This Silence... [PV]

Qui elle était.

Miya s'était attendue à beaucoup de choses, mais surement pas à une telle question. Elle resta interdite, fixant Virgile qui vint s'asseoir sur le bord du lit qu'elle avait occupé quelques instants plus tôt. C'était une question inédite, du moins, dans le sens où le vampire attendait une réponse sur sa nature, il n'attendait surement pas son nom - qu'il connaissait déjà. Personne, des rares gens à avoir été au courant de sa nature pas tout à fait humaine, ne s'était posé la question. Ne lui avait demandé quoi que ce soit.

Alors oui, Miya resta plantée un instant, se sentant vraiment bête. Alors, elle s'approcha, et vint s'asseoir sur le lit, les jambes pliées en amazones. Ils étaient vraiment proches, en cet instant. L'odeur du thé devenait entêtante, donnait au moment une saveur sucrée. Elle hésita quelques instants avant de prendre la parole, cherchant des yeux des motifs imaginaires dans les plis des draps. Qu'est-ce que la chanteuse pouvait dire ?

- C'est... Compliqué...

Ce n'était pas rien de le dire... Ses longs doigts commencèrent à suivre des lignes imaginaires. Le mieux était... de tout raconter, peut-être ? Au moins, en version courte...

- Je viens d'un autre monde que celui ci... Chez moi, le monde était un champ de bataille... Des divinités géantes, les Golms et les Dragons, se livraient une bataille dont nous, simples humains, souffrions. Nous vivions sous des dômes, dans l'espoir que ces lieux seraient épargnés... Au début du conflit, les Dieux Majeurs ont demandé à tous les autres dieux, même les plus insignifiants, de choisir leur camp... Le Dieu gitan, cet imbécile, a été arrogant au point de croire qu'il pouvait ne pas choisir. Harumiya fut maudit, et scindé en deux... D'un côté, Haru était l'incarnation de sa virilité, et un mage extrêmement doué ; Miya... était l'incarnation de son immortalité.

C'était rageant, non ? N'être qu'un vulgaire réceptacle et en subir les conséquences... Son regard cessa de fixer le drap pour venir se planter dans les yeux sombres de Virgile.

- Quand mon monde fut détruit, j'ai erré, jusqu'à atterrir ici, sur Terre. J'ai cru que j'allais devenir folle, à cette époque. Mais me voilà, à devoir vivre à nouveau une vie dont je n'attends déjà plus rien.

C'était faux. Elle avait Erwan pour elle, plus ou moins... Mais le français était mortel... Elle finirait bien par devoir se séparer de lui, de gré ou de force... Pourtant, Miya n'y arrivait pas : elle avait un tel besoin d'amour et d'attention qu'elle était prête à attendre ce jour fatidique où elle souffrirait mille tourments... Elle voulait juste.. Vivre la folie du moment...

Petit thème (:



- Mais me voilà, à devoir vivre à nouveau une vie dont je n'attends déjà plus rien.

Cette phrase, il l'avait prononcé en même temps qu'elle. Son regard, errant, fixait quelque chose de parfaitement invisible, et de foutrement imaginaire. Comme il la comprenait ... Ni elle, ni lui n'avaient choisis cette situation qu'ils avaient, là, ce corps qu'ils portaient, cette conscience lourde comme du plomb, et ce passé aussi entêtant qu'une mélodie que l'on connaît par cœur. Cette folie, qui l'avait guettée, il ne la connaissait que trop bien. Paradoxalement, ce sont sans doute les immortels qui pensent le plus à la mort, songea t'il sans pour autant le dire à voix haute. Non, il s'y refusait. Parler de la mort avec une femme au regard si mélancolique, encore peu remise de ses émotions ... Ce serait malvenu. Il ne le ferait donc pas.

Le vampire croisa un moment le regard bleu de cette immortelle. Dans un élan de tendresse, sa main vint même se poser sur son épaule, dans une sorte de caresse réconfortante. Ce n'était pas le geste encourageant qu'il adressait à ses patients en voie de guérison, non, mais plutôt celui que l'on offre à ses amis pour leur montrer qu'on est là, qu'on les comprend. Un geste qu'il offrait à peu de personnes, en vérité. Virgile avait de l'empathie pour Miya, il devait bien l'avouer. Il s'apprêtait à lui parler, ouvrant la bouche un instant, quand il la sentit. Cette pulsion. Son cœur aurait pu aisément se propulser hors de son buste. Il retira prestement sa main, sentant quelque chose poindre en lui, quelque chose qu'il ne pouvait que reconnaitre avec désolation ... Son instinct. Celui du vampire. Cette soif.

Dans un geste calme, suivi d'une lente inspiration, Virgile se releva, quittant le lit. Il fallait qu'il sorte, qu'il s'excuse, qu'il ... Putain.

- Je suis navré. Je vais devoir ...

