L'ombre incertaine, hachurée d'une créature rarement observée sur les sentiers de la forêt menant aux petites villes autour de Nexus, recouverte d'une cape munie d'une capuche sombre marchait à vive allure depuis déjà plusieurs heures en direction des limites et des frontières de la ville-état, quand sa silhouette se précisa au loin, la première chose qui perçe les ténèbres inquiétantes formées par les profondeurs de sa capuche, fut la lueur de ses deux yeux sauvages, mis clos, plissés, qui scrutent l'horizon, et les deux gardes en faction devant l'entrée délimitant les bas-fonds, une zone remplie de lobotomisés, de coupes jarets, bandits, de psychopathes et de tronçonnards dégénérés en tout genre, ces gardes s'étaient donc déjà regardé deux fois de suite dans le blanc des yeux avant de rabattre leurs regards craintifs dans la direction de Khaléo.
Ce qui l'amusait, pour parler franchement, quand il sentit cette crainte, même à plus de cent mètres de leur position, ce stress qu'il pouvait presque palper dans l'air ambiant, celà lui écarta gentiment les lèvres pour afficher une partie de sa belle dentition acérée, bien blanche qui, elle aussi désormais, était seule chose visible, avec la lueur impressionnante, intimidante de ses yeux fendus d'une pupille éfilée, tranchante, en dehors de cette capuche.
Loin de rassurer les gardes, ce comportement à la limite de la provocation commença à faire son effet, leurs jambes se mirent à trembler, des sueurs froides à perler sur leur front tandis que cette peur instinctive, primale, de n'être qu'un vulgaire morceau de barbaque saignante sur le chemin d'une créature bien trop haute par rapport à eux sur les maillons de la chaîne alimentaire, commençait son doux et savoureux travail de sappe morale, les signaux de danger imminent pour leur survie se mettant à clignoter dans leurs cerveaux de telle façon que leurs paupières commençaient à ressembler à des essuies glaces nettoyant la sueur de leurs fronts coulant dans leurs globes oculaires.
Khaléo, dont les pas étaient pratiquement comptés depuis un moment par le regard de ces deux soldats, s'arrêta enfin pour entendre la respiration rapide, et la déglutition devenue difficille de leurs gorges sèches, ils se regardèrent l'un l'autre, ne sachant lequel des deux irait à sa rencontre pour le déposséder de ses armes, ou lui demander ses papiers d'identité, Khaléo attendait, et loin s'en faut de s'offusquer du regard détaillant, et apeuré de ces imbéciles inexpérimentés, ça semblait le faire rire, à une autre époque où il était bien plus susceptible, il aurait probablement foncé dans le tas sans réfléchir, n'aimant pas qu'on le dévisage comme une bête de foire, mais les pires des humillitations, il avait connu, il le prenait presque avec une certaine forme de "philosophie" aujourd'hui, ayant déjà pu remâcher il y a longtemps de celà, l'orgueil stupide de sa propre jeunesse.
Et p'tain... ça dura un moment cette "connerie"... le regard du garde de gauche croisait celui de droite avant de croiser à nouveau celui de Khaléo, on se serait cru dans un foutu western dans un moment de haute tension, s'observant en chien de faillance, juste avant que quelqu'un ne dégaine son arme, ce qui allait probablement arriver...
...Ou pas.
Bref, c'était trop tard, Khaléo s'était lassé de la situation, il essaya de forcer son chemin entre les deux gardes en les poussant avec ses épaules, mais ils brandirent aussitôt leurs épées sous la gorge de Khaléo, des épées tenues nerveusement, avec une position du corps flairant bon tout l'amateurisme dont ils étaient capables, du moins pour l'oeil rapide et analyste de Khaléo, quand bien même ces deux abrutis lui faisaient perdre son temps, et qu'il aurait probablement pu passer en forçant un peu, il ouvrit la bouche pour leur parler, d'une voix étrange, inquiétante, filtrée par les tissus de sa capuche, mélangée de grognements, ou ronronnements brefs sur les "Rrr" qui les rallongeaient lègerement, et de feulement sur les "Ssss" pour plus ou moins le même effet, avec une patience et une maîtrise de soi "posée" dans cette situation qui frisait elle même l'inconscience :
"-Toi, et ton copain... vous allez... gentiment et... lentement retirer le métal bon marché de vos épées de "merde" de dessous ma gorge, où je vous assure sur facture, que j'vous l'enfonce dans le derrière jusqu'au cerveau, que je touille dans votre crâne jusqu'a ce que la tambouille infâme qui vous sert de cerveau, ressorte par vos jolis trous de nez..."
Ouais, enfin... la subtilité, comme on dit, c'est pour les "tappettes".
Khaléo s'avança dangereusement sur l'épée, qui plaqua désormais la peau de sa gorge mais apparemment c'était une chose qui ne lui faisait pas peur, il avait ce grand regard un peu dingue, dérangé, qui reflettait toute la folie suicidaire qui le caractèrisait parfois, comme quand il fallait pas l'emmerder en fait.
