Les Orcs constituaient des hordes éparses et dispersées se composant de clans ancestraux. Les Ashnardiens en utilisaient fréquemment, car la philosophie des Orcs n’était pas difficile à comprendre. Pour soumettre les clans, il fallait juste tuer le chef. Parfois, les clans s’unissaient sous la houlette d’un puissant Orc, qui s’appelait alors « Big Boss ». Ses hordes constituaient des armées redoutables, et, si les Orcs avaient été plus disciplinés, et moins prompts à suer simplement de leur force brute, ils auraient réellement pu constituer une menace planétaire majeure. Au lieu de ça, ils affrontaient généralement des elfes. L’affrontement entre les Orcs et les elfes était légendaire, remontant à des millénaires. Silke comprit rapidement que les Orcs qui les attaquaient étaient les restes d’un clan massacré par Raven. Ils n’étaient pas très nombreux, et le fait qu’ils attaquent des trolls, normalement censés être leurs alliés de la forêt, confirmaient aussi cet état de fait. Néanmoins, dialoguer avec eux serait plus difficile qu’avec les trolls, et Enre se dépêcha d’organiser une formation classique. Face aux Orcs, il fallait faire un front uni, afin de ne pas être submergé par le nombre.
Silke se retrouva dehors à son tour, et ne tarda pas à trouver leur chef improvisé. Difficile de dire de qui il s’agissait, mais, dans tous les cas, son autorité était affaiblie. Elle eut la même idée que Vaelh, mais elle n’avait pas son talent pour les attaques furtives. Il avait perdu face à Raven, son village avait assurément été pulvérisé par les Amazones de Raven, et les Orcs le suivant devaient le voir comme un incompétent. Les Orcs se heurtèrent aux armures et aux boucliers d’Enre et de ses solides hommes, et la bataille commença à faire rage, les épées venant trancher les Peaux-Vertes. Silke attaqua à son tour, tournoyant sur place, et son épée tua un Orc, le cisaillant sur le torse, formant une belle estafilade qui fit couler son sang. Un autre Orc la chargea, et elle l’empala rapidement sur son arme.
« Ils ne sont même pas armés... C’est ridicule ! »
Plus exactement, beaucoup d’Orcs chargeaient avec leurs poings, mais les armures de plates des chevaliers étaient solides. Ils étaient comme les trolls, en pièces, et ébranlés. Les Orcs portant des armes se trouvaient près du gros Orc, et Silke entreprit de s’y rapprocher, optant pour la rapidité. Elle rangea donc sa lourde lame dans son dos, ce qui était d’autant plus logique que les Orcs optaient pour le corps-à-corps. À la place, elle usait sa dague, roulant sur le sol, glissant sur le côté, avant d’attaquer, visant à chaque fois la jugulaire de ses ennemis. Les attaques sur le torse ne leur faisaient pas trop mal, au vu de leur musculature résistante. Son plan marcha bien pendant un temps, mais un Orc réussit à l’attraper à la nuque, et la plaqua lourdement sur le sol. Il lui hurla dessus, et, alors que Silke réfléchissait à un plan de secours, un providentiel arbalétrier visa juste. Un carreau transperça la tête de l’Orc de part en part, et toute la force mise dans sa main disparut, permettant ainsi à la femme de se libérer.
Elle se remit sur ses pieds, et un autre Orc l’attaqua avec une lame. Silke para avec sa dague, mais le choc se fit ressentir dans ses muscles, la faisant grogner. L’Orc continua à frapper rageusement, et l’Amazone profita d’un battement pour bondir sur le côté. L’épée de l’Orc mangea le sol, et Silke tournoya sur elle-même, plantant alors sa dague au milieu du dos de l’Orc, tout en tendant l’une de ses jambes pour l’étaler sur le sol. L’Amazone se retourna à nouveau, entendant un soldat hurler de douleur. Un Orc avait réussi à lui arracher son bouclier des mains, et un autre l’avait frappé au visage. Malgré son casque, le soldat en avait lâché son épée, puis s’était reçu un coup de pied qui l’avait étalé sur le sol. Enre intervint alors, et son épée décapita l’Orc. Le redoutable capitaine au masque blanc tendit sa main, et une langue de feu en jaillit, faisant reculer les Orcs, enflammant grièvement l’un d’entre eux.
