Elle a perdu Siegfried de vue.
Ok, pas de panique. Tout va bien se passer. Ce garçon qui l'a invité à danser devient encombrant. Il la bouscule encore une fois, la presse de tous côtés – essaie de stimuler une érection contre les courbes alléchantes de sa cavalière improvisée. Elle décide de le planter-là après une énième tentative de lui soulever sa jupe. Au moins, elle aura cette décence totalement déplacée de s'excuser et flane sur la piste de danse à la recherche de son amant. Elle ne va quand même pas passer une annonce : Perdu JH 100aire. Lourd passif. Accroc au sexe.
Merde, merde, merde.
Elle joue de ses frêles épaules, sépare à regret des couples ultras chauds. Elle n'a pas encore ingurgité une goutte d'alcool que la tête lui tourne : la musique, les projecteurs, les cris. On renverse une bière sur elle, puis deux en riant. Les fautifs sont déjà loin. Ses petites mains essorent sa chevelure avant d'essuyer son visage sali. De mauvais souvenirs lui remontent au cerveau : Tsoukanov, la vodka froide qui coule sur elle, l'arme sur sa tempe. Quelle bande de cons.
Bam. Bousculée, une nouvelle fois : par une étudiante cette fois-ci.
« Déso... » commence Akina, mais la fautive ne lui laisse pas le temps de culpabiliser, lui attrape les deux joues et la force à un baiser passionné et violent. Putain. Elle est plaquée à un mur, la minette passe une cuisse entre les siennes sans rompre le contact de leurs lippes. Elle va suffoquer. Confuse, elle répond à la pelle féminine, et chacune barbouille l'autre de rouge à lèvre. C'est sensuel et torride. Un étudiant se sera rapproché, caressant la crinière brune de la japonaise tentatrice que Scarlett finit par repousser.
« Non ! ».
La métisse a un rire nerveux, mais elle est au bord des larmes. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'elle assiste à une soirée chez Yamata. Toutefois, elle est habituellement accompagnée de Kenneth qui ne la lâchait jamais d'une semelle. Là, elle est tout simplement livrée à elle-même : la peur l'envahit. On lui propose un verre de bière, déjà entamé d'ailleurs sans que cela ne semble gêné. Elle prend le gobelet, souriante : « De la bière japonaise?
-Non, américaine ma beauté ! Comment tu t'appelles ?
-Akina ! A ta santé ! »
Il a déjà une bière dans l'autre main et trinque avec elle. Elle avale la moitié du contenu d'une traite : c'est encore frais, ca lui fait un bien fou, les idées se remettraient presque en place.
« -Moi c'est Tom !
-Tom ?! Crie-t-elle étonnée bien qu'elle ne devrait pas. Il est blond comme les blés et ses yeux sont aussi pâles qu'un ciel d'hiver. Il a un accent anglais, typiquement britannique. Et de fil en aiguille, elle apprend qu'il étudie la médecine avec Yamata et que ses parents travaillent pour une entreprise à Tokyo. Magnifique, entre expatriés on se comprend ? Sauf qu'elle est japonaise à moitié. Pour ça qu'elle est si jolie ? Sans doute. Pendant qu'ils discutent autour de leur bière, à l'écart de la piste de danse, elle aperçoit la silhouette de Siegfried grimper les grands escaliers escorté de ses trois harpies. Elle fronce les sourcils, capte le clin d'oeil.
Vite, le rattraper. Cependant Tom l'agrippe à la taille et la plaque dos contre une table. Les verres vides et pleins se renversent, il lui écarte les cuisses comme un vrai gentleman et grimpe sur elle. Sonnée, elle le repousse une première fois sans succès. Qu'est-ce qu'il pèse lourd sur son corps. Elle se cambre, cherche un peu d'air en entrouvrant les lèvres et il en profite pour recracher une gorgée de bière dans la bouche d'Akina. Après le choc arrive le goût de l'alcool chaud dans sa gorge, suivi d'un baiser. La belle accroche une main dans la chevelure de l'anglais, et tire vers l'arrière jusqu'à ce qu'il déclare forfait, incommodé par la douleur.
« Lâche-moi Tom ! »
Et il se redresse. Elle peut enfin respirer, régurgite un peu de bière mais rien de grave. D'ailleurs, elle croit sentir quelques gouttes de cyprine lui filer entre les jambes, légèrement excitée. Les escaliers ne sont pas loin.
