ecoute, je pourrai lui parler et lui expliquer … De toute façon, un moment faudra mettre tes parents au courant. C’est peut-être le moment ? … Non ? » Demanda-t-elle, essayant de trouver une solution avec Jessica. Cette dernière lui avait dit la veille que tôt ou tard il faudrait qu’elle la présente à ses parents. C’était une étape obligatoire dans l’évolution de leur relation, et Aemiliane étant prête à tout pour nouer une vraie relation avec Jessica … Elle se plierait à l’exercice des parents s’il faut. En revanche, elle se voyait mal avouer toute la vérité et dire qu’elle avait déjà bien couché avec leur fille à l’heure actuelle, même si à Tekhos les mœurs étaient spéciales.

« Ça vaut le coup d’essayer je pense ! » Dit-elle finalement au téléphone, décidée à aider Jess’. Si sa mère désirait tout savoir, alors Aemi’ allait devoir se présenter ou se faire présenter à elle.

On pouvait être une super-héroïne, sauver des personnes d’agressions nocturnes, affronter un cyborg-araignée dans les ghettos de Tekhos, envoyer en prison des super-vilains, mais, face à la toute-puissance de ses parents, on était rien. Quand Jessica rentra chez elle, elle n’en menait pas large. En réalité, elle ne voyait que de mauvaises options se profiler devant elle, et était en état de panique, ce qui rendait la réflexion d’autant plus difficile.

*Option n°1 : leur dire toute la vérité, que j’ai été mordue par une araignée, et que je dispose désormais de pouvoirs totémiques que je ne comprends pas, et que le meilleur moyen que j’ai trouvé de les utiliser, et d’apprendre à m’en servir, a été d’enfiler une combinaison achetée sur Internet.*

Idée totalement folle qu’elle rejeta, car elle imaginait déjà le regard rond de sa mère, et les tests en série qu’elle mènerait. Certes, elle venait de coucher avec Miranda Forge, mais elle connaissait aussi toutes les rumeurs qui circulaient sur ce que les pouvoirs publics (dont GeoWeapon Corp. faisait partie) faisaient aux gens dotés de capacités paranormales. Et Maman Carol ne voudrait jamais d’une fille justicière. Chaque fois qu’elles mangeaient le soir, et que Spider-Woman faisait une brève, ou ces autres justicières, comme cette femme en armure métallique aux longues griffes, ou celle déguisée en chauve-souris, sa mère s’enflammait, décriant ces « cinglées en collants » qui faisaient probablement ça parce qu’elles étaient chômeuses.

Mieux valait donc éviter d’envenimer la situation.

*Option n°2 : leur dire que je suis amoureuse d’Aemiliane, et que j’ai passé la nuit avec elle... Mais, dans ce cas, il faudra que je leur explique comment je l’ai rencontré, et je ne peux pas le leur dire que je suis lui suis tombée dessus depuis un toit, qu’elle m’a recueilli chez elle, et que, si je suis arrivée en retard ce matin, c’est parce que j’ai couché avec elle comme une bête, ainsi qu’avec sa patronne, qui s’avère aussi être la tienne, Maman Carol...*

Autant dire que cette option ne la tentait pas plus que ça... Mais elle était indéniablement meilleure que le choix n°1. Elle présentait l’avantage de couvrir son identité, et d’expliquer pourquoi elle n’avait pas parlé à ses mères de là où elle était cette nuit... Toutefois, elle présentait aussi le risque que leurs mères s’opposent à cette union, surtout si Maman Carol apprenait qu’Aemiliane était une groupie invétérée de Spider-Woman. Et puis, en parler reviendrait forcément à rapprocher davantage Jessica Witters de Spider-Woman, et ça, ce n’était pas quelque chose que Jessica voulait aussi.

Toutefois, disposait-elle d’autres options ? Les questions se bousculaient dans sa tête tandis qu’elle tournait en rond dans sa chambre, étudiant, l’une après l’autre, les options, les ressassant dans sa tête. Elle finit par s’asseoir sur son lit, en soupirant. La culpabilité lui rongeait l’esprit. Elle comprenait tout à fait pourquoi ses mères lui en voulaient, mais, pour autant qu’elle s’en souvienne, Maman Kelly avait toujours été de son côté. Elle ne s’était jamais montrée aussi dure et aussi sèche que tout à l’heure, ce qui ne terrorisait même plus Jessica, mais la faisait surtout se sentir triste.

Son téléphone vibra alors, l’arrachant à ses pensées moroses, et elle essuya son nez avec un Kleenex, avant de voir le nom s’afficher à l’écran : « AEMILIANE ». C’était sa chérie, qui lui avait envoyé un SMS, en lui demandant si elle allait bien.

*Pas vraiment, non...*

Plutôt que de lui répondre par écrit, elle choisit de l’appeler... Une bonne demi-heure après. Quand Jessica était dans cet état, elle avait un comportement pseudo-dépressif, dans le sens où elle ne bougeait pas. Inerte, elle laissait ses pensées l’emporter, jusqu’à se décider à appeler Aemiliane.

Après lui avoir exposé la situation, Aemi’ opta rapidement pour le choix n°2.

« Je... Je suppose, oui... Enfin, je ne vois aucune autre option, elles sont vraiment furax’. »

Jessica ne se voyait pas inventer un bobard face à ses deux mères qui la scruteraient comme des snipers. Autant tout avouer, donc, mais...

« Par contre... Il ne faut surtout pas leur dire... Euh... Enfin, que je suis Spider-Woman, quoi... Mes mères ne l’aiment pas trop, donc... Hm... On a qu’à dire qu’on s’est rencontrées lors d’une soirée, quelque chose comme ça... »

C’était la meilleure approche possible.

