Dans ce décor digne d’une aventure d’Alexia Novae, Dufy était en train de plonger dans de sombres conspirations gouvernementales, remontant avant l’époque où la Fourmilière était apparue comme une menace prioritaire, autrement polus importante que des Formiens. Le complexe Géhenne était une réalité… Un endroit abominable ayant servi à de sordides expériences, sous un hôpital public dressé dans un ghetto de mâles. Quelles horribles expériences ces scientifiques fous avaient conduit ici ? Lithium semblait être l’un de ces projets. L’armée était sûrement derrière ça, mais Dufy était convaincue que d’autres personnes se cachaient derrière ce sordide spectacle. Jusqu’où est-ce que ça remontait ? Dufy était en pleine conspiration, en plein scénario d’horreur, avec pour seule et improbable alliée une impitoyable machine à tuer qui avait commis plusieurs homicides, et qui avait plusieurs fois manqué tuer Dufy. Pour la lieutenante, habituée à des meurtres conjugaux ou à des cambriolages d’entrepôt, elle venait d’entrer dans un tout autre monde, un tout autre calibre… Cette histoire semblait tellement ahurissante qu’elle défiait la réalité, donnant à Dufy une impression irréelle, comme si ce qu’elle vivait n’était pas vraiment vrai, que ce n’était qu’une vision de son esprit torturé. Déglutissant lentement, elle regarda autour d’elle, et vit alors Lithium enfoncer ses pattes dans les ordinateurs.
Surprise, Dufy constata alors que Lithium avait
effectivement un important pouvoir vis-à-vis de l’informatique, et qu’elle avait réussi à désactiver les pare-feux, tentant de contourner les antiques sécurités qui restaient encore sur les machines. Des réponses allaient-elles peut-être arriver ? La réponse s’avéra négative, et, en retour, Dufy vit une sorte de gaz rouge s’échapper du masque à gaz de cette femme. Prudemment, n’ayant pas envie de se faire empoisonner, elle recula. Son pistolet était toujours avec elle, mais elle ne voyait pas comment venir à bout de cette femme. Si elle se foirait, Lithium la tuerait, et Dufy aurait tout gagné. Au lieu de ça, Lithium continua ses recherches, mais se retrouva face à un échec critique, la machine refusant de l’écouter. En retour, Lithium défonça alors violemment les écrans, provoquant de multiples explosions et des écrans bleus sur les moniteurs restés intacts, mais dont les tours avaient été pulvérisées, par le biais de son redoutable virus.
*
La vache !*
Prudemment, Dufy s’était à nouveau reculée. Devant ce déchaînement de rage électronique, elle préférait rester à l’écart, et sursauta quand Lithium exprima physiquement sa rage, pulvérisant un écran, avant de la regarder.
«
Hey, du calme ! finit par dire la policière.
C’est pas en pétant tout qu’on trouvera des réponses ! Il faut continuer à explorer ce complexe, okay ? Ils n’ont pas pu tout enterrer… »
Il y avait sûrement des traces, autrement que sur des serveurs partiellement effacés. Dufy en aurait mis sa main au feu, et elle se retourna, puis sortit de la salle, pour s’aventurer dans un autre couloir. Son pistolet restait toujours près de sa main, et, plus le temps s’écoulait, plus elle se sentait proche de la crise cardiaque. Elle n’avait encore jamais eu besoin d’antalgiques ou d’une thérapie, ayant à chaque fois pu éviter ça avec des cigarettes nexusiennes, mais quelque chose lui disait que, à la fin de cette enquête, elle irait voir le plus vite possible un docteur pour se faire soigner.
Malheureusement, l’accès aux niveaux inférieurs était verrouillée par de solides herses et portes blindées. Malgré l’âge, ces portes restaient solides et bien présentes. Tout le complexe était verrouillé, et Dufy enrageait de ne pas pouvoir aller plus loin. Après quelques minutes à tourner en rond et à réfléchir, elle finit par se rapprocher d’une porte scellée dans un coin, et inspecta le décor.
