Great Teacher Kyoshiro! [Neena]

Bien que craintive, l'adolescente n'était que légèrement angoissée par la situation. Elle avait jetée un regard en direction d'Edith, qui rongeait son frein en espérant que le professeur reporte son attention sur elle. Neena avait juste envie d'une clope, histoire de reprendre ses esprits, une bonne fois pour toute. Cette situation l'amusait. Elle ne parvenait pas à avoir peur au point de se mettre à pleurer toutes les larmes de son corps ; elle ne ressentait que cette foutue adrénaline qui s'injectait dans ses veines, faisant palpiter son cœur. Ses yeux brillèrent, tandis que, d'une voix cynique et moqueuse, elle se permettait un :

- J'adore me compliquer la vie ... Elle n'en est que plus belle.

Un sourire, tout aussi moqueur, vint clore cette remarque. Décidée à ne pas se laisser faire - la fierté avant tout - Neena était même prête à jouer le rôle de la petite peste désobéissante qui ne connaît que ses propres limites. Au fond, c'était peut-être déjà le cas ... Edith lui adressa un sourire en entendant cette remarque. Elle lui fit signe de ne pas se laisser abattre. Elle lança une dernière moquerie, légèrement provocante :

- Pour vous faire taire, je peux tous vous tuer.

Quelques remarques se firent entendre, des " L'est tarée, cette meuf' ! ", ou encore " Elle me fait peur ... ", ce qui l'encouragea à continuer. Elle regarda son professeur, souriante, murmurant :

- Même s'il en faut peu pour intimider un adolescent, je pense que pour quelqu'un comme vous, je devrais mettre les bouchées doubles ...

Il était temps, désormais, de se reprendre. Cette situation n'avait que trop durée ... La petite Neena avait une solution toute trouvée : une escapade sur Terra, quelques fioles dont le contenu permettait d'effacer une partie de la mémoire, ou encore des sortilèges ... Elle parviendrait bien à se débrouiller. Mais ce genre de filon, elle comptait bien le garder pour elle, et elle seule.

Sa dernière réplique fut alors aussi étonnante qu'impulsive.

- Si vous avez des suggestions, n'hésitez pas.

Tous les tuer, hein? Ça en faisait rire beaucoup. Même Shinichi, en miettes, se foutait de sa gueule. Kyô lui ne riait pas. A la seconde où elle avait prononcé ces mots, son aura s'était déployée. Ça restait une aura d'humaine, mais elle en imposait pas mal. Elle avait largement quoi de tuer tous ceux qui pouvaient mourir dans cette pièce. Il essaya de calmer le jeu, ça risquait de voler. Il s'en foutait un peu, des autres, et il ne risquait rien, mais l'aura de Neena semblait bestiale, limite incontrôlable. Un carnage serait malvenu ici, surtout qu'il avait prévu de suivre Edith jusque dans les toilettes après le cours, pour voir si elle n'avait qu'une grande gueule. Ça marchait moins bien si elle se faisait blesser par son amie. Donc, il fallait arrêter tout ça, dire stop. Mais il y avait un mais.

Car voyez-vous, arrêter cette petite furie représentait un challenge. Et le Kyô, les challenges, ça le faisait frémir d'excitation. Il ne put donc retenir la flamme vive de son bras, cette fois. Il la vit grimper, se rallumer de sa main jusque son épaule, et la regardait progresser, se propager et grandir en répétant "Non... non, non, non... Non!" avec un regard très peu assuré. Sur son autre bras, le tatouage réapparaissait, et sa chevelure repoussait à une vitesse totalement invraisemblable. Il ne pouvait pas changer longtemps d'apparence, visiblement. Surtout avec quelques tours de passe-passe et des artifices de Mortels. Alors il apparaissait devant cette assemblée de gosses, sa chevelures ténébreuse descendant en cascade dans son dos, ces flammes de mana noir qui s'agitaient nerveusement autour de son bras, au travers de ses vêtements. Il regarda ses deux mains, et regarda le plafond en clamant cette réplique qui restera à jamais gravée dans ses écrits religieux qui jusque là ont conté tous ses exploits:

"Oh, et merde!"

