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Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

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Serenos I Aeslingr

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  • FicheChalant

    Description
    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 15 jeudi 21 novembre 2024, 17:13:27

La douleur. Ah, cruelle et pourtant si familière amie de toujours. Serenos ne ressentait pas souvent la caresse de l’annonciatrice de supplices à venir, et pour tout homme d’action qu’il soit, il dût admettre, quand les griffes de la créature s’enfoncèrent dans sa chair et crissèrent contre les os de sa cage thoracique, qu’il ne s’était jamais vraiment ennuyé d’elle. Par tous les ancêtres, qu’est-ce que cette sensation était désagréable. Mais Serenos Aeslingr était un homme qui ne se laissait pas broyer aussi facilement, même si son adversaire était absolument terrifiante et très nettement supérieure à lui.

Ce n’est pas qu’Eyia fusse une guerrière plus expérimentée ou plus adroite, mais il y avait de ces créatures dans ce monde pour qui les règles de la physique et même du temps ne contraignaient pas ; qu’importe sa petite stature et son manque d’expérience martiale si, pour elle, un humain était aussi lent et prévisible qu’un escargot.

Un grondement sourd échappa aux lèvres du Roi, dont le regard tressaillit de douleur, et il manqua presque de tomber au sol quand la déesse lui attrapa le visage du Roi et lui enserra la tête comme dans un étau. Si ce n’était pas de son anatomie renforcée par les procédés de Melisende, il eut à craindre que son crâne, voire son squelette entier, ne serait rien de plus qu’un amas de poussière dans sa chair.

- Tu te penses sincèrement capable de te mesurer à la reine des pierres ? Quelle arrogance. Rien ne me résiste.

– Je suis très entêté, parvint à dire le Roi entre ses grognements de douleur.

Et pour le démontrer, le Roi passa ses mains autour de la taille de la Reine des Pierres et, sans crier gare, l’entraina dans une ferme étreinte. Bassin à bassin, torse contre poitrine, presque visage à visage, il sentit l’entièreté de son système nerveux s’enflammer dans une éruption de douleur telle qu’il n’avait pas expérimentée depuis les donjons de Rajj’tara, et pourtant, comme pour démontrer l’entêtement susnommé, il banda les muscles et la garda contre lui, plantant les pieds au sol.

Les murs de la pièce s’illuminèrent, comme si chaque crevasse cachait de la lave volcanique prête à érupter, alors que le sol au complet se mit à trembler.

Eyia sentit alors ce que Serenos venait de faire quand une vive sensation de pénétration la traversa de part en part ; le Roi de Meisa déversait à nouveau sa magie dans son île. Sous leurs pieds, cet odieux ennemi venait de planter en elle, ou plutôt dans son île un pieu d’énergie qui, en raison de leur relation fusionnelle, revenait à lui infliger cette cruelle sensation, comme si un énorme clou lui perforait l’abdomen.

Et pis encore, c’est qu’elle pouvait ressentir la signature du Roi dans cette magie ; c’était comme avoir une part de cette homme dans sa chair, un sentiment qui, pour avoir un analogue plus commun, pouvait être perçu comme un geste absolument infect, cruel et méchant. Puis… vint une remarquable chaleur. De ce pieu cruel qui visait manifestement à lui causer de la douleur, provenait maintenant une vague d’aisance, de calme. Il ne lui faisait plus mal.

– Je peux continuer, grogna le Roi au travers de ce qui semblait être, de son côté, un supplice incommensurable.

***

- Prenez vos aises, chers convives, prononça une voix caverneuse avant d’éclater de rire.

– Oh, que votre voix vous étouffe, grogna le prince.

Un juron purement Meisaen qui, comme vous pouvez le deviner aisément, encourageait son interlocuteur à se taire et crever.

Laurelian posa délicatement la tête d’Aldericht sur le sol, puis se tourna vers les ombres, avant de s’approcher de celle qui lui semblait la plus dense, la plus menaçante, la plus vile. Et ses yeux brillèrent doucement, de la même lueur dorée que celle de Serenos, ou encore du prince, mais avec l’intensité d’une paire d’astre solaires, brillant mais n’émettant aucune ombre.