« - Ton numéro ma belle ! » s'exclame l'européen en la voyant filer à l'étage. Si la musique s'atténue une fois arrivée au premier, elle agresse encor les oreilles de Scarlett. Elle alpague en vain plusieurs personnes, leur décrit Siegfried : Un russe plutôt grand, brun, chemise blanche. On la regarde bizarrement, on rigole : complètement défoncés ou ivres, on essaie de lui répondre approximativement et de lui mettre la main au cul en même temps. Agacée, elle prendra le risque d'ouvrir les portes des chambres une à une. Sans succès. En revanche, elle tombe sur Wadamoto.
« Ah tiens. La petite Walker » raille la japonaise.
-Comment t'as obtenu le poste ?
Autant rentrer dans le tas. La bière commence à lui chauffer les veines et le souvenir d'avoir été devancée par Shiori Wadamoto l'énerve.
-Certainement pas comme toi.
-Comme moi quoi ?
-Tout le monde sait que t'es une pute à professeurs, Akina. Fais pas genre derrière tes airs de bourgeoise première de classe. Kenneth m'a tout dit. Tu te tapes un prof de droit, viens pas me faire la morale.
Une pute à...quoi ?!
Le premier coup est enligné directement dans la figure de Wadamoto. Pour l'honneur, et parce qu'elle en a vachement envie. Peut-être qu'au final l'alcool rend tous les Walker violents, peut-être pas. La petite jap' se met à rire, massant sa pommette heurtée.
« Reuters il était fou amoureux de toi, quelle déception quand je lui ai annoncé que tu préférais te faire enculer par un autre senseï ! »
La métisse hurle et se précipite sur Shiori. Les deux se heurtent brutalement, s'agrippent les cheveux. Déjà dans le couloir, on s'amasse : deux filles se battent ! Dans la mêlée, Wadamoto parvient à récupérer une seringue usagée à terre et menace la carotide de son adversaire. L'américaine bloque le poignet armé, serre les dents, l'effort est douloureux mais elle tient bon. Au seuil de la porte, on les encourage, les galvanise et prend des paris sur l'une ou l'autre. Retenant la seringue d'une main, Shiori au-dessus d'elle, Akina tâte de l'autre le parquet alentour espérant y trouver....une bouteille de bière japonaise ! Qui est expédiée sur le crâne de Wadamoto. Sombrant dans l'inconscience, cette dernière s'effondre ;
Walker finira par quitter la chambre en titubant sous les acclamations de quelques-uns. Encore une fois, on lui tend un gobelet. Elle ne regard pas qui a proposé, goûte et grimace : de la tequila. Dans les escaliers, elle croise Kenneth. Ce dernier, remarquant son état chancelant l'attrape par les épaules : inquiet qu'il est.
« Akina ?! Ca va ?!
-Je vais.....vomir.... »
Deux secondes plus tard ils sont aux toilettes et l'irlandais lui tient les cheveux alors qu'elle rejette le contenu de son estomac. Elle lui réclame son verre de Tequila, s'envoie une bonne rasade, éreintée et à moitié appuyée sur la cuvette des WC.
« - J'ai vu cet enfoiré, t'es venue avec ? Putain, il t'a lâché ?
-Je sais pas, merde ! Pourquoi t'as tout raconté à Wadamoto ! »
Pris au dépourvu, il pâlit soudainement et commence à balbutier.
« -Non, attends je vais t'expliquer....j'avais trop bu et...
-J'aime cet homme, tu comprends ça ?! Il ne m'aurait jamais trahi lui ! S'écrie-t-elle en le fixant avec fureur. Mauvaise idée, ce regard colérique, ce caractère bouillant : Kenneth sent l'érection venir, le besoin imminent de la retourner et...il secoue la tête.
-En attendant, il t'a laissé dans la merde ici.
-Je m'en fous. Laisse-moi ! »
Allons, allons : s'en fout-elle vraiment ? Nooon pas du tout. Toutefois, plutôt crevée que de laisser l'impression d'avoir été touchée par le remarque. Simple question de fierté. Elle veut partir, il la retient par le bras afin de la coincer contre le mur carrelé et de l'embrasser. Lui, il n'a carburé qu'à la bière, c'est ce que lui transmet le goût de ses lèvres sur les siennes. Son coeur bat fort. Non, vite. Il glisse sa main virile sur l'un de ses seins.
« Aki, merde...juste...une fois... » la presse-t-il, collé à elle.
On cogne vivement à la porte. Scarlett sursaute.
« Y'en a qui veulent chier putain !! »
A regret, il se détache. Elle en profite pour lui administrer une dernière œillade : toujours aussi furieuse contre lui. Et l'abandonne. Elle a envie de pleurer. Une fois le gobelet de Tequila vidé, elle va en réclamer un autre au bar. Cul sec. Encore.
