Petite pause après l'effort. [Terminé]

Ivre de désir ... C'était bien le mot. Et de plaisir, bientôt ... Petit à petit, l'adolescente sentait cette sensation, cette extase, grimper en elle sans aucune retenue, dans aucun scrupule. Elle ressentait tout avec une force qu'elle ne pouvait même plus contrer. Tout ses sens étaient en extases  ... Déjà, elle sentait que le plaisir l'agrippait, la griffait. Et elle ne voulait pas combattre ce ressenti délicieux ... Le simple fait qu'il lui souffle, à l'oreille, son prénom, la stimula largement. Une vague de frissons la forcérent à se cambrer, tandis qu'une de ses mains venait étreindre violemment le canapé, y plantant ses ongles.

Un râle de plaisir déchira l'air, tandis qu'elle ne retenait même plus ses gémissements. De temps en temps, ses yeux se plongeaient dans les siens, avant qu'elle ne les ferme, avalant une montée de plaisir. Dans son esprit, il semblait évident que cet instant ne se terminerait jamais ... Qu'elle se cambrerait sous le plaisir, que le contact de sa peau l'électriserait, encore et encore. Elle sentait qu'elle se laisserait aller, bientôt ... Il était rare que le plaisir atteigne un point aussi culminant, et si rapidement. Sans doute la drogue y était-elle pour quelque chose ... Ou alors, autre chose ...

- Haa ... Oui !

Son souffle se coupa un court moment, tandis qu'elle ressentait encore une fois un frisson électrique en elle. Les vas-et-viens la menaient tout droit, elle le sentait jusqu'à un orgasme dévastateur ... Ishtar rejeta son visage en arrière, le souffle court.

- Je ... Aah ...

Comme jamais, son corps se cambra, sous l'effet d'une décharge de plaisir ... Une extase sans nom, qui lui coupa le souffle. Un second orgasme, oui, et pourtant ... Elle ne s'en serait jamais cru capable.

Tout s'accélérait. Le jeune homme ne trouva même plus le courage de ralentir le rythme tant le plaisir arrivait à son apogée. Il n'était même plus en mesure d'écouter son corps alors que tout ses muscles le faisaient souffrir.

Puis alors, leurs corps rentrèrent en éruption simultanément. Tout ses muscles se contractèrent dans un ultime soupir, tandis que sa semence se libéra à l'intérieur de son amante. Un orgasme comme il n'en avait jamais eu, en parfaite symbiose avec Ishtar. Brusquement, il eut l'impression de ne pas avoir dormi depuis trois nuit, tout ses muscles se relâchèrent. Il s'écroula presque contre la jeune fille passant ses bras autour de sa taille. La serrant fort contre lui, il vint retrouver ses lèvres qui lui avait déjà tant manqués.
Edwin ne comprenait pas pourquoi cette fois avait-elle été si merveilleuse ? Quel était le secret de cette demoiselle capable de lui donner un plaisir si intense, si fort ?

Comblé, fatigué et perplexe, tel était l'état d'esprit actuel du jeune homme. Ses yeux était déjà fermés, profitant de l'instant et essayant de reprendre tant bien que mal sa respiration. Alors finalement, il décida de briser le silence pour venir prononcer à mi-voix et avec humour :

«Alors ? Moi aussi je fais partit de ces types que tu ramènes chez toi maintenant ?»

Étrangement qu'elle y réponde par l'affirmative ne l'aurai pas étonné et en temps normal, ne l'aurait pas dérangé; là, il la redoutait presque.
Il rouvrit alors doucement les yeux pour venir plonger son regard dans le sien, venant doucement jouer avec une mèche de ses cheveux. Un fin sourire vint se dessiner sur ses lèvres, tout simplement heureux d'être là, avec elle.

Le regard qu'il avait sur elle avait changé entre cet instant et le moment où ils s'étaient rencontrés. Au début simple inconnue plutôt sympathique puis maintenant... Elle n'était ni une amie, ni une histoire d'un soir. L'aimait t-il ? Non... De toutes les histoires qu'il avait entendu, aucune d'elle ne mentionnait la possibilité d'aimer en un jour.
Quoiqu'il en soit, il se préparait à l'éventualité que demain peut-être, tout redeviendrait comme avant. Après tout, l'herbe était peut-être d'une variété très forte ce qui répondrait probablement à toute ses questions sur son état inhabituel.

