Petite pause après l'effort. [Terminé]

Quoi de plus pratique qu'une ambiance chaotique pour détrousser quelques poches. Quelques heures plus tôt Edwin se trouvait sur la place publique, se mêlant aux mouvements de foule pour laisser sa main se balader de sacs en sacs. Avant de reprendre le chemin des bas-fonds, il s'empara d'un morceau de pain sans faire preuve de plus de discrétion que ça. Edwin avait envie de courir un peu, d'un peu d'adrénaline. Son geste eut l'effet escompté tandis que le marchand se jeta dans la direction du jeune homme. Ni une, ni deux, Edwin entraîna le marchand derrière lui dans une course poursuite au milieu de la foule.

«Au voleur, au voleuuur ! Arrêtez le !» s'écriait le marchand, déjà à bout de souffle face au rythme que lui imposait le jeune homme.

Bien évidemment certaines personnes tentaient de s'interposer mais Edwin usait de quelques tours bien à lui pour empêcher qu'une main puisse se poser sur son épaule. Heureusement pour lui, les courageux restaient encore bien rares.
Finalement, le jeune homme dut dévier sa route lorsqu'il aperçut un groupe de la garde. Compte tenu de l'atmosphère qui régnait ces temps ci, les gaillards étaient sous tension et peu enclin à la clémence envers les voleurs.
Il récupéra donc une ruelle adjacente. Si le marchand avait déjà peu de chance de l'attraper, cette fois ci, ses chances étaient nulles car Edwin était déjà en train d'escalader un mur afin de se déplacer plus librement entre les avenues.

Peu de temps après, il arriva au quartier des bas-fonds. Edwin continuait à avancer de maison en maison pour finalement descendre prudemment dans une ruelle lugubre. Le jeune homme suivit la ruelle qui menait dans une petite cour où se trouvait un puits.
Le garçon s'installa alors contre un banc afin de savourer le morceau de pain qu'il venait de dérober. Il aurait aimé pouvoir y ajouter une délicieuse tranche de rôti ou un peu de fromage mais il fallait se contenter de ce qu'on trouvait après tout.
Ses pensées s'égarèrent alors, le jeune homme se demandant bien où il allait aller après son repas. Il avait amassé un peu d'argent, il pouvait peut-être aller jour aux dés... Ou bien trouver une taverne pour faire la fête.
Pendant ce temps de réflexion, Edwin avait baissé sa garde.

Un, deux, trois ... Agile et discréte, la petite voleuse bondissait dans le marché qui siégeait sur la place. Elle parvint à voler une bourse, de la viande froide et une mangue, sans qu'on vienne la tourmenter. Depuis combien de temps, déjà, courait-elle de droite à gauche afin de voler de quoi vivre ... ? Ishtar ne comptait plus, mais estimait que cela devait bien faire 6 ans , depuis que cet esclavagiste avait capturé & vendu sa famille entière. Et elle, seule survivante suite à ce chaos, était partie vivre dans une ancienne maison de geisha, dans les quartiers perdus de Terra. Elle ne mettait plus un seul pied sur Terre, ayant même oublié à quoi ressemblait cette contrée ... Alors, ici, du haut de ses 18 ans, elle se débrouillait tant bien que mal. Et elle volait, et faisait cela bien. Rarement, on lui avait mis la main dessus, et ses seuls ennuis se limitaient à des dettes qu'elle entretenaient avec quelques personnalités sombres de Terra.

Bref, sur ce coup-là, elle s'en sortie sans encombres. Sa sacoche, accrochée au revers de son kimono ( lui aussi volé ), était remplie de bonnes choses et semblait promettre un repas digne de ce nom ... Et là, elle le vit. Ce petit voleur, qui courait partout, qui ameuta tout le quartier. Ishtar se mit aussitôt sur la défensive, sa main cherchant la dague qu'elle gardait sur elle ... Si les marchands voyaient un voleur, ils se mettaient à en trouver partout, et ils finiraient surtout par découvrir qu'Ishtar n'était autre qu'une voleuse habile. Merde. Dans un élan, la jeune fille chercha à disparaitre dans les ruelles des bas-fonds, cherchant à échapper aux regards des gens, qui déjà la soupçonnait ... Après tout, elle avait l'allure d'une voleuse : cheveux noirs mal-attachés, peau diaphane couverte d'infimes cicatrices, kimono un peu trop grand, et surtout peu adapté à une personne de sa condition, pieds nus sur les pavés ... Elle se ferait vite prendre, si elle restait dans les parages. Ainsi, la jeune femme fit le choix de s'enfuir, aussi rapidement que possible.

- Eh ! Là-bas !

Merde, merde ! Affolée, Ishtar se mit à courir, se perdant volontairement dans le labyrinthe qu'était les bas-fonds. Si on connaissait les bonnes planques, il était possible de rester en vie ... Et c'était, bien heureusement, son cas. Elle trouvait refuge dans une des nombreuses maisons abandonnées que comptait ce lieu, se dissimulant dans une armoire en bois ... Les bruits de pas de ceux qui la poursuivait s'estompérent, et elle calma les battements de son coeur avec difficulté. Tant d'agitation, pour elle qui n'avait pas mangée depuis 2 jours ... La voleuse vérifia si sa sacoche était toujours là, et extirpa un morceau de viande de celle-ci, dévorant une tranche en peu de temps, avant de s'extirper de cette baraque qui n'inspirait pas confiance. Elle sortit son museau de cette planque, vérifiant à droite & à gauche si personne ne l'avait vu, et elle le vit alors.

