Hardos affrontait courageusement les goules, sans avoir peur une seule fois. Luna, elle, n’était cependant pas là pour l’observer, préférant l’activité ô combien plus intéressante de déguster sa pizza, mastiquant avec un certain plaisir, éprouvant aussi l’irrépressible besoin de casser les pieds du Drow. D’humeur taquina, Luna se plaisait donc à le voir froncer les sourcils, son regard oscillant entre les moniteurs où le courageux guerrier montrait qu’il était plus qu’un simple humain en massacrant les goules.
« Il a des pouvoirs démoniaques… finit par diagnostiquer le Drow. Intéressant… Fais moins de bruits, Luna, tu me fatigues !
- Décholée, dit-elle entre deux bouchées, mais ch’est trop bon ! »
Le Drow leva les yeux au ciel, tandis qu’Hardos, durant son combat, se fit blesser au bras. Fort heureusement pour lui, les goules n’étaient que de simples humains modifiés, et leurs griffes ne comportaient aucun poison. Dans certains scénarios, on les avait dotés de poisons, mais c’était dangereux. Contrairement à ce qu’on pouvait penser, les goules n’étaient pas très intelligentes, et beaucoup s’étaient tout simplement suicidés en se grattant la peau, ou en se léchant les ongles. Les différents comités d’administration avaient donc fini par accepter les avis de commissions d’enquête pour rejeter l’idée du poison. Hardos parvint assez facilement à se débarrasser des goules d’Hédas, et explora l’église, agissant rapidement, tandis que Luna flottait dans le bonheur naturel que chaque neko normalement constitué devait éprouver en mangeant quelque chose de bon. Or, ça, c’était bon. Très bon, même ! Ses dents s’enfonçaient avec plaisir dans la pizza, ses griffes maintenant la croûte chaude et tendre, tandis qu’elle tirait. Parfois, la sauce éclatait autour de ses lèvres, mais elle les léchait, ronronnant légèrement en remuant la queue.
Hardos parvint entre-temps à rejoindre le père, et à le tuer, en utilisant des flammes noirâtres. Les hurlements d’agonie du Père résonnèrent longtemps, et l’écran se découpa alors en deux, montrant, sur un côté, Hardos sortant de l’église, et, sur l’autre, le Père Hédas se tortillant de douleur, son corps fondant et s’écroulant dans une scène relativement gore, jusqu’à n’être plus qu’une carcasse sinistre, d’où des volutes de fumée ne tardèrent pas à s’échapper. Un Boss un peu décevant, mais c’était méconnaître le studio que de croire que la partie était terminée. Sur Terra, les apparences étaient toujours trompeuses, et, tandis qu’Hardos marchait vers la droguerie, d’autres éléments s’affichèrent sur l’écran. Les quêtes évoluaient. L’émission s’accaparait plusieurs chaînes proches de Tekhos, permettant ainsi aux spectateurs de voir d’autres images outre que le déroulement de l’action : la carte globale du terrain, notamment, où des points brillants et des icônes indiquaient les personnages secondaires, les lieux importants, ainsi qu’une autre montrant les différentes quêtes. De nouvelles quêtes étaient ainsi apparues.
QUÊTE PRINCIPALE : Les démons de la ville
Pour réussir à étendre son emprise sur la ville, le Baron rouge s’est entouré d’individus potentiellement dangereux. Quel est donc le secret de cette ville hantée ? Qui sont donc ces gens ?
QUÊTE PRINCIPALE : La passion du Seigneur
Hédas est un ancien missionnaire, un prêtre qui, en ses jeunes années, prêchait dans des villages isolés, et luttait contre l’esclavage et les vices. Ses périples l’ont finalement amené dans les terres du Baron rouge, et un entretien avec ce dernier lui a fait perdre la raison. Devenu un fanatique cruel, Hédas a toujours été soupçonné par ses paroissiens d’accomplir des sévices sur les jeunes enfants. Ayant fait de l’église un lieu de monstruosité, sa cruauté se doit d’être stoppée. Mais cette cruauté est-elle qu’il est permis de se demander si le prêtre est toujours un simple humain, ou quelque chose d’autre.