« Essaie de passer ce soir, si tu peux... Maman Carol n’est pas encore rentrée, mai, plus vite tu seras là, et mieux ce sera... »

Elle rajouta ensuite :

« Bien sûr, si tu peux venir ! »

L’ingénieure comprenait la situation dans laquelle se retrouvait sa chérie. Elle était au pied du mur, ne pouvant désormais plus cacher la vérité ; pas sur son identité secrète, mais sur le reste. Il fallait croire que malgré son coup de fil de la veille, et malgré tout le reste, ses parents s’étaient quand même fait un sang d’encre. Aemi’ espérait de tout cœur que Jessica allait s’en sortir et pour ça, elle était prête à l’aider, coute que coute. Ainsi, au terme de leur petit coup de fil, Jessica lui demanda si elle pouvait passer dès ce soir, afin que la chose soit réglée. La jeune femme ne s’y était pas vraiment attendu, elle ne pensait pas que Jess’ désirait régler tout ceci le soir-même … Même si c’était compréhensible vu sa situation. Aemiliane accepta donc et fila ensuite se préparer à rejoindre Jess’ chez elle. Néanmoins, elle savait que ce soir elle allait croiser les parents de sa chérie, et que le moment était venu d’assurer un maximum …

D’autant plus qu’il y avait un petit fond de mensonge à tout ceci ; ni l’une ni l’autre ne pourrait réellement dire les réelles conditions de leur rencontre. L’idée trouvée était qu’elles s’étaient rencontrées lors d’une soirée, ou quelque chose comme cela. Une soirée lambda ne paraitrait pas réellement crédible pour Aemiliane, qui n’était pas très penchée sur ces choses-là. Elle ne savait pas si cela se voyait sur son visage, cela dit, alors un petit mensonge comme celui-ci ne ferait sans doute de mal à personne. Tout ceci étant dit, elle se prépara très rapidement et tenta donc de rejoindre Jessica au plus vite que possible. Elle connaissait son adresse heureusement, mais n’étant jamais venue auparavant, la tâche fut un peu plus dure que prévue. Elle devait faire vite car Aemi’ devait être là avant que les parents de sa chérie ne reviennent.

Finalement, la jeune femme arriva devant la porte et sonna. Apparemment elle était arrivée à temps, elle n’entendait rien venant de derrière cette porte. Si ce n’était les pas de Jessica se rapprochant, qui finit d’ailleurs lui ouvrir. Un sourire vint éclairer le visage d’Aemi’ qui la prit instantanément dans ses bras, lui faisant un rapide câlin. « J’ai fait aussi vite que j’ai pu Jess’. » Dit-elle, pénétrant ainsi chez sa petite-amie. C’était la première fois qu’elle venait chez elle, et autant dire que sous son air sûr et radieux, Aemi’ avait une belle dose de stress à l’idée de voir les parents de Jessica. Stress qui malgré tout commençait un peu à s’atténuer rien qu’en était à proximité de sa chérie … Il n’y avait pas à dire, Aemiliane se sentait réellement bien et apaisée qu’en sa présence. « Alors, on fait quoi ? Comment ça va se passer ? » Demanda-t-elle ensuite, laissant Jessica prendre le soin de la briefer sur ce qui allait venir !

« Je suis désolée… Je n’aurais jamais dû passer la soirée ailleurs sans vous prévenir, et… Je sais que je vous ai beaucoup inquiété. Ce n’était pas du tout mon intention, et je ne peux que vous présenter mes excuses.
 -  Libre à nous de voir si nous les acceptons, en fonction de tes justifications. »

Voir Maman Kelly se montrer dure et froide, à la place de Maman Carol, c’était une expérience déconcertante. Là, dans le salon de la maison, elle avait l’impression d’être à la barre d’un tribunal, face à deux impitoyables juges assises sur le canapé. Elle, debout, se tenait face à elle, serrant son bras dans sa main, tout en se pinçant les lèvres. Elle avait eu le temps de planifier sa stratégie avec Aemiliane quand elle était venue la voir, et lui avait expliqué son plan.

« Je sais que je vous dois des explications ! » poursuivit-elle alors.

Jessica se tut pendant quelques secondes. Affronter les sœurs Iksander était largement plus facile que ces deux-là, ses mères. Jessica se pinça donc les lèvres, et reprit, tout en sachant que, sur le palier de la porte de la maison, Aemiliane devait l’entendre.

« Je… Je n’ai pas voulu vous en parler, mais… Euh… J’ai… J’ai rencontré quelqu’un… »

Elle avoua ça d’une petite voix, toute gênée, les joues en feu, la tête rentrée dans les épaules, avec la hantise que ses mères ne lui hurlent dessus. Maman Carol et Maman Kelly se turent, et la surprise put même se lire sur leurs visages.

« Co… Comment ?
 -  Tu… Tu as rencontré quelqu’un ? »

Hochement de têtes confirmatif de l’intéressée, qui ferma les yeux, et frotta son pied sur le sol.

« O-Oui… À… À un centre commercial… Il… Il y a… Quelques semaines de ça… »

Ses deux mères se regardèrent encore, visiblement confuses et surprises.

« M-Mais… Mais qui-est ce ?! »

Jessica soupira encore, et se dirigea vers la porte d’entrée de la maison.

« Elle s’appelle… »

Elle ouvrit alors la porte, qui, en s’ouvrant, révéla la délicate silhouette d’Aemiliane, située derrière.