L'adolescente avait l'impression de ... flotter. Le corps et l'esprit endoloris, elle restait nichée au creux de son amant, ses bras se nouant autour de son corps. La température, autour d'eux, chutait petit à petit ... De corps brûlants, ils passaient à enveloppes tièdes. Son esprit, encore embrumés, lui laissait entendre qu'elle ne tarderait pas à retrouver son état dit "normal", cruellement ancré dans la réalité, loin de l'extase et du rêve que lui fournissaient cannabis & orgasme. Sa voix parvint à ses oreilles, sa bouche retrouva la sienne, le tout dans une harmonie parfaite. Comme s'il étaient une seule et même personne. Ishtar cligna des yeux avant de répondre, les environs devenant moins flous, plus réels qu'auparavant.

- ... Non.

Chuchota t'elle. C'était à la fois une réponse à sa question, et un murmure qui suppliait le bien-être qui l'enveloppait de ne pas partir, de rester là, en elle. Elle se serra contre lui, se réchauffant à sa chaleur, savourant le goût & l'odeur de sa peau.

- Je ne pense pas ...

Souffla t'elle. Elle avait du mal, encore, à avoir les idées claires.

- Si tu sors de cette pièce ... Je crois que mon coeur va bondir hors de moi, et qu'il va te courir après ... tu vois ?

... Bon, là, c'était clair, elle disait n'importe quoi. Elle ne put s'empêcher de rire. Elle connaissant un dicton, comme ça ... Prends ton coeur, lance le devant toi, et cours lui après. Dicton qu'elle garda pour elle. Pas besoin de l'effrayer avec ses délires de jeune droguée.

- Toi, je t'enfermes ici ... avec moi ...

Fut la réponse qui lui sembla la plus probable, et à cet instant, la plus censée. Non, il n'était pas un coup d'un soir. Elle n'allait pas le dégager en grognant. Elle voulait le garder contre elle, indéfiniment, ne jamais rompre ce contact qu'il avait avec elle.

C'est un peu niais, et complétement stupide, songea t'elle en fermant les yeux, sa main venant étreindre un court instant la sienne. C'est con.

- Je suis conne ...

Lâcha t'elle alors de manière presque inaudible.

Voir la jeune fille dans une telle léthargie fit sourire Edwin. Il la trouvait vraiment mignonne, complètement craquante comme ça. Ses doigts ne cessaient de s'entortiller dans une des mèches de ses cheveux.

- Si tu sors de cette pièce ... Je crois que mon coeur va bondir hors de moi, et qu'il va te courir après ... tu vois ?

Le jeune homme explosa de rire, l'image bien en tête. Malgré son hilarité, une douce chaleur vint envelopper son coeur. Que voulait-elle donc dire par là ? Edwin avait énormément de mal à décrypter les codes et les significations des choses. Il savait très bien que ce qu'il vivait ce soir était une expérience inédite mais le fait de ne pas avoir la certitude de pouvoir lui donner un nom l'effrayait et le fascinait à la fois : il avait tant à découvrir.

- Toi, je t'enfermes ici ... avec moi ...

«Non... Moi je préfère être dehors et courir sur les toits... Mais avec toi maintenant.»

Le jeune homme esquissa un sourire. A nouveau, cette chaleur vint envelopper son coeur. Une sensation dont il n'était pas capable de dire si elle était agréable ou non.
Évidement, il entendit la remarque de la jeune fille. Sans rétorquer tout de suite, il vint chercher ses lèvres dans un tendre et doux baiser. Alors ses yeux se perdirent quelque peu, comme mal à l'aise. Il eut la sensation que sa gorge se noua.

«Tu sais Ish'... Ce que j'ai vécu ce soir, je... Enfin, c'est une première pour moi. Enfin pas ma première fois... Enfin si... Une autre première fois, en fait.»

Il n'osait pas la regarder dans les yeux.

 «... mais je sais que tu es quelqu'un d'important pour moi, si mon esprit n'est pas capable de le comprendre, mon corps me le dit clairement.»

Alors, il esquissa un sourire un peu maladroit avant de poursuivre :

«Alors même si t'es conne, j'm'en fou... T'es géniale et t'es magnifique comme fille... Enfin... Voilà quoi. Et puis tu peux compter sur moi !»

Il se risqua à plonger son regard dans le sien, un peu inquiet de la réaction qu'elle pourrait avoir, maladroit avec ses termes.

Ishtar ne put retenir son sourire, qui fendit en deux son visage. Les mots qu'ils prononcait l'enchantait plus que de mesure ... Elle sentit son organisme s'alourdir, signe évident de fatigue, mais empêcha ses paupières de tomber devant ses yeux brillants, préférant le regarder un moment. L'adolescente se pencha vers sa sacoche, y attrapant une cigarette et l'allumant en un éclair. Les mauvaises habitudes ont la vie dure ... pensa t'elle dans un sourire, tandis qu'elle prenait garde à ne pas recracher la fumée sur la figure d'Edwin, afin de ne pas l'incommoder. Oh, elle aurait pu se lever, quitter ce canapé et fumer plus loin ... C'était après tout ce qu'elle faisait tout le temps. Mais là, non. Elle voulait rester là.

