Nom, Prénom : Camille Temple, épouse Thornbrush. Mais elle n'utilise pas ce dernier.
Âge : 24 ans.
Sexe : Féminin.
Race : Sorcière.
Orientation sexuelle : Hétérosexuelle.
Situation de départ : Expérimentée.
Un coup frappé à ma porte m’alerte. Est-ce que je suis prête ? Pas tout à fait. Quand je me vois dans le miroir, je reste un instant frappé de stupeur. Je ne me reconnais pas. Je suis bien là, avec ma taille qui avoisine le mètre soixante-cinq. Je retrouve mes formes ; les rondeurs correctes de ma poitrine, mon buste droit, légèrement cambré, mes hanches un peu épanouies, ma taille à peu près fine, le léger gonflement de mon ventre… Pourtant, je n’arrive pas à me reconnaître.
Qui est cette femme qui porte une robe de mariée aussi belle ? Cette dernière épouse mes formes comme une seconde peau. Le bustier laisse deviner la naissance de ma poitrine, le corset la rehausse et affine ma taille, et la dentelle couvre l’impudique vallée entre mes seins. Le tissu devient opaque pour recouvrir mes épaules fines, il couvre mes bras agiles, jusqu’aux poignets. Je porte des gants de satin blanc également, dessinant de longs doigts fins. On ne voit pas mes ongles, mais ils sont parfaitement manucurés de la veille.
Et puis, la robe s’évase en descendant. Elle repose sur des jupons, des voilures. On dirait une princesse. La cage métallique, fixé à ma taille, donne du volume à mes jupes. On ne voit pas mes pieds, le tissu frôlant le sol. Mais je porte des petits escarpins argentés.
Je souffle un coup, et je passe une main gantée sur mon visage. Je souligne l’arrête de mon nez, légèrement bosselée. Je passe un doigt sur mes pommettes, au risque d’étaler le fond de teint sur mes gants immaculés. Je touche distraitement mes lèvres gonflées, rougies par les pigments. Et je vois mes yeux… Deux orbes de bronze au sein d’un océan de neige. Quelques vaisseaux sanguins se voient, éclatés, signe de ma nuit blanche.
Les cernes sont masqués par le maquillage, et mes cils sont allongés et recourbés, noirs comme la nuit. A l’instar de mes cheveux. Ils sont noirs, hein. Pas allongés et recourbés. Ils me tombent sur les épaules, et arrive à hauteur de mes omoplates dans le dos. Ils sont raides. Si raides. Je les préfère bouclés, mais ma future belle-mère a ordonné qu’ils soient lissés. Doucement, je passe un doigt dans ma crinière, pour tenter de nouer une boucle autour. Mais ça échoue.
Je soupire alors, et je prends le diadème, auquel est accroché un voile. Je le pose délicatement sur ma tête. J’ai peur de le casser, il me semble d’une valeur inestimable, avec tous ces diamants… Le voile retombe alors, et masque mon visage. On ne voit plus l’expression tendue que j’arbore, on ne voit plus que mes lèvres, dont la couleur accroche le regard, et on devine mes yeux. Mon souffle projette le voile un peu plus loin, mais je ne suis pas à l’aise. Je suis bien loin de la fille en cuir qui traverse Terra pour chercher des joyaux et des métaux précieux…
Sans que je n’aie répondu, la porte s’ouvre. Elle livre le passage à Gloria, ma belle-mère. Je ne suis pas prête. Je ne veux pas y aller. Je ne sais pas ce que je veux…
«
Il est l’heure. »
Je sais. Mais mon esprit s’agite. Il est en effervescence.
Habituellement, je suis plutôt calme. Je sais maîtriser mes émotions. Pourtant, là, je n’y arrive pas. Ma peur de l’engagement remonte à la surface. Je sais que j’aime profondément Desmond, mais une partie de moi ne veut pas être enchaînée à lui pour le restant de mes jours. Mes angoisses me font trembler un instant. J’ai toujours eu tendance à être optimiste, pourtant, là, j’imagine le pire. Et si, en réalité, c’était un être cruel qui ne voulait qu’une pondeuse pour sa lignée ? Si, contrairement à ce qu’il m’a assurée, je ne pourrais plus exercer ma passion, mon métier… Mes pouvoirs ?