« Aemiliane Ganis, et c’est une ingénieure à GeoWeapon Corp., ‘Man… »

Cette fois, la surprise était totale pour ses mères… Et c’était maintenant à Aemiliane de jouer !

Rencontrer les parents de sa compagne était toujours très, très, très stressant. Aemiliane ne savait pas comment cela allait se passer ni si elle allait pouvoir faire bonne impression ! Mais elle savait en revanche que le moindre faux pas sera sanctionné, d’une manière ou d’une autre. Elle avait donc une petite boule au ventre alors qu’elle attendait derrière la porte. Jessica allait lui ouvrir dès qu’elle ferait l’annonce à ses parents, et à ce moment, ça sera à l’ingénieure d’entrer en scène. Aemi’ n’avait pas intérêt à rater ça, sinon … Sinon les parents de Jessica risquaient de voir d’un mauvais œil leur relation, et ça ne ferait que compliquer les choses. La scientifique tentait donc de se calmer, de se rassurer comme elle le pouvait en attendant le moment décisif. Derrière la porte elle entendait ce qui se disait, et entendait sa Jessica chérie amener le sujet de sa relation.

Finalement, elle lâcha le morceau à la surprise de ses parents qui furent alors curieux de savoir qui était cette fameuse rencontre. Aemi’ entendit Jess’ se rapprocher de la porte, et en profita pour faire de petites corrections de dernières minutes. Prête, était-elle au moment où sa petite-amie ouvrit la porte, la révélant alors à ses parents. Un sourire s’afficha alors sur les lèvres de la jeune fille, qui entra doucement dans la pièce. « Bonjour mesdames ! » Dit-elle, d’une voix chaleureuse. Face à elles, l’ingénieure ressentait un peu ce que pouvait ressentir sa chérie … Difficile de rester solide comme un roc face à de telles femmes. Ne désirant pas créer de blanc qui pourrait jeter un malaise dans l’air, Aemiliane s’avança et partit doucement serrer la main à chacune, revenant juste après aux côtés de Jessica.

« Je suis très enchantée de pouvoir enfin vous rencontrer … Et je suis désolée que cela ait mit autant de temps. » Déclara-t-elle poliment, avec son habituel sourire d’ange. En temps normal, Aemi’ se serait comportée normalement ; elle aurait sauté de joie sur place et aurait pris chacune des mères de Jessica dans ses bras, tellement aurait-elle été heureuse de rencontrer celles qui ont mises au monde une fille comme Jessica ! Mais elle devait rester sérieuse et laisser exploser sa joie – et son excentricité – n’était pas la meilleure chose à faire dans la présente situation. Aemi’ se racla la gorge puis entreprit de se présenter rapidement. « Votre merveilleuse fille vous l’a déjà dit mais, voilà, je m’appelle Aemiliane Ganis et je suis une scientifique à GWC. Bon, je ne porte pas de grosses lunettes à fond de bouteilles et je bégaie pas mais, ça m’empêche pas d’en être une ! » Déclara-t-elle, gloussant légèrement.

Aemi’ tentait d’apparaitre sûre et confiante mais en elle, son cœur était sur le point d’exploser tellement battait-il fort à cause de la délicatesse de la situation.

Affronter Miranda Forge le matin, puis ses mères le soir… Quelle journée ! Jessica avait du mal à croire que tout ça lui tombait dessus en même temps. Elle était donc là, face à ses mères, avec Aemiliane, qui tenta de désarmer la situation en se présentant sommairement. Éberluées, Maman Carol et Maman Kelly se regardèrent entre elles, puis les observèrent à nouveau.

« Tu… Alors, tu… Tu as passé la s-soirée avec… ? »

C’était bien la première fois que Jessica voyait Maman Carol aussi… Ébranlée. Elle, qui était d’habitude si sûre d’elle, avait visiblement du mal à faire quelques connexions, contrairement à Maman Kelly, qui sourit rapidement, en réalisant, non seulement son erreur, mais aussi ce que sa fille avait fait cette nuit, et pourquoi elle n’était pas venue à l’école ce matin. Jessica rougit donc, et se contenta d’hocher la tête, tout en crispant sa main sur son avant-bras, inhabituellement nerveuse. Son cœur s’emballa à son tour, pendant qu’elle fermait les yeux.

Ses mères venaient tout simplement de comprendre que leur fille n’était plus vierge.

Il y eut donc un léger moment de malaise, pendant que Jessica ne savait plus où se mettre, ayant tout d’un coup envie de se transformer en une petite souris. Ses mères se raclèrent la gorge, puis Maman Kelly se redressa.

« Pardonne-nous, nous manquons à nos devoirs les plus élémentaires. Donc, tu es la petite-amie de notre fille ? Aemiliane, c’est ça ? »

Maman Kelly lui fit un tendre sourire, et l’intéressée ne put qu’acquiescer.

« Depuis combien de temps-est ce que vous vous connaissez ?
 -  Quelques semaines… »

Les réponses de Jessica étaient courtes, car elle s’attendait à ce qu’un volcan explose. Mais, au lieu de ça, le courant sembla se stabiliser. Ses mères se regardèrent encore, puis Maman Kelly enchaîna, sur un ton doucereux et apaisé :

« Je crois que nous avons beaucoup à nous dire, Aemiliane… Voudriez-vous manger avec nous ce soir ? »

Beaucoup de parents pouvaient s’enflammer en apprenant que leur progéniture était avec quelqu’un… Mais ce n’était pas le cas des Drew. La nouvelle semblait au contraire les ravir, comme si elle était la preuve que, après tous les éléments terribles que Jessica avait vécus, la vie avait repris son cours, et allait lui offrir de nouvelles perspectives. Le groupe se retrouva donc autour d’une table, et, après quelques rapides présentations, Maman Carol opta pour une question plus professionnelle :

« Je travaille aussi pour GeoWeapon Corp… Vous êtes dans quel service ? »

Jessica, elle, se détendait petit à petit.