- Ce que tu dis ... J'ai l'impression que ça fait battre mon coeur. C'est ridicule.

Elle attrapa la main d'Edwin, la posant au niveau de son coeur. Un réflexe sans doute stupide, mais qui, dans l'instant, lui sembla approprié. Une nouvelle fois, elle contra la fatigue, dissimulant un baillement derrière une de ses mains. Elle le fixa en souriant. L'embrassa encore une fois. Tira une bouffée de tabac. L'espace d'un instant, il n'y avait eu qu'eux, et maintenant que la raison revenait, suivie de prés par la réalité ... Tout semblait plus gris.

Comme si le fait que les effets du cannabis s'estompent entrainaient la mort des sentiments.

- J'ai peur de m'endormir ... Et que tu ne sois plus là ... demain.

Murmura t'elle en se serrant contre lui, la tête nichée dans son cou, son corps se chauffant au contact du sien. C'était une peur d'enfant. Même si elle ne se souvenait qu'en mal de son enfance, elle se souvenait bien des nuits passées à espérer revoir sa mère ... Putain. Un souvenir, incisif. Je redescends. Elle ferma les yeux. Plus d'effets. La chute fut rude et violente, l'obligeant à quitter l'extase que lui procurait le cannabis. Par réflexe, elle se serra contre lui, craignant d'ouvrir les yeux et de ne plus être agitée par la drogue. Le bien-être qui l'apaisait laissa place à un sentiment qui serrait ses entrailles ...

- Putain ... Les rêves ne devraient jamais avoir de fin ...

Soupira t'elle, découragée par ce rappel à la réalit, les yeux toujours clos.
 

Intérieurement, le jeune homme fut soulagé. Malgré ses difficultés pour exprimer ses sentiments, elle semblait avoir bien interprété le message. Il laissa sa main se faire guider contre son coeur. Il battait si fort et vite... Autant que lui plus tôt dans la soirée. Il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire et déposer un baiser sur ses lèvres.

Edwin remarqua bien la fatigue de la jeune fille. A vrai, il était lui même complètement crevé, vidé de son énergie et les muscles déjà endoloris. Le jeune homme était habitué à dormir seul - voir à ne pas dormir, - et habituellement, savoir qu'il devait partager sa couche ne l'enchantait guère. Pourtant cette fois ci, il craignait presque la solitude.

- J'ai peur de m'endormir ... Et que tu ne sois plus là ... demain.

Le jeune homme la serra alors plus forte contre lui, venant déposer un tendre baiser sur son front.

«Ses bras ne s'ouvriront quand nous l'aurons décidé d'un commun accord.»

Maigre caution pour la jeune fille, néanmoins Edwin comptait bien tenir son engagement. Il lui adressa un petit sourire rassurant. Lui aussi avait peur qu'elle s'en aille... et pour la première fois depuis longtemps, il pensa au lendemain. Au futur. Sa vie ne serait plus pareil, il y aurait quelqu'un dans sa vie. La reverrait-il ? Comment ? Ne risquait t-il pas de la mettre en danger ? Serait-il capable de la protéger ?
Voilà maintenant qu'il se mettait presque à angoisser. Mais il ne voulait pas lui poser ce genre de questions ce soir... La seule chose dont il avait envie maintenant, tout de suite, c'était juste d'être avec elle.

- Putain ... Les rêves ne devraient jamais avoir de fin ...

Le jeune homme vint délicatement prendre la main tenant la cigarette pour la porter à ses lèvres et tirer une bouffée. Recrachant la fumée, il vint ensuite déposer un baiser sur le dos de cette main avant de lui rendre sa liberté. Ses lèvres vinrent chercher les siennes pour y déposer un tendre et langoureux baiser.

«A nous de décider si l'on souhaite le prolonger ou pas...»

Edwin était incapable de dire quel choix était le plus judicieux et sur ce sujet, son coeur et son esprit semblait être en total contradiction. Il afficha un sourire mi-figue mi-raisin, les yeux perdus dans le vide.
Alors il étouffa brusquement un bâillement et ne put s'empêcher d'émettre un petit rire.

«Dans l'absolu on ferait peut-être mieux de dormir... Tu m'as épuisé !»

Il lui adressa alors un sourire taquin tandis qu'il la serra davantage contre lui, posant sa tête contre la sienne. Ses yeux commencèrent doucement à se fermer, en proie au sommeil.
Néanmoins comme promis, ses bras ne l'avaient toujours pas libérée de son emprise. 