J’inspire longuement. J’essaie de chasser mes doutes. Desmond n’est pas un être hypocrite. Il n’est pas malfaisant, ni machiavélique. Je le sais, n’est-ce pas ? Pourtant, mon esprit refuse d’être rationnel. Je ne veux pas être privée de ma liberté. Je suis quelqu’un de profondément indépendant. Tomber amoureuse, je ne m’y attendais pas. Je prenais toujours garde à maintenir mon cœur fermé. Mais Desmond a franchi toutes les barrières. Est-ce normal, d’ailleurs ? Il a apprivoisé la lionne que j’étais. A ses côtés, je ne suis plus qu’un chaton ronronnant, bien loin de la féline qui n’hésite devant rien pour arriver à ses fins. Je suis égoïste, normalement. Un peu manipulatrice, et heureuse de l’être. Mais Desmond… Il m’a changée.
«
J’arrive. »
Je me détourne du miroir, tremblante, et je passe devant ma belle-mère. Mon beau-père, Charles, me tend son bras. Après un instant d’hésitation, je le prends. Quand il faut y aller…
Arrivée dans la nef, quand la musique commence, je me raidis. Charles me pousse à avancer. Au fond, il y a Desmond, éblouissant dans son costume noir. Mon regard accroche le sien, et je me calme tout à coup. Je m’avance, plus sereine, comme si mes doutes s’étaient envolés. Je l’aime, c’est tout…
Devant l’autel, le prêtre me tend un verre. «
Buvez… » me dit-il, l’air rassurant. Alors je bois. Et il entame la cérémonie.
* * *
Je ne me souviens pas de l’union avec exactitude. Ça me paraît flou. Je sais que j’ai dit oui, qu’on a été à une réception, qu’on est allé dans notre chambre… Notre mariage a été consommé. Et… Et aujourd’hui, trois jours après, je n’arrive toujours pas à m’y faire.
* * *
Les mois sont passés. Je ressemblais à une femme au foyer. Fabriquer des bijoux ne m’intéressait plus. Trouver des pierres rares non plus. Pire. Ma magie ne fonctionnait plus. Je suis une sorcière pourtant. Je créé des bijoux ensorcelés. Ils apportent bonheur, séduction, prospérité ou bien malédiction. Je fais des commandes sur demande aussi. Mais là…
Au fils des jours, c’est la même routine qui s’installe. Le matin, Desmond m’apporte un petit déjeuner au lit. Je bois un thé dont la recette est dans sa famille depuis des générations, je mange….
Minute. Je n’aime pas le thé. Pourquoi est-ce que j’en bois ?
Je tente de trouver la raison, mais à chaque fois, mon esprit dérive. Alors, me vient l’idée que je ne suis peut-être pas libre, comme je le croyais. Mes doutes reviennent en masse, maintenant que j’ai fait ce constat. Et une solution s’impose à moi comme une évidence. Il faut que je m’échappe. Je ne suis pas du genre à fuir, mais là…
Aussitôt dit, aussitôt mis en place. Je réunis quelques affaires. Mes tenues d’avant, principalement. Mes accessoires.
Je profite de l’absence de Desmond pour semer les gardes et quitter la maison. Il est au palais, avec la Reine de Nexus. Il ne reviendra pas avant le début de la soirée. Ça me laisse quelques heures pour fuir Nexus.
* * *
Trois semaines après ma fuite, j’ai retrouvé un esprit clair. J’ai été droguée. Je ne sais pas pourquoi Desmond tenait à m’épouser, ni pourquoi il me gardait ainsi. J’ai pourtant été honnête avec lui. Je suis née dans un petit village à l’écart de Nexus. Mes parents sont tous les deux morts alors que je n’avais que trois ans, et j’ai été élevée par ma grand-mère jusqu’à ce qu’elle décède à mon seizième anniversaire. Depuis, j’ai appris à me débrouiller. J’ai affûté mes dons, comme ma grand-mère me l’a appris. Nous étions tous des sorciers dans ma famille. Depuis trois cents générations, selon grand-mère. Mais ça fait beaucoup, trois cents… Enfin. J’ai appris l’art de la joaillerie, et mêlé à mes dons, j’en ai fait mon métier.
Il n'y a pas de grands secrets dans ma famille. Il n'y a pas d'héritages cachés. Il n'y a pas de gains quelconques...
Pourquoi, alors, Desmond me voulait ainsi, captive ?
Je l’ignore, mais je compte bien creuser ça. Et je vais commencer maintenant. J’éviterais Nexus autant que possible, cependant. Je ne suis pas prête à le revoir tout de suite…
Ainsi débute l’épopée de Camille Temple, épouse Thornbrush.