Tout avait l’air de bien se passer…

Aemiliane se souvenait du temps où elle étudiait. Ces soirs à réviser pour les examens, le stress et le trac lié à ceux-ci ! Toutes les fois où elle avait paniqué à cause d’eux. Toutes les fois où elle devait préparer des soutenances orales ou écrites, avec toute la pression que cela représentait. Et pourtant, quand elle mettait ceux-ci à côté de ce qu’elle vivait ce soir, ils apparaissaient comme rien. Aemiliane ne pouvait pas être plus anxieuse qu’à ce moment précis car tout se jouait à cet instant ; son avenir avec Jessica. Car elle savait que si ses parents refusaient cette liaison, les choses seraient beaucoup compliquées et douloureuses. Or Aemi’ tenait énormément à Jessica, bien plus que ce qu’on pouvait penser. L’ingénieure se racla la gorge mais, quand l’une des deux femmes se leva pour prendre la parole, elle sentit un certain soulagement.

La première réaction ne fut pas hostile ! C’était déjà cela. Mais, contrairement à ce à quoi pouvait s’attendre Aemi’, l’une des mamans de Jessica se mit même à sourire, demandant même conformation à l’intéressée si elle était effectivement la petite amie de leur fille. Un hochement de la tête comme réponse, car beaucoup trop impressionnée pour parler, et la situation semblait dès lors se détendre. Les parents de Jessica invitèrent même la jeune fille à diner avec eux, ce qui l’étonna. Elle regarda vite fait sa petite amie, puis comme toujours, hocha poliment de la tête, avec sourire. Elle allait donc diner avec les parents de sa chérie … Exactement comme dans les séries TV. Elle aurait bien eu du mal à le croire si on lui avait dit ça un jour, qu’elle ferait ça.

Néanmoins elle était au pied du mur et, la situation semblait se calmer. Elles se mirent à table et l’ambiance semblait se détendre encore et encore, comme si les parents de Jessica ne s’opposaient nullement à leur relation … Aemiliane aurait penser que c’étaient des parents protecteurs, qui voudraient absolument le meilleur pour leur fille, quitte à analyser et scruter la moindre de ses relations. Et pourtant il n’en était rien ; elles étaient contentes. Tout semblait donc se passer pour le mieux, et pour preuve, même Jessica commença à se détendre. Aemi’ finit par être la cible d’une question de Carol, d’un ordre plutôt professionnel que personnel. L’ingénieure en avait presque oublié que cette femme travaillait également pour GWC ! « Hum, recherche et développement. Je suis dans la branche nanotechnologies plus précisément ! GWC a bien fait de s’aligner sur Novac, sinon je n’aurai pas de boulot à Tekhos même. » Dit-elle alors.

A ce moment-là elle aurait aimé tenir la main de sa chérie sous la table, pour se redonner confiance … Mais il ne fallait pas être trop tactile devant ses parents, par décence !

Si sûre d’elle en temps normal, face aux mères de Jessica, Aemiliane était comme sa chérie... Intimidée. Il faut dire que le ton avait bien monté, et que les oreilles de Jessica avaient sifflé. Maintenant, la situation commençait à se calmer, à revenir à une conversation plus normale, ce qui permit à Aemiliane de venir dans le sujet quand Carol, trouvant une parfaite opportunité, lui demanda où elle travaillait à GWC. Une bonne question, car la mégacorporation était gargantuesque, et, dire qu’on travaillait à GWC, c’était à la fois précis et imprécis.

« Ah oui... Les GeoNano, non ? Je ne devrais pas dire ça, mais, puisque nous sommes entre nous... Les GeoNano ne sont pas à la hauteur des Gen de Novac. Sur ce point, MERCATEL a une grande avance sur nous. »

Carol connaissait visiblement son sujet, puisqu’elle se présenta à son tour :

« Je fais partie des cadres de la firme. Je travaille dans le pôle économique et financier, avec des compétences dans le secteur juridique. En gros, je négocie des contrats, et je discute avec d’autres d’opportunités stratégiques et commerciales pour la firme. Les nanomachines sont un secteur très porteur, et nous avons voulu développer les GeoNano pour tenter de concurrencer l’influence grandissante des Gen novaquiennes. »

La jeune femme se racla soudain la gorge en réalisant que tout le monde la regardait. Comme quoi, cette soirée était vraiment atypique, puisque Jessica vit Maman Carol rougir poliment.

« Hmmm... Donc, vous vous connaissez, toutes les deux ? » demanda alors Maman Kelly.

Jessica et Aemiliane hochèrent toutes les deux la tête. La jeune adolescente rougit encore confusément.

« Moi aussi, je faisais le mur, à l’époque, pour voir Carol. C’était une teigne, à l’époque, ta mère, Jessica.
 -  Kelly... »

Un sourire amusé éclaira les lèvres de Kelly, qui se pencha pour le murmurer, au grand désespoir de l’intéressée, dont l’un des plus grands secrets s’apprêtait à être révélée :

« Mes parents ne voulaient pas que je la vois, parce qu’elle était déguisée en punk !
 -  Oh, c’est pas vrai... »

Jessica écarquilla les yeux sous l’effet de la stupeur. Carol, en punk ?! C’était... Incroyable ! Elle regarda Carol, et vit cette dernière rougir à nouveau. Non ! Impossible ! Jessica sentait tous ses repères s’effondrer, et secoua la tête.