Au point où il en était, il pouvait arrêter de jouer les profs. Il attrapa Neena par le col et la souleva comme il l'avait fait avec Shin (mais de la main gauche), en lui adressant un regard noir, comme ceux qui font pleurer les petits enfants. Il lui afficha le même sourire mauvais et digne d'un Dieu du Chaos que celui qu'il avait affiché avant, et fit apparaître son épée dans sa main libre. Il lui présenta la lame rehaussée de dents longues et pointues, puis dit d'un ton grave:

"Voilà ma suggestion: avant que tu ne te mettes à maraver tous tes mignons petits camarades, je t'ouvre le bide, je te sors les entrailles, et je t'étrangle avec. Et putain, tu peux pas savoir comme ça me démange, c'est ta faute si mon petit jeu est foutu et que maintenant, je vais devoir magouiller comme un malade pour m'en sortir."

Des élèves, en proie à la panique vu leurs pantalons mouillés, se dirigeaient à nouveau vers la porte. Kyô ajouta, sans même leur adresser un seul regard:

"Inutile, ça fait un petit moment que l'issue est bloquée. Mais si certains veulent sauter par la fenêtre du deuxième pour finir para ou tétraplégique, c'est pas un problème!"

Cette fois-ci, il avait gagné ... L'adolescente avait peur. Pas un effroi qui la ferait tomber en syncope, mais un de ceux qui vous font sourire de manière nerveuse et débile ... Vous situez ? Les yeux écarquillés, la jeune fille le regarda se transformer, et n'eut aucun mal à deviner qui il était : soit une déité, soit un taré. Au choix. Quoiqu'il avait franchement l'air de faire partie des deux catégories. Quand il la souleva de terre, la fillette émit un petit cri de surprise, tandis qu'Edith, terrifiée, ne réagissait pas. Son sourire était retombée, et elle cherchait son portable, dans le but d'appeler une quelconque autorité. Neena regarda la lame s'approcher d'elle, sans pour autant parvenir à décrocher ce sourire. Féchié. Elle bougea pas, ne gigota pas dans tous les sens comme un poisson hors de l'eau, restant désespérément stoïque et souriante. Sa première réplique fut :

- Ah, dommage .. Si j'avais encore mon cutter ... On aurait pu se battre.

Sa voix n'était plus aussi assurée, mais toujours aussi cynique. Puis elle s'adressa à ses "camarades".

- Allez, sautez tous par la fenêtre ! Cela nous rendra service à tous ...

Un sourire mauvais, puis elle regarda le prétendu-professeur-même-si-ça-ne-faisait-plus-aucun-doute-qu'il-était-tout-sauf-prof. Son cœur trépignait d'impatience, coincé dans sa cage thoracique, et ses yeux brillaient d'un feu presque fou. Frôler la mort, quel délice ... L'adrénaline était à son paroxysme. Et l'adolescente n'en était que plus excitée, et incitée à continuer ce petit jeu. Elle haussa un sourcil, souriante, sans parler, se contentant de ne pas lâcher ce regard aussi sombre qu'un caveau.

- Ne me tues pas, pitié ... grinça t'elle, cynique au possible.

Elle l'encourageait presque, en disant cela, à planter son arme dans son ventre. Mais elle savait qu'il n'en ferait rien. Le défi était trop important, et elle ne comptait pas le perdre. Qui des deux flancherait le premier? Tu t'adresses à un dieu, fifille ... lui marmonna sa conscience. Oserait-il la tuer ? Elle posa une main malhabile sur l'arme, l'effleurant du bout des doigts, sans cesser de sourire.

- Vas-y, je t'en prie ... Éventre moi, murmura t'elle.

Dois-je d'indiquer que le ton utilisé était provocant ?

Elle le provoquait là, clairement. Le Dieu était si enragé que sa poigne en tremblait. Il leva l'épée, et se contenta de balancer la gamine contre le tableau, en lui jetant Suffering aux pieds. Après tout, c'était pas son genre de frapper une femme. Sauf Artémis. Et Athéna. Et Héra aussi, et un peu toutes les autres divinités qui lui tapaient royalement sur les nerfs. En gros, seulement celles qui pouvaient le mettre rapidement au tapis en y mettant un peu du leur. Il retraversait la salle, et parlait en regardant le mur droit devant lui:

"Même avec cette épée, t'as absolument aucune chance. Arrête tes conneries, c'est pas du cran ça, c'est juste de l'arrogance mal pla..."