«
Hum… Ce sont de vieux modèles de verrouillage… Si je me souviens bien des cours de la police scientifique… »
Parfois, en cas d’expulsion, on tombait sur des protes blindées verrouillées. Comme toujours, les modèles civils étaient très en retard sur les modèles militaires, et ces portes blindées avaient, à l’époque, une sécurité manuelle. En effet, elles avaient parfois tendance à ne plus répondre aux commandes automatiques, ce qui faisait qu’on construisait, à côté de ces portes, un boîtier manuel permettant de les ouvrir. Le boîtier était encastré dans le mur, et Dufy le trouva, en retirant un peu de poussière. Il était fermé, mais rouillé. Dufy sortit son arme, et tira dessus, faisant sauter la serrure, tout en se vrillant les tympans.
Les oreilles sifflant après cette détonation, la femme ouvrit le petit boîtier, et vit le levier, qu’elle abaissa. Il y eut un antique grincement, et la herse se releva, libérant l’accès à une porte. Dufy la défonça d’un coup de pied, et pénétra dans un antique escalier de service. La Bête n’avait pas encore livré tous ses secrets. Comme dans tout bon film d’horreur qui se respecte, ces derniers devaient très certainement se trouver tout en bas… Dans le dernier des cercles.
*
* *
Pendant ce temps, en hauteur, des individus venaient de pénétrer dans l’hôpital. Ils étaient nombreux, plus d’une douzaine, et amenaient avec eux de puissants générateurs. Ils faisaient partie de la bande que Lithium avait massacré… La Secte.
«
Ils sont tous morts ! C’est une vraie tuerie ! -
C’est la Bête… La monstruosité envoyée par ces femmes pour nous détruire… »
Ils s’avancèrent lentement. Il était crucial de se débarrasser de ce monstre. Chaque mort qu’il faisait était comme une atteinte à l’autorité de la Secte, amenant chaque gang à comprendre que, derrière ses discours, la Secte ne protégeait pas efficacement les Caligulas des monstres que les Tekhanes envoyaient pour les massacrer. Cet hôpital ne pouvait être que le repaire de la Bête. Quel meilleur endroit, que l’antichambre de l’Enfer ? Chaque habitant des Cali’ de l’époque savait ce qui s’était passé dans cet hôpital. La Secte le savait, et n’avait pas spécialement envie d’en savoir plus. Pour eux, il était temps d’en finir avec cet endroit maudit, il était temps de raser cet endroit abominable.
Ils avaient avec eux un van noir abritant des kilos d’explosifs, du Semtex militaire qui avait été récupéré dans l’un des anciens arsenaux militaires des Badlands.
«
Placez les bombes aux endroits porteurs. »
Les hommes obtempérèrent, et se déplacèrent rapidement, le gros de la force d’intervention restant dans le hall d’entrée de l’hôpital abandonné. Deux d’entre eux se rendirent dans l’ancien service de maternité, pénétrant dans une grande salle poussiéreuse et vide. Elle avait jadis abrité, derrière chaque cage en verre, de petits lits réchauffant avec de beaux bébés gazouillant là-dedans. L’un des deux tenait un fusil à pompe, et l’autre posa le sac à dos abritant la bombe.
«
Dépêche-toi de la foutre sur le mur, cet endroit me file la gerbe… Cette salope est peut-être déjà là, à nous surveiller… -
Ouais, ouais, j’me dépêche ! »
Il posa l’explosif, et appuya sur le détonateur, afin de l’arme. Les deux perçurent alors un déplacement d’air, une sombre silhouette venant du couloir, et l’homme avec le fusil à pompe pivota vers le couloir. Son arme comprenait une lampe-torche, et le halo lumineux éclaira un mur nu.
