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Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

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Eyia

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Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

dimanche 10 novembre 2024, 17:38:55





- Elle te fait pas un peu peur, cette île ?
- C’est rien que de la terre et de la roche – de la bonne roche, tu verras.

Dans une légère brume blanche qui semblait respirer au rythme des mouvements des vagues venait d’apparaître la silhouette de l’île Petrichor, l’île principale d’un agrégat de morceaux épars de territoires perdus au milieu de la mer. Tout au long de leur traversée, ils étaient passés à côté de petites îles vertes accueillantes, de volcans endormis, de lagons et de leurs coraux qui se révélaient, à la faveur de la nuit, fluorescents. À présent, il était temps de débarquer au cœur de cet archipel, qui constituait le but de leur voyage – et cette perspective n’enchantait pas vraiment Basile.
Il n’avait jamais vraiment aimé la mer ; raison pour laquelle il avait choisi de devenir mineur. La terre et ses entrailles étaient, à ses yeux, bien plus rassurantes que cette étendue d’eau instable par nature. Après des années à la fréquenter, à la fouiller, à la posséder, il avait fini par si bien connaître la terre qu’il osait se vanter qu’il était capable de prédire le moindre de ses mouvements. En mer, en revanche, il avait l’impression constante d’être assis sur le dos d’un monstre dont les accès de violence étaient aussi imprévisibles que violents. Les îles étaient, de fait, des espaces qui l’inquiétaient - « trop de mer, pas assez de terre », comme il le répétait. Néanmoins, leur guilde avait besoin de se renouveler pour survivre ; en tant que juré*, il avait dû prendre sur lui pour prospecter sur ces lopins de terre perdus au milieu des flots. Alban, son bras droit, l’accompagnait. Bien moins superstitieux, il avait néanmoins l’œil aguerri par des années de labeur ; il « sentait » (comme il le disait) les terres et les roches prometteuses. C’est d’ailleurs lui qui avait suggéré de se rendre sur l’île de Petrichor. Si Basile se disait que ce n’était pas sans raison que cette île n’avait jamais été exploitée, Alban y voyait plutôt une forme de bêtise ou de paresse de la part des mineurs – aucune raison qui soit valable, donc.
« Petrichor – ça vient de petra, “pierre”, et de ichor, “sang” » avait glissé Alban à Basile au moment d’embarquer ; explication qui n’avait guère rassuré ce dernier. Plus ils approchaient, fendant la brume pour s’approcher d’une jungle sauvage d’où surgissait des pans de pierre noire, plus il avait envie de fuir.
Ce n’est donc pas sans émotion qu’il posa le pied sur le sable blanc de l’île.



Ma reine, on s’approche de moi.

C’est dans un sursaut que se réveilla Eyia. Le cœur battant, elle se redressa dans son lit, écartant vivement les draps qui – elle en avait l’impression – pesaient une tonne sur ses frêles épaules. Son regard agité balayait la pièce vide. La main posée sur le ventre, elle mit un temps avant de reprendre ses esprits ; son regard passa alors de perdu à noir. Quelqu’un avait osé s’approcher de son île, berceau de ses pierres.

- Venez, mes filles.

À peine ces mots furent-ils prononcés que deux ombres se matérialisèrent dans son champ de vision, l’une surgissant de l’ombre du rideau, et l’autre de celle de sa bibliothèque.

- Vous avez entendu, n’est-ce pas ?

Les deux ombres hochèrent la tête.

- Cela faisait longtemps, votre Majesté, que personne n’avait atteint Petrichor, souffla l’une d’entre elles.
- Ils sont bien incapables de retenir la moindre leçon, pesta Eyia.

Les poings serrés, elle mit un temps avant de réfréner sa colère.

- Qui peut bien vouloir retourner là-bas ? Pour quelle raison ?
- Nous vous apportons ces réponses, ma Reine.