Un jeune homme, un peu plus vieux qu'elle à en juger par son apparence, qui était assis sur un banc. Il n'avait pour seul repas qu'un bout de pain ... Elle sortit aussi discrétement que possible, et s'approcha de lui, s'arrêtant à son niveau.

- Plutôt frugal, non ?

Elle fouilla dans sa sacoche, et lui tendit un morceau de viande. Si Ishtar avait retenue une chose de son expérience de voleuse, c'était qu'entre camarades de misére, la solidarité est de mise ... Même envers celui qui vous a mis dans un pétrin innommable.

Profondément plonger dans ses pensées, Edwin n'entendit même pas que des pas se rapprochaient de lui.

- Plutôt frugal, non ?

Le jeune homme sursauta et les battements de son coeur s’accélèrent due à la surprise mais il n'eut aucun geste défensif. L'expérience lui avait appris que si quelqu'un lui voulait du mal, il ne prenait généralement pas le temps de s'adresser à lui.
 Edwin se tourna vers la jeune fille et explosa de rire.

«Tu m'as fait peur !»

Il dévisagea un instant la demoiselle de la tête aux pieds puis s'arrêta sur le morceau de viande qu'elle lui tendit. Edwin se leva alors, jeune homme pas bien grand, vêtu d'un veston en cuir brun par dessus un simple tee shirt assortit, un pantalon en tissu noir et des bottes en cuir souple de même couleur. En accessoire, il disposait simplement d'une petite besace qui lui permettait de stocker ses butins.
Le jeune homme s'inclina alors en signe de remerciement avant de prendre le repas que lui offrait la jeune fille.

«Merci beaucoup !»

Le jeune homme savoura chaque bouchée de son repas. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas mangé de viande, c'était vraiment un pur bonheur.

«Tu t'appelles comment ? Je ne crois pas t'avoir déjà rencontré...»

Si il est vrai que la plupart des voleurs se connaissaient entre eux, le fait qu'ils étaient de plus en plus nombreux rendaient la probabilité de tous se connaitre, faible. Le jeune homme se réinstalla alors sur le banc, invitant la jeune fille à prendre place auprès de lui.

«Tu reviens de la place publique toi aussi ? C'est un peu tendu ces temps ci avec leurs histoires de révolution...»

Ishtar le toisa longuement, pendant qu'il parlait, essayant de deviner quel genre de personne il pouvait être ... On lui avait appris, il y a bien longtemps, à deviner la personnalité d'une personne en se basant uniquement sur son physique. Et elle ne s'en était jamais bien sortie dans ce domaine ... Il arrivait qu'elle se plante totalement. Cependant, elle l'estima digne de confiance ; il avait l'air de faire partie de la caste des voleurs depuis bien longtemps. Tout dans son attitude laissait entendre qu'il n'était pas un jeune garçon bien "normal", qui sortait pour jouer au voleur avant de rentrer sagement chez ses parents. Et la manière dont il savoura le morceau de viande ... Elle eut un sourire. Il était comme elle. Une personne qui ne vit que de menus fretins, dont la vie est rythmée par des courses-poursuites où tout peut se jouer ... Une vie dangereuse, mais passionnante.

La jeune fille s'installa en tailleur sur le banc, remettant sur son épaule sa manche qui tombait lamentablement le long de son bras.

- Je m'appelle Ishtar, dit-elle d'une voix douce, qui reflétait bien son jeune âge.

Elle attrapa un morceau de viande, qu'elle avala bien vite.

- Leur révolution ... Bah, elle permet aux voleurs de devenir aussi riches que des rois. Entre les maisons abandonnées, les échoppes aux vitres brisées ... Nous n'avons plus qu'à nous baisser pour nous servir.

Son corps s'agita d'un petit rire, tandis qu'elle extirpait de sa poche un paquet de cigarette, qu'elle avait trouvée à demi-vidé sur le sol, suite à une bagarre entre ivrognes. Elle s'alluma cette "divine clope", comme elle les appelait souvent, puis se tourna à nouveau vers lui.

- Je "vis" sur Terra depuis des lustres ... J'y ai même une maison ! Quant à toi, je ne t'avais jamais vu ici ... Comment te nommes-tu ? Quel est ton âge ?

Ishtar pouvait se targuer de connaitre plusieurs voleurs, dans les environs ... Mais cet homme, elle n'avait jamais entendu parler de lui. Signe qu'il savait être discret ... Un bon point pour lui. Ishtar, elle, était connue, car incapable de ne pas faire parler d'elle. Ses frasques, ses maladresses avait tracées une sorte de légende qui la suivait partout où elle allait. La légende de la voleuse qui se met dans des situations aussi incongrues qu'extravagantes ...