Il inspira violemment, à nouveau, avant de quitter la pièce sans dire un mot de plus. Sur le chemin, il croisa Yume qui préparait quelques gâteaux. La domestique comprit très vite, dés qu'elle croisa son regard. Les pupilles du vampire étaient dilatées à l'extrême, au point de faire de son regard deux billes noires brillantes. La jeune femme referma la porte de la chambre qu'il n'avait pas eu le temps de fermer, s'excusant auprès de Miya dans un murmure.

- Vous n'avez pas bu de la soirée, lui dit-elle en le conduisant vers une autre pièce de l'appartement.

Virgile s'installa sur un des fauteuils qui meublaient cet endroit. C'était une sorte de petit salon, avec trois fauteuils de cuir et une table basse, ainsi qu'une petite bibliothèque regorgeant de liqueurs de toutes sortes et d'ouvrages scientifiques, sur une première moitié. L'autre était occupée par tout un attirail de chimie, et un réfrigérateur noir, assez imposant. Yume ouvrit la porte dudit réfrigérateur, pour en sortir une fiole. Remplie d'un sang chimique, que Virgile avait manipulé, juste pour les saveurs. Elle tendit à son maitre la fiole, qui l'attrapa avec justesse. Il mit moins d'une minute à la boire, avant de réfugier son visage dans ses mains, vouté comme peut l'être un être attristé.

- Si ce n'est pas triste ... Du sang sur lequel j'ai tant travaillé, ingurgité en si peu de temps, souffla t'il en posant la fiole vide sur la table basse.

Yume vint à son niveau, sa main posée sur son épaule.

- Que s'est-il passé ?

- Je me suis retenu de boire pendant trop longtemps, répondit-il d'un trait.

- Vous ... Oh, non, rien.

Virgile se tourna vers elle, l'invitant à continuer à parler.

- Parle.

- Vous devez accepter votre condition. Vous vous faites du mal, en vous ignorant, et en vous punissant ainsi. Ce n'est pas de votre faute.

Un long silence tomba, jusqu'à ce que le vampire réalise une chose. La porte était ouverte. Si Miya avait eu l'envie de sortir, pour voir ce qu'il se passait, elle avait pu tout entendre. Tout cette conversation. Et elle aurait même pu le voir boire ... L'idée le fit frémir d'horreur.

Le geste de Vrigile, sur l'épaule de Miya, fut surprenant. La réaction suivant le fut tout autant. Il avait voulu parler, mais avait fui, brusquement. Miya s'était à moitié relevée du lit, prête à le suivre. Que se passait-il, soudainement ? Elle l'aurait bien suivi, mais ça n'aurait pas été poli - même si Miya n'était pas forcément la personne la plus respectueuse du protocole. Mais alors quoi ? La soirée avait certes mal commencé, mais il se passait quelque chose entre eux deux. Il y avait des confidences qui n'avaient pas du être partagées jusqu'à présent. Ils étaient deux immortels, qui partageaient leur expérience commune, pourtant si différente. Alors pourquoi cette fuite ? C'était elle qui faisait ça normalement... Alors Miya se leva, et malgré le fait que Yume était venue fermer la porte, elle la rouvrit et chercha du regard vers où s'étaient déplacés les deux habitants de la demeure.

La demi déesse marcha sur la pointe de ses pieds nus jusqu'au petit salon, s'adossa au mur pour ne pas imposer sa présence. Car après tout, Virgile avait peut-être eu besoin... d'intimité ? ce n'est que lorsqu'elle l'entendit prononcer le mot sang qu'elle comprit, bêtement. Elle pensait qu'il s'était occupé de se nourrir pendant qu'elle luttait contre la mort... Mais il fallait croire qu'il s'était contenté de la veiller, à distance... Miya surprit leur petite conversation à tous les deux, et à ce moment là seulement, elle se permit d'apparaitre, en partie, dans l'encadrement de la porte. Le vampire, vouté, lui tournait le dos, mais Yume dut la voir, forcément. Qu'elle avait été stupide de croire que lui n'avait pas de contraintes par rapport à son immortalité.

- Elle a raison, vous savez...

Miya n'entra pas dans le salon. Ce n'était pas à elle de lui faire la morale... Mais pourtant, ce qu'elle allait dire, elle le pensait vraiment. Et elle aussi devant entendre ces mots qu'on ne lui avait jamais dits.

- Nous n'avons pas choisi cette vie, Virgile. Nous n'avons pas choisi la vie éternelle, elle s'est imposée à nous. Serait-ce exagéré de dire que nous sommes des victimes... ?

Cette fois, elle entra dans le salon, et s'agenouilla près de Virgile. Elle effleura du bout des doigts la fiole qu'il y avait sur la table, avant de regarder le vampire dans les yeux :

- Cela sera suffisant ? Yume n'a pas tort : vous ne devez pas vous priver et vous punir... Je...