Il s'était subitement arrêté. En arrivant près des rangs du fond, il avait entendu cette petite voix sur sa gauche, une petite voix qui disait "police secours?". Il se tourna. Edith tenait en main son téléphone, à demi penchée sous la table. Il lui prit des mains, en s'exclamant:

"Arrête de jouer avec mon portable Nicole, j'vais avoir des problèmes! Les keufs en plus, ah ben merci..."

Il posa son oreille contre le combiné prenant un ton mi-amusé mi-gêné:

"Ouais? Désolé, c'est ma copine qui fait des conneries, navré... Ouais, j'm'en doute, excusez pour le dérangement."

Il raccrocha, brandit le téléphone en l'air, le pointa du doigt et le fit exploser. Il en fit de même avec les manivelles des stores, pour clore la salle définitivement.

"Le prochain qui tente quelque chose du genre, c'est sa tête que j'explose, pigé?"

Il s'adossa contre le mur, face à Neena, s'allumant une énième clope. Il y eut une période de flottement, où tous le regardaient, se demandant s'il fallait aider Neena à lui faire la peau, ou bien obtempérer comme des gros lâches. Kyô rompit le silence:

"Bon, ok je suis pas un prof*. Ça veut pas dire que mes cours servent à rien, c'est même de l'enseignement divin. Vous êtes en présence d'un authentique Dieu grec, vous pourriez en profiter, plutôt que de chialer."

Il avait laissé le doute sur son identité pour une seule raison. Vu son comportement de Dieu vachement méchant, il voulait savoir si on le prendrait pour tonton Arès ou le vieux Hadès, ou encore pour ce givré de Thanatos. Enfin bon, c'était marrant de se faire comparer aux meilleurs, alors il voulait juste voir.

*=Non, sans blague!

Après la présentation dudit dieu grec, Neena s'amusa à compter ceux qui tombaient en syncope, ceux qui se signait en tremblant, ceux qui se retenaient de rire, et ceux qui fantasmaient. Inutile de dire qu'Edith faisait partie de la dernière catégorie. L'adolescente se massa le haut du dos en grimaçant. Il avait beau être un dieu, il venait de la jeter contre le tableau ... Qui n'était guère accueillant. En maugréant quelques insultes, elle se releva, sans le quitter du regard. Un dieu grec ... ? Pour la jeune athée-rien-à-foutre qu'elle était, cela relevait de la blague suprême. Mais il fallait avouer que la transformation l'avait bluffée ... Elle surprit Edith en train de regarder le dieu de manière ... 'fin, bref, je vous fais pas de dessin, elle fantasmait de plus en plus sur lui.

Son seul réflexe fut de s'allumer aussi une cigarette ... Autant en profiter.

- Et ... Tu nous prends en otage, là ? osa t'elle dans un sourire.

Une fille de la classe lâcha un " Je ne suis pas contre ... " - je vous laisse deviner qui ... -  tandis que d'autres paniquaient. A coup sûr, ils avaient tous vus Battle Royal, ou au moins Dead Bells, et commençaient à baliser en s'imaginant devoir survivre en s'entretuant. Marrant. Le scénario était plaisant ... Bien vite, Edith quitta sa place pour se rapprocher de Neena, les yeux brillants. Elle s'accrocha à son bras.

- Il est beau, hein ? murmura t'elle.

- T'as vraiment un problème, toi ...

- J'suis sûre que c'est Arès ... T'imagine, je me fais Arès ?

Neena leva les yeux au ciel. Cette fille était vraiment dingue. Mais elle pouvait aisément la comprendre ... Les gars dangereux et ténébreux, ça avait du charme. Surtout quand il menaçaient de vous tuer. C'était du pur masochisme, en fait ... Les gens sont tarés. Tandis qu'Edith l'imaginait dans son lit, Neena flippait davantage ... Dans l'histoire, elle courrait le risque de s'en prendre plein la gueule.

Mais bon. Vivons dangereusement, ou laissons-nous mourir, disait sa grand-mère. Un conseil qu'elle s'efforçait de suivre ... Peut-être trop, d'ailleurs.

