Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Bouc émissaire

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Eugene Erik

Humain(e)

Bouc émissaire

samedi 02 mars 2024, 11:14:41

C'était un de ces matins comme les autres ; comme ceux dont il ne se souvenait plus. À chaque lever de paupière qui se profilait à l'aube, Eugene avait une vie entière à apprendre : la sienne. Délesté de ses souvenirs toutes les vingt-quatre heures après avoir fait les frais d'un maléfice, il s'éveillait chaque fois ignorant jusqu'à son nom, sommé de le découvrir par ses propres moyens.
Prudent, averti et, n'ayant de toute manière aucun autre choix, il consignait dans un carnet toutes les informations à même de lui être secourables. Y étaient consignées, dans ce précieux recueil, rien moins que l'intégralité de ses modestes sinon rupestres connaissances. Toutes étant écrites d'une main d'imbécile ; car le drame d'Eugene Erik, finalement, tenait moins à son affliction qu'à son imbécilité caractérisée. Expansif, léger, irréfléchi au point peut-être de ne pas pouvoir se refléter dans un miroir, il vaquait dans l'insouciance, menant à bien une quête qui, faute de sa mémoire, ne le mènerait jamais nulle part en particulier.

Aussi errait-il bêtement, en chien fou qu'il était, jusqu'à tomber sur un os. C'était son lot quotidien ; sa pénitence pour avoir offensé un dieu. Pour ce jour, il ne s'étirerait pas de bon matin dans un lit douillet. L'exercice lui eut été pénible alors qu'on lui avait mis les fers, ses mains dans le dos, les bracelets rattachés au pilori.
Privé de ses mains et dépourvu du moindre atome de bon sens, il ne put pas même compter sur l'aide de son carnet encyclopédique afin qu'il sut ce qu'il faisait là. Il y était et, de cet état de fait, il fonda son identité du jour.

S'il ne put savoir qu'il était Eugene Erik, il saurait qu'il était « Enfoiré ». C'était en tout cas le doux patronyme que lui avaient attribué la gueusaille chaque fois qu'elle passa devant lui. « Bonjour », répondait à chaque fois Eugene, tout guilleret qu'il crut qu'on le saluait tandis qu'on l'ensevelissait sous des tombereaux d'injures. « Merci », ajoutait-il lorsqu'on lui jetait un fruit passé de fraîcheur et dont il ne se privait pas de faire un repas, quitte à se trouver le groin à même le sol, réduit à devoir laper une pitance infecte et poussiéreuse. Mais pour lui qui ignorait qu'il y avait un « au-delà » à sa condition présente, sa vie ne lui était pas pénible. Elle était ainsi, et il n'en connaissait nulle autre ; aussi s'en contentait-il avec fatalité, sa crétinerie coutumière achevant de le satisfaire de son sort.

Son crime ? Il avait volé une tarte qui refroidissait sur le bord d'une fenêtre. N'ayant eu à sa disposition que ses instincts pour lui paver la voie de son aventure, c'est son appétit qui lui désigna la marche à suivre. Pourtant, une tarte aux pommes - et même pas bonne avec ça - c'est bien une aubaine quand on a faim. Ignorant toutefois quel larcin il commettait, il avait savouré le fruit de son vol assis sur le rebord même de la fenêtre d'où il s'en était saisi. La garde - appelée à grands cri - cru avoir affaire au glouton le plus insolent de l'histoire du village.
Habillé d'accoutrements qui juraient de beaucoup avec les parures archaïques de la plèbe ambiante, ses lunettes de soleil noires et son long bandana blanc achevèrent ainsi de lui attribuer un air de beau diable. Rien de tel pour galvaniser une foule rupestre, trop contente de mettre de côté ses ouvrages pour s'adonner aux infinis plaisir du lynchage. Attaché aussitôt au pilori, exhibé comme une bête de foire en place publique, on l'avait, pour l'occasion, enseveli sous tomates, courgettes et céleris, hurlant après lui tout le bien que l'on pensa des voleurs de son obédience. Eugene crut alors à une tradition locale ; une excentricité touristique sans doute. Il n'en était rien.

