« Ah, au fait... J’ai récupéré un petit quelque chose aux cuisines... »
Nika tourna la tête, et vit Rozalia sortit un petit sachet comprenant quelques madeleines. Nika eut un léger sourire. Elle n’était pas sûre que ce soit la ration réglementaire au sein de l’armée, mais elle n’allait pas faire la fine bouche. Elle attrapa une madeleine et commença à la manger.
« Puisque tu me prends par les sentiments... »
Nika attrapa la madeleine et la mordilla. Ce fut à cet instant que Rinako débarqua devant elles, et son regard sérieux, sourcils froncés, donna à Nika l’envie de pouffer, tant il contrastait avec son tendre petit corps. Rozalia haussa les sourcils, et Rinako les invectiva alors, parlant d’un ton rapide, nerveux, excité. Rozalia se contenta de la regarder, tandis que Nika tenait dans la main sa seconde madeleine, jusqu’à ce que, visiblement, la Celkhane en pétard ait terminé son petit discours. A l’entendre, elle était presque forcée de voyager avec les deux femmes, faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Rozalia savait très bien quelle était la cause de sa colère. Elle était frustrée... Frustrée et gênée. Parce qu’elle avait cédé aux avances de Nika, et parce qu’elle les avait repoussés en même temps. Sans doute avait-elle l’impression d’avoir rompu son serment de fière petite soldate celkhane, et elle était dans un tel état que Rozalia décida de ne pas lui parler de Rayka pour le moment.
« Et méfiez-vous ! La prochaine qui me cherche : je lui fous le feu au cul et je me barre. »
Les deux Héroïnes se regardèrent, et Nika avala une partie de sa madeleine. Rozalia lui tendit alors le sachet.
« Tu veux une madeleine ? »
Ce fut Nika qui intervint, avec son tact légendaire :
« Tu peux te casser, trésor, on n’a pas besoin de toi. »
Rozalia soupira, et décida d’agir rapidement, sachant que Rinako était plus fragile qu’elle ne voulait le laisser croire.
« J’ignore pourquoi tu nous en veux, Rinako, mais, si tu n’as pas confiance en nous, on ne peut pas voyager ensemble. Nous allons effectivement entrer dans la Fourmilière, et tenter d’offrir à l’Overmind la possibilité de reprendre le contrôle de la Fourmilière, afin de stopper ce conflit, et éviter que cette bombe n’explose. Comme tu t’en doutes, ce voyage ne sera pas une partie de plaisir, et, si tu te méfies de nous, tu seras plus pour nous une menace qu’autre chose... Et inversement. »
Le ton de Rozalia était à la fois calme, pédagogue, et ferme. Nika soupira et se redressa, puis s’éloigna. Elle avait d’autres choses à faire que rester avec cette peste arrogante, et Rozalia apprécia le geste. Le tempérament explosif de Nika pouvait poser problème. Réfléchissant rapidement, Redemption ajouta :
« Rayka ne fait pas partie de notre mission. A vrai dire, nos ordres de missions sont de nous replier, mais Nika est infectée... Et j’ai le sentiment que l’Overmind cherche à se servir d’elle pour reprendre le contrôle de la Fourmilière. Et... Je sais ce qui s’est passé entre toi et Nika cette nuit, Rinako. Elle ne me l’a pas dit, mais je ne dirigerais pas les Héroïnes si je ne savais pas lire ce genre de choses. Je comprends donc que tu sois en colère... Nika l’est sans doute encore plus que toi, mais elle a un certain talent pour masquer ses sentiments... »
Rozalia eut un soupir, et se redressa.
« Nous allons nous séparer du groupe par une crevasse en hauteur que j’ai repéré ce matin en allant m’entraîner. Nous le ferons d’ici une heure. Ceci te laisse le temps de voir si tu veux venir avec nous ou pas. Et, dans l’absolu, j’aimerais que tu ailles à l’infirmerie. Demande à parler à Jill, c’est... C’est une Celkhane, et... Disons qu’elle pourra te donner de plus amples informations sur Rayka. Si tu veux poursuivre cette dernière, il vaut mieux que tu saches tous les versants de l’histoire, mais... Bah, après tout, tu fais comme tu veux. Tu veux qu’on te traite comme une grande personne, et c’est ce que je vais faire. »
Terminant son discours, Redemption donna quelques explications :
« Tu es un bon élément, Rinako, une bonne soldate... Même si ce n’est pas réciproque, je te respecte... Mais sache que je n’accepterais pas de voyager avec toi si je dois avoir des doutes sur ta fiabilité à notre égard. »
Et ce fut sur ces mots que Rozalia se retourna, et laissa Rinako là, sur la butte. Elle était désolée pour elle, mais elle ne pouvait pas non plus porter sur ses épaules toute la misère du monde. Rinako voulait qu’on la considère comme une grande personne, c’était son droit, mais elle allait comprendre que, pour être une grande personne, il fallait savoir encaisser en silence, et accepter sa frustration. Rozalia ne lui mentait pas quand elle disait que Nika regrettait cette nuit-là. Mais Nika n’était pas du genre à se confier, ou à ouvrir son cœur aux autres. C’était comme ça ; il fallait la connaître pour savoir que, derrière son allure désinvolte et insouciante, il y avait une femme qui prenait très au sérieux beaucoup de choses.