Elle hésita un instant, regardant Yume, comme pour lui demander de partir, bien qu'elle ne se permettrait pas de le faire tacitement... Mais elle finit quand même sa phrase, replongeant son regard dans celui de Virgile :

- Je... Suis là, si vous avez encore besoin... Vous savez... De sang... Vous m'avez sauvée, ce soir : dans une moindre mesure, je peux vous rendre la pareille...

Plutôt que l'entendre parler, Virgile s'était attendu à l'entendre partir. Il s'imaginait déjà retourner dans la chambre, constatant à regret la disparition de son invitée, effrayée par ce qu'elle aurait pu voir et entendre. L'idée même l'avait rendu triste, un instant ... Pour une fois qu'il croisait une immortelle, voilà qu'elle réalisait que lui n'était qu'un foutu monstre assoiffé d'hémoglobine. Si le vampire n'était pas du genre à se plaindre de son sort, l'assumant du mieux qu'il le pouvait, il craignait tout de même qu'on puisse avoir peur de lui, qu'on puisse l'imaginer arrogant, décadent et violent. Ainsi, donc, quand Miya se mit à parler, il reste là, pantois. Yume s'était redressée, elle qui était accroupie à côté de son "maître", pour faire face à cette femme, puis s'éloigner un peu. Elle lui adressa même un sourire bienveillant, avant de quitter la pièce en murmurant qu'elle devait veiller sur ses pâtisseries.

Et Virgile resta là, à suivre des yeux les moindres déplacements de son invitée. Il s'était tout de même redressé, lui qui était si vouté quelques secondes plus tôt. Pas question d'apparaître comme un être abattu. Il valait mieux que ça. Le vampire attrapa un mouchoir, dans la poche droite de son pantalon, pour s'essuyer la bouche avec discrétion. Il restait toujours, ici et là, malgré qu'il fasse de grands efforts, des traces de sang. Se salir le visage en mangeant était une sorte de malédiction, pour les vampires, il fallait bien le croire. Il l'écouta patiemment, même quand elle toucha la fiole. C'était étonnant qu'elle effleure ainsi, sans grimacer de dégoût, une fiole encore tachée de sang. Et quand elle lui proposa son sang, le sien ne fit qu'un tour. Le poing du vampire s'abattit sur l'appui du fauteuil.

- Je n'ai nullement besoin de votre sang.

Souffla t'il. Lui qui avait détourné un instant le regard, le tourna à nouveau vers elle. Ses pupilles étaient redevenues normales. Il ressemblait à un humain, là, dans l'instant présent, au Virgile londonien du 19e siècle. Alors, il se pencha vers elle, prenant sa main entre les siennes, non sans cesser de la regarder dans les yeux.

- Je vous l'ai dit, je ne suis pas une créature sanguinaire, un de ces salauds qui utilisent des humaines comme garde-manger. Non, non, vous valez bien mieux que ça.

Virgile ne cessait de se persuader qu'il était un gentleman, même si sa nature l'obligeait à outrepasser certaines règles de bienséance. Il lâcha ses mains un moment, pour venir se caler dans son fauteuil. Sa tête lui tournait un peu, il avait bu trop vite.

- Je vous l'ai dit ... Le monde est cruel. Et la seule chose morale, dans un monde cruel, c’est le hasard. Je n'utilise que le hasard.

Il chercha une cigarette, dans une des poches de son veston, et l'alluma prestement.

- ... N'êtes-vous pas fatiguée ?

Il ne voulait pas de son sang...

Miya ne savait pas trop si elle était déçue ou, au contraire, soulagée... Toujours agenouillée aux pieds du vampire, elle ne le quittait pas du regard. Elle s'installa un peu plus confortablement, posant les fesses au sol et ramenant ses mollets le long de ses cuisses, et une fois ainsi, Virgile lui prit une main. Les siennes étaient chaudes... Une sensation étrange, elle qui avait eu occasion de sentir combien il pouvait parfois être si froid...

Cependant, l'égo de Miya se trouva soudain légèrement flatté, alors que Virgile lui fit un compliment. Elle valait mieux qu'une simple humaine, qu'un simple garde manger. L'air de rien, cela suffit à dissiper les mauvais sentiments qui avaient pus la gêner dans la soirée. Elle eut un léger sourire. Cependant... Cette satisfaction fut de bien courte durée. Déjà, il la congédiait poliment ; Miya n'était pas fatiguée - quoiqu'en y repensant... Alors la demi déesse se leva, lissa les plis de la chemise de nuit.

- Il se fait tard, oui... Vous avez raison. Je ne vais pas abuser davantage de votre hospitalité et rentrer me coucher.

Miya se pencha cependant en avant, les mains sur les accoudoirs du fauteuil où était encore assis Virgile, et le regarda droit dans les yeux.