Dans la pénombre de la pièce s'alluma une petite lueur rouge. Avec les stores fermés, on se distinguait à peine. Et personne n'osait bouger pour allumer tout simplement la lumière. Tout le monde attendait qu'il se passe quelque chose, et pendant quelques secondes, il ne se passa rien. Le Dieu s'amusait tout seul, de savoir qu'il savait clairement qui était qui par l'aura. Il ressentait même la frénétique poussée de libido d'Edith. Il coupa le silence, perturbé par quelques petits chuchotements.

"En principe, les otages, ça me permet de sortir, ça m'en empêche pas... Là, vous en savez bien trop pour que je puisse sortir peinard, tu vois le problème?"

Il soupira, croisa les bras, pensif, et tira encore sur sa cigarette:

"J'ai deux solutions. La plus simple et la plus sûre consiste à tous vous buter. L'autre, c'est de trouver un compromis pour que vous ne dîtes rien, jamais, à personne."

C'était moins facile, ça. Allez empêcher un adolescent de raconter qu'il a été pris en otage par Arès, qui remplaçait son prof de philo et qui a humilié Shinichi devant tout le monde. C'était presque impossible, mais le Dieu aimait à croire que les miracles, ça arrivait aussi aux Olympiens.
On entendit un raclement métallique, quelqu'un venait de ramasser l'épée en sanglotant. Shinichi, l'arme en main, peinait à tenir debout. Mais son aura aussi ridicule que faible était plus déterminée que jamais.

"Je... Je vais sauver tout le monde! Même si... Même si je dois tuer un Dieu!"

Il se rua vers Kyô en criant comme un héros de shônen qui porte le coup final. Sauf que dans son élan, il avait failli se viander. Il utilisa Suffering pour donner un grand coup au niveau du cou, avec toute l'énergie qu'il avait. Mais...
On entendit juste un petit Ting!, suivit d'un petit glapissement surpris de la part du gosse. La dent la plus longue de l'épée, qui devait déchirer la gorge de Kyô, avait été stoppée par son seul index tatoué de noir. Il soupira, alors que le jeune homme était effaré.

"Que l'arme ait été forgée par Héphaïstos ou pas, tu pourras jamais espérer me battre avec une aura aussi faible. Tu as autant de mana qu'un chiot..."

Clope en bouche, il mit son autre main au niveau de la tête de l'élève, et lui asséna une pichenette. Le gosse lâcha l'épée, recula de trois pas en se tenant le front. Il voyait flou. Il était vraiment trop faible.

"On trouve un arrangement ou je dois vraiment en finir? Je dois avouer que ça me gêne un peu de devoir tuer des jeunes filles dans la fleur de l'âge..."

Les jeunes hommes, il s'en foutait complètement en fait. Il avait bien envie d'achever ce déchet de Shinichi, au passage.

Neena regarda Shin' se ridiculiser sans ciller, tandis qu'Edith ne lâchait pas son bras, cramponnée avec une ferveur qui commençait sincérement à faire flipper l'adolescente. Actuellement, elle ne rêvait que d'une seule et unique chose : un joint, qu'elle fumerait en souriant de manière béate. Mourir en étant totalement défoncée, c'était juste le bonheur ... Elle s'apprêtait à fouiller dans sa poche pour s'en trouver - quitte à crever, autant s'en rouler une avant ... - quand Edith tira sur son bras en beuglant :

- Je pense qu'un arrangement est possible !

- Hein ?!

Neena faillit s'étrangler, quand elle vit Edith arborer un sourire qui en disait bien trop long sur ses intentions. Raaah, ça devenait inconvenant ... Cette fille est un boulet. Edith lâcha donc le bras de son amie, s'avançant vers le dieu avec une démarche qui lui offrait un déhanché terrible. Sûr, pour allumer, Edith était imbattable ... Mais pour la suite des événements, c'était souvent moins prometteur. En bonne junkie, elle finissait par s'assoupir ou tomber dans les pommes dés que les choses devenaient intéressantes. C'était assez simple, amphet' ... Edith était l'exemple que Neena ne devait pas suivre.

En attendant, elle était arrivée au niveau du prof, tandis que Neena commençait à se rouler un joli joint, qu'elle termina au moment même où Edith donnait un coup dans Shinichi pour qu'il dégage de son chemin, et qu'elle alluma dés qu'Edith posa sa main sur le torse du dieu.

