À PROPOS DE SANCTUARY ET DES NÉPHALEMS
Les Néphalems désignent une aberration de la nature, des métèques qui font souvent l’objet de mépris, et ont du mal à se sentir à leur place. Ils sont un croisement entre les anges et d’autres espèces, comme des humains... Ou, pour les pires d’entre eux, des démons. Ces monstres sont méprisés par leurs congénères démoniaques ou angéliques, et n’ont pas forcément une vie très longue, car les Princes infernaux et les puissants démons voient en eux une menace. Un individu réunissant à la fois les caractéristiques des anges et des démons constitue en en effet une menace sérieuse, car il a théoriquement un pouvoir nettement supérieur à ces derniers.
Sanctuary, elle, était un havre de paix, conçu pour rapprocher Anges et Démons. Une utopie, un rêve d’idéalistes, qui s’est brisé, et dont il ne reste plus que des souvenirs, des ruines... Et des mensonges. Des mensonges tournant notamment autour d’un puissant artefact ancestral, la Pierre-Monde.
Ces deux éléments étant au cœur de la fiche, il me semblait nécessaire d’en faire un bref résumé liminaire. Des informations plus complètes peuvent se retrouver dans ce complément de script. Pour les plus motivés d’entre vous, et pour une compréhension encore plus globale de la fiche, je vous invite aussi à consulter cet autre complément de script, la Guerre Civile et la fuite du Roi Cramoisi s’ancrant également dans la présente fiche.
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture. Rassurez-vous, ça se lit vite.
«
L’Empereur ? Sérieusement ? J’arrive pas à y croire ! » s’exclama-t-il.
Ce n’était pourtant pas si surprenant que ça... Mais je pouvais comprendre la surprendre qu’il y avait à savoir que j’allais rencontrer aujourd’hui même l’Empereur en personne.
«
Précisément ! C’est pour ça que j’ai besoin de savoir si tu as enfin terminé de réparer mon armure ! -
Ah, ça... Tu sais dans quel état elle était ? Vraiment, Knaël, c’est un petit bijou que je te donne, mais, quand je vois l’état dans lequel tu... -
Je sais parfaitement dans quel état elle était, j’étais dedans, figure-toi ! -
Hun... C’est pas faux. Bon, je te l’ai réparé, j’en ai fait des nuits blanches, mais ça, tu t’en fiches, hein ? Les femmes sont si cruelles avec moi... »
Lui ? Lui, c’est
Severin, un simple forgeron ashnardien qui avait quelques gènes démoniaques dans le corps. Des gènes plutôt faibles, en réalité. Il travaillait au sein de la capitale, et sa petite affaire marchait bien. Il réparait des armures auprès de personnes influentes, confectionnait des épées, et travaillait avec des enchanteurs et des collègues de confiance. Accessoirement, il était aussi un amant occasionnel, assurément bisexuel... Et, malgré ses plaintes incessantes, très doué.
Moi ? Mon nom est
Knaël, mais on me connaît sous certains surnoms : «
Le Centurion d’Argent » est le plus connu... Même si je pense que, maintenant, après mon exploit, on m’appellera aussi «
La Tueuse de Titans ». Je m’appelle Knaël, je suis une Néphalem qui existe depuis plus de trois siècles, a couché avec des hommes et des femmes, et je m’apprête à rencontrer l’Empereur d’Ashnard dans quelques heures pour accomplir une quête que mes deux parents souhaitent me voir accomplir, et pour laquelle j’ai réuni une équipe très spéciale.
Mon nom est Knaël, et ceci est mon histoire.
LA GESTE DE KNAËL
– I –
Le véritable ennemi
« Il y a bien une chose de ta mère dont tu as hérité, Knaël... Le don de toujours me déranger en galante compagnie.
- En un sens, je suis heureuse de constater que tu n’as pas changé depuis des siècles.
- Hey, tu sais, tant que mon service trois-pièces fonctionne, c’est tout ce que je demande ! »
Le Prince infernal Allocen s’avançait d’un pas ample, à travers les couloirs massifs du château infernal dans lequel il avait élu son siège, et ce depuis des millénaires. Sa puissance était réputée au sein de l’Enfer, et il était connu pour avoir toujours trois ou quatre succubes avec lui, et pour avoir transformé sa salle de trône en un lupanar dédié à la luxure. Quand sa fille bien-aimée Knaël était venue le voir, Allocen avait du s’arracher à leur charmante compagnie, en comprenant que Knaël ne souhaitait pas participer. Il était cruel qu’il n’ait jamais eu l’occasion de coucher avec sa propre fille, mais sa mère le lui avait interdit... Et elle n’était pas le genre de femme dont on pouvait aller contre son avis.
« Tu désirais me voir, Père. Pour quelle raison ? »
Il ne répondit pas immédiatement, continuant sa marche. Son palais était immense, comme on pouvait s’y attendre de la part d’un Prince infernal, et il grimpa des escaliers aux marches énormes. Parfois, il croisait quelques-uns de ses serviteurs, qui essayaient de s’écarter rapidement... Il repoussait de la main ceux qui étaient trop lents, leur ordonnant de décarrer fissa. Allocen marchait vite, avec ses hautes jambes, et Knaël s’y était habituée, le suivant rapidement. Ils arrivèrent ainsi à un énorme balcon, traversant sa chambre, où d’autres démones étaient allongées dans son lit, se prélassant mutuellement en l’attendant. Knaël regarda ces succubes en sentant le désir perler en elle... Juste un moment.
Ils arrivèrent ensuite sur la terrasse, contemplant devant eux une vallée grisâtre sinistre. L’Enfer n’avait jamais été particulièrement beau, et, ici, le rouge volcanique habituel des plaines infernales laissait place à un gris cendré. D’énormes montagnes semblables à des rochers immenses se dressaient devant le Palais, comme si on approchait d’un terrible désert rocailleux. Le ciel était recouvert en permanence d’une masse de nuages gris.