- Si un jour le... "hasard" vous ennuie... Sachez que je me balade souvent près de la mer, le soir, après le travail...

Elle se demanda si c'était une bonne chose que de l'embrasser - ce n'était vraiment pas son genre, aussi s'abstint-elle. La demi déesse se redressa et se dirigea vers la porte, avant de faire tourner une dernière fois le regard vers le vampire... Puis de sortir. Miya trouva la domestique occupée, et lui demanda où trouver ses vêtements...

- Non que cette chemise de nuit ne m'aille pas, mais... Quel que soit leur état, je préfèrerai récupérer mes vêtements. Si vous le souhaitez, je reviendrai pour vous ramener votre chemise de nuit, sauf si vous ne préférez la laver vous même.

Hop!



- Vous n'auriez pas du la laisser partir.

C'est tout ce que Yume dit à son maitre, alors qu'elle venait de fermer la porte derrière Miya. Elle lui avait offert une robe magnifique, une de celles que portaient la femme de Virgile et qu'il gardait jalousement. La domestique avait même glissée à la jeune femme qu'il ne fallait pas qu'elle hésite à revenir, avec l'excuse à peu prés valable de rendre la robe, le lendemain, si elle le pouvait. Elle précisa même qu'elle ne serait pas là, d'ailleurs, car elle serait en congé pour quelques jours. Un sourire, puis elle avait souhaité une bonne soirée à cette rescapée miraculeuse, avant de refermer soigneusement le loquet. Puis Yume était revenue dans ce salon privé, où Virgile se trouvait encore, sa cigarette à la main. Malgré tout ce qu'elle pouvait dire, la jeune japonaise prenait soin de celui qui l'embauchait, se sentant liée à lui comme une soeur pouvait l'être à son frère. Il n'y avait pas d’ambiguïté, pas de malentendu, la petite brune ayant même un fiancé européen qu'elle rejoindrait un jour ou l'autre.

- Tu n'as pas des pâtisseries à terminer ?

Ton froid, presque blessant. Et Yume ne peut même pas le rabrouer. Il est celui qui l'embauche, et elle sait très bien qu'elle ne pourra pas le raisonner. Surtout à une heure si tardive.

- Je vais faire votre lit, et m'arranger pour que ces "pâtisseries" soient prêtes à votre réveil. N'oubliez pas que je suis ...

- ... En congé pour quatre jours, je le sais. Je peux très bien m'en sortir seul.

Je le fais depuis deux siècles, manqua t'il de dire alors que sa domestique quittait la pièce. Virgile attendit patiemment que sa cigarette s'éteigne, avant de rejoindre sa chambre. Il ne croisa pas Yume. Sans rien dire, il se coucha, et s'endormit rapidement. La fatigue avait même raison des vampires, quoi qu'on puisse en dire.

C'est le réveil fut plutôt houleux. S'il s'était endormi sans trop penser, s'enfonçant dans un nuit sans rêves comme il en faisait depuis sa transformation, il se sentit assailli dès qu'il ouvrit les yeux. Le remords, surtout, lui broyait le ventre, et une certaine tristesse lui tapait sur les tempes. En vérité, il s'en voulait autant pour le fait d'avoir renvoyé Miya de manière violente que pour cette sensation infecte de tromper son épouse. Elle était vivante, bien vivante, et peut-être non loin de lui. Et voilà qu'il s’amourachait d'une immortelle. Son père lui aurait fait la morale pendant de longues heures, et il sentait la bienséance lui écraser la cervelle. Lentement, son peignoir pourpre enfilé, il se dirigea vers sa cuisine, y faisant chauffer un thé. Les pâtisseries étaient dans le four, encore tièdes, et il y avait là un mot de Yume. Elle lui souhaitait de se remettre vite de ses émotions, et le prévenait que Miya possédait une robe qu'elle lui rendrait sans tarder.

Virgile jeta le mot, esquissant cependant un sourire. Cette femme était si attentionnée ... Et Miya lui manquait tant. Le sourire retomba, et il s'alluma une cigarette. L'eau du thé bouillait. Il était onze heures du matin. Et il y avait un maigre soleil dans ce ciel pâle. Le vampire ouvrit prudemment les rideaux, encaissant les picotements que lui procurait encore ce contact. Malgré le temps, il lui arrivait encore de souffrir du soleil. Une bouffée de tabac, et il ouvrit même une des fenêtres. Elle reviendrait. Ou il irait la chercher. Mais ils se reverraient. Pour la première fois depuis longtemps, Virgile se jura de ne pas abandonner, de ne pas flancher, de ne pas se cacher. Si elle ne venait pas, ce soir, il irait sur cette digue, et ... Tu n'as plus 15 ans, lui marmonna sa conscience. A laquelle il répondit que, non, il avait deux siècles, mais qu'il avait bien envie d'oublier ce temps trop lourd.