« Ben ça... J’aurais jamais cru !
 -  Oui, bon, ça n’a pas duré longtemps ! Et on n’est pas là pour parler de ça ! »

Kelly se mit à glousser, et se redressa, puis se retourna vers Aemi’.

« Bon... En tout cas, il y a une question centrale que je dois te poser, Aemiliane, et j’espère que tu seras sincère. »

Le silence revint pendant quelques secondes autour de la table, jusqu’à ce que la question ne vienne, sur un ton grave et solennel :

« Est-ce que tu aimes Jessica ? »

La situation semblait se calmer voire mieux, semblait s’arranger. Aemiliane était venue ici avec inquiétude et appréhension, pensant que les parents de Jessica allaient refuser en bloc cette relation. A vrai dire, et à réfléchir, elle n’avait eu aucune raison de penser cela mais, si sa chérie était si inquiète, ce n’était pas pour rien. Si Jessica était aussi paniquée c’était que ses parents n’étaient pas faciles sur ce sujet. Mais, au contraire, tout semblait s’être bien passée. Voilà maintenant que l’ingénieure était en train de diner avec les parents de sa petite-amie et que l’ambiance à table était plutôt détendue. C’était toujours un peu impressionnant de partager un premier repas avec la famille de Jessica, mais Aemi’ gardait son calme heureusement.

L’une des mères de Jessica vint à lui poser une question sur son travail et elle y répondit. Aemiliane était une scientifique travaillant sur les GeoNano, un terme regroupant toutes les nanotechnologies que possédait et développait GWC. Carol indiqua que même si elle ne devrait pas dire ça, elle estimait que le grand concurrent de GWC, MERCATEL, possédait une longueur d’avance sur eux. Novac était le grand spécialiste des nanotechnologies. Ce micro-Etat en avait fait son fer de lance notamment grâce à MERCATEL et aux génies travaillant pour eux, notamment la Baronne ! Milwen Novac était une source d’inspiration pour Aemiliane d’un point de vue scientifique. Elle ne ratait aucune de ses conférences, de ses interventions ou même de ses ouvrages dès qu’il en sortait un.

Carol avait donc un avis assez honnête sur la question. Elle était une cadre et s’occupait plutôt d’affaires financières et juridiques, donc elle connaissait son affaire … Les GeoNano ne devaient pas générer autant de bénéfices que prévus. Néanmoins le sujet du travail fut bien vite éclipsé par un sujet plus personnel et privé aux parents de Jessica, quand l’autre de se mamans raconta quelques anecdotes sur son épouse. Apparemment même Jess’ ne savait pas que sa maman était autrefois une punk, ce qui ne manqua de faire sourire Aemi’. Mais le sourire fut de courte durée puisque Kelly s’en retourna vers l’ingénieure, lui demanda d’une voix et d’un air sérieux, si elle aimait réellement Jessica. C’était l’une des questions piège auxquelles elle allait être confrontée, c’était du moins ce que pensait Aemiliane. Si elle n’aimait pas Jessica, elle ne serait pas là. Et elle n’aurait pas plein de poster d’elle dans son appartement, des goodies et des peluches à l’effigie de son personnage.

Il était vrai qu’on pouvait dissocier Spider-Woman et Jessica, mais pour Aemiliane, c’était la même chose. Elle aimait la femme, la personne, qu’elle soit en costume ou non. Son amour était très puissant et sincère, même si pour le coup, son seul moyen de le prouver était de répondre tout simplement à la question. « Je l’aime, oui. Elle est … Votre fille fait partie de mon monde. » Déclara-t-elle également, d’une voix solennelle, adressant un regard convaincu à la mère de Kelly.

Probablement pour éviter que la conversation ne finisse par ressembler à l’une de celles que Carol pouvait tenir quand elle invitait une collègue de travail à manger le soir, Kelly était revenue sur le sujet principal : la relation sentimentale entre Jessica et Aemiliane. Elle avait donc mis les pieds dans le plat, et, devant sa question, Jessica rougit à nouveau, tout en se pinçant les lèvres. La situation était bien meilleure que ce qu’elle avait redouté initialement, certes, mais elle n’était pas pour autant totalement rassurée. Après tout, elles étaient en train de parler de choses intimes, le tout en flirtant dangereusement avec son identité secrète. Mais Aemiliane était suffisamment intelligente pour éviter de vendre la mèche.

La question de sa mère amena naturellement un léger silence de réflexion, le temps qu’Aemiliane prenne bien conscience de l’importance des enjeux. Même si elle n’avait, techniquement, pas à recueillir le consentement des parents, il était toujours mieux d’avoir l’assentiment de la famille. Aemiliane finit donc par avouer la vérité, tout simplement, annonçant qu’elle aimait Jessica, et qu’elle faisait donc partie de sa vie.

« Oh... C’est du sérieux, donc ? »

Une question rhétorique, une affirmation déguisée. Jessica hocha la tête, et revint finalement dans la conversation, pour donner sa vision des choses :

« Je l’aime vraiment, Maman. Je... Je regrette de ne pas vous en avoir parlé plus tôt, mais... Disons que les évènements se sont précipités.
 -  Ça ne justifie toujours pas le fait que tu fasses le mur et arrives en retard à l’école, jeune fille » intervint alors Carol, en reprenant son rôle de mère autoritaire.

Sur ce point, on ne pouvait pas lui donner tort. Jessica rougit donc à nouveau, et se retourna vers Maman Carol.