« Khyri, ta demi-sœur, lève une armée contre moi. »
Knaël n’était pas surprise. Khyri était plus vieille qu’elle, mais elle n’avait jamais accepté sa présence. La Bâtarde angélique faisait tâche au sein de la famille, et ce d’autant plus qu’Allocen avait préféré Knaël à Khyri. La mère de Khyri était une puissante Matriarche succube, qui rêvait de prendre la place d’Allocen. Elle lui était inférieure, et les succubes qui habitaient le palais d’Allocen avaient été formées par cette femme. Une raison supplémentaire de se méfier d’elles, mais Allocen avait toujours raisonner d’abord avec sa queue, et ensuite avec son cerveau. Khyri avait déjà essayé de le renverser à plusieurs reprises, et, à chaque fois, il lui pardonnait. Allocen était trop bon envers ses filles. La puissance d’Allocen reposait énormément sur les nécromanciens, les Draugr, et les morts-vivants. Khyri avait ses propres mages, et elle-même était une puissante nécromancienne.
« Ne me dis pas que tu m’as appelé pour cette histoire, Père...
- Un père doit-il forcément avoir une raison pour demander à voir ses enfants ? »
La Nephalem n’était pas dupe. Elle connaissait suffisamment son père comme ça.
« Dis-moi exactement ce qui te tracasse concernant Khyri. »
Allocen se pinça les lèvres.
« C’est... C’est difficile à expliquer, Knaël, mais je pense que Khyri s’est alliée avec plus fort qu’elle... Avec des individus particulièrement dangereux.
- Comment ça ? demanda Knaël, ignorant si son père était sérieux ou non.
- J’ai envoyé mes hommes attaquer l’un de ses sanctuaires, et ce qu’ils ont trouvé... »
Allocen se tut à nouveau. Une telle hésitation ne lui ressemblait vraiment pas, et la Nephalem fronça les sourcils. Il retourna alors dans sa chambre, et revint sur le balcon, portant entre ses mains énormes un coffret, qui avait l’air ridiculement petit. Il lui demanda de l’ouvrir. Knaël le regarda, hésitant un peu, et l’ouvrit.
À l’intérieur, il y avait une rose :
« C’est la Monarchie des Roses, Knaël. »
Severin avait du refaire une nouvelle armure. Je n’étais pas surprise. Il savait que j’avais toujours été une fonceuse, et, tandis qu’il savourait mon paiement en se reposant sur son lit, je m’observais, le corps nu, devant le miroir. Mon armure était à côté de moi, en pièces détachées. Physiquement, j’avais beaucoup hérité de la prestance de ma mère. J’avais cette mère lueur de détermination dans mes yeux bleus, ce même corps finement sculpté par la guerre et par un entraînement physique intensif. J’avais d’élégants cheveux bruns, des cheveux mi-longs, que j’entretenais pour qu’ils ne dépassent pas une certaine distance. Je n’étais pas coquette, c’était un fait, et je n’en avais pas besoin. Quand on descendait, comme moi, d’une Archange et d’un Prince infernal, on pouvait s’attendre à être relativement belle. Ce critère m’importait : je descendais partiellement des démons, ne l’oubliez pas.
Un trait caractéristique de ma personne était ces deux espèces de bandes noires verticales qui filaient à hauteur de mes yeux. Des peintures tribales, que je refaisais tout le temps, en souvenir de mon séjour chez les Amazones. Elles n’avaient aucun pouvoir magique particulier, mais c’était un cadeau des Amazones, et un cadeau comme ça ne se refusait pas. Peut-être vous raconterais-je aussi cette histoire, si j’en ai le temps.
Lentement, je remettais mon armure. Je n’avais jamais été du genre à être sentimentale envers les objets, mais il fallait bien admettre que cette armure m’allait bien. Les pièces de l’ancienne avaient été bien trop endommagées pour en faire quelque chose, et je les remettais donc lentement, commençant le haut. J’avais l’habitude, à force, et je la remettais presque de manière mécanique, tandis que Severin me dévisageait du regard, louchant sur mes fesses, ce sublime cul qui le faisait rêver, et qui était encore légèrement rougi suite à son passage... Je vous avais dit qu’il avait des gènes démoniaques, après tout. Je terminais par mes gants, et m’observais ensuite dans le miroir.
«
Il ne te manque plus que ton épée, me dit-il.
-
Exact », dis-je avec un léger sourire.
J’allais l’attraper. Elle aussi, il avait du la reconstituer intégralement, usant de tout sons avoir, ainsi que de celui des enchanteurs et des autres forgerons l’accompagnant. Je contemplais le tranchant de la lame, cet acier valyrien extrêmement rare. Je n’avais pas fait que payer physiquement cette commande, j’avais aussi avancé mon propre salaire. Le Centurion d’Argent avait un compte en banque bien garni. Il ne me restait plus que mon casque, que j’observais entre mes mains. Le protocole me revenait en tête. Il avait une forme légèrement arrondie à l’avant, ainsi que des plaques rétractiles, pouvant ainsi intégralement me protéger.
«
On a encore du temps avant que ton carrosse arrive pour t’emmener au Palais... Il n’empêche... L’Empereur en personne. On dit que ce vieux saligaud a un harem rempli de princesses venant des quatre coins de l’Empire. Tu me diras ce qu’il en est ? -
Tu es jaloux ? -
Qui ça, moi ? Allons, allons... Curieux, plutôt. »
Je me retournais lentement vers lui. Severin s’était légèrement redressé, nu comme un ver, les draps de son lit recouvrant partiellement son corps.
«
Allez, Knaël, dis-le moi... Tout ce que j’ai, ce sont des rumeurs, et, vu que j’ai passé les cinq dernières semaines à rafistoler intégralement ton équipement, je mérite bien de le savoir, non ? Comment tu l’as vaincu. Est-ce que tu te rends seulement compte du prodige que... ?! »
Il ne termina pas sa phrase, voyant dans mon regard, que, oui, évidemment, je m’en rendais compte. De toute manière, il ne sera, ni le premier, ni le dernier, à qui je raconterais cette histoire. Prenant mon souffle, je m’élançais donc à nouveau.
LA GESTE DE SILKE
– I –
Ruines et chaos
L’odeur de la mort et de la souffrance. Des villages en cendres. Le feu brûlant haut dans le firmament. L’Amazone pinça ses lèvres en comprenant qu’elle était arrivée trop tard.
