Quand le Drow lui avait dit de fuir, Luna ne se l’était pas fait répéter deux fois. Elle avait couru à toute allure, s’éloignant de cette zone. La pauvre neko ne comprenait plus rien à ce qui se passait, mais était toutefois suffisamment clairvoyante pour comprendre qu’il y avait, dans cette forêt,
quelqu’un d’autre. Quelqu’un que le Drow avait senti, et pas Luna... C’était étonnant ! En général, le flair des nekos était très sensible, mais, pour le coup, elle n’avait absolument rien senti. Elle se força à courir sans regarder en arrière, utilisant ses quatre pattes pour avancer rapidement, étant paniquée et terrorisée. Elle n’aurait jamais du partir avec le Drow ! Elle était faite pour rester aux pieds de sa Maîtresse, à dormir sur des coussins luxueux, et à faire intensivement l’amour avec elle, pas pour se promener dans une forêt maléfique ! Où était sa Maîtresse pour la protéger ? Que pouvait-elle faire, si même les plus redoutables de ses Drow étaient dépassés par les évènements ?
«
Nyuuuu... » gémissait-elle.
Avant de rejoindre les deux femelles, Luna s’était abritée sous un arbre, terrorisée. Une tempête était en train de se lever. Elle pouvait voir de gros nuages noirs dans le ciel, et le vent devenait de plus en plus fort. La nuit, tout prenait une autre perspective. Les amicales branches des arbres devenaient des griffes tranchantes et acérées prêtes à lui déchiqueter la peau, le mugissement du vent semblable aux murmures de spectres... Le jour, les grands fauves dormaient. La nuit, ils sortaient. Et Luna, elle, n’était rien d’autre qu’une inoffensive proie. Son seul acte de courage avait été de mordre le poignet d’un raider qui avait voulu blesser sa Maîtresse, mais elle n’avait jamais été capable de réitérer cet exploit, et Maîtresse ne lui avait jamais demandé d’être une guerrière.
*
J’ai peur... J’ai peur ! Maîtresse, où êtes-vous ?! Au secours !!!*
Elle sentit des larmes venir, et pleura silencieusement pendant plusieurs minutes, avant d’essayer de se ressaisir. Elle était une neko, pas une gamine ! Il lui suffisait juste de sortir de cette forêt, de retourner au phare, et d’exiger qu’on la ramène immédiatement à sa Maîtresse. Elle voulait retourner dans ce palais souterrain, manger les délicieux gâteaux qu’on lui préparait, et sentir sa Maîtresse lui faire violemment l’amour, comme elle savait si bien le faire. Plus que jamais, elle avait envie de sentir contre elle la peau douce et chaude de sa Maîtresse, mais tout ce qu’elle sentait, c’était l’écorce découpée, craquelée, et dure du tronc d’arbre. Son esprit se mettait à délirer, croyant voir des ombres, des formes, des yeux maléfiques qui l’observaient. Comme si des démons erraient dans la forêt, la cherchant pour la massacrer. Luna se recroquevilla encore plus, et entendit alors des craquements. Comme si quelque chose était en train d’abattre les arbres. Et ce
quelque chose se rapprochait. Elle pouvait désormais sentir quelque chose. Et elle ne tarda pas à entendre les vibrations d’énormes pas. Elle vit alors une forme immense, fantomatique, et une peur sans nom, une terreur incommensurable, remonta dans tout le corps de Luna.
Ses yeux s’écarquillèrent, et elle se recroquevilla sous une racine en voyant la forme grisâtre avancer. Elle avait quatre bras, dont deux étaient littéralement énormes, et ses yeux démoniaques semblèrent alors croiser ceux de Luna. C’en fut bien trop pour la neko, qui se mit à galoper à toute allure, fuyant aussi loin que possible, la peur ayant pour le coup refoulé ses larmes.
*
Il va me manger ! Au secouuuuuuuuuuuuuuuurs !!!!*
Et ce fut ainsi que Luna tomba sur deux femmes. Elle les sentit, et se rapprocha d’elles, afin de demander leur aide. Mais, quand on se mit à l’éclairer, Luna eut alors peur, et se mit à nouveau à fuir, avant de les sentir la poursuivre. La panique faisait bondir son petit cœur, et elle se croyait proche de la crise cardiaque. Le monstre était là, quelque part ! Il fallait qu’elle fuie, vite, vite, vite ! La neko n’avait jamais galopé aussi vite, bondissant entre les arbres, esquivant les racines, et se croyait sortie d’affaire... La lumière derrière elle disparaissait, et elle se permit de regarder en arrière... Et...
*
BOOOOOOOOOOOOOOONNNNGG !!!*
La tête de Luna heurta violemment quelque chose. La neko s’arrêta pile. Sa tête s’écrasa contre un obstacle, et elle rebondit en arrière, tombant sur le cul. Sonnée, Luna vit trente-six chandelles, et avait pour le coup extrêmement mal au crâne. Il n’y avait pourtant aucun arbre ! Elle sentit alors les formes se rapprocher, et se retrouva dans une paire de bras. La douleur, si elle l’avait étourdi au début, la réveilla alors, car elle sentait, au loin, la créature se rapprocher. Le monstre avait flairé la piste fraîche, l’odeur du sang, et s’avançait pour son festin.
«
C’est une neko... » lâcha la femme qui ne la tenait pas, celle en armure.
L’autre femme tentait de la rassurer en lui prodiguant des paroles douces. Mais Luna avait mal au crâne, et toujours aussi peur. Très farouche, elle ignorait ce que ces femmes lui voulaient, mais sûrement pas du bien ! Le fait qu’elle soit sonnée l’empêcha de mordre ces étrangères. On lui demanda son nom, et elle répondit d’une voix faible, presque atone :
«
Lu... Luna... Lai... Laissez... Partir... Nyyyyuuuu ! »
Miauler, en revanche, geindre, elle savait toujours le faire. C’était inné chez une neko. Elle se débattit encore un peu, faiblement, sa queue bougeant lentement, quand un craquement se fit entendre.
«
Qu’est-ce que c’est que ça ?! » s’exclama la femme en armure, en se tournant vers l’origine des bruits.
Ces bruits rappelèrent à Luna sa vision de cauchemar. Ce corps immense, les mains gigantesques, et ce regard empli de haine... La peur semblait lui donner un second souffle, et elle retourna se débattre, tentant, encore une fois, mais fort vainement, de se libérer. Luna remua lentement dans les bras de la femme. Elle avait la peau douce, le corps chaud, mais Luna ne se laisserait pas abuser. Le sol se mit alors à vibrer, et la femme en armure avait sorti une arme, avant de voir le monstre.
«
Par la Fourmilière, un WENDIGO ! »
Le
Wendigo, une créature de cauchemar, une créature de légende. On en parlait aux jeunes Tekhanes refusant de se coucher. Si tu refuses d’aller au lit, le Wendigo viendra te prendre... Et un Wendigo se tenait face à elles, ses yeux démoniaques les fixant avec rage. La créature était bien plus impressionnant qu’une humaine normale. La tête de la femme en armure lui arrivait à hauteur de son torse. Il était rapide, féroce. Une bête entraînée et résistante, qui pouvait, avec sa force surhumaine, renverser des arbres. Et il se tenait là, face à elles !