Edwin remarqua bien qu'elle l'inspectait et le jaugeait, mais cela ne le dérangeait nullement et il était compréhensif : après tout elle était avec un inconnu au milieu d'une cour des bas-fonds et pas âme qui vive. Même le jeune homme devrait se montrer prudent. Finalement elle accepta de s'installer à ses cotés histoire de partager un repas.
Ishtar ? Non, décidément il n'avait jamais entendu ce prénom.  Il faut dire aussi qu'il y a longtemps que le jeune homme n'avait pas côtoyer de confrère voleur à part quelques vieilles connaissances de sa jeunesse.

- Leur révolution ... Bah, elle permet aux voleurs de devenir aussi riches que des rois. Entre les maisons abandonnées, les échoppes aux vitres brisées ... Nous n'avons plus qu'à nous baisser pour nous servir.

«C'est vrai, c'est vrai. Mais j'ai un peu de mal à me faire à l'idée de pouvoir me servir aussi librement. Puis du coup ça génère des soucis entre voleurs puisqu'ils convoitent les mêmes butins. Après ils se mettent à se taper les uns sur les autres.»

Le jeune homme réfléchit un instant. Pour lui, la situation n'était pas favorable à leurs affaires. Il craignait bien évidemment qu'un pillard un peu ambitieux prenne la tête d'un groupe organisé et se mette à faire pression sur les voleurs comme Edwin. Si cette situation était amené à arriver, la fin de la révolution ne résoudrait très probablement rien.
La jeune fille extirpa alors une cigarette d'un paquet quelque peu abimé.

«Oh, je peux t'en prendre une s'il te plaît ?» Le jeune homme laissa échapper un petit rire «Tu vas commencer à penser que je suis un bon à rien : pas de clopes, un pauvre morceau de pain en guise de dîner.» Un peu gêné, il se frotta la nuque.

- Je "vis" sur Terra depuis des lustres ... J'y ai même une maison ! Quant à toi, je ne t'avais jamais vu ici ... Comment te nommes-tu ? Quel est ton âge ?

«Moi c'est Edwin ! J'ai.. euh... Vingt hivers je crois. J'essaye de compter régulièrement, mais plus ça va et plus les chiffres deviennent compliqués.» Il était clair qu'Edwin n'avait pas du recevoir beaucoup d'éducation...

«Mais ceci dit, ça fait un bail que je cours les rues ici. Il y a quelques années de cela, j'étais avec un mec qui s'appelait Vicius, il avait monté une petite bande. Ca fonctionnait plutôt bien !»

Malgré tout ce qui s'était passé, Edwin ne voulait pas taire cette période de sa vie. Il y avait vécu des bons moments et ne rechignait jamais à en parler. Ses yeux se perdirent dans le vide un court instant, un vague sourire nostalgique sur les lèvres.
Puis, il refit face à la jeune fille.

«Eh, ça te dit pas de se trouver un coin pour faire la fête ? Je m'ennuie depuis ce matin, j'ai besoin de m'éclater un peu !»

Le jeune homme lui adressa un grand sourire, d'humeur fêtard et sociable.

Dans un sourire, la jeune fille lui offrit une cigarette et une boite d'allumettes. Il n'avait pas tort, et ne semblait pas aussi écervelé que certains voleurs opportunistes ... Peut-être était-ce son grand âge qui lui insufflait une certaine maturité. Ishtar, qui n'était aprés tout qu'une adolescente tout juste majeure, considérait chaque personne plus vieille qu'elle comme une personne mature. Même si elle devait avouer que, pour elle, la maturité était une sorte de mythe, que l'on raconte aux adolescents pour leur faire peur ... Elle tira une bouffée de tabac, le laissant incendier sa gorge et ses poumons, avant de le recracher dans un long souffle. La fumée, épaisse, mit prés d'une minute à s'estomper dans l'air frais. Sa manche, à nouveau glissa, et elle la remit correctement, dans un soupir agacé. Il faudrait qu'elle se trouve un nouveau kimono à voler, et cette fois davantage adapté à son anatomie.

Elle le regarda en souriant.

- Woah, tu as déjà fait partie d'une bande ? Je t'envie ... Je n'ai jamais vécu cette expérience. J'ai toujours oeuvré seule ...

Etait-ce un mal ? Elle se le demandait encore. Même si elle aimait sa solitude, certains soirées s'égrenaient bien lentement, tant elle s'ennuyait ... Une nouvelle bouffée de tabac fut inspirée, bien rapidement, au point qu'elle se mit à tousser pendant un instant. Je ressemble vraiment à une gosse... songea t'elle en grimaçant.

- Allons, tu n'es pas un bon à rien ... On a tous des périodes plus ou moins fastes. Je me retrouvais parfois avec une pomme pour me nourrir pendant trois jours, à mes débuts !

Elle éclata de rire, d'un rire cristallin. Au moment où elle n'avait que cette pomme, elle avait beaucoup moins rie, mais maintenant ... Son passé de voleuse inexpérimentée était bien loin derrière elle ...

Quand il émit l'idée de s'installer confortablement, elle aquiesca.

- Je connais une baraque abandonnée ... On y trouve tout ce qu'il faut pour boire & fumer.

Un clin d'oeil, et elle sortit la mangue de sa sacoche, la découpant en lamelles, avant de lui offrir quelques tranches. Suite à cela, elle l'emménerait dans cette maison victorienne oubliée depuis les débuts de la révolution. Un lieu qu'elle connaissait presque comme sa poche ...