« Par la Déesse... »
Silke s’avança le long du sentier, et vit les premières traces du massacre. Un chariot renversé sur la route, les cadavres de toute une famille gisant sur le sol... Ou presque. Silke continua à s’avancer, jusqu’à rejoindre la porte d’entrée du village. Il était protégé par un mur en bois, et la porte avait été défoncée. Un cadavre pendait en hauteur, un homme émasculé aux yeux crevés. Son cadavre pendait mollement, et l’intérieur du village était tout aussi sinistre. Silke s’avança un peu, et vit, dans la grand-place, les restes d’un sinistre bûcher où on avait crucifié des hommes. Le prêtre de l’église et ses clercs. On avait enfoncé des couteaux dans leur chair, formant une profonde croix, avant de les tuer. Toutes les maisons avaient été pillées, fracturées. Il y avait des corps partout, et un incendie avait ravagé une partie du village.
L’Amazone sentait que ce massacre était récent. Avec un peu de chance, il restait peut-être un survivant. Elle descendit de son cheval, et s’avança le long des chemins massacrés. Certains hommes avaient été empalés, des corps gisaient sur le sol. Elle se rapprocha de l’église du village, et vit qu’elle était en feu. Un feu terrible. On avait fermé les portes par l’extérieur, et Silke frémit, n’osant pas s’approcher. Elle imaginait les hurlements des malheureux piégés à l’intérieur de l’église, essayant vainement de se libérer. Silke ferma les yeux, détournant le visage, et se dirigea vers l’auberge. La milice du village s’y était réunie pour essayer vainement de se défendre. Leurs cadavres massacrés gisaient sur le sol, égorgés, mutilés. Des corps pendaient à l’entrée de l’auberge, et d’autres avaient été également empalés.
Elle pénétra à l’intérieur de l’auberge, et vit un ensemble de corps massacrés et mutilés. Il y avait des traînées de sang partout, des membres découpés, et cette affreuse odeur de chair en putréfaction. La belle rousse se pinça les lèvres, et entendit des gémissements. Elle se rapprocha d’une table renversée, et l’écarta. Une vieille femme gisait dans son sang, et leva la tête vers la femme.
« Que t’est-il arrivé, femme ? »
La femme éternua, crachant son sang, et porta son regard vers Silke. Il n’y avait plus rien à faire pour elle, elle avait perdu trop de sang.
« Elles... Elles ne nous ont laissé aucune chance... Les Amazones... Elles ont détruit ce village... Tué tous les hommes, les bébés, les vieillards... Les femmes... Kof ! Kof ! Elles ont eu... Le choix... Si on peut appeler ça... Les suivre, ou mourir. »
Silke hocha lentement la tête. Ce récit confirmait ce qu’elle avait entendu dans les autres villages.
« Elles... Elles sont parties...
- Depuis combien de temps ?
- Quelques heures... »
L’Amazone acquiesça à nouveau. Elle était proche. Elle tendit sa gourde vers la femme, mais la vieille la rejeta.
« Je t’en prie... J’ai si mal, accorde-moi le repos... »
Silke laissa planer quelques secondes, puis acquiesça à sa demande, et sortit son épée.
« Que la Déesse veille sur ton âme dans l’autre monde. »
La femme sortit ensuite de l’auberge, et retourna vers son cheval, puis l’enfourcha. Le temps pressait. Elle devait mettre fin à cette folie. Elle était en train de rattraper Raven, et elle ferait payer à cette traîtresse d’avoir défié les ordres de leur Reine. Tandis qu’elle traversait le village, elle ne fut pas insensible au sinistre tatouage géant qui ornait le mur du manoir du seigneur, qui avait été écartelé devant le manoir, en compagnie de toute sa famille. On avait fait une peinture avec du sang. La peinture dégoulinait, mais le motif pictural était aisément reconnaissable.
Une rose.
Je me sentais bien mieux maintenant. Mon corps avait pleinement cicatrisé, et je me tenais hors de la forge de Severin quand le chariot s’approcha. C’était un carrosse extrêmement élégant, beau et bien habillé, porté par quatre étalons impressionnants. Il était accompagné par des cavaliers de la Garde Impériale, brandissant fièrement leurs étendards, forçant les badauds à s’écarter. On leur avait dit qu’on me trouverait ici, dans l’un des faubourgs de la ville, le long d’une grande place avec une statue impériale au centre. Au-dessus des toits des masures, les tours arrogantes du Palais Impérial se dressaient, et je les avais observés tout en attendant le chariot arriver.
«
Faites place ! » hurlèrent les gardes impériaux en écartant les badauds.
Certains m’avaient reconnu, et le murmuraient entre eux, tandis que la rumeur enflait. Le Centurion d’Argent à la lame valyrienne... Les humains avaient toujours eu besoin d’un héros, d’un symbole, de quelqu’un qui les motiverait à aller de l’avant. L’Empire ne manquait pas de symboles, de courageux guerriers dont le nom était d’ores et déjà inscrit dans le panthéon de la mémoire collective. Moi-même, j’avais loué et apprécié la puissance de Tadeus Severus Palathéus. Un héros de guerre, qui avait durablement marqué l’Empire. Je me disais que mon héritage serait un peu similaire au sien.
Le chariot s’arrêta devant moi, et la porte s’ouvrit. Je grimpais lentement, m’asseyant en face du seul homme qui se tenait à l’intérieur. Le
conseiller impérial Emhyr Var Emreis se tenait face à moi. Il me sourit, et je le saluai, tandis que le chariot repartait.
«
Vous l’avez donc fait... Ah, je ne saurais dire ce qui m’impressionne le plus chez vous : votre talent inestimable, ou votre folie. -
Vous savez ce qu’on dit : l’un ne va pas sans l’autre. »
Emhyr esquissa un léger sourire. Celui qu’on appelait «
La Flamme Blanche » était avachi sur le dossier en cuir du chariot, et me regarda.
«
Vous voulez connaître l’histoire, n’est-ce pas ? lui demandais-je, anticipant sa question.
-
Il nous faut traverser toute la ville pour rejoindre le Palais, et je dois bien admettre que ce récit me fascine... Je n’ai pas encore eu votre version. »
J’hochais lentement la tête. Je regardais brièvement les devantures se succéder par la fenêtre du chariot, replongeant dans les souvenirs. Le sable, le vent m’arrachant la figure, mes muscles en train d’être broyés par une pression incommensurable... Je tournais ma tête vers lui, et, à nouveau, je racontais le récit.