 

La robe que Yume lui avait prêté était sublime. Un peu juste au niveau du buste, au point que Miya n'avait pas osé en fermer tous les boutons, pour ne pas l'abimer... Le tissu témoignait qu'il venait d'une autre époque, sans doute celle de Virgile... Et la demi déesse comprit qu'elle devait faire plus qu'attention au vêtement : le vampire devait y tenir... Elle nota dans son esprit qu'il fallait le rendre au plus vite, oui... Dès le lendemain, alors qu'elle ne serait pas là ?

Miya avait souri à cette remarque, glissée, l'air de rien... Pourtant, elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas... Techniquement, elle avait Erwan... Pourtant, il était si volage avec ses filles de Pigalle... Miya savait qu'elle ne pouvait pas enfermer le français en cage, et l'inverse était tout aussi vrai. Bon sang, tout ce qu'elle désirait, c'était de l'amour... De l'attention, surtout, même. Erwan la faisait se sentir comme une petite chose incroyable, si précieuse à ses yeux, et elle adorait ça ; elle aimait leur folie, cette façon dont ils s'aventuraient, ensemble, en dehors de leurs sentiers habituels. Avec Virgile... C'était différent... L'attrait d'avoir trouvé un immortel ? Ou de se sentir si vivante à ses côtés ? Marchant dans la nuit, couverte de son manteau encore un peu humide de la tempête qui avait grondé plus tôt, Miya ne savait pas trop quoi penser de ce qui s'était passé ce soir, de tous ses sentiments qui la hantaient... Et quand elle rentra dans sa petite chambre d'hôtel actuelle, allongée dans ce lit étranger, elle fixa longtemps le plafond avant de parvenir à s'endormir, alors que le soleil se levait.



La demi déesse n'était pas du tout du matin. Non non, elle aimait les grasses matinées qui duraient jusqu'au midi. Telle un félin, elle aimait penser qu'elle passait plus de temps endormie qu'éveillée. Un vrai plaisir... Pourtant, Miya dormit peu, très peu. En fait, il était à peine midi quand elle rouvrit les yeux. Et au lieu de chercher à se rendormir, de se prélasser, de martyriser les draps à force de les chiffonner en remuant pour trouver la position adéquate, le regard azur de Miya tomba directement sur la robe... Elle l'avait posée avec mille précautions sur une chaise, chassant les plis indésirables. Et la demi déesse ne cessait d'observer le vêtement, avant de se lever brusquement, et de le saisir pour l'observer de plus près : au moins, elle ne l'avait pas abîmé... Devait elle la laver ? Ou la ramener telle quelle, pour la laisser aux bons soins de YUme - qui elle, devait s'y connaître, en tissu d'époque... Miya regarda au dehors, fila sous la douche, tressa ses cheveux en deux longues nattes qu'elle laissa pendre sur sa poitrine. La robe fut soigneusement pliée et voilà la demi déesse repartie sur la route de la demeure de Virgile.

Pourtant, elle s'arrêta en cours de route... Et s'il travaillait à son cabinet, aujourd'hui ? La chanteuse refusait de posséder un téléphone portable, et utilisait encore moins un tlééphone fixe - quand on est "allergique" à l'électricité, ça a des inconvénients, parfois... Et puis, peut-être dormait-il certains jours ? ... Et puis, au diable ! Qui ne tente rien n'a rien. Miya fit un arrêt dans un magasin pour faire quelques courses, histoire de ne pas arriver les mains vides. Des bentos pour le midi, et quelques gâteaux secs pour l'heure du thé. Juste au cas où.

... Ce n'est qu'une fois arrivée près de l'appartement de Virgile que Miya se rendit compte de l'absurdité de ce qu'elle avait fait : elle se rendait chez un homme qui ne se nourrissait presque que de sang... Elle était prête à faire demi tour, juste à cause de cela, prête à remettre au lendemain sa visite à l'immortel pour lui rendre la robe...

Avant même de s'en rendre compte, elle avait déjà frappé à la porte, et faisait les cents pas, telle une lionne en cage, craignant de ne pas voir la porte s'ouvrir...

Le temps lui avait semblé bien long, avant qu'elle ne sonne à sa porte. Virgile n'avait pas mangé tous les gâteaux de Yume, bien décidé à en garder pour l'heure du thé. Après son petit-déjeuner, il avait pris un long bain relaxant, puis s'était vêtu comme à l'accoutumée : chemise blanche, veston et pantalon noirs, chaussures vernies du même goût. Il avait attaché soigneusement ses cheveux, grâce à un ruban lui aussi couleur d'encre, et avait chaussé ses lunettes pour mieux lire le journal. Décidément, le médecin était loin d'être un vampire comme les autres. Bien trop amoureux de la gastronomie, il avait réappris à apprécier la nourriture, au fil de sa vie. Ne se nourrir que de sang le gavait franchement. Alors Virgile se nourrissait parfois comme un humain, ne serait-ce que pour ne pas oublier la douceur de certains mets. Il ne pouvait se passer de thé, de gâteaux, et d'autre trésors culinaires, même si c'était bien souvent plus par gourmandise que par réel besoin de se sustenter qu'il mangeait ainsi.

