La peur donne des ailes. Le vieux proverbe était toujours d’actualité, et Jessica aurait été mal avisée de dire qu’elle n’avait pas peur. Elle en oubliait même de voler, courant sur le sol, son cœur hurlant dans sa poitrine. Cependant, la peur n’était pas encore devenue cet élan de panique qu’on voit dans tous les slashers et les films d’horreur, ce moment où la jeune adolescente pousse des hurlements hystériques en agitant frénétiquement les bras et en courant à tue-tête, ce moment où le spectateur averti sait qu’elle sera fauchée comme un épi de blé d’ici quelques secondes par la tueur invisible et impassible, afin d’épargner au téléspectateur des hurlements ridicules supplémentaires. Jessica se dépêchait, cherchant un plan, une stratégie, une manière de piéger Lithium, et le plan s’imposa à elle par le biais d’une chute malencontreuse.
Elle heurta une fissure dans le sol, et heurta le sol, déchirant son costume à hauteur du genou, et se releva rapidement. Elle reporta son attention sur la fissure, et s’en rapprocha. Le bois était friable par ici, rongé par les mites et par le temps En fuyant, elle était arrivée dans l’ancienne partie de l’hôtel, où les fondements étaient encore en bois. Elle posa ses mains sur la fissure, et l’écarta un peu, pour constater qu’il y avait un creux dans le sol, une crevasse, avec d’énormes poutres en bois. Or, le bois, au contact de l’air, s’affaiblissait. Il fallait l’immerger dans l’eau pour qu’il ne s’oxyde pas avec le temps. En réalité, tout le sol était pourri, et c’est ce qui amena Jessica à envisager un plan.
Quelques minutes plus tard, elle put entendre les bruits de pas de Lithium. La créature cybernétique la poursuivait, et se plaça devant une porte. La porte menait à une ancienne réserve, où Jessica se tenait. Un espace clos et étroit, sans possibilité de fuite, autrement que par le mur du fond. Le monstre hésita un peu, et balança un terrifiant jet d’acide corrosif qui pulvérisa la porte, ainsi qu’une partie du mur, permettant d’apercevoir une autre pièce plongée dans la pénombre. Quelques gouttes d’acide éclaboussèrent aussi le sol, formant de nouvelles crevasses... Et le plancher se mit à craquer. De Spider-Woman, nulle trace, si ce n’est des gouttes de sang sur le sol.
En levant la tête, on pouvait alors l’apercevoir, collée contre le toit, sur une poutre, et tenant dans le creux de sa main le regroupement de toiles d’araignée.
« Va chier, pétasse ! »
Jessica tira alors sur le fil d’araignée qu’elle avait dans la main. Ce dernier était relié à une multitude de fils que Spider-Woman avait tiré depuis la crevasse, visant les poutres instables, rongées par le temps. Elle tira un coup sec, ce qui fit trembler toute la structure, et rompit les poutres. On entendit des craquements terribles venant du sol, toute la pièce se mit à trembler...
Ensuite, le ciel leur tomba sur la tête.
Dehors, Dufy roulait rapidement, se rapprochant de l’hôpital abandonné. En chemin, elle approchait de l’hôtel abandonné, et, alors qu’elle comptait le traverser sans difficulté, elle vit toute une partie de l’hôtel s’écrouler progressivement. Surprise, Dufy pila sur place. C’était une aile de l’hôtel, et elle était en train de tomber, le plafond s’écroulant, de même que les murs.
*Merde de merde, songea Dufy en s’extirpant de sa voiture, qu’est-ce que c’est que ce bordel ?*
Elle rejoignit la cour d’accueil de l’hôtel, et contourna ce dernier. De la poussière montait de la partie effondrée de l’hôtel, et elle se mit à tousser, tout en allumant sa lampe-torche, s’avançant lentement, son pistolet devant elle.
« Po... Police ! Est-ce qu’il y a quelqu’un ?! »
Personne ne lui répondit, évidemment, et elle remua son pistolet, afin de chasser la poussière qui était en train de s’accumuler. La femme rejoignit ensuite les décombres, et ne tarda pas à voir un bras qui en sortait.
« ’Chier ! »
C’était un bras recouvert d’un gant doré déchiqueté. Elle rangea son arme, et écarta les débris, balançant des morceaux de rochers et des poutres de bois, jusqu’à finir par voir le corps d’une jeune femme, en sang, portant une espèce de costume de carnival déchiquetée.
*Sûrement une junkie...*
La femme était inconsciente, et Dufy la tira par les épaules, et prit son pouls.
Vivante.
L’hôpital abandonné allait devoir attendre. Elle ne voyait aucune trace parmi les débris, et se dit qu’il devait probablement s’agir d’une squatteuse, ou une fugueuse. Elle savait qu’il ne fallait pas déplacer les blessés, mais, si elle appelait les urgences, ces derniers mettraient trop de temps à venir.
« Putain, j’avais bien besoin de ça... Bon, calme-toi, Dufy, et réfléchis, okay ? Merde, merde, merde ! »
Dufy choisit de la conduire en personne au plus proche hôpital, puis elle irait ensuite poursuivre son enquête. Il valait mieux se dépêcher de foutre le camp d’ici, avant que des gangs, attirés par le bruit, ne débarquent. Dufy traîna donc la femme, en passant son bras par-dessus son épaule, et rejoignit sa voiture. La femme avait le visage en sueur, des traces de sang un peu partout, et, si Dufy avait pris le temps d’étudier un peu plus la répartition de ses blessures, elle aurait compris qu’elles ne venaient pas toutes de l’éboulement de l’hôtel.
Et qu’elle risquait d’avoir de gros ennuis en agissant ainsi.