A la fin de sa phrase, elle se permit de rejoindre un cosmos qu'elle ne connaissait que trop bien ... Son esprit s'apaisa brusquement, son coeur et sa respiration s'accordérent, et ses muscles fondirent en un éclair. La voix d'Edwin résonnait encore dans son esprit détraqué, tandis qu'elle se laissait porter, bercer par ses songes.

Elle rêva d'étoiles, de soupirs, de glace & de coups de tonnerres. Pourtant, son corps ne s'emporta pas, et elle resta parfaitement immobile tout au long de la nuit. A force de devoir se cacher pour se reposer, de rester immobile des heures pour ne pas se faire avoir, son corps était capable de devenir aussi immobile que si on lui avait sucé chaque goutte de vie. Alors, enveloppé dans un monde apaisant et salvateur, elle ne vit pas le temps défiler. Les heures devenaient des secondes, les minutes devenaient des jours, dans un élan chaotique ... Qui lui donna le vertige au moment où elle s'éveilla. Ses yeux s'ouvrirent brusquement. Se fermérent, éblouis par une lumière matinale bien vive. Cherchérent à voir à nouveau, s'habituant à la réalité. L'adolescente se sentait encore embrumée, comprenant avec difficulté qu'elle était un corps, et non pas un esprit vagabond, comme la drogue lui avait fait croire pendant de trop courtes heures.

Ishtar porta une main à ses yeux, recouvrant ses esprits. Qu'avait-elle fait ... ? Non, elle ne regrettait pas ... Mais ne parvenait pas à envisager ce qui lui arrivait. S'attacher ... Cela restait une notion abstraite, pour une fille qu'un père avait tenté de réduire à l'esclavage. Elle s'extirpa de l'étreinte d'Edwin, sans le réveiller pour autant, et resta à le regarder un moment dormir. Sa main, un peu tremblante à cause de la fraicheur de cette matinée, glissa sur sa joue, son cou, ses épaules, ses bras, ses doigts, tandis que ses lèvres se permettaient de sourire. Il la faisait rêver.

- Je souhaite prolonger ce songe ... murmura t'elle, comme pour lui répondre.

Même si sa mémoire était défectueuse - merci le cannabis - elle parvenait à se souvenir de cette soirée. Elle quitta le canapé, se dirigeant vers la cuisine de fortune qu'abritait cette baraque. Elle parvint à mettre la main sur une plaque de chocolat à demi-entamée, et une pomme qui semblait en pleine forme. D'autres personnes viennent ici ... Ishtar réalisa quel danger ils venaient de courir, en dormant ici. Certaines personnes auraient pu s'introduire dans cette maison, et ... N'y penses pas. Elle secoua la tête, chopa un couteau qu'elle fit tournoyer entre ses doigts.

Au moment de quitter la cuisine, son regard tomba sur une enveloppe. Au sol. Son instinct lui ordonna de l'attraper, émettant l'idée que quelques billets pouvaient s'y trouver. Elle s'executa. Elle a déjà été ouverte ... Du bout des doigts, elle déplia le papier qui se trouvait à l'intérieur, le souffle court. Un nom s'y affichait. Don. Elle manqua de s'étouffer, sous le coup de la surprise. L'impression qu'un coup de poing venait de se planter dans son estomac la laissait interdite, avant qu'elle ne se décide à lire. Vente. Elle s'appuya contre le plan d travail. Esclaves. Ses yeux parcouraient les lieux Place de Nexus. Les dates. Aujourd'hui même. Les noms. Il y a le mien, ma photo.

Le chocolat, le couteau, la pomme tomba au sol, roulant même jusqu'au salon. Il va me trouver. Cette idée l'effraya hautement. Si quelqu'un la reconnaissait ... Si quelqu'un la trouvait ... Je suis foutue. L'adolescente resta immobile, cramponnée à ce plan de travail, les yeux dans le vague. Le seul mot qu'elle parvint à prononcer fut empreint d'une poésie raffinée.

- ... Putain.

Edwin sentit la jeune fille s'assoupir contre ses bras. Il vint déposer un dernier baiser contre son front avec de se laisser emporter par le sommeil lui aussi. Ce fut pour lui une nuit sans rêve, dormant d'une traite et d'un sommeil récupérateur. Seul la présence de corps niché contre le sien semblait le perturber et en même temps le rassurer.