"-Je vais compter jusqu'à trois..."
Levant lentement sa main, puis doucement le pouce, l'index, et le majeur toujours dans ce calme pesant ambiant, qui précédait sans doute la tempête...
"... et si je n'ai pas obtenu satisfaction il vous faudra un miracle pour sortir vivant du merdier dans lequel vous êtes en train de vous foutre... tout seuls."
Les narines de Khaléo expulsaient de l'air chaud sur les mains des soldats tenant leurs épées fébrilement, ils n'arrivaient pas à prononcer le moindre mot, restant bouche entrouverte, Khaléo ne savait pas trop si c'était la teneur divine de ses paroles qui avait motivé leur rétractation, ou l'intimidation naturelle qu'il dégageait, où foutre dieu, peut être un miracle, ils écartèrent leurs lames, et lui donnèrent même du "oui, m'sieur, pardon, m'sieur.".
Peut être avaient ils seulement jeté leur regard sur quelques vieilles décorations millitaires encore présentes sur l'une ou l'autre morceau d'épaulière, et que c'était en fin de compte qu'une façon de montrer leur respect... Va savoir.
Soit, après cet épisode riche en épanchement de testostérone dispensées en toute gratuité de la chose, Khaléo se vit enfin ouvrir le chemin, sans même qu'on lui demande ses papiers, de toute façon il n'en avait pas...
C'est donc de cette manière qu'il put continuer son chemin, entré dans les pires taudis insalubres que portait cette maudite terre, Khaléo pouvait désormais "enfin" pénétrer dans l'enceinte de ce "village" aux allures de bidonville, et il fallait soulever ses pieds, vous savez, à cette époque ça existait pas encore partout les égouts, et ces saletés d'humains, et de terraniens aussi, ils jetaient tous leurs déchets ménagers et corporels dans les rues, et comme si ça suffisait pas au tableau, ils visaient très mal les rigoles, c'était carrément une infection pour les poumons de Khaléo qui était habitué ces dernières années, à respirer un air d'une pureté incomparable dans sa forêt, ça ne veut pas dire qu'il n'a pas connu la pourriture des charniers pendant l'une ou l'autre guerre, il sait ce que c'est qu'une odeur réellement désagréable, quand on doit ramper dans la chiure, et la pourriture des cadavres ensevelis les uns sur les autres, creuser des tunnels dans des amas de corps en putréfaction avec ses propres griffes pour survivre à un ennemi en surnombre, mais bon, c'était une raison de plus pour déprécier les autres espèces, à quoi bon construire des villes, ou des villages pour en faire des fosses sceptiques ?
Mais il n'était pas là non plus pour rendre des comptes à l'office de l'urbanisme et du tourisme, avec l'hiver qui se rapprochait à grand pas, il allait avoir besoin d'argent pour survivre, et il n'était pas question qu'il vende la moindre pierre précieuse, ou objet de valeur qu'il avait glané au court de son existance, que ce soit de vieilles armes, ou armures, rien, il gardait tout ça dans sa tanière comme un foutu musée, afin de se rappeller ce qu'il à fait.
Mais c'était quand même bien foutu hein, fallait le dire... ça montait un peu, comme en spirales quand on parcourait les rues pour essayer d'atteindre plus ou moins le "centre" de cette grosse "tarte" de détritus que représentait la ville, les rues tournaient en cercles de plus en plus concentriques et serrés et plus tu grimpais, plus les bâtiments gagnaient en luxe, les immondices étant toujours rejetés dans la rue plus bas, les ordures ruissellaient dans des faux canivaux d'usure, donc plus tu montais dans les niveaux sociaux de la ville tout en t'élevant en altitude, moins c'était sale, puisque les "riches" jetaient carrément leurs ordures sur les habitations des plus pauvres, et ainsi de suite !
Il était donc ici pour affaire, trouver un contrat, il fallait bien recommencer à travailler, il espérait trouver un truc pas trop compliqué pour débuter à nouveau, et c'est naturellement vers ce qui ressemblait à une auberge qu'il se dirigea, l'endroit où le pire, comme le meilleur d'une ville ou d'un village se rassemblait, traversant la rue en évitant de justesse de se faire éclabousser par le passage impromptu d'une chariotte dans une flaque composée de... de choses qu'il ne préferera pas vous détailler, Khaléo atteint enfin la porte de l'auberge, qui possédait une taverne au rez de chaussée, c'était loin d'être un établissement de grand "standing" ça sentait la pisse, la bière bon marché et mal fermentée, des mouches volaient autour des morceaux de barbaque pendues au plafond, pas très aux normes point de vue hygiène, mais il y avait la toute une tripotée de sales gueules aux traits bien provinciaux et paysanesque, le rêve, un nid à problèmes, ça se lisait sur leurs tronches qu'ils étaient pas fins.