Le clergé lui avait intimé le repentir, ce à quoi Eugene, ingénu et autant carencé de ses souvenirs que de son intelligence, n'avait chaque fois trouvé qu'à répondre :

- Il fait faim dans votre bouge. Vous auriez rien à boulotter par hasard ? Siouplé

Cela faisait ainsi pas loin d'une semaine qu'il voisinait le pilori, ignorant à quel point ses innocentes suppliques étaient malvenues. Il s'en serait fallu d'un « Désolé d'avoir mangé la tarte m'sieurs dames les gens bien », et tout son calvaire aurait pris fin. Mais de cette tarte, il n'en avait plus l'ombre d'un souvenir en tête. Du reste, il pensait son calvaire chose commune pour sa condition, et ne trouva pas motif à s'en émouvoir.
Qu'il s'obstina à être si effronté - bien malgré lui cependant - n'intima que mieux les villageois à faire durer ses sévices. Aucun parmi eux ne trouva prétexte à le prendre en pitié, lui qui souriait benoîtement et disait « Bonjour » comme s'il ne souffrait pas de ses tourments. Quelque part auprès du bourgmestre, les menus notables que comptaient les environs dissertaient à mots couverts afin de déterminer ou non s'il fallut le torturer afin qu'il expia ses fautes.

Si personne n'eut à cœur de le sauver de sa misère, Eugene s'y laisserait ensevelir avec le sourire, ne se doutant pas de la gravité de sa condition, et encore moins des affres plus terribles encore qui pourraient prochainement lui pendre au nez..
Au nez... si ce ne fut en des endroits moins désignés.

Mais tous avaient ici le goût du lynchage et du sang des étrangers venus du lointain. À moins que. À moins que.
« Modifié: samedi 02 mars 2024, 11:34:59 par Eugene Erik »

Marguerite Clairbois

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 1 dimanche 03 mars 2024, 00:12:10

Marguerite se tient sur la place du village et observe avec tristesse le pauvre homme attaché au pilori. Sa robe de paysanne, simple mais soignée, lui donne un air d'innocence et de pureté, tandis que ses cheveux chatains sont noués en un chignon délicat. Son cœur se serre à la vue de l'homme affamé et désorienté, seul au milieu d'un village indifférent voire malveillant.

Elle serre un panier contre elle, rempli de pain frais, de fromage et d'une gourde d'eau. Déterminée à offrir un peu de réconfort à cet homme malheureux, elle s'avance avec précaution, ignorant les regards méfiants de quelques villageois qui vaquent à leurs occupations sur la place.

Un garde, posté non loin du pilori, l'interpelle  avec une voix autoritaire

- Hé, toi là-bas, La Marguerite ! Où qu'tu crois-tu aller avec ça ?

Marguerite lui adresse un regard timoré mais teinté d'une moue entêtée. mais déterminé.

- J'vais juste donner à manger et à boire à c'pauv' homme. Ca t'crève pas les yeux quc'est un simplet ... ?

Le garde fronce les sourcils, prêt à protester et rabrouer vertement la paysanne trop naïve mais les mots que lui murmurent Marguerite au creux de l'oreille le figent sur place.

- J'sais c'que tu fais le soir avec la Lynette, quand ta femme croit que t'es chez ton oncl' d'Mont-Sacré

La couleur quitte le visage du garde, remplacée par une expression de peur et de surprise. Il bafouille quelques mots incohérents, jette un regard circulaire à la foule de peur que quelqu'un d'autre que lui et le condamné l'ait entendu avant de se rembrunir. Il rend les armes, se rendant bien compte qu'il n'était pas de taille à gagner ce combat là contre Marguerite. La jeune fille enfonce le clou en insistant avec un air de bienveillante innocence.

