Petit thème (: - Mais me voilà, à devoir vivre à nouveau une vie dont je n'attends déjà plus rien.Cette phrase, il l'avait prononcé en même temps qu'elle. Son regard, errant, fixait quelque chose de parfaitement invisible, et de foutrement imaginaire. Comme il la comprenait ... Ni elle, ni lui n'avaient choisis cette situation qu'ils avaient, là, ce corps qu'ils portaient, cette conscience lourde comme du plomb, et ce passé aussi entêtant qu'une mélodie que l'on connaît par cœur. Cette folie, qui l'avait guettée, il ne la connaissait que trop bien. Paradoxalement, ce sont sans doute les immortels qui pensent le plus à la mort, songea t'il sans pour autant le dire à voix haute. Non, il s'y refusait. Parler de la mort avec une femme au regard si mélancolique, encore peu remise de ses émotions ... Ce serait malvenu. Il ne le ferait donc pas.
Le vampire croisa un moment le regard bleu de cette immortelle. Dans un élan de tendresse, sa main vint même se poser sur son épaule, dans une sorte de caresse réconfortante. Ce n'était pas le geste encourageant qu'il adressait à ses patients en voie de guérison, non, mais plutôt celui que l'on offre à ses amis pour leur montrer qu'on est là, qu'on les comprend. Un geste qu'il offrait à peu de personnes, en vérité. Virgile avait de l'empathie pour Miya, il devait bien l'avouer. Il s'apprêtait à lui parler, ouvrant la bouche un instant, quand il la sentit.
Cette pulsion. Son cœur aurait pu aisément se propulser hors de son buste. Il retira prestement sa main, sentant quelque chose poindre en lui, quelque chose qu'il ne pouvait que reconnaitre avec désolation ... Son instinct. Celui du vampire.
Cette soif.Dans un geste calme, suivi d'une lente inspiration, Virgile se releva, quittant le lit. Il fallait qu'il sorte, qu'il s'excuse, qu'il ...
Putain.
- Je suis navré. Je vais devoir ... Il inspira violemment, à nouveau, avant de quitter la pièce sans dire un mot de plus. Sur le chemin, il croisa Yume qui préparait quelques gâteaux. La domestique comprit très vite, dés qu'elle croisa son regard. Les pupilles du vampire étaient dilatées à l'extrême, au point de faire de son regard deux billes noires brillantes. La jeune femme referma la porte de la chambre qu'il n'avait pas eu le temps de fermer, s'excusant auprès de Miya dans un murmure.
- Vous n'avez pas bu de la soirée, lui dit-elle en le conduisant vers une autre pièce de l'appartement.
Virgile s'installa sur un des fauteuils qui meublaient cet endroit. C'était une sorte de petit salon, avec trois fauteuils de cuir et une table basse, ainsi qu'une petite bibliothèque regorgeant de liqueurs de toutes sortes et d'ouvrages scientifiques, sur une première moitié. L'autre était occupée par tout un attirail de chimie, et un réfrigérateur noir, assez imposant. Yume ouvrit la porte dudit réfrigérateur, pour en sortir une fiole. Remplie d'un sang chimique, que Virgile avait manipulé, juste pour les saveurs. Elle tendit à son maitre la fiole, qui l'attrapa avec justesse. Il mit moins d'une minute à la boire, avant de réfugier son visage dans ses mains, vouté comme peut l'être un être attristé.
- Si ce n'est pas triste ... Du sang sur lequel j'ai tant travaillé, ingurgité en si peu de temps, souffla t'il en posant la fiole vide sur la table basse.
Yume vint à son niveau, sa main posée sur son épaule.
- Que s'est-il passé ?
-
Je me suis retenu de boire pendant trop longtemps, répondit-il d'un trait.
- Vous ... Oh, non, rien.
Virgile se tourna vers elle, l'invitant à continuer à parler.
- Parle.- Vous devez accepter votre condition. Vous vous faites du mal, en vous ignorant, et en vous punissant ainsi. Ce n'est pas de votre faute.
Un long silence tomba, jusqu'à ce que le vampire réalise une chose. La porte était ouverte. Si Miya avait eu l'envie de sortir, pour voir ce qu'il se passait, elle avait pu
tout entendre. Tout cette conversation. Et elle aurait même pu le voir boire ... L'idée le fit frémir d'horreur.