– Il suffit, souffla doucement la pythie en levant une main et la posant sur « l’ épaule » de la créature d’Eyia.

Un moment de silence suivit, pendant lequel les ombres restèrent comme figé devant la petite princesse.

– Vous le ressentez, n’est-ce pas ?

Elle prit la main griffue de l’ombre et en attira une griffe pour la presser contre sa poitrine, devant l’endroit où se trouvait son cœur.

– Le fil du destin ne se brisera pas ici, que ce soit le mien, le vôtre, celui de votre mère-reine, ou de l’anathème.

Elle pressa la griffe de l’ombre contre sa chair, et la pointe se marqua de sang qui, instantanément, infligea une horreur viscérale aux ombres. Un murmure glacé se propagea dans la caverne, et une chose était absolument certain ; cette femme allait sortir d’ici, que les ombres le veuillent ou non.

*Aussi... Ow.

Eyia

Créature

Re : Sang des pierres, pierres de sang [Serenos]

Réponse 16 Aujourd'hui à 10:34:41

- Je suis très entêté.

La déesse étouffa un « J’espère bien » lorsque ses mains se refermèrent autour de sa taille. Elle écarquilla les yeux puis fronça les sourcils lorsqu’il l’étreignit.
« Comment ose-t-il ? » Il était en effet impensable pour un mortel d’approcher la déesse sans son autorisation préalable, et encore moins de la toucher – alors l’étreindre relevait quasiment du crime. Lorsqu’elle se retrouva littéralement collée à lui, son torse s’écrasant celui du roi, son visage si proche du sien, Eyia fut partagée entre deux émotions contraires : une réelle envie de le tabasser pour lui apprendre les bonnes manières et une vague excitation – colère et désir étaient après tout deux choses qu’elle affectionnait au plus haut point.

Néanmoins, lorsqu’elle ressentit l’attaque qu’il lui lançait, le désir s’évanouit : ne resta que la colère.

Tout d’abord, elle ne comprit pas la raison de cette étreinte. Voulait-il l’écraser ? Ridicule ; elle pourrait sans trop d’efforts lui donner l’impression qu’il tenait entre ses bras de la lave en fusion. Puis arriva l’attaque. Le coup qu’il lui porta lui donna l’impression qu’une lame venait de percer son ventre. La sensation n’était pas agréable, loin de là, mais Eyia aurait pu la tolérer.
Ce qui était à ses yeux intolérable, c’est ce qu’il laissa une fois la lame sortie de son ventre : une marque. Il venait de recommencer ; encore une fois, il avait laissé quelque chose de lui en elle, souillant son intégrité en même temps que son île. La souveraine sentit un brasier incendier son cœur d’une profonde rage et d’une grande honte ; elle aurait pu en pleurer de colère. Elle ne put donc pas savourer la fin de ce supplice, ni même profiter un peu de la douce sensation d’une chaleur apaisante ; elle était aveuglée par la haine.

- Je peux continuer.

Il n’eut d’abord pas de réponse d’Eyia, à l’exception du regard chargé de haine qu’elle lui adressait. Il pouvait également sentir le souffle haletant de colère qui agitait son buste, ou voir la façon dont ses mâchoires s’étaient serrées, dessinant de façon plus nette leur ossature. En revanche, les deux mains qu’elle avait appuyées sur les épaules du roi, aussi bien pour essayer de le repousser au début de leur étreinte que pour s’y accrocher alors qu’il l’attaquait, ne bougeaient pas ; elles tremblaient un peu, et ce n’était pas de peur.

- Je m’apprêtais à te demander si tu mesurais la portée de tes actes, petit roi, murmura-t-elle, mais la réponse va de soi : tu as fait tout cela en conscience. Pour cela, crois-moi, tu ne mérites que la mort.