Comme je le disais, donc, le temps lui avait semblé bien long. Assis sur un des fauteuils en cuir de son appartement - ceux qui étaient autour d'une table basse, dans le premier salon, qui se situait au première étage de cet appartement - il essayait de lire le journal. Mais les minutes qui s'égrenaient s'en prenaient aussi à sa patience. Il ne sursauta pas, en entendant quelqu'un frapper. Lentement, il descendit les escaliers, pour arriver au rez-de-chaussée, le lieu comprenant sa chambre, celle de Yume, son salon privé, la cuisine immense et un bar faisant office de salle à manger, ainsi que plusieurs bibliothèques parsemées ici et là. Il manqua de se prendre les pieds dans l'immense tapis persan posé sur le parquet, et finit par lui ouvrir. A elle. Miya. Il l'accueillit dans un sourire, regardant ce qu'elle portait à la main. L'odeur de la nourriture, il la reconnut immédiatement. Mais les autres choses, il ne prit pas le temps de les détailler.

- ... Je ne pensais pas que vous reviendriez, dit-il.

Le vampire s'appuya contre sa porte, la regardant longuement, avant de dire :

- Mais je ne vous cache pas que j'en suis très heureux. Oh, pardon, je ne vous fais même pas entrer ...

Rapidement Virgile s'écarta de l'entrée, pour qu'elle puisse se faufiler dans son appartement. La porte fut refermée doucement, tandis qu'il cherchait encore quoi lui dire. La fenêtre était toujours ouverte, et le ciel toujours aussi pâle.

- Que me vaut l'honneur de cette visite ?

La porte s'ouvrit, pour laisser apparaître le vampire. Miya ne s'était pas attendue à voir Virgile, le pensant à son cabinet de travail - et nul doute qu'elle aurait fait le chemin pour aller le voir... Pourquoi y mettre tant d'empressement, alors qu'elle savait parfaitement qu'ils avaient, au pire, l'éternité devant eux ? La demi déesse eut un léger sourire, qui étira ses lèvres.

- Je viens... Pour la robe. Yume m'a demandé de vous la rendre au plus vite...

Oui oui, c'était passablement idiot... Miya entra, sur l'invitation de son hôte, et resta plantée au milieu du vestibule, la précieuse robe tout contre elle, la nourriture qu'elle avait achetée pendant à son coude dans un sac plastique. Elle observa, à la lumière du jour, ce qu'elle pouvait voir de l'appartement, comme si elle le voyait pour la première fois. Jusqu'à faire volte face, et de nouveau, pouvoir regarder Virgile dans les yeux.

- Vous êtes surpris de me revoir ? Vraiment ?

Elle déposa avec mille précautions la robe, puis son sac, sur une chaise, avant de s'approcher de Virgile. Les mains derrière elle, comme pour ne pas être tentée de le toucher, Miya le dévora du regard et murmura :

- Je vous l'ai dit : vous êtes le premier immortel que je rencontre, et qui ne me soit pas détestable... Nous avons, je le crois, les mêmes défauts - à chercher à nous raccrocher à une époque révolue, entre autre, et à rejeter ce que nous sommes... Vous exercez sur moi une... espèce de fascination... assez troublante, je dois l'avouer...

Tout dans son attitude pouvait trahir qu'elle voulait un contact, quel qu'il soit, avec lui. Ce ne serait pas correct.. lui murmurait sa conscience... Pourtant, elle ne changea pas de position, ne dit rien de plus, et se contenta d'attendre. Peut-être allait il la mettre dehors, après tout ...

... La mettre dehors ? Oh, non, jamais il ne se permettrait de faire cela. Il était bien trop heureux de la trouver ici. Et même s'il ne pouvait s'empêcher de lui sourire, une partie de lui restait perplexe. En admettant que Miya lui plaise - car c'était le cas, assurément ! - il devait avouer qu'il s'en sentait presque coupable. Son épouse était encore vivante, et bien trop vivante pour qu'il se permette de s'enticher d'une autre femme. Il la regarda, un instant. Elle était bien plus vivante que les souvenirs qui lui servaient d'épouse. Rien que pour cela, le vampire ne put s'empêcher de s'approcher d'elle, et de déposer un baiser contre sa joue, vous savez, à l'aube de la mâchoire. Un baiser qui était bien trop tiède pour n'être qu'un simple salut, mais encore trop poli pour exprimer un quelconque attachement. C'était dans son éducation. A Londres, à son époque, c'était ainsi qu'un homme saluait une femme qu'il appréciait plus que les autres.