Un mouvement de tête de la part d’Eyia et les deux ombres s’exécutèrent. Disparaissant de la chambre de leur souveraine…

… Elles surgirent des ombres que dessinaient les roches que Basile et Adam, aidés de quelques apprentis, scrutaient avec autant d’attention que d’enthousiasme. Ils venaient d’entrer dans une caverne - « trop bien creusée pour que ce soit l’œuvre de la nature » avait remarqué Basile – et, à la lueur de leurs lampes, ils s’y enfonçaient peu à peu.  De retour sous terre, Basile se sentait rassuré ; il était ici en territoire conquis. Au fur et à mesure de leur avancée dans le souterrain qui prolongeait la caverne, il partageaient de plus en plus l’enthousiasme d’Alban : les roches étaient prometteuses, et on pourrait, il en était sûr, extraire des minerais d’une qualité rare. Les deux hommes se voyaient déjà rentrer à Meisa, les bras chargés des échantillons de roches que leur apprentis récupéraient dans des gestes encore maladroits. Tout en marchant, ils planifiaient leur installation prochaine sur l’île. Les membres de la guilde n’auraient plus rien à craindre pendant un moment ; ils en étaient persuadés.

Pourtant, c’est un bateau vide aux voiles déchirées et aux mâts brisés qui rentra dans le port de Meisa une dizaine de jours après leur départ. Cet évènement avait fait grand bruit ; certains racontaient qu’ils avaient vu, sur le pont, des ombres de forme humaine bouger ; l’une d’elles, disait-on, avait même fait un signe de la main à la femme de Basile qui, ce jour-là, se promenait sur le port. La pauvre en avait perdu la tête ; morte d’inquiétude, elle n’osait plus rentrer chez elle et passait des heures à faire face à ce navire fantôme que personne n’osait vraiment approcher.






* Les jurés d’une guilde sont choisis parmi les maîtres et les patrons qui la composent pour en être les représentants.


"Un cri s'écarquille dans la nuit. Et le voilà. Le fantôme de la Reine des pierres, au corps lisse comme une roche polie par les flots battants et salés. La lumière vomissante de cette nuit striée d'éclats devient crémeuse sur sa peau laiteuse. Son nom sonne comme une prière : Eyia."


Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 1 mardi 12 novembre 2024, 07:07:52

– Ah, mon Roi ! Mon mari, mon pauvre mari !

Madame de Granpré était une militaire de carrière, une femme qui, selon ses supérieurs, n’avait ni le mot pour se plaindre ni le cœur à pleurer, mais la perte de Basile, son mari, l’avait grandement ébranlée. À genoux sur le sol, elle serrait dans ses poings les pans de la royale robe de son souverain, y versant des larmes nombreuses et des sanglots insistants.

Voilà maintenant deux jours que l’embarcation qui avait transporté son mari vers des terres inexplorées étaient revenue à port abandonnée, hormis les rumeurs de fantômes, d’ombre mouvantes, quelque chose que Serenos ne pouvait voir autrement que comme une téméraire provocation, car s’en prendre au peuple du maître des Trois Royaumes était s’en prendre au serment que le Roi fît à sa défunte épouse, et à ce titre, il tenait de répondre à ce geste par des conséquences sévères et immédiates.

Derrière Madame de Granpré, les collègues du juré de la Guilde Minière de Jerali du Val, les mains jointes en signe de supplication, prêtaient leur voix à celle de l’épouse anéantie, car sans Basile, la Guilde et ses employées ne pouvaient espérer reprendre les affaires, et les prêts étaient grands et nombreux, menaçant la fin des opérations et l’emprisonnement des propriétaires pour dettes impayées.

Il n’était pas normalement du ressors du Roi de s’occuper des affaires des guildes. Celles-ci, souvent, tissaient des liens importants avec non seulement les autres guildes, mais également des groupes de Nomades, des aventuriers expérimentés. Seulement, personne, pas même un aventurier, n’accepterait de se lancer dans une entreprise dangereuse dans une terre éloignée sans une somme conséquente, et même là, devant une menace apparemment magique, la plupart s’y refuseraient tout simplement. Cela voulait donc dire que sans l’intervention du Roi, les jurés seraient probablement abandonnés à leur sort.