LA GESTE D’IRANAËL
– I –
Aux confins de la Réalité
C’était une planète où il n’y avait pas de vie, pas d’atmosphère. Une planète dans les confins d’une galaxie qui se trouvait elle-même en bordure de l’univers. Un endroit qui n’avait même pas encore été souillé parles Formiens, un endroit qui n’avait jamais connu aucun vaisseau spatial galactique... Et qui était pourtant le seuil d’une guerre redoutable entre une solide section de la Milice angélique et d’indescriptibles monstres tentaculaires qui pullulaient le long de ce caillou vide... Ou presque vide. Ce système solaire disparaîtrait totalement dans quelques mois, car son étoile, très vieille, avait explosé. Le paysage était déchiré par une terrifiante supernovae qui, inexorablement, se rapprochait de cette planète. Il était prévisible que Yog-Sothoth profite de l’explosion de cette étoile pour revenir dans la Réalité, et, outre le spectacle féérique de la supernovae en train d’exploser, les yeux d’Iranaël se portaient aussi sur un énorme tentacule jaunâtre qui semblait découper l’espace, un tentacule transparent, mais qui annonçait la proximité du Grand Ancien, en train de fracturer les limites de la Réalité pour rejoindre cette dimension.
« Empêchez l’Invocation de se poursuivre ! hurla Iranaël. Il ne faut pas que ce monstre s’échappe !
- Ces saloperies sont nombreuses, Iranaël ! »
L’homme qui s’adressait à elle était un Ange de confiance, le redoutable et massif Narïm, dont le corps avait été englué parles tentacules d’un de ces monstres, avant que son aura lumineuse ne le fasse exploser. Pour avancer dans une région où il n’y avait pas d’atmosphère, les anges usaient de leur puissante magie, une aura dorée les recouvrant. C’était une bataille sans nom, une guerre qui faisait rage entre les Anges et des créatures plus effrayantes que les démons encore... Les résidus de la malveillance des Grands Anciens.
Quand une étoile entamait le processus naturel qui conduisait à son explosion, elle libérait dans l’espace ses propres composants chimiques et physiques, des éléments qui retournaient ensuite à la Vie, continuant à perpétuer ce grand cycle de Vie et de Mort qui, selon l’Ange du Jugement, avait toujours défini l’Univers. Malheureusement, ce système solaire se trouvait près de l’endroit où, il y a des centaines de millénaires, Yog-Sothoth avait été banni. Les éléments de cette étoile étaient imprégnés de l’influence du Grand Ancien, et avaient donné naissance à ces monstres tentacules aux visages multiples hérissés de rangées de dents triangulaires. Les résidus de Yog-Sothoth pratiquaient un culte païen, barbare, afin de réveiller ce monstre. Le Conseil des Archanges avait immédiatement envoyé la Milice agir, et Iranaël, l’Ange du Jugement, une Ange qui se battait à l’aide d’une épée magique, Justicia, faisait partie du corps expéditionnaire mené par l’Archange Michel.
Iranaël fondit vers d’énormes montagnes, d’où les créatures attaquaient. Elle envoya un rayon magique, une lumière lumineuse qui explosa contre la surface de la montagne, soufflant une dizaine de monstres, et continua à s’avancer, en formation serrée, accompagnée par plusieurs anges, afin de porter l’estocade vers un cône d’énergie magique malfaisante. Le cône filait dans l’espace, créant une brèche dimensionnelle, qui était responsable de l’apparition en filigrane de ce tentacule cosmique qui flottait dans l’espace. Narïm suivait Iranaël, et la voix était ouverte par le redoutable Ange de la Bravoure, Azriël, qui enchaînait les morts. Les monstres bondissaient sur lui, essayant, comme ils l’avaient fait avec Narïm, de l’envelopper sous leurs tentacules pour le broyer, mais sans aucun succès. Il n’avait qu’à se concentrer par les exploser. De son côté, Iranaël laissait à Justicia et à ses terrifiantes runes magiques le temps de se charger. Une fois Justicia chargée, l’attaque magique qui s’en dégagerait serait suffisante pour détruire ce sceau magique. Les monstres étaient innombrables. Ils s’étaient reproduits à une vitesse terrifiante, rappelant aux Anges à quel point les Grands Anciens pouvaient encore être dangereux, et venant dangereusement corroborer les thèses concernant un rapprochement entre ces anciens tyrans et les Formiens.
« Forcez le passage ! »
Des monstres supplémentaires fauchèrent alors Narïm, qui poussa un hurlement en tombant sur plusieurs centaines de mètres. Son corps heurta une paroi, glissant contre cette dernière, les tentacules et les bouches édentées égratignant son armure. Iranaël n’avait pas le temps de s’en occuper, et laissa le soin à Yzual de soutenir Narïm. L’Ange du Jugement fonçait tout droit vers le cercle, sentant Justicia rugir dans la paume de sa main.
« HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !! » hurla-t-elle rageusement.
Elle brandit son épée, et la balança alors, comme un javelot. Elle se mit à flamboyer, devenant alors aussi lumineuse qu’un rayon de soleil, transperçant les monstres, et s’écrasa au milieu du sceau magique, avant de provoquer une terrifiante et éblouissante explosion.
Une explosion qui fut entièrement suffisante pour repousser les prétentions du Grand Ancien.
La cité impériale bénéficiait d’une organisation urbaine qui était à la hauteur d’un Empire centralisateur et militaire. La ville était un immense cercle bâti dans un désert peuplé de monstres qui se réveillaient la nuit, formant un rempart naturel supplémentaire contre les éventuels envahisseurs. Je savais que la ville était centrée autour du Palais Impérial, et qu’il y avait en réalité deux villes : les faubourgs, et le Palais. Un énorme lac entourait le Palais Impérial, un lac qui, sous le règne de l’Empereur Fou, avait été gorgé de sang et de cadavres mutilés. Le Palais était au centre de la ville, relié à cette dernière par de longs ponts en bois faisant office de corps de gardes reliés entre eux. C’était une construction très impressionnante, et, quant à la ville en elle-même, chacun de ces ponts était desservi par un long boulevard reliant le Palais au mur extérieur.