« Je... Je sais. Et je suis vraiment désolée, je... Ce n’était pas mon intention.
 -  Je suppose qu’on peut faire l’impasse pour cette fois, proposa alors Kelly, mais il va falloir que nous ayons ton numéro, Aemiliane. Si Jessica ne rentre pas, il nous faut un moyen de te contacter...
 -  ...Ce qui implique aussi de connaître ton adresse, renchérit Carol. Jessica vit encore sous notre toit, et on ne peut pas se permettre de la laisser crapahuter la nuit sans savoir où elle va. »

Les mères intègres et inquiètes revenaient à la charge. Néanmoins, il serait bien difficile de s’opposer à leurs demandes, puisqu’elles étaient fondées. Et, au moins, Carol et Kelly admettaient toutes les deux que Jessica puisse voir Aemiliane. Rien que ça, c’était une grande victoire, qui augurait de choses encore plus mémorables.

« Mais je suis très heureuse pour toi, Jessica... Et pour vous deux, glissa Kelly. Je ne te connais encore pas beaucoup, Aemiliane, mais j’ai très envie d’en savoir davantage sur toi. J’ai rarement vu Jessica aussi gênée à table, donc je pense que ça veut dire que, elle aussi, elle t’aime beaucoup, ce dont je ne doute pas une seule seconde. Jessica est une fille qui déborde d’amour. »

C’était un grand moment qui se jouait en ce moment-même dans la vie des deux femmes. Si les parents de Jessica donnaient leur bénédiction sur la liaison qu’elles entretenaient, ça serait non seulement fantastique, mais ça permettrait également à cette même relation d’évoluer. Aemiliane n’aurait jamais pu encaisser le coup d’une relation mettant en péril celle que Jessica avait avec ses parents. Ce n’était pas du tout le genre de la jeune fille de faire ça. Du coup voir que tout se passait bien, pour le moment, ça la rassurait. Et ça lui redonnait espoir ! Au terme de cette soirée elle saurait si oui ou non sa liaison avec sa chérie allait être durable, ou un peu moins. Même si son amour pour elle ne disparaitrait jamais, avec ou sans l’accord de ses parents.

Suite à la réponse d’Aemi’ et Jessica, les parents de cette dernière réagirent en conséquence. L’une des deux femmes demanda alors le numéro de l’ingénieure, expliquant si jamais leur fille ne revenait pas à la maison, elles pourraient avoir de la contacter elle. Se suivit immédiatement après d’une autre demande venant de l’autre femme. Il leur fallait également son adresse, pour savoir où serait leur fille, quand elle n’était pas là le soir. Aemi’ comprenait les raisons de ces demandes, mais elle doutait que ça suffirait aux mamans de Jessica de savoir où serait leur fille si elle n’était pas là. Après tout Jessica n’était liée à Aemiliane et elle pouvait sortir la nuit sans qu’elle ne sache où elle était. Mais la scientifique voyait où voulaient en venir les parents de sa petite-amie. « Pas de soucis … Je, je vous donnerai tout ça ! Il est normal de s’inquiéter pour son enfant, surtout si c’est Jessica. » Conclut Aemiliane avec un grand sourire.

L’une des mamans de Jessica répliqua alors qu’elle était heureuse pour sa fille, et qu’elle avait très envie d’en savoir plus sur sa petite-amie. Elle termina sur un dire qu’Aemiliane ne pouvait qu’approuver … Oui, Jessica débordait d’amour, même si elle se contenait ! Et elle avait trouvé une fille qui justement, pourrait contenir tout ce trop-plein d’amour. Aemi’ était très heureuse et savoir qu’elle pourrait vivre sa relation avec Jessica tout en n’ayant plus à faire trop de cachoteries aux parents de sa chérie, c’était tout simplement fantastique. À ce moment précis elle avait envie de l’embrasser très fort et de lui faire un grand câlin, tellement était-elle heureuse et toute excitée. Aemiliane était une fille très tactile, qui montrait ses émotions par des gestes la plupart des fois. Néanmoins, après tout ceci, Aemi’ ne savait pas trop quoi dire de plus … Mieux valait ne rien dire que dire des choses qui risquaient de tout faire planter.

Ses joues toutes rouges et son sourire béat qu’elle peinait à cacher parlaient pour elle.

Parfois, le simple regard en disait beaucoup, et, pour Kelly et Carol, il suffisait de voir la manière dont Aemiliane se pinçait les lèvres, ou regardait fréquemment Jessica, ou la manière dont leur fille rougissait furieusement. Oui, elles étaient amoureuses. Simple béguin ? Elles ne le pensaient pas. Pas pour que Jessica leur fasse de telles cachotteries. Évidemment, c’était émouvant, et, si on aurait pu craindre qu’elles puissent refuser une telle idée, en voulant garder leur fille près d’elle, c’était mal les connaître. Elles voulaient prendre des précautions, naturellement, mais n’avaient rien contre le fait que leur fille tombe amoureuse, et ce d’autant plus qu’elle avait connu des évènements traumatisants, avec la mort de l’une de ses amies. Et puis, qu’elles sortent avec une fille qui avait un emploi, et un appartement situé dans le centre-ville, c’était tout de même largement préférable à l’idée de la savoir traîner dans les ghettos de mâles.

Jessica, de son côté, se calmait peu à peu. Sa tension descendait, maintenant que la tempête était passée, et que ses mères semblaient se faire à la présence d’Aemiliane. Comment ne pas s’attacher à elle, après tout ? Aemi’ avait tout simplement toutes les qualités du monde ! Jessica continua donc à manger avec appétit, le temps défilant rapidement. Carol parla à nouveau de GeoWeapon Corp., et Aemiliane se confia davantage. Peu à peu, le dîner arriva, puis le dessert, un magnifique gâteau au chocolat avec de la crème anglaise.