«
Putain, c’était quoi, ça ?! -
Le stress, mec… Tu te mets à imaginer des choses, voilà tout… On aurait dû supprimer cette saloperie d’hôpital il y a bien longtemps… -
J’te jure qu’il y a quelqu’un, putain, j’suis pas dingue… -
Arrête de flipper, merde ! Y a personne ! La Bête les a bouffés ! Soit elle est en train de se toucher le cul en dormant, soit elle est dehors ! Dans tous les cas, son repaire va partir en fumée, et elle nous fera plus chier ensuite ! »
L’homme déglutit à nouveau, de grosses gouttes de sueur coulant le long de son front. L’artificier, de son côté, appuyait sur des boutons, les faisant clignoter. Il s’appliquait minutieusement. Il fallait tout armer, afin de faire tout exploser d’une simple pression. C’était un bâtiment âgé, qui avait souffert. Il n’avait plus besoin que d’une petite pousse pour définitivement s’écrouler. Ce serait comme un signe de contestation contre ces salopes de Tekhanes. Chacun savait ce qui s’était passé ici, chacun savait quelles expériences abominables ces salopes avaient faites ici. Ils tenaient enfin leur revanche !
Les deux entendirent alors un bruit venant du plafond, et l’homme leva son fusil à pompe.
«
Putain, putain, putain, mais grouille-toi ! -
Deux secondes… -
Pitié, non, pitié… »
L’homme appuya sur un dernier bouton, et vit le mot «
ARMÉ » apparaître sur l’écran digital du détonateur. Un sourire satisfait orna ses lèvres, et il se releva, soulagé.
«
Allez, on se tire ! »
Ils se dépêchèrent de marcher, sortant de la nurserie. L’homme avec le fusil à pompe était devant, et son collègue sortait son talkie-walkie, afin de contacter le gros des troupes… Il appuya sur le bouton pour leur parler… Quand une silhouette noire jaillit sous son nez, depuis une porte à droite, et emmena son collègue par une porte à double battant à gauche, dans un hurlement de peur et de douleur.
«
HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH !! »
Une gerbe de sang jaillit alors de la porte à double battant, ainsi que des chocs sourds, des hurlements, des soupirs, des craquements… Et des
grognements. Tout s’était passé en moins d’une seconde, et le pauvre homme n’avait rien eu le temps de le voir. Il n’était qu’un Novice au sein de la Secte, ce qui expliquait qu’il n’avait encore aucun pouvoir magique, et continuait encore à voir, dans sa tête, le cheminement de ce qui s’était passé. Il marchait tranquillement quand une silhouette sombre avait bondi de l’obscurité, et avait emmené son ami.
«
Nooon, haaaa… Lâche… Haaaa ! N-Non, pi… Huuuuuughh !! Haaaaa !! Haaaa-haaaa, non, non… Ooooohhhh… »
L’homme se précipita vers le fusil à pompe resté au sol, et le braqua vers la gauche. Il y avait une cage d’escalier ensanglanté, et il entendit alors un corps rebondir le long des marches, avant d’atterrir sur le sol. C’était lui… Son ami, Dieter… Dieter était recouvert de sang, avait plusieurs doigts en moins, mais était toujours en vie. Il leva lentement la main vers Jankowski.
«
Dieter, putain… »
Il y avait une grosse tâche contre le mur du fond, et, quand il entra dans la cage d’escalier, il braqua immédiatement son arme vers la droite, en-haut des marches Du sang le long des marches, formant de longues traînées rouges… Mais personne. La Bête… Est-ce qu’elle était partie ? Jankowski déglutit silencieusement, puis se pencha vers son ami. Ce dernier essayait de dire quelque chose, mais vomissait son sang. C’est là que Jankowski comprit que la femme lui avait arraché la langue, qui était près du mur. Il vomissait abondamment du sang, mais son regard, curieusement, ne regardait pas Jankowski… Mais
derrière.
Quand l’homme le comprit, il se retourna subitement, et vit une silhouette noirâtre avec des yeux rouges, et un visage hideux, avec des dents ensanglantées.
«
HAAAAAAAAAAAAAAAAA !! » s’époumona-t-iul.
Il appuya sur la détente.
Le coup partit.