Le jeune homme se saisit de la cigarette et l'alluma en un tour de main avec une allumette. Il rendit la boîte à sa propriété en lui adressant un sourire et une inclinaison de la tête en guise de remerciement. La cigarette était un réel luxe pour le jeune homme. Il en consommait essentiellement en soir de fête dès lors qu'on lui en offrait une... ou bien lorsqu'il devait se servir lui même. Il tira une longue bouffé, avala la fumée avant de la recracher avec lenteur.

- Woah, tu as déjà fait partie d'une bande ? Je t'envie ... Je n'ai jamais vécu cette expérience. J'ai toujours oeuvré seule ...

«Ouaip ! J'ai même commencé comme ça à vrai dire. C'est cool, mais le soucis c'est que t'as pas le droit à l'erreur... Parce que c'est pas seulement toi que tu mets dans la merde mais les copains aussi !»

Edwin se gratta un peu le menton avant de porter à nouveau sa cigarette aux lèvres. Il esquissa un léger sourire lorsqu'il fut la jeune fille s'étrangler en fumant. Après tout, cela arrivait à tout le monde...

- Allons, tu n'es pas un bon à rien ... On a tous des périodes plus ou moins fastes. Je me retrouvais parfois avec une pomme pour me nourrir pendant trois jours, à mes débuts !

Edwin laissa échapper un petit rire.

«Ah oui, j'ai connu ça moi aussi ! Encore aujourd'hui ça m'arrive, mais le plus souvent c'est parce que j'ai la flemme d'aller chercher à manger et qu'il me reste deux-trois trucs à grignoter avec moi.» Si le jeune homme était débrouillard, il aimait tout de même s'épargner au maximum de faire des efforts.

A boire et à fumer ? Il n'en fallait pas plus pour convaincre le jeune homme ! Il se leva plein d'énergie après ce délicieux repas, et comble du bonheur, Ishtar lui offrit quelques morceaux de sa mangue en guise de dessert !

«C'est vraiment cool de t'avoir rencontrée, tu m'apportes plein de bonne choses ! Faut qu'on reste en contact.» Il lui adressa un sourire taquin avant de poursuivre. «Non, je plaisante ! T'es une fille cool Ishtar, merci beaucoup.»

Il lui asséna un léger coup de main amical sur l'épaule en guise de remerciement. Il était rare de trouver, de nos jours, des personnes qui acceptaient de partager un repas, - voir même tout simplement de partager.

«Bon eh bien, c'est l'heure de la fête maintenant ! C'est toi qui connait le chemin, je te suis !» Le jeune homme commença à faire quelques flexions. «Puis hésite pas à prendre quelques raccourcis si tu veux, je devrai pas être trop à la ramasse !»

Elle aurait pu ajouter que peu de voleurs, ici, acceptaient de partager, et que certains en venaient même à piller leurs propres comparses, mais elle se retint. Il ne fallait pas non plus qu'elle en vienne à l'effrayer ... Les gens étaient si facilement méfiants, à cette époque ... Inutile d'en rajouter. Elle se fit un plaisir de déguster sa mangue, puis se leva, bien décidée à l'emmener dans cette demeure magique et magnifique. Le crépuscule s'annonçait, et avec lui une horde de créatures plus ou moins sympathiques ... Mieux valait éviter cela. La jeune fille fit signe à Edwin de le suivre, le faisant passer par un quartier qu'elle connaissait ... Elle s'y sentirait plus en sécurité. C'était un endroit où elle se plaisait à trainer, du temps où elle culpabilisait à l'idée de voler ... Elle comptait sur la générosité des gens, en ce temps-là, avant de comprendre que tout finissait par avoir un prix ...

Elle chassa ces mauvais souvenirs de son esprit, et avança d'un pas rapide vers cette demeure. Durant le trajet, elle ne pipa mot, ne disant rien d'autre que des " Suis-moi ", et se retournant pour vérifier s'il ne se perdait pas dans les dédales de Terra. Un quart d'heure après, alors que la nuit enveloppait les environs, elle le fit entrer dans une demeure assez fantasque : une maison de style, au bout d'une rue, trônait, derrière une grille ouverte, au centre d'un jardin abandonné. C'était un lieu peu rassurant, il fallait l'avouer ... Mais Ishtar adorait cette demeure. Quand des bruits de pas se firent entendre derrière eux, elle attrapa la main d'Edwin et le fit entrer prestement dans la maison, claquant la porte violemment. Alors, elle reprit son souffle, délivrant la main du jeune homme de son emprise.

- Les environs sont assez ... dangereux, dit-elle simplement, sur le ton de l'avertissement. Peu de personnes osent entrer dans cette demeure, qu'ils pensent maudite ...

Elle éteignit sa cigarette.

- ... Foutaises.