« Régalez-vous bien ! »

Jessica continua à manger, jusqu’à ce que le sujet ne dévie vers un autre cas sensible :

« Normalement, Jessica est punie pour ce soir...
 -  Elle a donc interdiction de sortir. »

Jessica rougit encore, baissant la tête, se sentant affreusement gênée. Ça, il n’y avait que ses mères pour lui faire un tel coup bas !

« Mais nous ne lui avons pas interdit de recevoir de la visité... Alors, si tu veux rester ici ce soir, nous serions ravies de t’avoir à dormir ce soir. Si Jessica n’y voit aucun souci, bien sûr. »

L’intéressée rougit en papillonnant des yeux.

« Oh... Euh... Eh bien, non ! Au contraire, même ! »

Ouf, qu’il faisait chaud, tout d’un coup ! Mais, pour le coup, ce serait la première fois qu’Aemiliane serait dans sa chambre... Une idée qui fit rougir Jessica, qui se pinça les lèvres, avant de se tourner vers la belle ingénieure.

« Enfin... Si tu es d’accord, évidemment ! »

La soirée à table semblait suivre son cours et, finalement, la situation était loin d’être dramatique. Bien au contraire, les parents de Jessica semblaient accepter Aemi’ dans la vie dans leur fille ! C’était une très bonne chose même si, il restait encore du chemin à faire. Même si les parents de Jessica semblaient être sympathiques et accueillant, une petite voix dans la tête de l’ingénieure lui soufflait qu’il pouvait y avoir un piège. Non, ce ne fut pas ce succulent gâteau au chocolat à la crème anglaise. Aemiliane aurait bien été frustrée sinon, elle qui raffolait de chocolat ! Elle se régala ce soir, malgré tout. C’est sûr que tous les jours chez elle ce n’était pas comme ça … Pas le temps de cuisiner, pas le temps de faire des gâteaux, malheureusement.

Il n’y avait que chez sa maman où Aemi’ pouvait déguster de la bonne cuisine. Elle voyait que cela semblait être également le cas ici, chez Jessica. Mais, elle pensa rapidement à autre chose quand Carol, l’une des mères de sa chérie, revint à la charge au sujet de GWC. Les deux femmes échangèrent à nouveau sur ce sujet, poursuivant ainsi une soirée qui au final, se passait très bien. Tout semblait aller comme sur des roulettes jusqu’au moment où les parents de Jess’ remirent un autre sujet sur le tapis … Sa punition. Elles expliquèrent que Jessica n’avait pas le droit de sortir ce soir, mais en revanche, rien ne l’empêchait de recevoir des gens. Ce qui expliquait d’ailleurs pourquoi Aemi’ n’avait sans doute pas été mise à la porte, entre autres.

Tout ceci pour finir sur une proposition qui, au sens d’Aemiliane, avait une odeur de piège. Elle avait vu suffisamment de séries et de films pour savoir ce que voulaient dire ce genre de propositions ! Mais elle ne pouvait pas refuser … Passer une nuit chez Jessica, dans sa chambre, pour la première fois, c’était une offre qu’on ne pouvait pas refuser. Ainsi donc elle ne put refuser et accepta avec joie, se doutant néanmoins qu’elle allait devoir faire très attention. Elle hocha vivement de la tête et exprima ainsi son accord ! Le temps fila un peu, puis, le repas se termina, et le jeune couple gagna alors la chambre de Jessica.

Elles furent alors seules pour un petit moment, et même si Aemi’ avait décidé de faire très attention ce soir, elle ne put s’empêcher, une fois seule avec Jess’ et dans sa chambre, de se jeter dans ses bras. L’ingénieure lui fit un grand et tendre câlin, nichant doucement sa tête au creux de son cou alors qu’elle la serra fort contre elle. « On a survécu !!! » Dit-elle de sa vive voix, toute heureuse et excitée, alors qu’elle finit par se hisser sur la pointe de ses pieds pour donner un petit baiser furtif à sa chérie.

La chambre de Jessica était bien moins grande que celle d’Aemiliane. C’était une chambre qu’elle connaissait bien, vu qu’elle y avait passé toute sa vie. Son lit était contre le mur, sous une fenêtre de toit. Jessica était sous les combles, avec un toit en pente. Outre son lit, il y avait, sur la gauche en entrant dans la chambre, un placard mural abritant ses affaires, dont son uniforme scolaire. Sur la droite, il y avait son bureau, avec un ordinateur, un écran, une console de jeux vidéos, un casque de réalité virtuelle, et tout un bazar de chaussettes et de collants traînant au sol, de cahiers et de livres de cours à côté d’un sac à dos. Une chambre d’adolescente, tout simplement.

Jessica referma rapidement la porte, et les deux femmes ne tardèrent pas à se faire un câlin. Aemi’ lui annonça alors qu’elles avaient survécu, et Jessica sourit, en se pinçant les lèvres, et frotta son nez contre celui de la femme.

« Oui ! Honnêtement, ça s’est passé bien mieux que ce que je craignais ! »

La jeune femme commençait à peine à ressentir la tension descendre, et s’écarta un peu, présentant d’un mouvement circulaire de la main sa chambre.

« Alors, voilà mon nid douillet ! »

Elle laissa le soin à Aemiliane de rapidement observer les lieux.