Vue du ciel, la ville se présentait ainsi comme une sorte de cercle découpé par huit rayons qui filaient vers un second cercle. Le cœur économique de la ville s’organisait le long de ces boulevards, où on y trouvait le cœur d’Ashnard, à savoir le siège des grandes guildes, les centres commerciaux les plus prisés. Le prix du mètre carré y était le plus élevé. J’avais personnellement visité bien des fois ces boulevards, y faisant volontiers ma touriste. Les boulevards étaient plutôt grands, confortables, et, même si on y ressentait une force présence militaire, il était aussi agréable de voir que les boulevards étaient bien entretenus, et qu’il n’y avait aucune présence de graffitis ou de tags contre les murs. On voyait constamment des drapeaux ashnardiens flotter le long des miradors et des tours de guet internes. J’avais toujours reconnu à la discipline son importance dans une société en état de guerre. Paradoxalement, c’était ce qui manquait aux Nexusiens. La discipline était un excellent cache-misères social.
«
C’est un récit... Impressionnant, m’avoua le Conseiller, m’arrachant à ma contemplation des rues pavées.
-
J’ai fait ce que je devais faire, rétorquais-je, modeste.
Mais ce fut effectivement le combat le plus difficile de toute ma vie. -
Un combat qui vous fera certainement entrer dans le panthéon, me confirma-t-il.
Honnêtement, après avoir fait ça, rencontrer l’Empereur, ce devrait être une formalité, non ? »
Silencieusement, je l’observais, sans rien dire pendant quelques secondes, avant de sourire lentement.
«
En toute honnêteté, je pense qu’affronter l’Empereur et le Palais Impérial est, à bien des égards, encore plus effrayant que de défier le légendaire Phalanx. »
Et je ne plaisantais qu’à moitié en le disant.
LA GESTE DE KNAËL
– II –
Rivalité entre sœurs
« Père ! J’ai pris note de ton invitation à la reddition ! Ton messager fut CLAIR sur ce point ! J’espère que ma réponse le sera tout autant ! »
On pouvait tout dire ce qu’on voulait sur Khyri, mais la sœur aînée de Knaël avait toujours eu un talent certain pour le mélodrame. Quand Knaël la vit, avec toute cette armée, un sourire amusé parcourut ses lèvres, le frisson de la guerre s’emparant de son corps, faisant trembler ses poings. Jamais les armées ashnardiennes ou nexusiennes ne pouvaient atteindre aussi rapidement un tel degré de sauvagerie chronique et barbare. On ne pouvait vivre ça qu’en Enfer, et c’était pour ça que Knaël aimait tant les guerres entre les Princes infernaux... Parce que ça avait de la gueule ! Khyri avait toujours eu un talent inné pour la mise en scène.
Elle était en train de le prouver. Dans sa main, elle tenait la tête décapitée de l’émissaire d’Allocen, et balança cette dernière sur le sol de la plaine cendrée, tandis que ses Dracoliches rugissaient dans le ciel orangé, les cadavres des Tours Aériennes d’Allocen flottant dans le vide. Elles avaient courageusement affaibli les légions de Khyri, mais sans parvenir à les repousser éternellement. Elle-même avait avancé ses propres Tours Aériennes, et Knaël devait bien admettre que son armée était impressionnante. Elle avait vu les choses en grand : outre ses légions de Draugr et ses Dracoliches, elle disposait aussi d’énormes trolls infernaux, et, surtout, de redoutables Nécromanciens, des mages sinistres qui la soutenaient, et qui constituaient le cœur de son ost.
Knaël ne pouvait qu’être impressionnée par les forces de sa sœur, par la motivation de cette dernière, et était en même temps agacée, car elle avait la sérieuse impression que tout ceci n’était qu’une machination d’Allocen, pour mettre à nouveau ses sœurs en rivalité, et ainsi les voir s’affronter ensemble, pour qu’elles continuent à progresser. Chez les démons, l’amour était rarement reconnu à sa juste valeur, les démons préférant s’affronter entre eux dans des combats meurtriers et sanglants. C’était leur meilleure manière de se montrer qu’ils s’aimaient, sans doute. La lame magique de Khyri vibrait entre ses mains, et ses hordes chargèrent les troupes d’Allocen, dans un combat terrifiant. Les Dracoliches s’affrontaient dans le ciel, et les Tours Aériennes d’Allocen venaient en renfort. Khyri n’avait aucune chance de gagner, mais, à chacun de ses assauts, elle continuait à se rapprocher inexorablement du Palais d’Allocen, tout en réunissant à chaque fois des troupes démoniaques supplémentaires, soit des alliés en plus.
Les combats pouvaient durer des jours et des jours tant il y avait de démons, et ce d’autant plus que les Nécromanciens des deux camps ressuscitaient à chaque fois ceux qui étaient tués. Le champ de bataille était une immense charcuterie, une mêlée générale, et les Tours Aériennes faisaient des ravages, balançant un déluge de feu depuis leurs multitudes de fenêtres. De véritables rivières d’un feu incandescent et mortel s’abattaient sur des centaines de mètres. C’était un spectacle aussi effrayant que saisissant, mais Knaël n’avait pas le temps de l’admirer. La Néphalem, traditionnellement, se battait avec deux lames recourbées, chacune des lames étant jumelle de l’autre, et pouvant se rejoindre pour former une longue arme complète, très difficile à manier, car elle était une arme à double tranchant... Au sens littéral du terme. Knaël disposait aussi d’autres armes, notamment d’un grappin, qu’elle utilisait pour rejoindre de grandes distances, ainsi que de dagues et d’armes et de jet dissimulées ici et là dans son armure. Elle fondait sur les Draugrs avec une efficacité terrifiante, sa cible étant un Nécromancien. Le mage noir essaya de se défendre, envoyant sur elle des sorts magiques, mais elle les esquivait habilement. La créature se protégeait ensuite en frappant le sol avec son bâton, invoquant des zombies et reconstituant d’autres Draugr, tout en continuant à frapper le sol, créant des zébrures verdâtres autour de lui, que Knaël esquivait. Rapide et mortelle, précise et vive, elle finit par sortir son grappin, et l’envoya. La croix angélique perça le bouclier magique protégeant le Nécromancien, atteignit son bâton, et elle tracta son grappin. Privé de son bâton, un mage n’était plus rien. Knaël s’élança alors, attrapa le bâton au vol, puis, en voyant que le mage commençait à vouloir le récupérer, le lui renvoya.