Sa prise perdit en vigueur pendant la nuit ce qui permit à la jeune fille de s'extirper sans trop de problème le matin venu. Edwin remua un peu mais ne se réveilla pas pour autant. Maintenant que la nuit était passé, il avait tout simplement peur d'émerger mais cette fois ci pour des raisons bien précises : le lendemain de soirée et ses conséquences. Et à présent il lui manquait la personne qui se nichait dans ses bras quelques instants auparavant.
Il s'efforça alors d'ouvrir les yeux. La réalité lui tomba sur le bout du nez, il était seul. Depuis combien de temps ? Il n'aurait su dire. Péniblement, il vint se redresser et jeta un bref coup d'oeil autour de lui. La salle était vide. Un mince sourire s'afficha sur ses lèvres, déçu : elle n'était pas restée.
Edwin fit alors ce qu'il savait faire de mieux : relativiser. Il avait passé une soirée formidable avec une personne merveilleuse, il était temps de passer à autre chose. Néanmoins, cela ne l'empêcha pas de ressentir comme une pointe au coeur.

«Ah bordel...» souffla t-il en se levant pour enfiler pantalon et chausses.

C'était systématique. Il pouvait se mettre en vrac toute la soirée, le lendemain il allait le regretter. Symptômes : bouche pâteuse, mal de crâne, vertiges et nausées. Cela avait le don de le transformer en mort-vivant pour la journée. Il se décida alors à faire un tour de baraque dans l'espoir de trouver un cacheton pour le soulager ou simplement de l'eau.
Arrivant en cuisine, il se sentit juste terriblement stupide. Ishtar était là, aussi belle qu'hier. Il ne put s'empêcher d'afficher un sourire bête et de ressentir une immense vague de soulagement.

«Hey, salut toi.» fit-il à son attention attrapant une pomme qui trainait dans l'encadrement de la porte. Il en croqua un bout avant de reporter son regard sur la jeune fille.

Son sourire s'éclipsa, laissant la place à la perplexité. Quelque chose n'allait pas. Il le vit à son regard, à la manière dont elle se tenait. Dans sa main se trouvait un morceau de papier.

«Quelque chose ne va pas Ish' ?»

Il vint se placer alors devant la jeune fille, quelque peu inquiet. Il pencha légèrement la tête pour venir plonger son regard dans le sien.

«Tu as des ennuis ?»

Elle ne l'avait même pas entendu arriver. Sa voix, seule, l'extirpa de ses pensées angoissantes & angoissées. Sans un mot, elle releva les yeux vers lui ... et lui tomba dessus, recherchant désespérement une douceur, une tendresse apaisante. D'un élan, ses mains se serrérent autour de sa taille, reconnaissant le grain, l'odeur, la saveur de sa peau. Elle se blottit contre lui, ne soufflant aucun mot, le papier glissant sur le sol sans un bruit. La tête appuyée contre son torse, elle chercha à recouvrer son calme. Il était là, contre elle ... Cela l'apaisa un court instant. Elle se sentit en sécurité, les yeux à nouveau fermés. Puis, elle se décida à parler.

- Mon père ...

Rien que prononcer ces mots lui donnait l'impression de mâcher des lames de rasoir. Son étreinte se ressera plus fortement.

- Mon père ... il est à Nexus. Pour une vente. D'esclaves.

Les mots étaient hachés, tant elle peinait à construire une phrase. Sa seule pensée fut qu'elle ne voulait pas finir comme sa mère, disparue, envoyée on ne sait où ... Elle voulait rester libre, mais tant que son esclavagiste de père serait à Nexus, elle ne serait pas à l'abri longtemps.

Une longue inspiration, et elle reprit son souffle, se séparant de lui.

- Je ne dois pas être si faible.

Souffla t'elle, se réprimandant à haute voix. Elle se baissa pour attraper le papier, et lui vola sa pomme dans un sourire quelque peu forcé. L'angoisse coulait dans ses veines, et enflammait ses nerfs. Elle tendit le papier à Edwin.

- Il y a ma photo ... Il me cherche.

Grands dieux, ce que j'ai envie d'une clope. L'adolescente croqua à pleines dents dans la pomme, avant de la faire danser dans sa main. Son autre main vint resserrer la ceinture de son kimono, afin d'éviter qu'il ne tombe ... Sa manche, elle, n'en faisait qu'à sa tête, comme d'habitude. Elle tombait négligemment le long de son bras, dévoilant son épaule. Mais là, dans l'instant, c'était le cadet de ses soucis.

- Je hais la réalité. Putain.

Martela t'elle, sa figure exprimant autant sa colère que son désarroi. Elle passa une main dans ses cheveux, encore décoiffés.