Et alors, elle admira les lieux ; ils n'étaient qu'au rez-de-chaussée, dans le salon, mais tout était symbole de richesse et d'oppulence. L'endroit était assez bien conservé, mise à part une fenêtre fracturée, des fauteuils usés et un tapis déchiré ... Ici, tout était fait de cuir, que ce soit l'immense canapé ou les fauteuils, les murs étaient peints, les bibliothéques débordaient de livres et les plafonds étaient sculptés. Sur les murs, des portraits étaient accrochés. On trouvait, ici et là, des lampes qui ne fonctionnait plus, plongeant la bâtisse dans le noir ... L'idée d'allumer un feu traversa l'esprit de la jeune femme, tandis qu'elle se dirigeait vers un buffet, qui trônait dans ce salon immense. Elle ouvrit un tiroir, et en extirpa un sachet transparent, où reposaient quelques feuilles séchées, qui promettaient bien des choses ... Ishtar se permit un rire, et ouvrit d'autres tiroirs, extirpant quelques bouteilles, le sourire aux lèvres.

Elle se tourna vers Edwin, les yeux brillants.

- Tu nous allumes un feu & je nous prépare de quoi fumer ... Entendu ?

Aussitôt partie, Edwin suivit les pas de la jeune fille en soutenant son allure. Pas un mot d'échangé et ce n'était pas plus mal : si le jeune homme savait qu'il était dans un coin tranquille quelques instants auparavant, la direction que prenait Ishtar laissait penser qu'il ne fallait pas traîner n'importe où au risque de croiser des individus dangereux.
D'ailleurs, il en fit même un jeu pendant le trajet : "Trouvez les types louches". Il jetait un rapide coup d'oeil aux quelques personnes qui traînaient dans la rue et il était presque amusant de constater que d'un simple regard on pouvait juger si une personne était bonne ou mauvaise. Pour certains, cela aurait pu être écrit sur le front que ça ne l'aurait même pas étonné.

Finalement après un bon quart d'heure de marche, les deux jeunes gens arrivèrent face à un bâtiment plutôt chic qui aurait pu avoir un certain charme si des gens l'habitaient. Aussitôt arrivés, la jeune fille entraîna Edwin à l'intérieur du bâtiment. Effectivement, le jeune homme avait cru entendre des gens arriver. Vagabonds ? Ou propriétaires ?

- Peu de personnes osent entrer dans cette demeure, qu'ils pensent maudite ...

«Si ça peut te rassurer, je suis pas très superstitieux !» dit-il un grand sourire aux lèvres tandis qu'il tira quelques bouffés de sa cigarette avant de l'écraser. «Et c'est abandonné du coup ? Comment as-tu connu cet endroit ?»

Puis il observa les lieux autour de lui. Il avait du mal à croire que personne voulait s'approprier l'endroit... Même si la maison n'était plus entretenue, elle restait incroyablement bien décoré et n'avait rien de sinistre. Tout était immense, c'était la première fois qu'il rentrait dans une si grande demeure.

- Tu nous allumes un feu & je nous prépare de quoi fumer ... Entendu ?

Edwin se tourna alors face à la demoiselle, tandis qu'un grand sourire illumina son visage en apercevant bouteille et pochon d'herbe.

«Bonne idée ! Parce que si on reste encore comme ça plus longtemps, on ne verra absolument plus rien ici.»

Le jeune homme s'approcha alors de l'âtre de la cheminée. Il sélectionna quelques morceaux de bois trainant sur le coté, faisant bien attention à prendre les moins touchés par l'humidité. Ensuite, il déposa quelques morceaux de papiers avant d'y poser une allumette. Edwin resta alors un instant face à l'âtre, soufflant sur les braises et laissant doucement les flammes prendre.
Le jeune homme se releva alors tandis que la pièce commençait à s'éclairer et à se réchauffer.

«Eh bien, c'est l'heure de trinquer je crois !» dit-il un grand sourire aux lèvres avant d'attraper une bouteille de ce qui semblait être du rhum et de se jeter littéralement sur le canapé.

Pendant qu'il préparait le feu, Ishtar se mit soigneusement à rouler un joint ... Ce geste, devenu habituel avec le temps, la rendait terriblement habile en ce domaine. Elle se souvenair avec exactitude de ce premier joint qu'elle avait roulé, un soir d'hiver, refugiée dans une cave, essayant d'échapper à quelques esclavagistes. En le fumant, une sensation féroce s'était emparée de son corps, et lui avait fait vivre la nuit la plus belle nuit de toute sa vie ... Une nuit qui fut un délire complet, ravageur & surtout excellemment bon. Bref, revenons-en à la réalité, quittons le domaine des souvenirs ... Ishtar, donc, tandis qu'elle achevait son "travail", releva les yeux vers Edwin, décidée à tout de même lui répondre.

- Cette maison est abandonnée ... Je l'ai cambriolée souvent, et une nuit, alors que je m'apprêtais à chiper deux-trois trucs, j'ai vu qu'ils étaient partis.

Elle le rejoignit sur le canapé en cuir, qui se réchauffa bien vite au contact du feu.

- Ici, on disait que cette maison était maudite, parce que construite sur un cimetière, ou je ne sais quoi encore ... Personne ne m'embête, quand je suis ici.