Laissant encore un moment sa main sur son épaule, il se détacha d'elle ensuite.

- Oui, je suis surpris, répondit-il posément. Il est rare qu'on me rende visite après m'avoir vu ... en manque de sang, disons. Quant au reste ...

Il s'approcha d'elle à nouveau, murmurant cette fois, au creux de son oreille :

- Il me plaît assez de savoir que je vous fascine.

Et, hop, il s'éloigna, comme si cela était normal, comme si ces mots n'avaient aucun contresens. Virgile vint attraper la robe, pour la détailler. Il revoyait sa femme la porter, dans leurs jardins londoniens. Et Miya l'avait portée. Yume, superstitieuse comme elle l'était, aurait vu là un signe. Il laissa là cette robe, avant de se tourner à nouveau vers elle, souriant.

- Que nous avez-vous apporté ?

Il chercha instinctivement ses cigarettes.

- ... A manger, j'entends.

Les yeux de Miya s'étaient fermés au trois quart, sous le baiser bien trop poli, et frustrant, que lui offrit Virgile pour la saluer. Durant une demi seconde, la demi déesse se plut même à imaginer la douceur de ces lèvres là ailleurs que sur sa joue, même... Cela ne lui ressemblait pas, et son coeur rata un battement, au passage, pour bien montrer son trouble. Mais son visage tentait de dissimuler ce qu'elle ressentait vraiment, en cet instant, même si ses yeux, eux, ne cachaient plus grand chose de sa frustration... Peut-être même de son envie.

Miya se dit qu'elle devrait abandonner. Ces bento, elle devrait aller les manger avec quelqu'un d'autre, au parc, ou sur le toit d'un haut building, loin de tout et de tout le monde. Elle passa une main dans sa chevelure ébène, quand Virgile lui tourna le dos pour vérifier la robe - et la jeune femme se demanda s'il ne vérifiait pas qu'elle l'avait abimée, ou s'il l'imaginait dedans... En tout cas, elle rétorqua :

- Vous avoir vu en manque de sang n'est pas si.... Terrible... Et je me doute que vous avez peu d'occasions de parler à vos repas précédents... N'importe laquelle de nos rencontres est insolite, si vous voulez mon avis...

Ce n'est pas maintenant qu'elle allait débattre sur le fait que de son côté, moins elle voyait les mêmes personnes, mieux elle devait s'en porter - techniquement, hein, parce que Miya n'est pas douée pour se détacher des gens, et des mortels en particulier... Non, elle garderait pour plus tard le fait qu'il soit immortel, et pas un Dieu arrogant, lui donnait envie de rester avec lui... Vivre sans craindre la vieillesse, et la mort, auprès d'une personne aussi charmante que Virgile... Continuer un semblant de vie, dans une époque révolue mais de laquelle ils ne parvenaient pas à se détacher...

Presque la vie rêvée.

Quelque chose, donc, que Miya ne pouvait obtenir. Ce serait trop facile. Jouant avec le bout de ses cheveux, qu'elle n'avait pas lâchés, elle sursauta presque quand Virgile reprit la parole et elle le fixa, les yeux légèrement ébahis et surpris.

Un sourire... Gêné, évidemment, avant qu'elle ne l'approche à nouveau pour ouvrir son sac, comme si elle avait eu besoin d'en vérifier le contenu.

- Des bentos, et des biscuits secs pour le thé...

Hem... Et oui, tu vas manger tout ça avec un vampire... Ce n'est qu'à ce moment là qu'elle se sentit vraiment bête, au moins un peu. Elle aurait pu prendre quelque chose de meilleur pour le palais que des plats déjà préparés... Elle poussa un léger soupir, et elle se mordit la lèvre inférieure en regardant, penaude, son hôte.

- J'aurai du prendre quelque chose d'un peu plus... Meilleur...

Voyant Virgile chercher, elle effectua le même geste et mit la main sur son paquet de cigarettes, dans la poche de sa tunique. Elle en alluma une prestement, et la tendit à son hôte. Baiser indirect ? Que tu peux être stupide, ma pauvre Miya !! se morigéna-t-elle intérieurement.

Virgile attrapa avec une certaine adresse la cigarette. Pour la planter immédiatement entre ses lèvres, dans un sourire. Les immortels peuvent s'offrir le risque de fumer souvent. Et lui, qui n'était après tout qu'un être déjà mort, n'avait pas vraiment de soucis à se faire. Les premiers jours suivant sa transformation, le vampire avait tressailli en sentant qu'il n'avait plus de pouls, que son coeur ne battait plus, et que ce ne serait plus jamais le cas. Et maintenant, là, il se demandait comment se comporterait son palpitant, dans cet instant. Battrait-il à en faire trembler les murs ? Je pense. Ce qui était bon, avec l'immortalité, c'était bel et bien le fait de savoir que seul l'esprit importe, et qu'il l'emportera toujours sur le corps. Un luxe que les mortels ne pourraient jamais s'offrir. Même avec beaucoup d'espoir.