- ... N'est ce pas ?

Un sourire enjôleur, des yeux brillants ... Pitié, épargnez-moi ça. Neena tira une bouffée sur sa "cigarette", regardant le petit manège de son amie. Si ce prof en venait à refuser cette offre ... Non, il ne refuserait sûrement pas. Pas devant le charme d'Edith. Ou alors, il a un grain. Plausible. En attendant, elle fuma dans son coin, se laissant porter par les effluves de sa drogue adorée.

Les yeux de Kyô étincelaient de malice, devant Edith. Elle le pensait vraiment assez niais pour tomber dans le panneau? Il écrasa sa clope contre le mur en souriant, sans la lâcher des yeux, et puis, d'un coup, plaqua ses mains sur ses fesses pour la ramener à lui. Il l'embrassa, d'un coup, en la caressant le plus naturellement du monde. Il posa ensuite ses deux mains sur ses épaules et la repoussa doucement. Il se força de rougir, et prit un ton faussement offusqué:

"Non, c'est très mal de faire ça... Entre un prof et une élève!"

Et après, il explosa de rire, sous les yeux surpris de tous. Il retint une larmichette, se frotta les yeux et la regarda:

"T'es marrante, je t'aime bien. Mais ton engagement personnel ne vaut strictement rien, d'autant que pour toi, c'est pas un énorme sacrifice, t'es pas dure à cerner. Et puis regarde-Moi, j'ai l'air d'avoir du mal à séduire les femmes? C'est comme si je t'offrais la bouffe de la cantine, qui voudrait de ce qu'on lui offre tous les jours?"

Il regarda par-delà l'épaule de la jeune fille. Neena était en train de se fumer un joint, tranquille, assise sous le tableau comme Shinichi un peu avant. Il se racla la gorge pour attirer son attention, sans résultat. Mine de rien, les mains du Dieu étaient revenues sur les fesses d'Edith. C'était mieux que de les garder dans les poches...

"Neena, tu pourrais te sentir concernée non? On est un peu dans la même merde tu vois... Mon identité, tes petites affaires, tu vois le tableau... Donc si t'avais une issue qui consisterait pas à tuer toute la classe où à me taper une par une toutes les jouvencelles du bahut, je suis preneur."

D'autant plus concernée qu'elle faisait partie des jouvencelles du bahut. Toute la classe les regardait tour à tour comme s'ils étaient en train de faire du rodéo sur un canard en caoutchouc géant, affublés d'un costume de gorille (Note du joueur: bon, pour cette dernière image, il est possible que la fumée dégagée par la soi-disant clope de Neena me soit parvenue...). Oui, il ne fallait pas oublier que la jeune fille se trouvait dans la même galère. Et qu'elle avait beau se foutre de tout ce qui l'entourait, il faudrait bien faire face. A moins que Kyô ait la soudaine envie de se droguer à son tour, et de détruire la moitié du lycée en tirant des Burning Rain dans tous les sens.

Etait-elle vraiment en état de répondre ... ? Chaque seconde était consacré à la contemplation du plafond, où elle imaginait le ballet d'un milliards de papillons aux ailes en forme de feuilles de cannabis, de toutes les couleurs et clignotant de toutes parts. Bref, elle glissait doucement vers le délire, aveuglée par ce qu'elle fumait. Il est donc nécessaire de préciser qu'elle mit au moins une minute à comprendre que le professeur lui parlait, et une minute supplémentaire pour qu'elle parvienne à comprendre ce qu'il disait. Quand à la réponse qu'elle se devait de donner ... Il allait falloir un moment avant qu'elle comprenne la construction d'une phrase correcte, qui ne ressemble pas à " On va aller à la toboggan qui tourne fort " ( Note de la narratrice : Ha, ça, ça sent le vécu ... *soupir* ) ... Elle tourna lentement la tête vers le professeur, et s'échappa de sa bulle.

Mais elle ne savait pas quoi répondre, amphet'. Elle n'avait pas de solutions concrètes, en cet instant précis. Alors, Neena bailla, et bafouilla quelque chose d'incohérent avant de répondre :

- Baaaaaaaaaaaaaah ...