– Cessez donc vos larmes, madame de Granpré, dit le Roi en posant une main sur sa tête. Votre désespoir a été entendu, et j’y répondrai.

Le Roi tourna la tête vers sa droite, et son regard y croisa celui de son intendante.

– Faites prévenir Aldericht. Je veux également la présence de Laurelian.

– Sire, est-ce bien prudent ? La princesse est…

– Allons, allons, Ygraine, l’interrompit le souverain sur le champ pour étouffer ses protestations. Il est bien temps pour elle de voir autre chose que les murs de ce palais. Et puis, je ne puis m’aventurer hors de Meisa sans prendre avec moi quelque mesure pour me protéger d’un maléfice, n’est-ce pas ? Non. Point ne sert de protester ; faites les chercher. Je veux également ma garde royale et qu’on fasse préparer mon navire. Je partirai pour Petrichor dans l’après-midi.

– Et s’il y a bien une menace, sire ?

– Ma foi, si une menace m’y attends, il ferait beau voir que je m’en dérobe. Voilà trop longtemps que je vis de paix et d’oisiveté. Un peu d’action, même si ce n’est celle de l’épée, me fera le plus grand bien. De toute façon, l’affaire est décidée, et le cas échéant, un nouveau souverain ou régent sera mis sur place avant même que les nouvelles de ma mort ne rejoignent des oreilles mal intentionnées.

– Sire, je trouve votre désinvolture des plus déconcertantes devant les affaires moribondes. Je serais bien mal de vous perdre. S’il vous plait, reconsidérez la chose, et envoyez vos hommes, pas votre personne.

Madame l’Intendante était trop bonne pour le Roi. Une femme telle qu’il n’y en avait pas beaucoup, et dont le Roi avait appris à respecter non seulement l’opinion mais également les inquiétudes ; s’il voyait son sourcil froncé, c’est qu’il y avait surement cause, mais le Roi, une fois fusse l’idée dans sa tête, ne pouvait pas être aisément dissuadé. Toujours est-il que madame l’Intendante ne pouvait pas simplement laisser son patron et ami risquer sa vie sans au moins laisser savoir son opposition. C’était, après tout, ce pour quoi l’on payait ses services, en plus de gérer les domestiques, la garde et la trésorerie du palais.

– Je vous remercie de votre bienveillance, mon amie, l’assura le Roi en posant une main sur l’épaule d’Ygraine. Mais je vous assure que le danger est assurément moindre que vous le craignez, et quand bien même un certain risque était à prendre, avec Laurelian à mes côtés, point de menace ne me prendra dépourvu.

Après tout, si Serenos n’avait pas la prévoyance requise pour contrer le danger qui avait pris ce pauvre Basile de Granpré, il pouvait compter sur celle de la jeune pythie de Meisa, dont le futur ne recelait que bien peu de secrets.

Trois jours plus tard, les voiles du grand navire de guerre du Roi de Meisa jetèrent leur ombre sur l’ile, et le Roi de Meisa, fort de la présence de sa fille et de son fils, ainsi que de celle de ses cent gardes royaux, posa le pied sur Petrichor.

À son œil avisé, il y avait effectivement quelque chose dans l’air. Quelque chose de froid, silencieux et pourtant menaçant. Même ses sens magiques s’en retrouvaient quelque peu déstabilisés, comme l’ouïe sous l’eau.

Laurelian fut cependant la première à réagir à cette instabilité. Comme intimidée, elle fit un pas en arrière, serrant ses bras dans ses mains, prise d’un frisson de malaise.

– Qu’y a-t-il, ma sœur ? demanda le Prince Aldericht en l’enveloppant doucement d’un bras. Que voyez-vous ?

Elle nous voit. Elle sait que nous sommes ici.

– Bien ! dit Serenos, secouant la tête comme pour chasser la sensation d’embrouille qui voilait son esprit.