Sans prévenir, la jeune fille fondit dans ses bras à l'instant où elle le vit. Un peu surpris, Edwin l'accueillit contre lui tandis qu'une main vint doucement caresser sa tête, apaisant. Il avait donc bien vu juste, la jeune fille n'allait pas bien. Avait-elle oubliée quelque chose d'important après leur nuit d'ivresse ? Avait-elle trouvée quelque chose ici ? Pourtant, elle lui avait dit que cette maison était abandonnée.

- Mon père ... il est à Nexus. Pour une vente. D'esclaves.

Rassurant, Edwin continua à caresser doucement ses cheveux et à la tenir contre lui. Pour le moment, il ne dit rien, lui laissant le temps de terminer. Ce qui l'intriguait le plus était ce morceau de papier. Elle vint doucement lui prendre la pomme des mains en affichant un semblant de sourire. Même si Edwin avait toujours aussi faim ainsi que la gueule de bois, il ne chercha pas à la reprendre. Elle aussi avait besoin de manger après tout.
Finalement, elle finit par lui tendre ce qu'elle tenait dans la main :

- Il y a ma photo ... Il me cherche.

Précautionneusement, il le déplia. Le jeune homme fit la grimace car il n'y comprit rien. Edwin ne savait ni lire, ni écrire... Néanmoins il était capable de reconnaitre certaines choses : d'abord la photo de la jeune fille. Puis enfin le format lui parut familier : la dernière fois qu'il avait vu ça, c'est lorsqu'il avait fait les poches d'un marchand d'esclave, il était tombé sur un bout de papier similaire qui ne fut pas de grande utilité. Il en avait tout de même déduit que la feuille recensait tout les esclaves disponible à la vente.
Edwin releva doucement les yeux en direction de la demoiselle. Soit elle était fugitive, soit quelqu'un la recherchait pour en faire une esclave. Quelques souvenirs embrumés lui rappelèrent ce qu'elle avait dit hier quant au fait qu'elle s'était enfuie au moment où sa mère fut vendue et que son père était esclavagiste.

«Tu es recherchée, c'est ça ? Par ton père ?»

Le jeune homme eut un peu honte de montrer qu'il n'était pas capable de lire. Il avait peur de passer pour un imbécile...
Il regarda autour de lui, perplexe.

«Tu penses que nous sommes chez un acheteur potentiel.. ? Ou bien chez la personne censée venir te chercher ?»

Ces deux solutions sonnaient de façon horrible à ses oreilles. Mais là deuxième présentait un autre inconvénient... Elle était dangereuse. A cet instant, Edwin espérait presque qu'elle lui dise qu'il n'avait rien compris à cette lettre.

Qu'il ne sache pas lire, elle s'en moquait pas mal ... Elle-même savait à peine compter. A force de ne plus faire d'exercices, de ne plus aller à l'école, tout s'était effacé, dans son esprit. Mais, au moins, à force de vivre et de vagabonder dans les rues, elle avait appris ce qui était important pour sa survie. Pas de choses futiles. Elle avait appris à déchiffrer un regard, à courir, à se cacher et dissimuler sa respiration, à extirper des informations à des personnes, à trouver les bons dealers ... Le reste, elle s'en foutait. Elle était presque devenue un animal. Ce genre d'animal qui ne vit plus, mais qui survit.

Ishtar lui rendit la pomme, et s'installa sur le plan de travail, ses pieds quittant le sol pour venir se balancer dans les airs.

- Oui, c'est ça ... Mon père me recherche. Il a du apprendre que je suis ici ...

Elle secoua la tête.

- Il faut vraiment que j'arrête de faire parler de moi !

Admit-elle dans un sourire, avant de casser un morceau de chocolat, pour l'avaler tout rond.

- ... Je ne sais pas comment ce papier a pu se retrouver ici. La maison est abandonnée, habituellement ... Mais la présence de nourriture et de courriers indique que d'autres viennent ...

Sa main chercha celle d'Edwin, la serrant tant bien que mal. Elle tremblait, mais était incapable de dire si elle avait froid ou si elle était effrayée. Les deux, sans doute.

- Ce qui veut dire que tous les marchands d'esclaves, tous les voleurs de Nexus me recherchent. S'ils me rendent à mon père, ils toucheront une belle récompense ... Je suis dans un beau merdier.

Lâcha t'elle dans un souffle. Durant toute cette journée, elle ne serait en sécurité nulle part ... Elle le regarda sans rien dire, puis baissa les yeux. L'adolescente avait une terrible envie de lui faire confiance, de rester avec lui, mais ... Beaucoup de ses "amis", dehors, étaient capables de sauter sur l'occasion. Et si lui venait à en faire autant ? Non, non, arrête de penser, fais lui confiance. A nouveau, elle prit une grande inspiration. Après le rêve, le cauchemar ...