La classe n'avait jamais été aussi silencieuse. Mais la jeune fille s'en foutait, parce qu'elle ne s'en rendait pas compte ... Je ne vous décrirais pas la vision qu'elle avait de la vie actuellement, mais essayez juste de vous remmémorer dans quel état vous êtes quand votre réveil gueule à 6h le lundi matin, et vous obtiendrez une assez bonne vision de son état.

- Y'a une de mes amies, sur Nexus ... Qui possédent la capacité de faire des philtres. J'en ai déjà fait les frais.

Une phrase débalée d'un seul coup, presque vite, avant qu'un hoquet l'agite à deux reprises. Comme quoi, elle avait des éclairs de génie ... Parfois.

- Un philtre d'oubli, que je pourrais me procurer ( hic ! ) demain ( hic ! ) et ils oublieront les dernières ... 36 heures.

Elle assassina un nouveau hoquet, et tourna son visage vers celui du dieu, souriante, insouciante ... Follement shootée, aussi.

Demain? C'était peut-être un peu tard, demain! Il suffirait à peine de deux heures pour que l'info soit diffusée dans tous le lycée, trois pour les réseaux sociaux, trois et demi pour la presse, et d'ici ce soir, tout le monde saurait que Kyô avait encore foutu le bordel. Pire, on croyait que c'était Arès. Devoir se battre avec son oncle ne le dérangeait pas, se faire haïr alors qu'il avait eu du mal à susciter sa sympathie, là, c'était la merde. Perplexe, il soupira, en tapotant les fesses d'Edith pour s'occuper.
C'est qu'elle les avait fermes. Enfin...

"Non, trop long. Et ça m'ennuierait que tout le monde oublie, j'ai quand même pas fait cours pour des prunes..."

C'était assez agaçant, le fait qu'elle ne le regarde sans le voir. Elle avait beau être droguée, il était en face d'elle, et il n'était pas n'importe qui. La plupart des vieux cons l'auraient déjà malmenée, franchement, quel Dieu aimerait se faire snober par une junkie en plein trip?

"Et t'as pas un philtre de lucidité par hasard? Parce que ta fumée là, elle me tape sur les nerfs autant que ta tronche de défoncée."

Quoiqu'il puisse en dire, le professeur n'avait rien contre la drogue. Il en consommait aussi parfois, avec Dionysos. Mais ne subissant que peu l'emprise des substances, et la dépendance, il gardait seulement ça pour les festivités, les jours de pluie fraîche, ou dans les bordels. Il n'aimait pas vraiment Nexus, à cause de sa hiérarchie qui heureusement s'ébranlait avec la révolution, et du marché aux esclaves. Mais il appréciait beaucoup là-bas, les maisons closes, ou autres débits de boisson. Et les jeunes femmes nobles aussi, très belles, bien vêtues, mais aussi très connes, bien manipulables.

Il déposa quelques baisers dans le cou d'Edith, et la quitta doucement avec un petit sourire charmeur. Il s'approcha de Neena, dans son petit nuage dans les deux sens du terme, d'un pas résolu, avec un regard glacial. C'était quand même un méchant. Il s'accroupit pour se mettre à la hauteur de la gamine, le visage rayonnant de chaleur, avec un sourire et un regard bien trop doux pour être honnêtes. Derrière eux, Shinichi et Edith croisaient leurs regards. L'un était dédaigneux, l'autre terrorisé. On avait l'impression qu'elle allait le tabasser sans aucune raison. Le pauvre garçon ne comprenait même pas pourquoi elle l'avait frappé, juste après que le prof l'ait sonné.

"Alors Neena? Hé, Neena... Tu reprends tes esprits, ou je dois t'aider?"

La gentillesse avec laquelle il s'exprimait en fit frissonner plus d'un. Comme si c'était en cachant sa méchanceté qu'il devenait le plus terrifiant.

- Pour un dieu, t'es pas très utile.