L'immortel attrapa un bento, l'ouvrit, et le regarda à la manière d'un adolescent face à une surprise. Avec une fausse retenue, une maigre fierté et les yeux brillants.

- La dernière fois que j'ai mangé un bento, c'était ... le jour de mon arrivée à Seikusu. Il y a prés d'un an, dit-il en levant les yeux vers Miya.

Une bouffée de tabac. Salvatrice.

- Vous savez, malgré que je sois un vampire ... Je sais apprécier beaucoup de choses propres aux humains.

Un pas vers elle, après qu'il ait reposé le bento soigneusement. Les yeux de Miya, il les a sondés depuis longtemps. Virgile est psychologue, ne l'oublions pas. Comprendre, par les gestes, les regards, c'est son boulot ... On ne peut rien lui cacher. Ainsi, la jolie brune put percevoir quelque chose de confiant, une assurance presque agaçante dans les yeux du vampire. Il ne détourne pas le regard, ne cille pas, mais se contente de la regarder. Il n'est plus très loin d'elle. Il pourrait, s'il le souhaitait, oublier son éducation stricte, et prendre le risque de brusquer une femme, plutôt que la courtiser des mois entiers.

- Vous êtes une immortelle, comme moi. Et pourtant, il n'y a qu'avec vous que je n'ai pas envie de perdre de temps.

Cette phrase, il le lui a murmuré à l'oreille. Oui, parce qu'entre deux, Virgile s'est largement approché de cette belle immortelle, pour mieux glisser sa main sur sa joue, dans ses cheveux, n'importe où tant que c'est contre elle. Tant pis pour la cigarette, qui réclame d'être fumée, plutôt qu'être consumée dans le vent, là. Oui, tant pis pour cette clope. Parce que le vampire a fait son choix.

Et déjà, il l'embrasse. Oh, pas avec empressement, non. Avec une douceur, une tendre douceur, mais pas lenteur, non. Saisissez la nuance. Le baiser est doux, mais passionné. Parfait.

Elle suivait chacun de ses gestes. Il agissait tout à fait normalement - à ses yeux du moins... Et il ne faisait rien d'extraordinaire. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher d'être fascinée par tout ce qu'il faisait, d'être pendue à ses lèvres à chaque mot qu'il prononçait... Il avait pris le bento pour en humer le parfum, avant d'évoquer un souvenir. Ainsi, ça ne faisait qu'un an qu'il était à Seikusu... Elle avait hoché la tête, un peu bêtement peut-être, mais parce qu'elle ne savait pas trop quoi dire...

Waw. Miya qui ne savait pas quoi dire. Cette pensée la fit sourire. Mais ce sourire ce figea, alors que Virgile approcha - ce n'était qu'un pas, mais il avait réduit la distance entre eux. Et cette distance n'allait cesser de décroitre. Le sourire de Miya disparut lentement, ses lèvres s'entrouvrirent, comme pour absorber les mots et le souffle de Virgile. Et ses yeux se fermèrent quand il vint murmurer tout contre son oreille, au point qu'elle en retint son souffle... Elle ne croit pas à ce qu'il vient de dire, ou peut-être a-t-elle mal entendu, mal interprété... Elle a tourné le visage, imperceptiblement, comme si elle avait cherché le baiser qu'il lui offrit ensuite.

Son souffle est définitivement retenu. Son coeur bat timidement la chamade, alors que ses lèvres ne croient pas en ce qui se passe actuellement. Ce baiser, elle l'a voulu, vraiment. Elle en aurait presque honte, mais il faut faire face à la réalité, et la vérité, parfois. Ce moment, donc, elle l'a désiré, ardemment. Le baiser est tendre, juste parfait. Miya voudrait presque qu'il dure longtemps, pour l'éternité. Elle en abuse, un moment, ses lèvres s'entrouvrant entre deux baisers pour prendre une gorgée de cet air dont elle n'a pas si besoin. Et pourtant, elle finit par écarter son visage de celui de Virgile pour l'observer, les yeux grands ouverts. La demi déesse inspira profondément, eut un sourire léger et murmura :

- Votre cigarette... Vous devriez la mettre dans le cendrier, non ?

Qu'il est terrible de tuer ainsi la magie du moment... Cependant, avec ses deux mains libres, que ferait-il de plus, hum ? Comme une gamine, elle posa un doigt sur ses lèvres, comme pour s'assurer qu'elle n'avait pas rêvé ce baiser... Sa langue passa même discrètement dessus, comme si elle pouvait trouver des vestiges de l'odeur, et du gout des lèvres de Virgile.