Le regard de Laurelian se leva alors vers le souverain, son père tant détesté, ce tueur d’hommes dont les milliers de victime s’accrochaient à l’âme comme à un bout de bois dans une mer tourmentée.

– Nous devrions repartir…

Mais Serenos n’écoutait pas. Plutôt que de reconnaître l’avertissement censé de sa fille, il donna l’ordre à ses hommes d’avancer.

Aldericht resserra doucement son bras sur elle, et lui murmura quelque réconfort à l’oreille qui, bien qu’aidant la princesse à se détendre, ne sembla pas la débarrasser de ses appréhensions, et jetant des coups d’œil dans toutes les directions, elle semblait prête à prendre les jambes à son coup au moindre son suspect.

Eyia

Créature

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 2 mardi 12 novembre 2024, 17:52:17

Le temps s’était écoulé – calmement.

Après avoir envoyé ses ombres régler le problème que posaient les mineurs, Eyia avait pris du bon temps, enfin rassurée ; personne n’était plus sur son île (enfin, du moins, personne d’encore vivant). Ses pierres ne risquaient donc plus rien.

Quelle ne fut pas sa déception – et sa rage – quand, quelques jours plus tard, elle fut réveillée par cette même sensation d’écrasement. Elle ne mit que peu de temps à faire le lien avec Petrichor ; chaque pas étranger sur cette île lui donnait l’impression que l’on foulait du pieds son propre ventre. C’est pour calmer la colère qui remontait en elle avec fracas qu’elle appela à elle ses ombres afin qu’elles l’apaisent. Au cours de cette petite éternité qui était la sienne, elle avait bien appris au moins une chose : s’il était nécessaire d’écouter sa colère, cette dernière ne devenait pleinement audible qu’une fois passée sa tempête.

C’est donc après une petite heure à se faire masser par ses ombres qu’Eyia put enfin remettre ses idées en place. Sa première réaction fut de pester :

- Vous savez quel est le problème avec ces êtres inférieurs ? Ils ne savent plus interpréter les signes.

Eyia n’était pas une de ces déesses « traditionnaliste » – pour reprendre ses propres termes – et se foutait globalement des vieux rituels, des cultes ancestraux, des prêtresses et autres thaumaturges, et même parfois des autres déités. Ce n’était que dans le cadre de grandes occasions au cours desquelles sa présence était requise qu’elle ne retournait auprès de ses congénères. L’idée qu’elle se faisait de la vie idéale ne reposait pas sur l’entretien d’une religion par une foule de croyants zélés. Nul besoin d’un temple, ni même de sacrifices : elle vivait sa meilleure vie ici, dans ce manoir, avec pour seule compagnie ses ombres, à veiller sur ses pierres et à s’amuser.

En peu de mots : elle ne regrettait les vieilles traditions que quand ça l’arrangeait.

C’est d’ailleurs cette distance qu’elle avait prise peu à peu avec tout l’appareil cultuel et surnaturel qui l’empêcha de repérer la présence de Laurelian – du moins, de réellement la repérer. Elle avait bien senti que, dans cet amas d’êtres vivants qui venaient de débarquer chez elle, il y avait quelque chose d’étrange – enfin, quelqu’un, comme une présence enveloppée d’une aura indistincte qu’elle ne parvenait pas encore à identifier clairement. « Merde, mais je reconnais ça ». Les sourcils froncés, le visage serré entre ses doigts, elle mit un temps à remettre sa mémoire en place.

Quand elle réussit à mettre le doigt sur les bons souvenirs, un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres d’un rouge qui n’était pas sans rappeler la couleur du sang.

- Une pythie.

L’ombre qui s’appliquait à masser ses épaules marqua un temps d’arrêt.

- Je vous demande pardon, ma Reine ?
- Ils ont une pythie.