La déesse releva son visage vers celui de Serenos. Son regard était comme éteint, ou du moins il était à présent illisible. Doucement, elle le rapprocha de celui du roi et déposa doucement ses lèvres sur les siennes. De prime abord, on aurait pu croire à un signe de tendresse – il n’en était rien.
Lorsqu’elle retira ses lèvres, il put sentir quelque chose de piquant, puis de brûlant sur ses lèvres, comme si un magma incandescent leur coulait dessus. Cette sensation ne s’arrêta pas à sa bouche ; elle se répandait à présent à l’intérieur de sa bouche, le long de sa langue, sur son palais, puis dans sa gorge – ainsi, ce qui semblait une lave invisible glissait peu à peu dans son organisme.

Et elle, toujours dans ses bras, riait, satisfaite de son coup.

Alors qu’il sentait cette chaleur insupportable glisser toujours plus loin en lui, s’insinuant dans son œsophage et ses poumons, le roi eut un instant de faiblesse ; elle en profita pour se déloger, et retomba au sol dans un mouvement maîtrisé, époussetant ses bras et sa taille, comme pour ôter de la surface de son être l’attaque précédente, sans même lui adresser un regard.

Puis, lui tournant le dos, elle eut ce petit mouvement de la main : un claquement de doigts, puis un poing serré.

Alors, Serenos put sentir les pierres autour de lui s’embraser en s’illuminant, réverbérant une lumière aveuglante. En un instant, la grotte fut remplie de ce halo qui pouvait faire fondre n’importe quelle rétine qui oserait les regarder en face.

Ainsi se déroulait une mise à mort aussi royale que divine : en incendiant le corps de l’intérieur comme de l’extérieur, en l’assommant, l’aveuglant et l’embrasant d’une chaleur insupportable.

- « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face »* parait-il, récita-t-elle d’un voix forte. J’aimerais ajouter : « ni même Eyia ».

*   *   *

Sous la roche, dans les galeries, les ombres tremblaient.

C’était un fait suffisamment rare pour être relevé. Même si les ombres n’étaient pas des répliques d’Eyia, elles n’étaient pas familières de la peur. Pour plaire à leur souveraine, elles avaient appris à ne pas s’y fier. Aussi, quand la Pythie s’approcha d’elle, l’ombre ne recula pas ; elle ne flancha pas quand le frisson de terreur la traversa, même si elle devait s’avouer déstabilisée.

Comme leur reine, les ombres n’appréciaient guère les mages et les prophétesses ; cette rancœur millénaire et cette soif de revanche envers ceux qui avaient osé enfermer leur souveraine l’emportaient sur la peur. Aussi, le premier geste que fit l’ombre fut d’attraper de son autre main le poignet de Laurelian. Elle s’apprêtait à fondre sur elle, au même titre que les autres ombres, quand une voix résonna dans les souterrains :

- Petite prophétesse, je te vois.

Le ton de cette phrase était presque chantonnant.
Laurelian n’eut aucune difficulté à reconnaître là la voix qui l’avait assaillie lors de son arrivée sur l’île. C’était bien celle d’Eyia qui, profitant d’un moment d’accalmie pendant ce qu’elle estimait être la lente mise à mort de Serenos, se tournait à nouveau vers sa fille. Dans une théâtralité qui la caractérisait, Eyia faisait cette fois entendre sa voix à tout le monde, et non pas seulement à Laurelian.

- Tu te souviens de moi, n’est-ce pas ?

Un léger rire ponctua cette phrase – puis Laurelian put nettement sentir la déesse pénétrer à nouveau son esprit. Un vacarme de cris et de bruits de corps brisés résonna à nouveau sous son crâne.
Quant aux ombres, elles comprirent qu’il s’agissait là d’un signal pour lancer leur attaque. D’un même mouvement, elles fondirent sur leurs adversaires.



* Allez hop, un peu de La Rochefoucauld
« Modifié: Aujourd'hui à 10:42:04 par Eyia »


"Un cri s'écarquille dans la nuit. Et le voilà. Le fantôme de la Reine des pierres, au corps lisse comme une roche polie par les flots battants et salés. La lumière vomissante de cette nuit striée d'éclats devient crémeuse sur sa peau laiteuse. Son nom sonne comme une prière : Eyia."



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