Un sourire se traça sur ses lèvres, tandis qu'elle attrapait une allumette pour allumer sa roulée. Elle tira une bouffée dessus, et admira encore une fois cette fumée délicieuse qui planait, chavirait dans l'air. Une seconde bouffée, et elle sentit les effets arriver doucement. Ishtar cligna des yeux, inspirant une large bouffée d'air à plein poumons ... Cette sensation, qui doucement s'emparait de son corps, la rendait infinimment heureuse. D'ici peu, elle aurait à nouveau l'impression d'être au coeur d'un rêve, hors de toute réalité ...

- ... C'est mon refuge. Ah ... Si les murs pouvaient raconter ce qu'ils ont vu en ma présence ... Ils me connaissent mieux que personne.

Une troisiéme, et elle tendit le joint à Edwin, s'installant plus confortablement sur le canapé. 

- Je dis vraiment n'importe quoi ...

- Ici, on disait que cette maison était maudite, parce que construite sur un cimetière, ou je ne sais quoi encore ... Personne ne m'embête, quand je suis ici.

«Ouais... Encore une histoire à dormir debout énoncé par un ivrogne dans un bar ça.»

Tandis que la jeune fille avait allumé le joint et que doucement un nuage de fumée s'estompait dans la pièce, le jeune homme ouvrit la bouteille de rhum pour en prendre une grande gorgée. Une fois fait, il eut une petite grimace et poussa un gémissement due à la teneur en alcool du breuvage.
Sans pour autant lâcher la bouteille, Edwin s'adossa sur le canapé et s'imprégna de la douce et si particulière odeur de chanvre qui se diffusait petit à petit autour de lui.

- ... C'est mon refuge. Ah ... Si les murs pouvaient raconter ce qu'ils ont vu en ma présence ... Ils me connaissent mieux que personne.

Le jeune homme tourna alors la tête vers la jeune fille un sourire aux lèvres. Visiblement les fumées semblaient déjà commencer à monter à la tête.

- Je dis vraiment n'importe quoi ...

Edwin explosa de rire en saisissant le pétard.

«Attend je fume un coup et on va pouvoir discuter !»

Le jeune homme aspira alors une grande bouffée sur le joint. Il ne la recracha pas immédiatement, la laissant ainsi se diffuser dans tout son corps. Ainsi, il n'expira qu'un mince filet de fumée. Il en fit de même pour les deux-trois suivantes et petit à petit, ses yeux se firent beaucoup plus minces et légèrement rougit en plus d'un léger sourire flottant sur ses lèvres. Une petite dernière pour la route puis il le tendit à la jeune fille.
Edwin explosa de rire à nouveau pendant un moment, sans réelle raison.

«Hmm j'adore cette sensation... Je sens plus mes bras, plus mes jambes, plus rien. J'espère que tu dis pas de bêtises sur le fait que personne vient ici, parce que sinon je me laisse tuer.»

Le jeune homme poussa un soupir de bien-être avant de boire à nouveau une gorgée de rhum. Cette fois ci pas de grimace, comme si la drogue avait anesthésie son palais.

«T'en veux ?» Il lui présenta la bouteille.

Puis finalement, il se laissa emporter par son coté curieux.

«Et donc... Qu'est-ce qu'ils diraient ces murs si ils pouvaient parler ? Ils seraient en mesure de me dire pourquoi tu vis cette vie ?»

( Oui, oui, je geeke honteusement ... )



L'adolescente attrapa la bouteille dans une main, et le joint dans l'autre, avec autant de précautions que possible. Elle avala une gorgée d'alcool, qui immola entièrement sa gorge et son palais ... Son seul réflexe fut d'inspirer lourdement, et d'apprécier la sensation de l'alcool réchauffant son corps. Elle avait la sensation que le rhum glissait, serpentait dans ses veines, afin de la maintenir dans un état très agréable ... Une taffe sur le pétard suivie cette gorgée d'alcool salvatrice, et lui insuffla une nouvelle délicieuse sensation de bien-être. Le sourire était désormais gravé sur sa bouche, au point que son visae ne puisse exprimer que le bonheur. Ishtar ferma les yeux, un moment, et se redressa brusquement ... Pour tomber à nouveau sur le canapé, avec la tête appuyée contre le ventre d'Edwin.

Elle avala une nouvelle gorgée de rhum, puis lui tendit la bouteille. Dehors, il faisait complétement nuit ... Elle eut un petit rire en entendant la remarque du jeune homme, aquiescant cependant ses propos. Elle non plus ne sentait guère son corps ... Elle avait la sensation d'être sur un nuage, réellement.

- Personne ne viendra ... assura t'elle en fumant à nouveau.

La jeune fille cligna violemment des yeux, faisant valser son joint entre les doigts. La fumée semblait l'envelopper complétement ...

- Ces murs ... Ils diraient que je suis folle. Ou que je suis destinée à le devenir. Que je devrais arrêter de fumer, surtout du cannabis. Que je devrais guérir mes insomnies. Que je devrais faire attention à qui je raménes ici ... Que je devrais être plus raisonnable, et faire moins de bêtises ...

Souffla t'elle en recrachant sa fumée, les yeux rivés sur un point inconnu, dans l'atmosphére. Ishtar tira à nouveau sur le pétard, le laissant mettre à mal sa raison et sa conscience. Parler de son passé ... Elle dut aspirer une nouvelle bouffée de cannabis avant de parler, tant cela lui semblait proche.