... La drogue, ça rend certes con, mais parfois très franc. En cet instant prècis, c'était le parfait mélange des deux : une réplique qui exprimait aussi bien sa non-envie de réfléchir à une solution plausible que celle de vouloir partir. Au sens propre du terme. Dégager, sortir de cette pièce, quoi. Mais elle savait qu'elle serait confronté à pas mal de soucis concernant ses petits trafics. Quand on a une chevelure tellement empreinte de cannabis et de shit qu'en la respirant simplement, on décolle, il faut mieux la jouer discréte. L'adolescente se massa le front, et plongea son regard dans le sien, essayant de le maintenir du mieux qu'elle le pouvait. Elle ne comptait pas se perdre en excuses vis-à-vis de sa réplique impertinente et cinglante, malgré le regard de son amie, aussi incendiaire que possible.

Derrière, la classe n'osait même pas réagir. Une petite adolescente droguée et fluo osait donc parler ainsi à un dieu ? Ils avaient peut-être peur des représailles ... Cela la fit sourire.

- On ne peut pas les tuer, vraiment ?

Cette réplique fut débitée avec la voix d'une petite fille déçue, avant que Neena ne reprenne ses esprits.

- Je peux aller sur Nexus maintenant, sinon. On les endors le temps que je chope le philtre, et basta. Tant pis si les gens oublient ton cours ... Faut savoir faire des concessions.

Sourire plutôt moqueur, puis son visage retomba tandis qu'elle constatait que son joint n'était plus, et qu'il ne demeurait que le ticket de métro qui servait de faux-filtre. Elle le mit dans sa poche, n'osant pas le jeter à l'autre bout de la pièce. Puis elle fixa à nouveau Kyô, un brin chancelante.

- Tu n'as pas un "super-pouvoir" suceptible de nous aider, toi ?

Derrière, Edith bafouilla un " Elle exagére ! ", chose que Shinichi approuva. Et Neena se massa à nouveau les tempes. Il lui faisait peur, ce dieu, mais elle n'arrivait pas à le respecter. Ah, l'adolescence ... Le fait qu'il lui parle gentiment alors qu'il était un "méchant" dieu l'amusait plus qu'autre chose.

Kyô tiquait nerveusement. La drogue rendait les demoiselles tout à fait désagréables. Alors elle pouvait dès maintenant aller sur Nexus? Il y avait un coup à jouer là... Il se redressa, bailla, se gratta derrière l'oreille, arrêta de le faire parce que ça le faisait penser à un lapin, se retourna et dévisagea Edith et Shinichi.

"Ok, on les tue."

Les regards des élèves se braquèrent sur la porte et tous ceux qui étaient assis se levèrent (ces soirées-là!♫). Mais à peine s'étaient ils dressés que des chaînes apparaissaient comme sortant des murs et du plafond, et attachaient fermement en battant l'air chaque personne à ces mêmes-murs et plafonds. Il n'y avait plus que quatre personnes libres de leurs mouvements, à savoir Neena, Edith, Kyô et Shinichi.

"Vraiment utile comme pouvoir, la Prison des Ténèbres..."

Et il en avait d'autres en stock, des techniques avec ses chaînes. Il baissa les yeux vers les seins d'Edith, et s'adressa à Neena sans les lâcher.

"Le prix à payer pour mon silence, c'est ton silence. En revanche, si tu veux rester en vie, tu dois me donner la vie d'Edith."

Quitte à rentrer chez lui, il préférait garder la jolie donzelle avec lui. Pour survivre, Neena devait vendre son amie. Shinichi, c'était un bagage, il ferait un beau cadeau à tonton Hadès, une victime qu'on peut torturer facilement. Le pire pour ce gamin maintenant, c'était de ne plus pouvoir mourir. Hadès pouvait faire ça.

"Au fait, je suis pas Hadès. Ni Arès, ni Thanatos, et pas même Moros. Je suis Kyô, le fils d'Artémis. Je passerai peut-être vous voir chez mon grand-oncle aux Enfers, à l'occasion."

Là, c'était de la mesquinerie, et un bon moyen de se faire connaitre. Mais c'était gratuit, et maintenant, ce cher Kyô avait l'assurance que personne ne le dirait ici. Il daigna enfin détacher son regard des nichons d'Edith, et se tourna vers Neena.

"Bon, on rentre? Ou tu veux monnayer aussi la vie de ta copine?"

