La situation devenait franchement grotesque. Mélinda sentait ses doigts craquer, de nervosité. Si jamais Alexis ne parvenait pas à se ressaisir ? Bien qu’elle se refuse à envisager une telle hypothèse, une petite part de son esprit essayait de l’encourager à intervenir, si jamais... Que ferait-elle, si jamais Alexis mourait ? Elle risquait de se retrouver sans aucune arme contre des démons hargneux. Ce n’était pas une hypothèse à envisager ! Seule, Mélinda pouvait venir à bout de l’arachas, même si ce serait difficile. Elle était rapide, et pouvait compter sur ses vitesses pour éviter les tentacules que l’arachas crachait, ainsi que ses pattes.
Elle n’en eut néanmoins pas l’occasion, car Alexis se transforma en plein vol, prenant la forme d’une énorme créature, une espèce de démoniaque Lycan, qui arracha d’un coup sec les tentacules de l’arachas, faisant cracher son sang depuis sa gueule. L’arachas couina de douleur, et, médusée devant une telle rage, Mélinda vit Alexis planter sa main dans la gueule du monstre, envoyant à l’intérieur quelque chose qui fit couiner l’arachas. La peau solide de l’arachas ne l’était pas à l’intérieur, où il y avait un enchevêtrement d’organes, de veines, et autres boyaux qui flambèrent. Mélinda vit tout l’ensemble couler de la bouche de l’arachas, qui se tortilla, en proie à d’inexplicables souffrances. Alexis avait retiré sa main, et l’arachas titubait sur place. Alexis se chargea de l’achever avec sa queue, qui se fracassa sur la solide carapace de l’arachas, la faisant exploser. Des morceaux d’os volèrent dans tous les sens, et Alexis continua à se défouler. L’arachas ne ressemblait plus à grand-chose, et, au bout d’un moment, le démon sembla se calmer, comme si sa rage était disparue. La créature se retourna alors vers Mélinda. Alexis ne semblait pas croire ce qu’il avait fait, et Mélinda descendit alors, sautant par terre, à côté de lui.
« Tu l’as fait, lâcha-t-elle. Donc, tu pourras le refaire. Et tu le referas quand ton père te soumettra à cette épreuve. »
Le ton de Mélinda était péremptoire, ne souffrant d’aucune contestation. Elle s’approcha du cadavre mutilé de l’arachas, et haussa les épaules.
« Nous allons nous arrêter là. Je t’aurais bien ramené dans les cellules, mais les cachots sont trop éloignés du portail en cas d’attaque. Et, même si la sécurité du manoir est pour le coup renforcée, on ne peut pas exclure une seconde attaque, n’est-ce pas ? Ton frère m’a l’air aussi arrogant que brutal, et les démons arrogants veulent soigner au plus vite leur fierté blessée. »
Mélinda ne pensait pas que Jax serait assez stupide pour attaquer une seconde fois aussi rapidement, mais, parfois, les démons pouvaient se révéler surprenants. La sécurité du manoir était effectivement renforcée. Il y avait des patrouilles dans la forêt, mais aussi dans le manoir. Des gardes qui patrouillaient dans les couloirs, tandis que les domestiques faisaient le ménage, et parlaient entre elles. Aucune n’avait sommeil, et toutes les lumières étaient allumées. Pour bien des lycéennes, il n’y avait pas un endroit plus sûr que le manoir de Mélinda. Il suffisait de le voir de l’extérieur pour avoir l’impression d’entrer dans un manoir hanté ! Qui irait attaquer un tel endroit ? Et, pourtant, l’endroit avait été attaqué, donnant lieu à une espèce de scène de guerre.
Le personnel était paniqué, et les commentaires allaient bon train. Mélinda avait tenu à s’occuper rapidement d’Alexis, mais elle avait aussi d’autres priorités. Elle comptait notamment faire un speech devant tout le personnel, et se rendait vers l’un des grands halls du manoir, une salle de réception. Depuis les hauts-parleurs et les enceintes du manoir, on invita le personnel à se réunir rapidement dans un hall de réception.