La souveraine se détendit lentement, intimant à son ombre de continuer son massage avant de reprendre la parole d’une voix calme :

- Cela faisait si longtemps que je n’avais pas vu de pythie. Souvenez-vous de ces femmes. Vous vous souvenez, n’est-ce pas ? Ces êtres inférieurs, ils ne savent pas toujours très bien nous sentir. Ils nous entendent à peine – aussi faut-il toujours faire tonner l’orage, bousculer leur petit monde avec une tempête, pour qu’ils daignent comprendre que nous nous adressons à eux. Mais elles, elles perçoivent jusqu’à nos murmures, jusqu’à nos intentions quelquefois.

À cette pensée, elle eut un petit rire.

- Les pauvres petites.

À la suite de ces deux petits mots, son sourire se retraça sur son visage, à une nuance prés : il avait gagné en cruauté.
Les ombres savaient à quoi s’en tenir : dans le passé, Eyia s’était souvent et longtemps amusée à torturer de pauvres prophétesses, si bien que plus aucun « être inférieur » – comme elle les appelait – n’avait osé entrer en contact avec elle (ce qui, par ailleurs, arrangeait bien la déesse). Certes, quelques téméraires avaient cherché à le faire, sacrifiant quelques femmes pour cela ; mais ils l’avaient amèrement regretté. C’était la raison pour laquelle aucune pythie ne reconnaissait la voix d’Eyia, sinon par contraste ; les plus malignes comprenaient vite d’où venait cette voix glacée qu’elles n’avaient jamais entendue d’elles-mêmes, mais dont on leur avait parlé – souvent à voix basse, d’un ton inquiet, le regard fuyant et agité, comme on parlait, en somme, d’une malédiction.
La déesse ferma ses paupières, et ne prit que quelques secondes avant de s’approcher de Laurelian –  pas physiquement parlant, bien entendu, mais la jeune femme put entendre avec beaucoup de clarté, comme si la déesse se penchait à son oreille pour le lui murmurer, d’un ton froid et péremptoire :

Vous n’avez rien à faire ici.

Il serait idiot de croire qu’elle s’arrêterait à ces quelques mots. Après un temps de pause – pour ménager un peu de suspens – elle reprit, dans un sourire cette fois :

Je sais que tu m’entends, petite fille – et tu sais (car tu es la seule à le sentir) que vous êtes ici chez moi. Vous n’êtes donc pas à votre place. Et sais-tu ce qui arrive aux êtres comme vous, ceux qui oublient le respect qu’ils doivent à leurs dieux ?

Ce que Laurelian put entendre ensuite ? Ce furent les cris de détresse de Basile, Alban et leurs apprentis,  comme s’ils étaient là, juste à côté d’elle, en train de la supplier de leur venir en aide, de les épargner – et, finalement, d’abréger leurs souffrances.
Ce petit supplice dura un temps, avant que la souveraine n’y mette fin pour lui souffler :

Partez – ou vous connaîtrez le même sort.





"Un cri s'écarquille dans la nuit. Et le voilà. Le fantôme de la Reine des pierres, au corps lisse comme une roche polie par les flots battants et salés. La lumière vomissante de cette nuit striée d'éclats devient crémeuse sur sa peau laiteuse. Son nom sonne comme une prière : Eyia."


Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 3 mardi 12 novembre 2024, 19:05:34

Le cri strident de la Pythie, dont la présence de la Reine des Pierres était à son esprit ce que le fer rouge était à la peau, déchira l’air tendu, ses mains frêles se pressant contre sa tête alors qu’elle tombait sur les genoux et se recroquevillait au sol. Elle hurlait avec une telle force et un tel abandon que sa voix se brisa de multiples fois, et ses doigts creusèrent ses joues, et elle se frappa violemment la tête d’un poing, dans un vain espoir d’échapper.