Des négociations ... ? La jeune fille grogna. Elle détestait cela. Mais bon, là, elle n'avait pas tellement le choix. Et au vu du visage qu'affichait Edith, le problème serait bien vite réglé. Son amie trépignait d'impatience, ravie de repartir avec un dieu et de tirer une croix définitive sur sa vie actuelle. Edith passait, ici-bas, son temps à se foutre en l'air, de mille et unes façons ... Elle n'avait de moment de conscience que très rarement : le matin, entre une cuite mémorable et un joint pour marquer son réveil, ou parfois le midi, où elle acceptait de cesser de fumer pour manger, puis s'envoyer un rail dix minutes après.

Sans doute serait-elle plus heureuse là-bas ... Elle va me manquer, cette conne. Edith regarda Neena avec un grand sourire, et ne lui dis qu'une chose, qui était à la fois terriblement stupide et profondément touchante :

- Fais-toi tatouer mon prénom, Neena. Je me ferais inscrire le tien ...

Elle lui fit un clin d'oeil, et Neena revins à ses moutons : ce fameux philtre.  Elle se tourna vers Kyô.

- Tiens-tu tant que ça à m'accompagner ? Je peux m'en charger toute seule ...

Cette fille, là-bas, était son "dealer", et elle n'acceptait que de recevoir Neena, et d'autres clientes. Kyô avait beau être un dieu, il n'était pas dit que cette femme soit d'accord. Il valait mieux que Neena souligne ce point, d'ailleurs ... Cette magicienne était capable de lui refuser une entrevue au motif qu'elle ne soit pas seule.

Les gens de Nexus étaient très méfiants, en ce moment où la révolution grondait.

- Cette personne ... ne sera pas d'accord si j'améne une tierce personne, quelle qu'elle soit. Il vaut mieux que je m'y rende seule. Je serais ici dans deux heures.

Si elle se raménait là-bas avec 4 personnes, ce serait folklo ...

Il avait mis un temps fou à recoller ce que Neena racontait. Ah ouais, elle était restée sur son idée du philtre. Alors que lui était finalement d'accord pour buter tout le monde et garder Edith et Shin. L'idée du tatouage, il trouvait ça terriblement con. C'était pas parce que la fille était à lui qu'elle ne pourrait pas voir son amie. C'était pas son esclave non plus, l'esclavage était contre sa religion.

"Le canon et le morveux, ici!"

Les deux concernés approchèrent. L'un s’exécutait à contrecœur, l'autre sautillait d'un air jovial. Edith tendait gentiment la main à Neena pour l'aider à se lever, Shinichi s'appuya la tête contre le tableau, en réalisant enfin dans quelle merde il était: Au revoir la famille, les quelques amis, les magazines cachés sous son lit. Et bonjour la souffrance au plus profond d'un lieu inconnu et sordide. Il voulait se jeter par la fenêtre, mais la seule chose qui l'empêchait, c'était les stores abaissés. Dos à tout le monde, il se pinça les veines du cou, se sentant faiblir peu à peu. Une mort lente mais indolore, mais une fin quand même. C'était mieux qui suivre ce Dieu que personne ne connaissait.

"On avait dit qu'on butait les autres témoins non?"

Des glapissements d'élèves apeurés se firent entendre. Ceux-qui se mirent à hurler eurent aussitôt une chaîne en travers de la bouche pour les faire taire. Kyô se tourna vers le reste de la classe et enroba son visage derrière son masque de bandes. Les doigts du Dieu se mirent à danser devant lui comme s'il jouait de la harpe, laissant après leur passage quelques billes noires qui restaient statiques et immobiles. Kyô s'arrêta quand il y en eut autant que de lycéens captifs:

"Black Execution Rain!"

Chacune des billes noires fusa comme un trait exploser au visage d'un élève. Ils avaient tous été tués d'un coup par cette attaque, et on aurait plus de mal à les identifier, faute de visages. L'explosion avait brûlé les têtes partiellement détruites, le saignement était moindre. Un travail propre, une exécution digne de ce nom. Le Dieu en revint aux mondanités, mine de rien. Shinichi risqua un œil aux camarades qui s'étaient toujours foutu de lui, mais en lieu d'en tirer un plaisir malsain, il en devint l'incarnation même du Désespoir. Il n'avait aucune chance contre un type qui avait tué toute la classe en un court instant.

"Problème résolu, direction Terra!"