- Tu sais pas qu'les bons dieux disent pas qu'y faut s'montrer bon et charitable  envers autrui et qu'faut ouvrir son coeur au pardon ... ? C'est l'curé qui l'a dit.

- Grmb ... bon. Vas-y.

Bien que gardant un œil vigilant sur elle, le garde se retire à contrecœur, laissant Marguerite approcher de l'homme attaché au pilori. Avec une tendresse infinie, elle se penche en avant pour lui offrant bien involontairement une vue sur son décolleté plantureux tout en s'adressant à lui avec bienveillance.

- Bonjour. Je m'appelle Marguerite. Vous avez soif mon pauvre monsieur ... ?

Elle débouche l'outre d'eau qu'elle avait apporté, et tend vers sa bouche, si celui-ci l'accepte, le bec de celle-ci pour qu'il puisse s'y abreuver. Et pendant que peut-être l'homme à l'occasion étanche sa soif, elle demande.

- Les gens sont bien cruels avec vous tout d'même, ca m'fend l'coeur de vous voir comme ça. Pourquoi qu'vous leur demandez pas pardon à tous pour vos méfaits, qu'ils vous libèrent enfin ... ?
« Modifié: lundi 04 mars 2024, 18:18:46 par Marguerite Clairbois »

Eugene Erik

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 2 dimanche 03 mars 2024, 09:44:40

L'inconsciente ; ne savait-elle pas que les animaux tenus en laisse l'étaient du fait de leur dangerosité ?  Son potentiel de nuisance, à ce drôle de zèbres aux binocles noires, il ne l'avait pas dans les croc, mais dans la caboche. Du genre dérangée, la caboche. Elle jugerait alors sur pièce.

- Z'êtes t-y bien aimable ma bonne gueuse, mais j'point b'soin d'vot' soupière. J'aiiii mon eau à moé ! Assurait-il en désignant du menton une flaque d'eau boueuse, non loin, où il avait pris l'habitude de se sustenter. Pourquoi est-ce que je parle comme ça, « moé » ?

Son empêcheuse de tourner en rond - car on ne pouvait guère que tourner en rond une fois lié de si près au pilori - avait le parler vrai des gens du cru. Toute gironde fut-elle, elle avait la rudesse involontaire d'une cambroussarde dont l'identité rustique s'affirmait à la moindre syllabe écharpée qu'elle s'en allait roucouler d'entre ses lèvres.
Pareil à une feuille blanche sur laquelle on réécrivait l'histoire à chaque jour qui vient, Eugene, à force qu'on l'imbiba dans cet accent cagneux, en prenait parfois le pli. Il sembla toutefois, à sentir son articulation fourcher si mal, que cette idiome ne seyait que peu à ses habituels et incessants bavardages.
Le fait est que la « brave fille », comme qu'on appelait les belles fleurs de sa condition, se trouvait sans doute bien déconvenue qu'un tel martyr échappa à sa générosité. Elle n'en était alors pas au bout de ses surprises et comprendrait bien assez tôt d'où provenait l'ire des passants à l'égard du zigoto.

- Et puis de quoi je me mêle ? Est-ce que j'y viens, moi, dans ton chez toi, t'en jeter de l'eau, hein ? Tu me diras... je pourrais pas vu que... les  chaînes, tout ça. N'empêche que c'est rudement malpoli !

Puis, lancé sur la route de reproches malvenus, il apostropha un passant le verbe haut.

- Tiens-y donc, v'là l'René ! Eh l'René ! T'y crois ça, qu'la galopine elle veut m'noyer dans toute sa prév'nance ! Je suis ben sûr qu'elle y vient m'voler ma mangeaille, cachée qu'elle est, tout bien à l'abri dans ses p'tites cajoleries. Ah mais, j'te l'dis comme je le pense.