« Et bah, t'as une sacrée descente ! » commente Yamata qui passe par là, les yeux injectés de sang. Il s'est drogué, elle le sait et elle le voit ; « Lyosha est plus avec toi ? »
« NON ! »
« Ca va, ca va...t'énerve pas ma belle. Allez, bois encore un peu. Ryu, rajoute-lui. Double-dose, elle en a besoin. »
Sous les bons conseils du futur docteur Yamata, elle noie sa gorge d'alcool divers. Au troisième verre, elle le jette – encore plein, à la tête du barman improvisé pour la soirée et s'en va. Elle n'a plus les idées très claires, mais après un bref test se remémore encore son nom et ce qu'elle veut ou non. Non. Ca va, elle est toujours en état de prononcer ce mot. S'excusant auprès du maître des lieux, elle va s'effondrer sur un des canapés à disposition, le temps de se reprendre complètement. Elle n'aurait pas dû boire, accepter tous ces verres : en espérant qu'on ne l'ait pas drogué. A sa droite, sur le même divan une étudiante pratique une fellation à un occidental de type italien, peut-être espagnol. Ce dernier croise le regard d'Akina, un petit sourire en coin et lui fait signe qu'il est au Paradis. Elle s'empresse de détourner son attention vers autre chose.
Anton, où es-tu ?
« C'est toi la petite copine du russe ?
-Hein ? »
Elle cligne des yeux, lève son minois vers l'homme qui s'adresse à elle. Oula, en mauvais état le type.
« -C'est toi ou pas ?
-Viens, on te conduit à lui, il te cherche. »
Enfin ! L'occasion est trop belle. Elle espère seulement qu'il va bien. Elle suit l'inconnu et son camarade. A mi-chemin, ils échangent quelques mots à voix basse puis l'un quitte l'autre. Elle talonne toujours le premier, ils serpentent à travers la foule, de plus en plus nombreuse. La musique lui arrache les tympans. Cette soirée n'est plus qu'une masse informe : un mélange de corps d'hommes et de femmes. Rapidement, elle trouve un peu de tranquillité dans une arrière-salle de la maison, un salon plus petit. Une table est à terre, et des cartes de poker jonchent le sol. Le type referme la porte sèchement.
« -Où est Lyosha ? Demande-t-elle, en fronçant les sourcils.
-T'inquiète pas poulette, il va vite ramener son cul. Enfin....il a intérêt...
-Sinon, c'est le tien qu'on démonte, intervint une seconde voix.
Ils sont plusieurs dans la salle, la plupart encore marqués d'ecchymoses. Il y a du sang par terre. Ni d'un, ni de deux, elle tente une fuite.
-Attrapez-la.
Le second acolyte parvient enfin à identifier le slave. Il a mis K.O ce bâtard de Honda, le lutteur attitré du département de technologie. Un petit rouquin vient de lui cracher aux pieds. Ils sont encore à l'extérieur, au bar non loin de la piscine. Il cri pour se faire entendre :
« - Eh, Staline. » raille-t-il. « On a ta gonzesse. Alors viens, régler tes comptes comme un homme. »
Kenneth, toujours dans les parages aura tout entendu et démarre au quart de tour.
« -Quoi ?!
-C'est pas à toi que je parle, mais à ton pote le russe. Il a envoyé Anju à l'hôpital, putain. S'il veut pas qu'on envoie sa meuf dans la chambre d'hosto juste à côté, il a intérêt à revenir sagement. On t'attend à la salle de poker. Pour une autre petite partie. Entre amis, tu vois. En tout cas, que tu sois là ou pas. On va parier la chatte de ta nana. »
Elle est tenue fermement, les bras croisés dans son dos par un étudiant, tandis que deux autres remettent en place la table et le contenu du jeu d'argent. Elle a bien tenté de réclamer des explications, ce genre de choses. Mais rien y a fait. Puis, vient le moment d revenir maladroitement sur sa déclaration. Elle ? Avoir un russe pour petit ami ? Ja-mais. Elle a mal entendu, oui c'est cela. Pour seule réponse, on la fait s'asseoir sur un fauteuil. Qu'elle la ferme un peu. En retour, Akina aura eu la merveilleuse idée de cracher à la figure du meneur. Une gifle, deux gifles la décoiffent sèchement.
« -T'es pas mon genre de femme, ma puce. Mais à défaut de ma bite, je peux t'enfoncer tout un tas de trucs dans le cul, alors recommence pas. Surtout recommence pas. »
Dans sa confusion, elle croit en avoir reconnu deux. Ils font tous partie de l'équipe de base-ball de Seikusu et ils étudient la chimie. Le premier est tatoué comme une bête. Il appartient sans aucun doute à un clan Yakuza. Elle finit par lever les yeux au ciel.