- Ma mère a été esclavagisée et vendue par mon propre père ... Je me suis enfuie avant que ça ne soit mon tour.

Dit-elle d'un trait, les yeux fermés. Puis elle les ouvrit à nouveau, observa cette pièce qui semblait remuer autour d'elle, et offrit le pétard à Edwin une nouvelle fois ... Elle l'avait bien chargée, et il était de taille conséquente. Fumer cela à deux était risqué, si on souhaitait rester pleinement conscient et raisonnable ...

- Pourquoi tu voles, toi ?

(Héhé, pas mieux pour moi  ).

Tandis que la jeune fille vint s'écrouler sur lui, Edwin explosa à nouveau de rire. Il la laissa faire, après tout ils ne faisaient rien de méchant.

- Ces murs ... Ils diraient que je suis folle. Ou que je suis destinée à le devenir. Que je devrais arrêter de fumer, surtout du cannabis. Que je devrais guérir mes insomnies. Que je devrais faire attention à qui je raménes ici ... Que je devrais être plus raisonnable, et faire moins de bêtises ...

«Boaf... Y a rien de mieux que la fumette pour arrêter les insomnies... Il y a même des trucs plus forts que ça, mais après tu deviens un vrai zombie et tu ne jures plus que par ça.» dit-il les yeux fixés sur la jeune fille. «Tu ramènes souvent des gens ici ?»

Puis alors vint le moment des histoires du passé. Les histoires douloureuses qui scelle le destin et qui fait que les gens sont ceux qu'ils sont aujourd'hui. Tandis que la jeune fille prononçait ces quelques mots, le jeune homme perçut très bien la douleur qui émanait de son discours, bien qu'atténué par les fumées inhalées. Par réflexe et presque inconsciemment, le jeune homme vint caresser délicatement les cheveux de la demoiselle, un geste qui se voulait rassurant, un geste qui semblait dire que sa douleur était partagée par quelqu'un d'autre.
Avant de reprendre une taf sur le joint, le jeune homme prit une goulée de la bouteille. Il la leva au niveau de ses yeux et constata que les trois quarts avaient été avalés en quelques minutes seulement. Lendemain difficile en perspective...

- Pourquoi tu voles, toi ?

Cette fois ci, c'était son tour. Il aspira une bouffée sur le joint pour se donner du courage, mais il n'eut que l'impression d'être davantage assommé et la sensation de ne plus pouvoir arrêter de sourire.

«Bin en gros... Ma mère, je l'ai pas trop connue. C'était une putain, elle est morte un peu après ma naissance. Et mon père, un ivrogne et infirme de guerre qui pensait pouvoir tirer profit de moi. Il avait vu juste puisque dès que j'ai quitté la maison, il est mort peu après.»

Il reprit à nouveau une bouffée sur le joint. Si le sourire persistait, il était pourtant bien lisible dans ses yeux qu'il éprouvait du dégout pour cette période de sa vie.

«Puis j'ai jamais cherché à mendier. Pendant longtemps, j'ai pensé que tout les adultes étaient plus ou moins comme mon père donc je ne voulais pas de leur pitié... Et ça m'a permit de rencontrer un mec qui s'appelait Vicius. Il m'a tout appris et si je suis pas mort en ce moment, c'est grâce à lui.»

Une dernière taf avant de rendre le joint à la jeune fille, qui avait bien diminué de taille. Le jeune homme reprit une gorgée de rhum tandis qu'il se laissa entrainer par les divagations que lui procurait la fumée. Ses yeux étaient tout droit fixés sur les vieux tableaux de la pièce alors qu'il continuait à caresser les cheveux de la jeune fille d'une main distraite.

Pendant son discours, elle avait réussie à ne pas divaguer. Habituellement, elle percevait le début d'une phrase, puis se mettait à complétement délirer ensuite, ne prêtant même pas attention à ce qu'on lui disait ... La remarque sur la fumette la fit rire légérement, et elle aquiesca dans un sourire. Mais quand il évoqua son passé, là ... Le sourire d'Ishtar retomba. Elle ne pouvait pas estimer si elle avait eu un passé pire que le sien, tant leurs deux enfances étaient différentes ... Mais équivalente en douleur, pensa t'elle. Les voleurs, bien souvent, n'avaient pas eu une enfance facile, et les histoires étaient douloureuses à entendre ... Elle avait une stupide envie de boire, quand elle était triste ... La jeune fille but donc une longue rasade de rhum, afin de se trouver aussi arrachée que possible. La sensation qu'elle était dans un rêve devint plus forte encore ... Elle secoua un instant la tête, ayant la sensation que tout son monde était en train de remuer avec elle, ce qui lui arracha un rire d'enfant.

Elle reprit ses esprits, réalisant qu'elle n'avait pas rie au bon moment :

- Navrée, je ne .... Je ne voulais pas rire de toi ... Je suis juste un peu ... déchirée.

Elle récupéra le "divin joint", qui ne survivrait que pour 6 taffes encore, et y tira une large bouffée.

- J'avais jamais connu mon père, avant ça. Il s'est ramené, un beau matin ... Il m'a fait croire qu'il me réserverait une douce et belle enfance, dans une famille unie ...

L'adolescente poussa un long soupir.