L'inconvénient était qu'il ne pensait jamais avant de parler. Ni avant quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Son tapage, audible et abscons, lui valut une nouvelle légumineuse dans la gueule. Un poivron cette fois. Jamais les maraîchers du village n'avaient si bien écoulé leurs surplus depuis qu'Eugene fut dans les parages. « L'René », il avions point trop eu envie de lui faire la causerie, à ce gibet de potence. Il fallait dire qu'outre l'affaire de la tarte - on avait les affaires qu'on pouvait - cette propension foncièrement maladive qu'avait le captif, à faire constamment étalage de son bagou et autres jacasseries scandées si haut, n'indisposa que mieux la gueusaille à le prendre en pitié. D'autant qu'il chantait la nuit, ruinant ainsi le sommeil d'un peuple besogneux au point de l'épuiser. C'était lui qu'on clouait au pilori, et c'étaient eux qui en souffraient. Si une famine guetta le village à l'hiver prochain, faute de rendements agricoles, on en aurait alors connu la cause : Eugene Erik, fléau de son état.

- Merci ! Ne manqua pas de rétorquer l'imbécile après qu'on l'eut gratifié d'un nouveau légume. Tu vois, rajoutait-il avec un semblant d'arrogance auto-satisfaite en direction « d'la môme » comme on l'appelait parfois, j'ai tout ce que je veux ici. On me nourrit, on vient chercher mon seau, je suis au grand air. Bon... admettait-il enfin, sans qu'il ne fut besoin de le passer à la question pour au moins le reconnaître, c'est vrai que pour se gratter le nez, les genoux - et tout le reste en fait - c'est pas trop ça. Mais bon, c'est le prix à payer pour avoir un beau pilori rien qu'à soi !

Puis il alla se lover prêt de poteau d'où partaient ses chaînes, source même de son aliénation et d'un calvaire dont il fut manifestement trop idiot pour en estimer le supplice comme il se devait.

- L'est à moé, reprit-il d'un air jaloux et possessif, en imitant l'accent du coin, alternant alors d'une réplique à l'autre entre son élocution soignée et le pâteux patois qui se dégosillait ici.

Au loin, derrière, ça houspillait sec. Le René, à jurer sa gueulante, il en avait gros. La faune humaine aussi. Une dizaine de loqueteux s'étaient en effet ligués autour du bourgmestre afin de l'alpaguer virulemment. On lui assura que, s'il fut très drôle au départ d'avoir une mauvaise âme à agonir en place publique, celle-ci, à jaqueter et à chanter sans jamais fatiguer, leur pourrissait la vie mieux qu'une peste. Ils vivaient plus mal le pilori que celui-là même qui s'y trouva attaché.
En tant que plus haute autorité du village - ce qui n'était pas franchement un prestige à considérer le bouge - le bourgmestre sut qu'il fallut trancher la question. Peut-être bien littéralement. D'un pas pressé, dans une boue qui crottait aussi bien ses souliers que sa longue robe de notable, il trouva la candide auprès du réprouvé.

- T'approches-y donc pas de c'te bête là Margu'rite. L'avertissait-il. Y mord pas, mais y cause l'animal, yyyyyyyyyyyyyyyy cauuuuuuse, si bien qu'ça t'rends dingo. J'y ai causé de ça au père Yves, y m'a dit que çui ci, il avait de la satanerie qui lui sortait du fond de la gorge. Parfait'ment ! Pour ça qu'on vire tous barjo à l'entendre. D'la s'cousse... on va y couper le cou et faire l'œuvre du seigneur, ça m'paraît pour le mieux.

- Ça me paraît être la seule solution, en effet. Acquiesça Eugene qui n'avait alors rien compris à l'affaire, mais qui se sentit toutefois de participer à la conversation. Comme à chaque fois.