« Tenez bon ! »
Silke était au milieu de la mêlée, quand la situation commença à changer. Les Orcs se mirent à se taper dessus, et, peu à peu, les rangs se dispersèrent. Les arbalétriers faisaient des ravages, et Enre recourait à sa magie, contraignant les Orcs à se disperser, et à s’enfuir dans tous les sens. En voyant Vaelh à proximité du cadavre du gros Orc, Silke comprit ce que ce dernier avait fait. Il avait profité de la mêlée pour s’écarter, et pour tuer le gros Orc. Ce dernier mort, les Orcs avaient commencé à se disputer entre eux, et les survivants s’enfuyaient... Tout comme Vaelh.
« Inutile de les traquer... Ils ne sont plus une menace. »
Silke, tout en reprenant son souffle, en vint à se dire que les sédentaires n’étaient pas aussi mauvais que ce qu’elle avait initialement pensé.
« Je vais avoir du mal à vous faire confiance, lâcha Enre, mais je pense que nous avons de plus gros problèmes à gérer pour l’heure. »
Silke haussa les épaules.
« Peu importe... Je ne vous fais pas confiance non plus, mais, si vous voulez venir à bout de Raven, il faudra faire avec. Elle s’en prend à toute la forêt, et à tous les peuples qui y vivent. J’irais même jusqu’à me demander si elle n’a pas volontairement attaqué les trolls et les Orcs pour nous disperser. »
C’était une stratégie classique : semer le vent pour que les ennemis récoltent la tempête. Raven était forte, mais ses Amazones n’étaient pas de vraies guerrières. Elle ne pouvait jouer qu’au chat et à la souris en fuyant les armées régulières, des armées fortes comprenant des soldats comme Enre, qui la mettraient en pièces. Elle pouvait triompher de quelques garnisons et autres petites milices urbaines dans des villages isolés, mais elle n’était pas de taille contre de grosses troupes... De fait, c’était le même raisonnement que la Horde tenait depuis des siècles, la Reine actuelle, Andromaque, estimant que son peuple n’avait aucune chance contre les grosses armées de ce monde.
« Est-ce qu’il y a d’autres peuplades dans la région ?
- Des elfes, vous voulez dire ? Non... Enfin, pas exactement...
- Qu’est-ce que vous voulez dire ?
- Il y a une communauté de druides dans les profondeurs de la forêt... On y trouve parfois des elfes ou des dryades, mais il n’y a pas de cité elfique à proprement parler. Néanmoins, je doute que Raven ait entrepris de s’attaquer aux druides. Leurs sorts les protègent, et leur permettent d’enchanter la faune et la flore. »
S’y attaquer, peut-être pas... Mais s’en faire des alliés ? Silke savait que les druides n’étaient pas tous bons et généreux. Certains étaient hostiles aux sociétés sédentarisées, estimant que la construction de maisons et l’urbanisation du monde provoquaient une déforestation intensive. Pour ces individus respectueux de la Nature et de la force des forêts, il s’agissait d’une nuisance qui pouvait parfois les amener à devenir agressif... Une hostilité qu’une femme comme Raven pouvait utiliser à son avantage. Silke n’était pas prête à commettre deux fois la même erreur... Elle ne sous-estimerait plus Raven.
Malheureusement, ses seuls alliés étaient des chevaliers qui se méfiaient d’elle et un Incube instable, fourbe et efficace. Si c’était bien la volonté de la Déesse-mère de lui donner de tels alliés... Et bien, on pouvait vraiment dire que les voies des Dieux étaient impénétrables.