« Cadeau, crevure ! »
Le bâton fusa comme une lance, et se planta dans la poitrine du mage, le transperçant. Knaël bondit ensuite en hauteur, un saut prodigieux, rendu possible grâce à ses bottes magiques, et elle planta les lames dans le corps du monstre, le clouant sur le sol. Entendant alors du bruit dans son dos, Knaël se retourna, et redressa ses lames. Les deux lames se heurtèrent à l’énorme épée de Khyri.
« Tu es bien têtue, Knaël ! Toujours à lécher les bottes d’Allocen, Sang-Mêlé ?
- Et toi ? Toujours à te prostituer pour satisfaire ton complexe œdipien ?
- Va te faire foutre ! »
L’amour entre frangines. Tellement beau. Khyri tendit sa main, et envoya des éclairs magiques que Knaël para avec ses lames, les croisant devant elle. Elle courut ensuite vers sa cible, et les lames s’entrechoquèrent à nouveau. Knaël la frappa au ventre avec son pied, mais Khyri contre-attaqua en envoyant une onde de choc depuis sa main libre, qui atteignit Knaël à l’estomac. Cette dernière s’écrasa sur le sol, fit une roulade en arrière, et se remit ainsi sur pied, se heurtant à nouveau à la solide lame de Khyri. C’était une puissante épée.
Dans le ciel, plusieurs des Dracoliches de Khyri se mirent à s’effondrer. Depuis des montagnes adjacentes, des milliers d’archers et de balistes balançaient autant de flèches et de traits mortels, ciblant les énormes trolls et ces sinistres dragons. L’armée d’Allocen tenait bon.
« Ton armée est en déroute, Khyri ! »
La démone grogna.
« Avec qui t’es-tu alliée, Khyri ?
- Ah ! C’est pour ça que tu es venue ici... Tu es toujours aussi naïve, ma chère sœur.
- Demi-sœur, rectifia Knaël.
- Ta naïveté te vient de ta mère, chérie. Nous nous reverrons, Knaël, et, cette fois, je ne serais pas aussi gentille. »
Khyri disparut alors, laissant Knaël avec une myriade de questions sans réponse.
À chaque fois que votre caravane croisait des militaires, ces derniers s’arrêtaient, se mettant au garde-à-vous en effectuant le salut militaire. La discipline et le patriotisme... Des valeurs fermement ancrées dans cet Empire guerrier et militaire. Les patrouilles impériales marchaient ensuite le long des trottoirs, et je regardais le paysage défiler... Jusqu’à approcher du harem Warren. Un sourire évasif éclaira mon visage. Lors de mon rétablissement, j’avais passé plus de nuits que nécessaires là-dedans. Tout le monde me voulait. Le légendaire Centurion d’Argent, et bientôt Championne d’Ashnard... Mon nom était associé à plus de récompenses et de distinctions militaires que je ne pouvais le dire, mais c’était bien pour connaître la femme qui avait vaincu Phalanx le Colosse que la vampire Warren m’avait offert la grâce de sa chair.
Des rétablissements comme ça, si je le pouvais, j’en voudrais bien sans arrêt.
LA GESTE DE KATARINA
– I –
Une cargaison inattendue
Le port de Tekhos Metropolis avait sans aucun doute connu des jours meilleurs, plus profitables d’un point de vue économique. Quand la police traquait des trafiquants de drogues, il ne fallait pas non plus s’attendre à faire des affaires. La bataille faisait rage devant le Cruiset Ship, un énorme paquebot transportant officiellement des bananes, des citrons, et du soja venant des îles. Officiellement, en tout cas... Officieusement, il y avait de la drogue, des armes, et des produits de contrebande. La police menait une solide opération, mais les ennemis étaient nombreux, et tenaces. Ils mitraillaient les policières en tenue moulante et en armure cybernétique, et ces dernières répliquaient avec leurs armes. Les morts jonchaient les quais, et des tireurs d’élite postés depuis des grues métalliques avaient déjà abattu plusieurs policières. C’était une intense fusillade, à laquelle Katarina participait discrètement. Elle n’appartenait pas à la police, mais aux services secrets. Cependant, ce n’était pas pour autant qu’on ne pouvait pas se donner un coup de main entre collègues, surtout quand, comme Katarina, on avait déjà eu pas mal de policières dans son lit.
Elle avançait le long des entrepôts, où la bataille se prolongeait également. Le Cruiset appartenait à la ToxBranco Inc., une entreprise spécialisée dans l’import/export, qui détenait également plusieurs entrepôts à Tekhos Metropolis. Elle avait abattu les tireurs d’élite depuis une ruelle, en récupérant un fusil à lunettes très précis. La police avançait, et des renforts arrivaient, face à une défense qui était plus solide que prévue. Des chars urbains se rapprochaient, leurs tourelles lasers massacrant ceux qui étaient en face d’eux. Ils avaient été conçus pour pacifier les ghettos quand ces derniers s’enflammaient. Pour Katarina, outre les mercenaires soutenant le Cruiset, ToxBranco avait certainement fait appel à des gangs de rues, et des renforts arrivaient dans des voitures et des motos, étant accueillis parles chars urbains, offrant aux policières une couverture suffisante.
« Okay, Katarina, crépita une voix dans son oreillette, l’entrepôt est juste devant toi. La cargaison spéciale devrait y être. »
Elle s’avança, mais vit alors plusieurs tueurs sortir. Katarina s’abrita derrière un abri, et fit feu. Cinq minutes de fusillade plus tard, elle termina la partie en tirant sur une grenade qu’un adversaire venait de lancer. La grenade explosa en plein vol, et elle ne tint pas compte des hurlements de douleur de l’homme, qui venait de perdre un bras et deux jambes, et se répandait en sang sur le sol. L’agente en combinaison de cuir préféra s’avancer, et alla à l’intérieur de l’entrepôt. Il y avait deux camions vides, et plusieurs conteneurs. Deux hommes étaient à l’intérieur, mais levèrent les mains en la voyant. Ils déguerpirent rapidement, et elle se rapprocha des conteneurs présents dans l’entrepôt. Elle en remarqua alors un qui la surprit. Dehors, on pouvait toujours entendre les coups de feu. La bataille continuait à faire rage.