QUÊTE PRINCIPALE : Une curieuse maladie
Peu avant de devenir un village hanté, la Ville noire aurait connu une mystérieuse épidémie de grippe ayant commencé par atteindre les enfants. Le Docteur Hartman, qui enquêtait sur cette épidémie, saura peut-être mieux expliquer ce qui a pu se passer.
Le Drow hocha la tête, satisfait. L’ensemble commençait à prendre forme, mais il manquait encore quelque chose d’explosif. Pendant qu’Hardos s’approchait de la droguerie, l’écran revint sur le corps d’Hédas, et les spectateurs virent un homme s’avancer silencieusement. Il faisait partie du casting, et non de l’équipe d’entretien, et portait une longue robe rouge.
« A force de prêcher, voilà ce qui finit par arriver… Je croyais que la foi était un bouclier ? Il est peut-être temps qu’elle devienne une épée, un glaive digne de ce nom… »
Le mystérieux mage entra dans la cellule, et sortit un livre poussiéreux, qu’il déposa sur un guéridon. Ce faisant, il dessina des traces ensanglantées sur le sol, de curieuses lignes, formant un symbole démoniaque, avec de multiples signes, puis se mit à prononcer une longue formule, ses mots formant une sinistre mélopée grinçante. Les lignes se mirent à s’illuminer, et le mage referma le livre dans des volutes de poussière.
« La foi est ton arme, Prêtre. Daigne ne pas te l’oublier, car mon Maître ne t’accordera pas une nouvelle fois son juste Pardon. »
Sur ce, le mage disparut, tandis que les yeux d’Hédas s’ouvrirent subitement, révélant deux orbites rouges sang luisant de fureur. L’image revint ensuite sur Hardos, qui était retourné dans la droguerie, et parvint, en forçant l’entrée, à ouvrir la porte menant dans l’ancienne réserve de la boutique. Il ne tomba pas sur Hartman, mais sur une scène assez sinistre. De faibles bougies éclairaient une pièce où une femme gémissante, nue, était scarifiée sur un autel au centre, allongée, entourée de crucifix peints sur les murs, le sol, et le plafond. Des crucifix partout, tandis que le corps de la femme avait été martyrisé par ce qui ressemblait à un couteau, tranchant dans sa chair, formant des marques et des zébrures rouges tout le long de son corps. Devant cet autel, il y avait un autre guéridon, avec un livre, ouvert sur une formule démoniaque, consistant à utiliser le sang des innocents pour parvenir à transcender son être. Des sacrifices rituels, barbares, et, alors qu’Hardos s’avançait dans cette pièce, les apparitions vinrent à nouveau, les fantômes qui avaient perturbé Hardos, des voix qui résonnèrent dans le vide.
« Père, pourquoi donc m’emmenez-vous ici ? disait une jeune fille dans un gloussement.
- Il nous a menti, il nous a trompé… Il nous a dit que nous pouvions lui faire confiance, mais ce n’étaient que des mensonges…
- Il est dangereux, et il a capturé nos âmes… Tu dois nous sauver, tu dois détruire son âme. »
Les voix disparurent ensuite, tandis que la jeune adolescente attachée se mit à tourner la tête.
« Qui… ?! Non, pas vous, ne… »
Elle parlait d’une voix assoupie, affaiblie, et on entendit alors une porte s’ouvrir dans un coin de la réserve. Un homme assez âgé en sortit, armé d’une torche, et regarda Hardos.