Le jeune homme récupéra alors la pomme venant y croquer un bout. Il avait donc bien pigé la situation. Malgré le fait qu'Edwin était analphabète il avait développer du coup un très bon instinct de réflexion et de déduction. Pour autant, cela l'empêchait pas de ressentir de la frustration. Il aurait voulu parfois placer quelques mots par écrits afin d'arranger certaine de ses affaires mais le jeune homme était clairement handicapé par son absence de scolarité.

- ... Je ne sais pas comment ce papier a pu se retrouver ici. La maison est abandonnée, habituellement ... Mais la présence de nourriture et de courriers indique que d'autres viennent ...

C'est vrai que le jeune homme n'avait pas trop percuté d'où sortait le fruit qu'il tenait dans sa main. Logiquement, il avait pensé que la jeune fille le sortait de ses propres affaires. Mais à présent, les deux jeunes gens devaient faire face à une autre urgence : le ou les propriétaire-s de cette baraque pouvai-en-t revenir à tout moment.
Sa main se glissa alors dans celle de la demoiselle, la serrant tendrement. Doucement, le jeune homme vint se placer devant elle et d'une main, caresser sa joue.

- Ce qui veut dire que tous les marchands d'esclaves, tous les voleurs de Nexus me recherchent. S'ils me rendent à mon père, ils toucheront une belle récompense ... Je suis dans un beau merdier.

«Eh.. Arrête donc de t'inquiéter Ish'... Tant que je suis là, personne ne viendra te faire de mal, je te le promets.»

Edwin prit un ton rassurant. Il le pensait vraiment... Il avait envie de protéger cette fille. Pendant un court instant, il cogita avant de reprendre :

«J'ai quelques potes en ville... Si je leur explique la situation, ils comprendront le truc. Ils n'aiment pas les esclavagistes.»

Il vint de nouveau croquer un morceau de sa pomme.

«Pour les autres, je sais que beaucoup ne seraient pas prêt à vendre leur âme au diable. Évidement, il y a un risque mais il va falloir que tu arrives à trouver des personnes de confiance le temps que ça se calme un peu.»

Il plongea alors son regard dans le sien, très sérieux.

«Et tu peux me faire confiance Ish'... J'ai pas envie de te laisser dans ta merde.»

Si Edwin avait bien une réputation, c'était celle d'aider les autres. Il était toujours venu filer un coup de main à quelques camarades au prix d'un nombre incalculables d'embrouilles. Mais cette fois ci, protéger cette fille prenait une place très importante. Il ne voyait même plus la chose comme un coup de main filé à un ami mais un devoir qu'il est tenu d'accomplir.
Il vint alors déposer un baiser sur ses lèvres. Le premier depuis hier et la sensation restait toujours aussi merveilleuse. Le jeune homme vint doucement relever la manche de son kimono afin de recouvrir son épaule.

«Ecoute, pour l'instant on ne peut pas rester ici. On doit trouver un endroit en sécurité, voir quitter la ville si il le faut.»

Ishtar devait l'avouer ... Il l'apaisait, la rassurait. Cette manière qu'il avait de tenir sa main, de caresser sa joue, de l'embrasser, lui insufflait un bien-être hors du commun dans les veines. Peut-être même aussi puissant que celui que lui offrait la fumette. L'adolescente hocha la tête, quand il lui proposa de quitter la ville. Il avait raison : chaque minute qu'elle passait ici la mettait davantage en danger. A tout moment, quelqu'un pouvait la voir, la reconnaitre ... Cette idée l'effrayait. 8 ans qu'elle vivait comme une fugitive, s'inventant des noms, oubliant son passé et se préservant tant bien que mal du danger. 8 ans, c'est long ... Elle serra plus fort sa main, et lui vola un baiser, nouant un de ses bras contre le coup d'Edwin.

Elle descendit du plan de travail, pour aller récupérer sa sacoche, ses clopes, et les reste du cannabis. Ishtar jeta un oeil vers le canapé porteur de souvenirs, souriante, avant de se masser la nuque. Quand elle se sentait nerveuse, c'était un des seuls moyens de la calmer.

Puis elle revint vers lui, se calant contre son dos, nouant ses mains autour de son ventre, la tête appuyée contre son dos, savourant sa seule présence pendant un long moment.

- Tu ... connais un endroit, où aller ? Je n'en connais aucun ...

L'adoescente toussa doucement.

- Je te ... suis, Edwin. Je te fais confiance.

Depuis combien d'années n'avait-elle pas dit cela ... ? Les mots semblaient venir de quelqu'un d'autre, tant ils étaient étrangers dans sa bouche.

- J'essayerais de ne pas faire de bêtises, promis ...