Il y avait un conteneur avec une sorte de peinture bizarre dessus. Une rose... Katarina se rapprocha, nerveuse, et tira sur le loquet de l’épais cadenas. Elle entendit des bruits sourds à l’intérieur, et, se mettant dans un coin, ouvrit rapidement cette dernière.
« Merde... » soupira-t-elle.
Il y avait des femmes à l’intérieur. Une trentaine. Avec des enfants et même des bébés qui pleuraient.
« Y a quoi là-dedans ?!
- Des femmes… »
Elles parlaient toutes, mais leur langue était incompréhensible. Katarina entendit alors du bruit dehors, et se dépêcha de sortir... Pour voir devant elle un singulier spectacle. Face aux truands ordinaires, des ninjas cybernétiques venaient de débarquer.
« Merde ! répéta Katarina.
- J’attends toujours votre rapport !
- Hem… Vous pouvez attendre cinq minutes ? Je crois que je risque d’être un peu occupée... »
J’ai été élevée par les anges, vous savez. Ma mère a quitté Allocen en étant enceinte de ce dernier, et, si je n’avais vraiment réussi à comprendre ce qu’il y avait entre eux, elle m’avait avec elle, et on m’a éduqué. Je suppose que j’aurais du être une jeune fille modèle et sage, une bonne petite angelotte qui sourirait poliment face aux compliments qu’on lui faisait, mais, quand on a les gènes d’un Prince démoniaque dans le sang, et qu’on a comme marraine Iranaël... Les Anges sont tellement innocents et purs (c’est ce qu’ils disent, mais je préfère me dire que ce sont juste des idiots) qu’ils ignorent à quel point ils sont beaux, et, pardonnez-moi de l’expression,
bandants. Être avec eux, c’est éprouvant pour ça. Oh, je ne dirais pas que je n’ai rien hérité d’eux. La conscience du Bien et du Mal, le libre-arbitre, et toutes ces conneries, c’est ancré en moi. Je suis pas une mauvaise fille, je suis même une femme d’honneur, très valeureuse, et tout, et tout... Sans mes origines partiellement démoniaques, qui en ont toujours fait flipper plus d’un, j’aurais probablement rejoint la Milice, en compagnie de Yehaël, d’Azriël, et de tous ces types contre lesquels je m’étais entraînée pendant l’enfance. Cependant, les Nephalems ont mauvaise presse dans les Cieux, et, concrètement, je passais mon temps à voyager entre le Royaume des Anges et le reste de ce monde.
Pour quelqu’un comme moi, le Paradis devient vite bien chiant. J’aimais me battre, et j’ai toujours aimé ça. On peut dire que j’ai ça dans le sang. Le frisson de la bataille, l’excitation qu’il y a à trancher des carotides et à sentir le sang exploser sur soi.
Ça, c’est mon héritage démoniaque. Je n’aime pas la mort, mais j’aime me battre... Et j’aime baiser. Vous voyez Allocen ? Il baise comme un ogre affamé la plupart de la journée, et on entend les hurlements de ses succubes. Il s’est tapé toutes ses filles, sauf moi, et je pense que c’est pour ça que ma mère n’a jamais pu vraiment l’aimer. Ma mère m’a encouragé à me battre, mais aussi à réfréner mes pulsions, car, plus je me bats, et plus j’ai tendance à devenir agressive. Elle a canalisé ma rage et ma soif de combat en m’enseignant la stratégie, les tactiques de combat, et en m’expliquant qu’un vrai guerrier était celui qui savait réfléchir, analyser rapidement le jeu de ses adversaires, trouver des failles et en profiter.
Je suis une synthèse entre les Anges et les Démons. Je suis une Néphalem. Et ce chariot me conduisait vers mon destin, se rapprochant du Lac, et du pont menant au Palais Impérial.
LA GESTE DE SERBERIA
– I –
Du mouvement dans les mines
« Ils sont juste derrière nous !
- Fuyez, fuyez !! »
Les mineurs étaient effrayés, ce qu’on pouvait comprendre. On entendait les monstres hurler, et les cadavres commençaient à décorer les mines sombres. Les mineurs fuyaient, traqués par de redoutables créatures souterraines qui filaient le long des murs et du plafond à l’aide de leurs énormes griffes. Des Licker remontaient de la mine, et les ouvriers, comprenant bien qu’il n’était pas dans leur intérêt de continuer à chercher du Solsticium, fuyaient rapidement. Ils rejoignaient les gardes vaporéens, qui avaient pris possession plus en hauteur, afin de pouvoir progressivement avancer... Mais Serberia, « La Vierge de Fer », ne l’entendait pas. Avec son visage angélique, Serberia était aisément reconnaissable. Elle se moquait bien des ordres. Des Ouvriers étaient attaqués, et elle ne comptait pas les laisser mourir en attendant des ordres qui, de toute manière, leur dirait d’avancer.
Elle entendit des hurlements, et un mineur apparut devant elle, un Licker derrière lui. Serberia réagit plutôt vite, et redressa son arme, pointant sa carabine vers le monstre, et tira. Ses munitions en Solsticium noire atteignirent la tête du monstre, qui poussa un couinement. Sa longue lange n’avait pas réussi à atteindre la jambe du mineur effrayé, mais ce dernier, surpris par le détonations, trébucha, et heurta les jambières de Serberia.
« Restez derrière moi ! » intima-t-elle.
Serberia fit feu à nouveau, atteignant un autre Licker. Il en venait toute une tripotée, et elle continua à tirer, les affaiblissant. Malheureusement, les monstres se rapprochaient, et le mineur, horrifié, se mit à ramper. Il s’était fait dessus, et avait probablement vu plusieurs de ses amis mourir. Serberia dégaina son épée en voyant une langue fondre sur elle, et sa lame trancha le bout de la langue du monstre, qui couina. Elle s’avança alors.
« PROTECTIO !! » hurla-t-elle.