Les infrastructures manquaient et, les prisons, en ces lieux, n'étaient jamais que des cagibis au fond de l'hôtel de ville, occupés le temps que la collectivité noua la corde à l'arbre comme il se devait. Au moins, les dépenses carcérales n'étouffaient pas la collectivité.
Devinant bien que l'innocente gaillarde, bien que parfois rude dans ses approches, demeurait chose sensible, ce bien modeste officier d'état civil chercha à ménager sa peine. La pauvre, il est vrai, n'avait jamais eu le cœur à voir une bête souffrir.

- M'fais donc pas ces yeux là ! J'avions bien pensé à l'envoyer comme aide aux champs à la base. L'a juste chipé une tarte après tout. Et une d'la mère à la Lynette en plus ; c'est te dire si ça a dû bien lui purger la tripaille. Seul'ment v'là qu'y a pas un fermier à cinq lieues à la ronde qui veut d'une paire de bras en plus si y'a sa grosse gueule bruyante qui va avec. Comprends bien qu'j'ai les mains liées.

- Un peu comme moi ! Rebondit énergiquement Eugene, croyant à un trait d'esprit et riant de bon cœur, apparemment trop ingénu et ignorant des choses de ce monde pour seulement comprendre qu'on allait lui dresser la potence rien qu'à lui.

À le constater, d'un œil triste et dépité, se comporter si insouciamment face à une mort inéluctable, on put se demander légitimement par quel miracle un tel olibrius avait pu vivre jusqu'à ce jour.
La pauvrette avait eu beau faire de son mieux, braver l'opprobre des siens, garnir son plus beau panier, elle s'était non seulement faite remparer par celui-là même qu'elle cherchait à sauver de son sort, avant, en plus, de se voir signifier qu'on en ferait de l'engrais. Il y avait des manières de commencer sa journée sur les bonnes roues. Des bonnes, et d'autres ; comme celle-ci en l'occurrence.
« Modifié: dimanche 03 mars 2024, 09:53:09 par Eugene Erik »

Marguerite Clairbois

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 3 dimanche 03 mars 2024, 11:49:48

Pauvre Marguerite ! Elle qui s'imaginait suivre la voie des saintes dont les histoires abreuvent les sermons du curé, la voilà rabrouée dans ses élans de générosité. Reculant comme si on l'avait frappée, les yeux brillant de larmes contenues. C'est un spectacle triste à voir de voir un petit ange du village se faire rudoyer comme ça. Plusieurs autres que le maire tentent de la consoler ou de lui expliquer alors qu'elle rejoint la petite foule.

- Y méritait pas ta pitié, on t'l'avait dit.

- T'y pouvais rien petiote. C't'homme là a juste l'diable au corps.

- Ouais. Même qu'le curé proposait qu'on le ... comment qu'on dit déjà ? Dédiablise ... ?

- Exaurcisme

- Ouais ça. Mais il aurait fallu l'brûler. Il a une idée à quel point c'est précieux l'bon bois sec ??  Quand on lui a proposé d'utiliser l'bois qu'on lui donne pour qu'il s'chauffe les miches en hiver, il a tout d'suite renoncé à l'idée.

Au final, c'est toute une petite troupe qui avait fini par rassembler autour de la jeune fille en un rien de temps et qui commençait à discuter entre elle du sort de l'individu, sans plus se préoccuper de la jeune femme qu'ils étaient venus consoler au départ. Au milieu de la plèbe se dresse la figure autoritaire du Bourgmestre qui tente de diriger les débats. Mais son opinion fluctue comme le ressacs d'une marée changeante. Il essaye d'imposer son autorité tout en suivant les courants de la petite foule de ses administrés. Un jeu d'équilibriste précaire auquel il s'adonne avec une adresse très relative en tant que seule figure politique du patelin. 

- On va tout d'même pas l'tuer pour une tarte volée ... ?

Finit tout de même par balbutier une Marguerite éplorée , en dépit de toute la réticence que lui provoque maintenant le condamné. 

- Non, on va l'zigouiller pour tout l'tas d'insanités qu'il nous dit et tout l'tracas qu'il nous cause. On veut pas d'étrangers qui savent pas respecter nos usages par chez nous.