« Vous voilà enfin ! s’exclama-t-il. Je suis le docteur Hartman, et vous avez réveillé cette pauvre enfant. Allons, allons, ma chère, rendormez-vous, laissez le temps à votre corps de cicatriser… Vous, ne vous approchez pas plus d’elle ! Regardez le sol, voyez la forme de ces symboles ! »
Sur le sol, on pouvait voir, entre les crucifix, des espèces de lignes rougeâtres qui entouraient l’autel. Hartman passa une main sur son front. Il semblait fatigué, épuisé, très fatigué, et secoua la tête, des gouttes de sueur coulant de son front.
« Miltnik… Ce maudit baron… Si j’avais su… Écoutez, l’autel est piégé par des sorts magiques. Si vous essayez de vous approcher d’elle, elle mourra ! Je vous ai entendus approcher, mais je ne savais pas si je pouvais vous faire confiance, si vous étiez un autre des hommes du Baron, ou vraiment… Bah, peu importe qui vous êtes, dans le fond. La seule chose qui importe est de sauver cette enfant, ainsi que les âmes des enfants crucifiés dans l’église. Vous croyez avoir tué Hédas, hein ? »
Un rire s’échappa des lèvres d’Hartman, un rire nerveux, angoissant, qui semblait montrer un homme psychologiquement instable, sur le point de craquer pour de bon.
« Hédas… J’ignore ce que Miltnik lui a fait, mais il n’a plus rien à voir avec l’homme qu’il était autrefois… Il a utilisé l’âme de ces enfants, leur âme, mon Dieu… Il les a utilisé pour… »
Un soupir traversa ses lèvres, et il secoua la tête.
« En tuant son corps, vous ne l’avez pas tué. Son âme continue à errer, et vous devez savoir que Miltnik vous observe, nous observe, et joue avec nous. C’est son territoire ici, et ses séides se sont sûrement assurés de réveiller Hédas, de le révéler dans sa véritable apparence, avec ses véritables pouvoirs. J’ignore pourquoi vous faites ça, mais vous avez l’air de tenir à la vie et à l’âme de ces enfants. Il vous faut détruire son âme, et, pour cela, vous devez… Écoutez, les blessures que cette fille a vont la tuer, et je ne peux pas m’approcher d’elle sans la tuer, et le temps nous manque, alors, je vais faire bref… Chacun des enfants, chacun des cadavres dans le chœur de l’église… Hédas ne s’est pas contenté de les tuer et de les torturer, oh non, il… Il a utilisé des rituels occultes, des sorts maudits, et a greffé dans le cœur de chacun de ses victimes des espèces de cristaux noirâtres. Si vous voulez le vaincre, il faudra réussir à ôter tous les cristaux, car chacun de ces cristaux permet à son âme de survivre, et de se reconstituer. Ôtez les cristaux, et Hédas sera vulnérable. Revenez ensuite ici, et je vous expliquerai tout. Je… Vous devez faire vite ! »
A l’intérieur de l’église, Hédas se tenait sur l’autel, et ses ouailles étaient devant lui. Des goules, soigneusement agenouillés devant lui, tandis que le vieux prêtre était devenu un monstre élancé, faisant bien deux mètres, dont les yeux rouges luisaient de démence, et qui flottaient dans les airs.
« Car les impies seront châtiés par le feu d’Abraham, par la foudre de Zeus, et par la colère de Mercure ! En vérité, je vous le dis, mes braves, l’heure du Jugement approche, l’heure où l’eau deviendra écarlate, où l’océan ne sera plus qu’un immense charnier putride, l’heure tant attendu où le Juste saura révéler au monde la pourriture de ce dernier ! »
Il continuait son psaume. Outre pouvoir léviter, Hédas pouvait également cracher avec ses mains des espèces de langues de feu noirâtres qui provoquaient des explosions, tandis que son bâton de prêtre était nimbé de flammes magiques, donnant à ce bâton une puissance décuplée.
Luna, elle, venait de finir sa pizza, et s’était à nouveau allongée sur le tapis, observant ce curieux film.