Pris au dépourvu devant la soudaine explosion de la princesse, les gardes royaux se mirent immédiatement en position défensive, écus et glaive levé, alors que le Roi de Meisa rebroussait chemin et, d’un pas si empressé qu’il sembla presque voler, réduit à néant la distance qui le séparait de sa fille. Alors qu’Aldericht lui agrippait les mains pour l’empêcher de se faire plus de mal ou de frapper autrui, les mains du Roi força la princesse à lever la tête, et à croiser son regard. À travers les larmes, il vit son regard paniqué et remplis de douleur. Malgré la prévenance d’Aldericht, la princesse parvint à flanquer des coups de pieds à son père méprisé, comme si le blesser, lui, pouvait convaincre la source de sa souffrance d’y mettre fin.

Coinçant les jambes de la princesse sous un bras, le Roi se pencha sur elle de nouveau et tendit l’oreille. Le pouvoir, la sensibilité mystérieuse de la Pythie, dont le sang ashansha surpassait de loin le sien, mais il avait vécu assez longtemps près de Melisende pour savoir que cette sensibilité avait quelque moyen de se transmettre à un autre. En concentrant tout ce qu’il avait d’attention sur la voix de sa fille, Serenos perçut autre chose. Une autre voix, comme cachée sous les hurlements. Par la voix et la bouche de la pythie, quelque chose d’autre s’exprima, quelque chose qui n’était pas sans rappeler les haut-esprits de sa terre natale ou même les Vestiges qui la hantait.

La chose, quelle qu’elle soit, leur intima le départ, non sans leur transmettre quelque nouvelles des jurés de la guilde par le biais d’un hurlement terrifiant, et devant la douleur physique et mentale que sa fille subissait, le Roi l’attrappa et murmura quelque formule.

L’instant d’après, la douleur et la voix de la princesse se turent, et elle se laissa mollement tomber contre Aldericht.

– Mon bon père, dit celui-ci en se relevant, il m’est avis que le maître des lieux n’apprécie guère les visiteurs.

– Sans l’ombre d’un doute, confirma Serenos en faisant de même, mais ainsi sont la plupart des créatures solitaires, qu’ils soient humains ou non. La diplomatie leur est étrangère, et donc ils ont recours à l’intimidation et à la peur.

– Vous parlez de vous, père.

– Indubitablement, mon fils, acquiesça le Roi.

Loin de Meisa et du réseau de glyphes et runes qui contribuaient à amplifier sa sensibilité, Serenos n’était certainement pas au sommet de sa puissance, ce qui le rendait donc beaucoup plus vulnérables à des adversaires plus puissants que lui. Mais les pierres résonnaient de magie en ces lieux. L’ile elle-même transpirait la vie, et il pouvait presque sentir son regard outré peser sur lui.

Le Roi ferma les yeux puis posa une main sur le sol de sable, et sentit, à travers ce simple contact, une étrange chaleur, comme s’il se tenait lui-même debout sur le corps d’un être vivant.

Selon ses précepteurs, il y avait différentes façons de se montrer diplomate avec une force hostile ; soit en lui démontrant une politesse et une soumission excessive, soit en lui apportant quelque cadeau que ce soit, ou alors en lui adressant la même force d’intimidation qu’elle exerçait sur eux, pour montrer qu’il y avait des conséquences à leur mauvais traitement. Les deux premières options étant impossible, dans un premier temps parce que son adversaire ne s’était pas présenté à lui, et dans un second parce qu’il ne savait pas qu’un cadeau serait nécessaire, il n’en eut pas préparé un, il lui restait donc la troisième, et Serenos savait comment agacer ;

Il plongea son bras dans le sable et, drainant l’abondante énergie qu’il ressentait sur l’île elle-même, il la déchargea dans son entièreté dans le sol, dans chaque crevasse, dans chaque recoins de l’île. Si la créature était assez puissante pour causer une telle souffrance à la pythie sans même se manifester physiquement, cela n’était rien de plus que la morsure d’un petit animal. Pas assez, estimait-il, pour sérieusement blesser son interlocutrice, si elle était, comme il le supposait, la source de cette magie qu’il sentait partout autour de lui, mais suffisamment pour au moins lui démontrer qu’il était inflexible et qu’elle ne l’intimiderait pas aussi aisément.