« J’ai un matelas sous le lit pour toi, si tu veux... »

Avant de le sortir, elle s’assit au milieu du lit.

« En tout cas, tu as pu voir mes mères. Sincèrement, c’est cool que Maman Carol t’apprécie, c’est elle la plus stricte ! »

Fort heureusement, Aemiliane travaillait à GWC, ce qui, pour Careol, était la preuve que ce n’était pas une tire-au-flanc. Pouvait-elle rêver mieux pour sa fille ? Elle qui avait eu si peur que Jessica traîne du côté des ghettos, ne fasse de mauvaises rencontres, elle était donc sincèrement rassurée. Alors, certes, la punition était maintenue, mais elle savait que ce serait aussi dans leur intérêt mutuel. Jessica avait vu l’intimité d’Aemiliane, il était désormais temps que l’ingénieure en fasse de même.

Elle pouvait également voir une étagère comprenant une rangée de livres et de bandes dessinées.

« Voilà... Je ne suis pas spécialement fatiguée, alors, je ne sais pas trop ce que tu veux faire. J’ai moins de jeux que toi, mais... Enfin, on peut se faire une partie, si tu veux ! »

Mais peut-être qu’Aemiliane avait d’autres plans en tête ? Jessica, elle, était encore un peu trop confuse pour pouvoir songer à tout cela.

L’ingénieure connaissait depuis des semaines déjà le bonheur, le vrai. Une sensation rare et très difficilement descriptible, mais qui consistait pourtant en une chose si simple, à qui tout le monde aspirait. Le bonheur. Tout ses problèmes à côtés n’étaient absolument rien quand elle était avec Jessica. Il n’y avait que la joie et la chaleur qui s’éprenait de son cœur en ces moment-là, et généralement, ça donnait une Aemiliane toute excitée et pétillante ! Il suffisait de voir comment elle serrait bien fort sa chérie dans ses bras pour s’en apercevoir. Ou bien, son sourire tout radieux malgré qu’il restait – ou du moins le faisait elle ainsi – discret. L’ingénieure était donc comblée, tellement comblée qu’elle pourrait rester sans rien faire, juste aux côtés de Jessica, sans pour autant s’ennuyer ... Enfin, au bout d’un moment, un tout petit peu mais, ça n’aurait rien à avoir avec l’intéressée !

Tout cela pour dire qu’après leur câlin, Jessica décida de présenter sa petite chambre à Aemi’. Toute attentive elle regarda les différentes choses que lui pointa sa petite-amie, ci et là, découvrant avec un immense plaisir son petit univers à elle. Car jusqu’à présent, c’était surtout Jess’ qui avait plongé dans l’univers d’Aemiliane, mais pas l’inverse ! Ça faisait tout drôle, et c’était très intéressant d’en découvrir davantage sur la femme qu’elle aimait. Jessica semblait contente que sa mère la plus stricte appréciait désormais la jeune fille, ce qui ne manqua de la faire sourire de plus belle. « Oh, je dois avoir un don pour ça ... J’ai bien réussi à me faire apprécier de Madame Forge alors, ta maman, ça ne pouvait qu’être mieux ! » Dit-elle en gonflant volontairement sa poitrine, faisant sa petite vantarde !

Aemi’ scruta un peu la pièce tout autour d’elle, toute curieuse et intriguée par ce qu’elle pourrait y voir et trouver. C’était que découvrir un peu de l’univers de sa chérie, c’était à la fois terriblement amusant et excitant ! Jessica lui expliqua ne pas être fatiguée, et proposa même de jouer à quelques jeux vidéo, vu qu’elle en possédait quelques-uns. Aemi’ ne répondit rien d’abord, papillonnant ci et là, jetant un coup d’œil à ses carnets de cours, puis à ses bandes dessinées. « Fan de comics à ce que je vois ! Toutes ces histoires de super-héroïnes doivent t’avoir inspiré quelque part, non ? » Dit-elle, curieuse à ce sujet. Ce n’était pas impossible, après tout ! Aemi’ se saisit de l’une de ces BD, puis sauta dans le lit de Jessica, s’asseyant en tailleur à côté d’elle, ne manquant de faire remuer le matelas en-dessous. Bien entendu, dès qu’elle était entrée dans la pièce elle avait pris soin de retirer ses chaussures ; le respect, c’était important, même à Tekhos !

Faisant mine de lire un peu, la jeune fille en profita pour poser quelques questions à Jessica ; la connaitre davantage serait d’autant plus fascinant à présent qu’elle était baignée dans son univers. « Je ne suis pas trop dans le bain pour un jeu vidéo ... Enfin, sauf si on ne trouve rien d’autre à faire ! Je parie même que je te bats haut les mains, hihi ... Mais non, moi là ce que je veux, c’est savoir ce que tu fais quand t’es toute seule ici ! Tu fais comment pour t’occuper normalement ? » Demanda-t-elle, visiblement très enjouée de savoir plein de choses nouvelles sur sa chérie ! Néanmoins elle songea un peu puis revint avec quelque chose. Se tortillant sur place – incapable de rester immobile plus de cinq secondes – elle finit par s’allonger en posant sa tête sur les genoux de son amoureuse, le regard alors tourné vers le siens. « On aurait aussi pu continuer à se faire câlin mais, ça serait désastreux si tes mamans nous prennent la main dans le sac ce soir ... J’ose pas imaginer ! Tu sais quoi ? Si ça se trouve elles s’attendent à ça ... Je me dis que c’est suspect ça, qu’elles me laissent dormir avec toi ce soir. » Déclara-t-elle, jouant sa grande suspicieuse.