- Tu sais ce que les esclavagistes font à leurs ... "proies", avant de les capturer ?

Elle ferma les yeux, repensant à cette scéne qui l'avait marquée ... Ce père, qui débarquait. Sa mère, que l'on emmenait. Et elle, gamine de 12 ans, que l'on ... Elle ne trouvait même pas les mots pour le dire, et se sentait incapable de décrire ce qui était arrivé, là, à voix haute. Rien se saurait exprimer le dégout qu'elle avait ressentie à cet instant crucial de sa vie ...

- ... C'est sans importance.

Elle tira deux longues rasades sur le joint, lui offrant la fin ... C'est là qu'elle réalisa qu'il passait sa main dans ses cheveux depuis tout à l'heure, sensation qui eu le mérite de l'apaiser.

- Je ramène souvent des gens ... Souvent, quand j'ai envie de m'amuser, je sors, je vais dans un bar, dans une boite de nuit, je trouve une personne, et je l'emméne ici ...

La suite était tellement simple à deviner, qu'elle ne se permit pas de continuer ce discours. Elle sentait jusque que sa conscience était partie, pour de bon, et qu'il ne restait plus rien de raisonnable dans son esprit ... Et c'était ça, qui était bon.

Bien évidemment, le jeune homme remarqua que Ishtar se laissait aller en alternant rasade d'alcool et bouffé de fumée. Il ne pouvait pas le lui reprocher, n'étant pas tellement plus raisonnable sur ce point là. Lorsqu'elle se mit à rire, Edwin ne le prit pas mal. Il lâcha même un rire à l'unisson avec le sien : même si son passé était douloureux, la vie qu'il avait actuellement le convenait tout à fait. En fait, il se demandait même parfois si ce n'était pas préférable à un train de vie classique boulot, famille.
 
- Navrée, je ne .... Je ne voulais pas rire de toi ... Je suis juste un peu ... déchirée.

«T'inquiète pas, je partage ton état et puis, arrive un moment où il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Nous, au moins, nous sommes capable de vivre au jour le jour.»

Demain est un autre jour. C'était ainsi que le jeune homme voyait les choses, il ne s'enfermait pas dans le passé et ne se projetait jamais dans l'avenir.
La jeune fille reparla alors de sa vie passée.

- Tu sais ce que les esclavagistes font à leurs ... "proies", avant de les capturer ?

Le jeune homme ne dit rien, la laissant poursuivre, bien qu'il se doutait déjà de la réponse.

- ... C'est sans importance.

Edwin n'ajouta rien et récupéra le joint. Il ne voulait pas s'attarder sur ce genre de détails, ni remémorer davantage de souvenirs douloureux à la jeune fille, - même si c'était trop tard... Continuant à passer sa main dans ses cheveux, il la laissa poursuivre sur la question qu'il avait posé plus tôt et reprit une grande gorgée de rhum.

- Je ramène souvent des gens ... Souvent, quand j'ai envie de m'amuser, je sors, je vais dans un bar, dans une boite de nuit, je trouve une personne, et je l'emméne ici ...

Le jeune homme eut un léger sourire mais sans aucune arrière pensée. A vrai dire, l'état de presque léthargie dans lequel l'était l'empêchait d'avoir des intentions lubriques. Il tira une longue bouffée ce qui le fit tousser un petit moment : du au fait qu'il arrivait à la fin du joint, ce dernier commençait à brûler la gorge. Pour le coup, Edwin était complètement éclaté. Ses yeux commençaient à ne plus pouvoir distinguer correctement les choses autour de lui et sa tête tournait quelque peu.

«Tu sais, je vais pas te juger... Je suis pas un exemple en la matière, je fréquentais régulièrement les bordels avec des potes, tout comme des soirées plutôt... comment dire... des sortes d'orgies quoi.»

Pour autant, le jeune homme n'était pas non plus un Don Juan et il était même plutôt opportuniste, saisissant ses chances quand elles se présentaient. Finalement, il tira rapidement les quelques petites tafs restantes sur le joint avant de l'écraser par terre. Il avait l'impression de s'enfoncer toujours un peu plus dans le canapé.
Le jeune homme cessa de caresser la tête de la jeune fille pour passer son bras autour de sa taille. Il était tellement bien affalé entre les coussins avec en plus la présence de la jeune fille qui le réchauffait fortement.

«Ca fait longtemps que je me suis pas retrouvé comme ça avec quelqu'un... D'habitude, c'est toujours des soirées énormes où on arrive à peine à s'entendre les uns les autres...»

Pendant un court instant, le jeune homme divagua avant d'être pris d'une crise de rire. Sans vraiment s'en rendre compte, il se répéta :

«Je suis défoncé... T'es une fille cool, Ish'.»

Ses yeux se tournèrent alors vers les siens avec un grand sourire. Voir à quel point elle était sous l'emprise des fumées, le fit rire à nouveau. Lorsqu'il reprit la parole, c'était pour engager un sujet de conversation tout à fait différent.

«Tu as déjà eu un petit ami ? J'veux dire... Un mec dont t'était vraiment folle quoi ?»

Edwin n'en avait jamais eu à proprement parler. A vrai dire, il ignorait tout de ce qu'était l'amour tel que les gens le décrivaient.