Il se redressa alors et s’avança, seul, vers le cœur de la forêt, comme défiant l’entité de se montrer.

– Je suis Serenos Aeslingr, rugit le souverain, d’une voix claire, forte et prenant bien soin d’articuler ses mots. Maître des Trois Royaumes d’Ayshanra. Nous avons foulé vos terres sans votre permission ; vous m’avez fait affront en enlevant mes citoyens. Vous vous êtes manifesté à ma pythie, j’ai laissé ma marque sur votre domaine. Nous pouvons continuer cet échange frustrant, ou vous pouvez m’accorder audience. Le choix est vôtre, esprit de l’île.

Paraître pompeux, frôlant l'arrogance, était une tactique habituelle du Roi, surtout lorsqu'il rencontrait des souverains étrangers ou des créatures qui, souvent avec raison, se percevaient comme au-dessus de leur interlocuteur.  Ceux-ci réagissaient plus souvent aux provocations qu'aux requêtes polies, car les provocations touchaient l'orgueil, alors que les requêtes le flattaient. C'était d'ailleurs en partie en raison de cette attitude devant des dangers énormes que le Roi avait gagné son titre de Roi Fou.

Eyia

Créature

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 4 Aujourd'hui à 11:01:15

Ah, comme cela l’amusait, de torturer des prophétesses. Eyia avait savouré, dans un léger rire frissonnant, les cris de douleur de Laurelian. Elle avait presque oublié ce petit bonheur qu’offrait une cruauté satisfaite ; ça lui donnait comme une envie de recommencer. Alors que la déesse se penchait à nouveau sur la Pythie, elle eut la déception de constater que celle-ci était éteinte, inaccessible – probablement protégée par un sortilège ou évanouie. « J’en ai connu des plus résistantes ».
Néanmoins, la déesse restait attentive à ce qui se tramait sur son île, à peu près certaine que les émois de la prophétesse ne seraient pas suffisants pour faire dégager tout ce beau monde. Au fil des décennies, elle avait pu le constater elle-même : ces individus n’écoutaient qu’à moitié les oracles. On ne comptait plus, au banquet des déités, les anecdotes qui prenaient leur source dans une prophétie négligée ou dans la tentative malheureuse d’un humain de la contrer. Alors que, la tête basse, les épaules détendues, elle profitait des lents frissons du massage que lui prodiguait son ombre, elle se rapprocha à nouveau de l’île.

Et c’est là qu’elle le sentit.

Sa tête se redressa violemment, et ses yeux s’écarquillèrent. Une colère noire bouillonnait dans ses pupilles ; c’est ce que l’ombre qui lui faisait face pu constater. Cette dernière voulut avoir un geste tendre pour sa souveraine, et porta la main à ce visage froissé par la rage ; d’un froncement de sourcils, Eyia arrêta son geste.

Elle l’avait senti dans les tréfonds de sa chair : comme une petite morsure sur sa taille. Rien qu’une « petite morsure », me direz-vous ? Allons, nous parlons d’une reine éternelle, ajouteriez-vous ensuite. Pour quelqu’un comme Eyia, c’était déjà de trop.
Dans son dos, l’ombre avait cessé de la masser ; elle aussi avait senti la décharge, et savait ce que cela signifiait.

- Un putain de mage ? Sur mon île ? Chez moi ?

Les deux derniers mots avaient été prononcés sur un ton enragé, enrobé de cette tonalité d’outre-tombe qui caractérisait la voix en colère d’Eyia : une voix grave, qui frappe à la gorge et au ventre.
Par le mot « mage », elle désignait de façon très générale quiconque maîtrisait la magie avec suffisamment d’expertise pour l’atteindre ; sinon, ils étaient surnommés « petits sorciers de merde » ou autres surnoms affectueux du genre. Il n’était pas difficile de deviner que la déesse ne les portait pas spécialement dans son cœur : parce qu’ils avaient la possibilité de lui répondre, de vraiment l’emmerder, elle ponctuait toute mention d’un mage par « Raaaaaah » ou un « Aaaaargl » qui traduisait mieux que n’importe quel mot son désamour pour eux.