Immédiatement, l’Aria déclencha autour d’elle un bouclier, qui lui fut utile, car les griffes d’un Licker l’atteignirent dans le dos, alors qu’elle avait démembré l’un d’entre eux. Serrant les dents, Serberia se retourna, et pointa sa carabine à bout portant, ouvrant le feu sur la boîte crânienne du monstre, l’explosant sauvagement. La Vaporéenne était terriblement efficace au combat, ce qui expliquait pourquoi elle gagnait autant de respect au sein des autres Marcheurs. Elle savait qu’il y avait quelque chose d’anormal dans cette attaque. En soi, il arrivait parfois que des monstres attaquent les mines. Pour déterrer le précieux Solsticium, les Vaporéens devaient creuser de profondes galeries, ce qui, naturellement, amenait parfois à rencontrer quelques autochtones peu coopératifs. Les Marcheurs servaient généralement à ça : pacifier le terrain. Quand on faisait sauter des murs pour dégager des accès, ça réveillait des monstres, mais, là, il n’y avait rien eu de tel. Les Lickers, des monstres que Serberia avait déjà eu l’occasion d’affronter, avaient débarqué de n’importe où à la fois, fondant sur les mineurs. Ils avaient eu le temps de sonner l’alarme. Serberia tentait de rejoindre le dortoir avancé, là où la première alarme avait sonné. La lame de Serberia se gorgeait de sang, et rien ne semblait pouvoir arrêter la jeune Vaporéenne.
Elle repoussa ainsi les Lickers, et se retourna vers le mineur. Une scène de cauchemar avait lieu sous ses yeux. Des langues pendaient ici et là. Il avait vu cette femme affronter des monstres plus épais qu’elle, les repoussant avec le pied, esquivant leurs griffes, alternant entre sa carabine et son épée. Son armure était couverte de sang, et il reconnut en elle « La Vierge de Fer ».
« Où est votre dortoir ? »
L’homme claqua des dents, essayant de retrouver son calme, et finit par remuer sa bouche, prononçant des sons, désignant une zone en contrebas. Serberia le remercia, et lui indiqua d’aller voir les autres. Les renforts ne devraient pas tarder à arriver, et Serberia était normalement censée les attendre... Mais la tentation était trop forte pour la soldate. Elle était impulsive, énergique, et se mit à descendre le chemin en pente. Son cœur remuait lentement dans sa poitrine. Serberia sentait que quelque chose de gros avait eu lieu, et, alors qu’elle approchait du dortoir, elle perçut l’odeur de la mort... L’odeur des corps en putréfaction. Elle approcha de la porte d’entrée du dortoir, et entendit également des murmures.
Il y avait une vingtaine de morts, baignant dans leur sang, certains étant en pièces détachées, leurs intestins pendouillant sur le sol. Plusieurs Lickers étaient en train de les manger, mais, outre ce spectacle qui aurait pu donner envie à la jeune Vaporéenne de vomir, il y avait aussi autre chose. Quelque chose d’impensable. Un homme était là... Un mineur, torse nu, portant un simple pantalon rapiécé en guise de vêtements. Il tournait le dos de la Vaporéenne, mais, quand Serberia se rapprocha, ses mains sur son fusil, les Lickers se redressèrent en grondant.
« Mon... Monsieur ? »
Il avait la tête en bas, et murmurait rapidement, ses épaules se soulevant et s’abaissant lentement. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Pourquoi les Lickers ne l’attaquaient pas ? Ces monstres étaient incontrôlables ! Ils ne pouvaient pas obéir à de simples hommes ! Pourquoi ne l’attaquaient-ils pas ? Serberia remarqua alors des écoulements entre les jambes de l’homme, et vit, sur le sol, des traces de sang... Beaucoup de sang. L’homme jeta alors un rasoir sur le sol, puis se retourna. La Vaporéenne frissonna de dégoût. L’homme s’était ouvert le ventre, il s’était scarifié avec le rasoir, et, sur son torse, Serberia voyait une immense rose.
« Mais que... ?!
- Il vous aime » mumura l’homme avec un sourire épanoui.
Ses yeux s’illuminèrent alors, devenant d’un vert incandescent... Il explosa alors, et la déflagration souffla Serberia, qui heurta violemment le mur.
«
J’ai toujours aimé cette vue, vous savez... Ce lac est magnifique. Vous connaissez la légende, je suppose ? On dit que ce lac était le seul oasis poussant dans ce désert sinistre, avant que nos ancêtres n’aient eu l’idée d’y fonder un château. »
Le chariot s’avançait le long d’un impressionnant pont en bois et en pierre au-dessus du lac. C’était une vue impressionnant, je devais bien le reconnaître. Mais le Palais l’était encore plus. Plus on se rapprochait, et plus j’étais saisie par la hauteur vertigineuse des tours du Palais. Une myriade de bâtiments et de tours, tournant autour du Donjon Impérial, une immense tour qui semblait vouloir dominer le ciel. On l’apercevait à une centaine de kilomètres à la ronde, depuis les montagnes et les rocs qui délimitaient le cœur de l’Empire, enserrant ce désert. Dans le ciel, je pouvais voir des démons en train de voler, patrouillant autour du palais. Parfois, on voyait les dragons impériaux, d’immenses créatures redoutables. Et, ensuite, je regardais à nouveau le Donjon Impérial. L’heure approchait. Ce moment où je serais face au Maître de l’Empire, où je traverserais la salle de réunion du Conseil pour m’enfoncer plus profondément encore, dans le saint des saints : les quartiers personnels de l’Empereur.
L’heure de la confrontation approchait. Même Emhyr, d’habitude si loquace, si prompt à raconter des anecdotes sur le Palais Impérial, était étonnamment silencieux. Tout au plus continuait-il à me complimenter sur ma victoire contre Phalanx, et j’aimais à me dire qu’il était sincère. Cependant... Et bien, vous savez ce que c’est. Commencez à faire confiance aux politiciens, et vous aviez toutes les chances de finir droit dans le mur. Surtout quand il s’appelait Emhyr, quand on connaissait son influence, et qu’il appartenait à l’une des plus vieilles familles d’Ashnard, une famille qui avait fait partie des familles pionnières, celles qui avaient conduit les colons et les pionniers pour fonder Ashnard. Il était un homme puissant, et que ce soit lui qui vienne me chercher était un signe très clair. Emhyr était un homme qu’il valait mieux avoir dans son camp.