Elle était comme le barrage qui était en train de rompre sous la tempête. Elaine le sentait, le percevait. Elle n’aurait pas su comment l’expliquer concrètement, mais ça se voyait. Qu’avait-il donc bien pu se passer dans cette Fourmilière ? Elaine ne voulait pas se faire trop entreprenante, trop collante. Elle était naturellement tournée vers les autres, car c’était ainsi que sa mère l’avait éduqué. C’était le fardeau commun des Anges, ce qui les singularisait : le détachement. Du moins, c’était la vision de sa mère, Isabelle. Tous les anges ne la partageaient pas forcément. Pour le coup, cette qualité sembla faire ses preuves. Rinako se retourna à nouveau, et, sans qu’Elaine n’ait quoi que ce soit à rajouter, elle se jeta dans ses bras pour pleurer. Red Armor ne dit rien, se contentant de conserver le silence en prenant Rinako dans ses bras, serrant fort son petit corps contre le sien. Ce n’était pas vraiment le genre de choses devant une intéressée, mais sa mère était très sceptique à l’égard de Caelestis, tant pour leurs motivations, que pour la manière dont les Celkhanes œuvraient. Lutter contre l’esclavage en formant d’anciens esclaves, et en envoyant des enfants se battre, c’était, pour Isabelle, très paradoxal. Il suffisait de voir Rinako fondre en larmes comme une madeleine pour comprendre cet état de choses.
Rinako pleurait à chaudes larmes, déversant une tension qui avait du s’accumuler tout au long de cette mission. Le corps presque nu de la Celkhane se serrait contre le sien, et Elaine lui caressait tendrement le dos, remuant ses mains sur son corps désormais propre et bien réparé.
« Ma mère... me manque tellement... » réussit-elle à souffler.
Elaine battit des sourcils. Était-ce là l’origine de sa souffrance ? C’était une question à laquelle Elaine, en l’état, ne pouvait pas répondre. Elle aurait volontiers aimé le faire, en savoir plus sur la Celkhane, mais ce n’était, ni l’heure, ni le moment. Alors, elle se taisait, laissant Rinako se calmer, sans lui demander de se taire, de se contrôler. Elle la laissait écouler ses larmes, car Elaine était du genre à penser que la souffrance devait s’exprimer pour sortir, qu’il ne fallait pas la conserver en soi. Autrement, elle vous rongeait progressivement. Silencieuse, Elaine laissait Rinako se reposer entre ses seins, sa confortable petite poitrine. Elle a cessé de pleurer, respirant lentement, se reprenant peu à peu. Ce sera leur petit secret. Nika était toujours comateuse, et il n’y avait aucune raison qu’Elaine se mette à lui parler.
Rinako vint alors la remercier, faisant légèrement sourire Elaine, qui lui caressait tendrement les cheveux, agissant presque comme une mère le ferait. Elle ne cherchait pas à se substituer à la mère de Rinako, bien sûr, mais, parfois, un câlin, ça ne pouvait faire que du bien. La tête de la Celkhane se mit à remuer, et Elaine sentit ses lèvres se poser brièvement sur sa joue.
« J'avais besoin de me défouler... Ça va mieux maintenant. »
Elaine sourit lentement, et continua à lui caresser le dos, la maintenant contre elle. Elle glissait sa paume le long de son dos, et promenait ensuite uniquement le bout de ses doigts, la grattant tendrement. Rinako devait se sentir bien contre elle. On disait que les anges avaient une peau particulièrement douce, bien plus qu’un humain normal. Et Elaine était une ange relativement calme, ce qui, selon les dires de sa mère, en faisait une très bonne magicienne blanche. Ses sorts curatifs étaient même encore plus efficaces que ceux de sa mère, car elle avait en elle une espèce de paix intérieure.
« Alors, je suis satisfaite, Rinako. »
En soi, la Celkhane n’avait pas à la remercier, car Elaine était une Ange. C’était son rôle, mais, en même temps, ça faisait toujours plaisir. Elle continuait lentement à la caresser. Elaine crevait d’envie d’en savoir plus sur ce qui était arrivée avec sa mère, mais ce serait inconvenant de poser cette question. Elle était d’ailleurs loin de se douter que les troubles de Rinako étaient bien plus profonds que ça.
« Ta mère serait fière de toi, Rinako, lâcha alors Elaine à voix basse. Tu es revenue d’entre les morts, dans les profondeurs d’un des endroits les plus dangereux du monde. Ton esprit a subi une attaque cérébrale qui aurait pu le détruire à jamais. »
La conclusion en était logique, et Elaine l’embrassa tendrement sur le front.
« Tu es une femme forte, Rinako. Ne crois jamais ceux qui prétendront le contraire. »
Red Armor pensait sincèrement ce qu’elle disait, et ne relâcha pas son emprise sur le corps de la Celkhane. Tant qu’elle ne lui demanderait pas, elle resterait là, à la câliner avec toute l’affection dont une Ange était capable.