Mélinda en profita pour se changer, enfilant une autre robe un peu plus belle, avec quelques bijoux, et se rendit ensuite à la salle. Dans la mesure où une nouvelle attaque était à craindre, mieux valait avertir le personnel du manoir de ce qui s’était passé. Cette salle de réception était assez grande et spacieuse, avec des colonnes dans les coins, et une estrade dans le fond avec un pupitre. Mélinda avait presque l’impression de faire un speech. Le public, essentiellement féminin, chuchotait et papotait, et Mélinda se mit à parler :
« Silence ! lâcha Mélinda d’un ton fort, en faisant sursauter quelques-unes. Navrée de vous réunir en plein milieu de la nuit, mais eu égard aux circonstances, je me suis dit qu’il était temps de vous expliquer ce qui s’est passé. Nous avons été attaqués par un démon, et il y a fort à parier qu’il va à nouveau attaquer... »
Il y eut quelques cris de surprise, et Mélinda eut un soupir, fermant les yeux, avant de frapper sur le pupitre.
« Silence ! réitéra-t-elle. Vous n’avez rien à craindre. La sécurité du manoir a été renforcée, mais, quand une autre attaque reviendra, il faudra que vous vous retiriez au portail. Ce démon est puissant et dangereux, mais je le suis encore plus que lui ! Néanmoins, je ne tiens pas à ce que vous souffriez, et je... »
Les filles poussèrent alors de nombreuses questions, ne pouvant plus se retenir :
« Pourquoi nous attaque-t-on ?
- Qui est ce démon ?
- Vous êtes sure de pouvoir l’empêcher d’attaquer à nouveau ? »
Soupirant, Mélinda ferma les yeux, et comprit qu’elle allait devoir satisfaire leur curiosité.
« J’ai obtenu récemment un nouvel esclave... Lui, fit-elle en désignant d’un mouvement de la tête un homme à côté d’elle. Il s’appelle Alexis, et c’est un démon. Ce que je ne savais pas, c’est, qu’en le prenant, je prendrais aussi avec lui ses ennemis, qui le pourchassent pour le tuer.
- Il n’y a qu’à l’abandonner ! Je suis trop belle pour mourir à cause d’un démon !
- Silence ! Et il est trop tard pour ça, de toute façon. Le démon qui nous a attaqué a perdu plusieurs de ses hommes, et a été blessé. Partant de là, qu’on lui restitue ou pas Alexis, sa fierté l’obligera à nous attaquer. Et ma propre fierté m’interdit de laisser ma peur me guider. Le démon n’y verrait qu’un signe de faiblesse, et en profiterait pour continuer à me harceler. Mais, comme je vous l’ai dit, vous n’avez pas besoin de vous inquiéter. Des démons, j’en ai affronté dans le passé. Et j’ai pris toutes les mesures qui s’imposent. Des mages venant de Terra, et qui m’ont été recommandés par ma mécène, viennent d’installer tout un dispositif de sécurité magique autour du manoir, qui évitera de nouvelles téléportations. Sur ce, je vous invite à retourner vous coucher. Vous êtes dispensées de corvées pour demain, le temps de vous remettre de vos émotions. »
Mélinda coupa ensuite le pupitre, et les discussions remontèrent. Les esclaves n’étaient pas tellement rassurées, et Mélinda regarda Alexis.
« Toi, tu me suis. »
Elle s’éloigna de la salle, traversant un couloir, en s’expliquant :
« Je vais te conduire dans une chambre du manoir. Sache que tu ne peux plus te téléporter. Comme tu as du l’entendre, j’ai veillé à empêcher que de tels tours de passe-passe ne soient possibles. Tu ne pourras donc pas t’enfuir, et ce n’est de toute façon pas dans ton intérêt. »
Devant la chambre, Mélinda avait posté un garde. Il y avait dans la chambre d’autres dispositifs de sécurité, comme une caméra. La chambre était de plus assez proche du centre de commandement. Si jamais des assassins devaient débarquer, ils seraient donc dans une fâcheuse situation. Pour l’heure, les deux avançaient dans le manoir, se dirigeant vers cet endroit.