LES AMAZONES
Tout excités qu’ils furent, endormir les enfants ne fut pas une sinécure. Pour les endormir, il fallut que les Amazones finissent par leur raconter des histoires. Ce fut Clara qui s’y colla, rapidement rejointe par Sélène, tandis que les guerrières se mirent à parler de combats et de fresques épiques dans des steppes sauvages et des monts verglacés contre des hordes de monstres. Les Amazones avaient beau être des guerrières, elles étaient aussi de bonnes conteuses. Après tout, elles étaient à la fois des guerrières et des mères, et toutes, ou presque, avaient la fibre maternelle. Elles ne virent donc aucun problème à calmer les ardeurs des petits en leur parlant de batailles, quand bien même leurs récits n’avaient pas grand-chose à voir avec la réalité. Sélène évita donc de trop parler des clans cannibales qu’elle avait affronté, des corps déchiquetés, des autels remplis d’organes sanguinolents, des prêtres utilisant les intestins de leurs victimes comme ornements... Elles parlèrent donc pendant plusieurs minutes, sous l’ombre d’un feu de cheminée que Léda avait allumé, et sous le regard de la mystérieuse Anna, en essayant de ne plus penser à cette Omox.
Tomber sur une bulle d’innocence au milieu de ce marais putride était un mince exploit, et, pour autant, Sélène était convaincue que ces jeunes enfants n’étaient pas ici juste pour leur sécurité. Dans sa tête, le récit de la vieille folle sur les Dames de la Forêt, ces prétendues Moires, continuait à la travailler. Elle revoyait tous ces casques, ces armures, et ces épées rapiécées qui remplissaient son temple, sans pouvoir se départir du mince sentiment que les Belles Dames n’étaient probablement pas très angéliques. Plus elles avançaient dans ce marais, et plus les choses se compliquaient. Il agissait comme un aimant, attirant quantité de forces maléfiques, et, maintenant que Sélène avait entendu parler du Mont Chauve, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si le temple était leur véritable destination, ou si la source du mal ne se trouvait pas dans les racines de cet arbre-cœur.
*
Les elfes vénèrent ce genre d’arbres... Est-ce qu’il y a eu une communauté elfique ici jadis ? Une communauté que ces Dames ont chassé pour assurer leur emprise sur la région ? Sont-elles vraiment des Déesses mineures, ou des bourreaux ?*
Petivier, le Hobbit, écoutait aussi avec attention les récits des Amazones, fasciné par de telles aventures, lui qui, simple cuisinier, avait toujours secrètement rêvé de se trouver dans une grande aventure... C’était presque à croire qu’il ne regrettait pas sa mauvaise fortune, et il s’imaginait déjà coucher le récit de ses aventures ici, et séduire les femmes hobbits de son village avec de tels exploits. Pensez donc ! Des Skavens, des Amazones, c’était le genre de récits qui vous valaient des invitations par le bourgmestre du village !
Les enfants se couchèrent donc petit à petit, et on pouvait voir dans le comportement des Amazones quelque chose d’infiniment doux et protecteur, comme une nuance par rapport à toute la sauvagerie et à toute la violence dont elles pouvaient faire preuve. Clara caressait le front des jeunes enfants, accompagnant leurs rêves par de chauds baisers sur le front. Seule Anna avait semblé de marbre devant le récit des guerrières.
La nuit commençait à s’installer quand la naine se réveilla.
Anna, en train de somnoler, grogna rapidement, et les Amazones, dont plusieurs étaient sorties dehors, rentrèrent alors, à savoir Sélène et Clara.
La naine se présenta sous le sobriquet de Troya, une tueuse de géants... Paradoxal, venant d’une naine.
«
Et comment une guerrière naine tuant des géants a bien pu se faire capturer par des Skavens ? » demanda, non sans une certaine ironie, Sélène.
TORI
Barbie fronça les sourcils en entendant Ariman parler. Son histoire lui rappelait de vieilles légendes qu’elle avait entendu. Quand elle avait rejoint Khorne, elle avait aussi entendu parler d’elfes ayant succombé au Chaos. Ils n’étaient pas nombreux, mais ils étaient présents, preuve de l’universalité du Chaos, qui s’abattait aussi bien sur de simples imbéciles humains, que sur un peuple aussi noble que les elfes. Ces elfes avaient formé une secte qui avait tenté de renverser les elfes de la Sylve, près de l’arrogante Nexus. La Sylve, ou le Bosquet, l’un des plus importants royaumes elfiques depuis des éons, dirigeait à cette époque les terres qui, des années plus tard, constitueraient le territoire de Nexus. La Sylve, donc, était alors un important royaume, et avait dû faire face à une mutinerie de la part d’un de ses seigneurs elfiques, qui avait succombé au Chaos, et à Khorne. Il avait tenté de renverser la Sylve en cherchant à assassiner le Roi, ce qu’il avait d’ailleurs réussi à faire. Les prêtres de la Sylve, des mages elfiques, avaient alors pris la gouvernance du royaume, tout en luttant contre la secte. Cette tentative avortée de putsch avait permis de donner aux prêtres un pouvoir accru sur le Bosquet, en faisant prendre conscience aux Hauts-Elfes de la dangerosité du Chaos.
Le renégat elfe et les siens avaient réussi à s’enfuir dans l’Outremonde, dans les profondeurs des grottes-mondes, d’immenses cavernes vertigineuses s’étalant bien des kilomètres sous le sol. Barbie avait retrouvé les ruines de leurs camps, car ils avaient également été traqués et exterminés par les Drow, et avaient combattu ces derniers, en s’alliant avec des gobelins. Elle avait donc trouvé leur ancien camp, une forteresse solitaire, et avait entendu parler de la légende d’Ariman, le Serviteur du Chaos, dans sa forme la plus pure. Autant une menace qu’un allié pour les Dieux Noirs, car il n’était l’allié d’aucun, tout en étant l’ennemi de tous.
Tori, de son côté, était encore excitée. Ce combat, ainsi que les douleurs qu’elle avait ressenti, loin d’avoir restreint ses pulsions, n’avaient fait que l’exciter davantage, en lui donnant une furieuse envie de continuer à se battre. Néanmoins, elle tempérait ses ardeurs.
«
Et que souhaite Ariman en ces lieux ? » lâcha alors Barbie, d’une voix grave et menaçante.
Même si Ariman affirmait être leurs alliés, il était très difficile de raisonner des serviteurs de Khorne. Ils étaient connus pour leur appétit du sang, ainsi que pour leur démence... Et il suffisait de voir le regard de Tori pour s’en convaincre. De vrais psychopathes ne pouvant jouir qu’en égorgeant, en tuant, et en massacrant tout ce qui passe à portée de leurs mains...