La déesse posa sa main sur sa taille ; la sensation de morsure irradiait encore.

- Il vient de marquer mon île.

Les ombres poussèrent un même soupir indigné ; loyales et respectueuses envers leur souveraine, elles étaient sincèrement choquées d’apprendre qu’on osait la défier.
Se levant de son lit, le corps enveloppé d’un des drap, Eyia avança lentement dans la pièce, attentive aux moindres évènements, les sourcils toujours aussi froncés, les yeux toujours aussi noirs. C’est alors qu’elle entendit les paroles de cet homme ; paroles qui la laissèrent aussi perplexe qu’outrée.

- Une audience, souffla-t-elle à l’intention de ses ombres. Il veut une audience.
- Comme s’il l’avait méritée, répondit l’une d’elles.
- Mais quel affront ! s’exclama une autre.
- Pour qui se prend-il ? renchérit une troisième.

La souveraine leur répondit avec un franc sourire. Aucune compagnie ne valait la leur ; chaque jour en était la confirmation. Elle se rapprocha du lit, sur lequel elle s’allongea à nouveau, prenant le visage de l’une d’elles dans ses mains.

- Voilà ce que nous allons faire. Vous trois, là, vous allez rester ici, avec moi, dans ce lit, car votre reine a besoin de vos caresses pour se détendre. Quant aux autres – j’ai besoin de huit d’entre vous.

À ces paroles, huit ombres se matérialisèrent aux pieds de son lit.

- Vous, vous irez dans cette grotte – car ils vont finir par y aller. J’espère que vous allez laissé comme tels les corps de nos chers petits mineurs ; ainsi, ils verront ce qu’ils n’ont pas su entendre. Ils le verront tous. Ils verront leurs corps démembrés, leurs traits terrifiés sur ce qu’il reste de leur visage, les ongles qui ont gratté la terre et les dents qui se sont brisées sur les rochers. Soyez sûres, mes filles, que cela ne les arrêtera pas – car ils avanceront, je le sais. Un homme aussi sensible à la puissance magique de cette île ne pourra qu’être attiré par ce qui dort dans le ventre de cette montagne.

Elle marqua un temps de pause, le temps de savourer les baisers de son ombre qui s’échouaient dans sa nuque ; puis elle reprit :

- Et c’est là, alors qu’ils progresseront, que vous ferez ce que vous faites de mieux : terrifiez-les. Touchez-les, griffez-les ; murmurez ou criez à leurs oreilles ; proférez des menaces acérées ; faites tomber des roches ; apparaissez, puis disparaissez – peu importe. Je veux qu’ils aient peur. Je veux qu'ils crèvent de peur.
- Et lui, ma Reine ? Celui qui a osé vous toucher ?
- Lui n’aura pas peur. Si vous voulez essayer de l'effrayer, allez-y, mais ne vous faites pas trop d'illusions. Et surtout, méfiez-vous de lui ; s’il a su m’atteindre, il saura en attraper une de vous. Or, vous savez ce que cela signifie.

Les ombres hochèrent la tête, puis s’évaporèrent.

Sur l’île, Serenos ne put que constater que les choses s’étaient comme calmées, comme si la déesse s'était enfuie, comme si elle les avait laissés tranquille après l'intervention de Serenos - comme si le cœur battant de l’île, ce cœur animé par une magie aussi sombre que divine, s’était déplacé. Il palpitait à présent, frénétiquement, sous la roche de la montagne.


"Un cri s'écarquille dans la nuit. Et le voilà. Le fantôme de la Reine des pierres, au corps lisse comme une roche polie par les flots battants et salés. La lumière vomissante de cette nuit striée d'éclats devient crémeuse sur sa peau laiteuse. Son nom sonne comme une prière : Eyia."



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