Souffla t'elle en souriant.

Etrangement, le savoir avec elle la mettait en confiance, et faisait taire ses inquiétudes. C'était peut-être stupide, mais cela lui faisait un bien fou. Pour une fois qu'elle se sentait aussi bien ... Elle relâcha son étreinte, prête à quitter les lieux.

Edwin fut satisfait de constater qu'il l'avait apaisée. Quand elle commença à ramasser ses affaires, le jeune homme en profita lui aussi pour aller récupérer son haut. Il la laissa alors doucement passer ses bras autour de sa taille venant poser ses mains contre le sienne.

- Tu ... connais un endroit, où aller ? Je n'en connais aucun ...

Si il y avait bien une question à poser c'était celle la. Edwin avait peu voyager, ayant passé la plupart de sa vie dans Nexus. Il ne connaissait que très vaguement les alentours, s'y étant aventuré essentiellement pour faire la fête. Si, il se souvint d'une fois où il se réveilla dans le territoire de Tekhos après une nuit d'excès. Ville qu'il n'avait pas particulièrement appréciée tant les femmes qui y habitaient ne faisait preuve que de peu d'estime pour les hommes comme lui.
Mais elle lui faisait confiance, il se devait de prendre une décision ce qui l'angoissa terriblement. Et si son choix ne faisait qu'empirer sa situation, et si il la mettait en danger ?

«Eh bien, soit on se trouve un endroit à l'extérieur de la ville... Soit on part à Tekhos. Je pense que personne ne viendrait te chercher là bas et puis en tant que femme, tu pourrais peut-être bénéficier de certains privilèges.»

Le jeune homme se mordilla la lèvre, en pleine réflexion.

«Le seul soucis, ça sera pour y vivre. Dehors, on sera loin des commerces et à Tekhos, impossible de voler quoique ce soit. Avec leur technologie, ils repèrent tout.»

Edwin se retourna alors pour venir déposer un baiser sur ses lèvres.

«Quittons la ville, on avisera par la suite.»

Par mesure de sécurité, le jeune homme ne prit pas la sortie principale. Il se dirigea vers une fenêtre donnant sur une rue plus isolée. Il s'y faufila et s'assura que la demoiselle la suivait avant de se mettre en route pour la sortie de la cité.
Anxieux, Edwin se demandait comment allait se dérouler la suite des choses. Après tout, vivre en ermite un moment pouvait avoir son charme...

Tekhos ... Elle ne connaissait que trop peu cette contrée. Certains de ses amis lui en avait parlé, lors de soirées, disant qu'ils y cachaient ce qu'ils comptaient dealer par la suite ... Si certains voleurs y amassaient leurs réserves de LSD, d'extasy et de cannabis, c'est que ce devait être un endroit sécurisant. Mais pour elle, qui ne quittait que rarement la cité de Nexus, c'était un voyage qui s'annonçait atypique. Surtout en sachant qu'elle était accompagnée. La jeune voleuse souffla un coup, évacuant son stress, et le suivit sans trainer. Les rues de Nexus grouillaient de vie, comme à chaque fois qu'une vente aux esclaves avait lieu. Malgré qu'il ait choisit une rue isolée, elle fut vide remplie de vendeurs ambulants, qui quémandaient quelques sous en échange de fruits mûrs ... Ishtar se souvint avec une certaine honte du plaisir qu'elle prenait, autrefois, à malmener les esclaves de sa mère. L'idée de finir ainsi, une nouvelle fois, la fit frissonner. Elle vint attraper la main d'Edwin, scrutant les environs, vérifiant si on ne la reconnaissait pas.

L'adrénaline galopait dans ses veines, lui prodiguant des sensations aussi agréables qu'angoissantes. Elle chipa une poire, du raisin, les fourrant dans sa sacoche avec aisance ... Pas question que ce genre d'habitudes se perdent. Elle avait l'impression que les gens ne la voyaient pas, qu'elle était invisible ... Ainsi, au fil de la marche, elle regagna confiance, cherchant même avec un certain masochisme à croiser le regard des gens. Mais personne ne semblait la reconnaitre.

Elle poussa un soupir de soulagement.

- Tout se passe bien ...

Chuchota t'elle, avant d'attraper une cigarette entre ses doigts, et d'en tendre une à Edwin. C'était un excellent anti-stress ...

Devant eux, les portes de la cité se dessinaient, et on voyait des esclaves, ici et là, enchainés, qui suivaient leur "maître" en grimaçant, le regard perdu. Par réflexe, elle se serra davantage à Edwin ... Elle était heureuse qu'il soit là, avec elle. Bien plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer ...


( A suivre ... )