Résume le garde. Et beaucoup autour hochent vaguement la tête mais après les premières invectives on les sent tout de même mitigés dans le fond pour la plupart. Crier "à mort" en levant le poing est facile quand on est en colère. Mais ca se dégonfle un peu quand il s'agit de passer à l'acte. On en revient au point de départ : Bien que la populace de ce petit village  ne soit pas assoiffée de sang, il faut bien reconnaître qu'ils se sentent à cours de solution pour gérer un casse-couilles pareil.

- Pourquoi, toi tu veux pas d'son aide dans l'potager si t'y tiens tant ?.

- Tes champs sont en triste état Marguerite, même un cochon irait pas s'vautrer d'dans !

La remarque fait rougir de honte la jeune femme qui ne peut hélas pas protester. La mort de ses parents a rendu sa situation très précaire. Elle travaille d'arrache pied pour survivre mais c'est vrai qu'elle manque tout simplement de temps pour tout faire. La survie de ses bêtes et l'entretien de sa basse cours lui prend tout son temps. Elle sème mais manque de temps pour entretenir et perd la plupart du temps la bataille contre les mauvaises herbes et les nuisibles. Elle jette un regard timoré en direction du gredin au pilori et détourne vite le regard.

- J'veux pas être seule avec c't'animal là ... les dieux savent c'qui va m'faire.

- On sait tous très bien c'qu'y  t'y f'rait ...

Ironise une des matrones d'un ton entendu. La remarque provoque des gloussements chez plusieurs autres, des villageoises d'un âge plus avancé dont la beauté avait fanée suite à leur multiples mise bas et une rude vie passée à travailler à la campagne. Les jalouses connaissent très bien la réputation de Marguerite qu'ont dit pas trop difficile à basculer sur le dos et très accueillante envers les étrangers. C'est loin d'être la seule dans le village et presque chacune d'entre elles menaient ce genre de vie dissolue par le passé ...

Moquée par ses aînées, la jeune paysanne rougit. Elle balbutie des choses mais elles se perdent dans le brouhaha ambiant. Et puis quelqu'un a une idée lumineuse.

- Qu'on l'envoie s'faire pendre ailleurs !

- Ouais, balancons le sur l'chemin vers Mont-Sacré. Que ces sots là se débarassent de lui, s'i ils s'croient plus malins qu'nous !

Si il y a quelque chose qui soude les gens ici, c'est que les gens de Mont-Sacré sont tous des empaffés de la pire espèce. Cette rivalité de bourg séculaire est un des ciments de la communauté du village. Tout la rivalité avec ceux de bourg-les-oies. Ou avec ceux de Pont-Marché aussi d'ailleurs.

En quelques cris, voilà la solution toute trouvée. On se débarrasse du problème et en plus on déverse la merde chez des voisins qu'on aime pas. La solution fait cette fois l'unanimité et c'est bientôt toute une foule qui accompagne le "banni" jusqu'à l'extrême limite de village, sur le chemin qui mène à Mont-Sacré.  Le cortège est tapageur. L'homme, fermement maintenu par le garde se fait huer et parfois bousculer. Le village coléreux tient à bien faire comprendre à l'individu qu'il ne sera plus jamais le bienvenu ici, quitte à laisser quelques hématomes bien sentis en souvenir.

En d'autres temps, autres lieux, on l'aurait couvert de goudron et de plumes avant de le laisser aller mais ici, c'est un bon coup de pied au cul qui sonne le glas de la sentence, immédiatement après que les liens qui entravaient ses poignets soient défaits.

-R'viens ici et c'est à poil avec les mains attachées dans l'dos que tu r'partiras !

Une déclaration saluée par un concert d'approbations.

Et la pauvre Marguerite au milieu de tout ça, avait t'elle fait partie du cortège ... ? Bien sûr que non ... la mâle démonstration de justice populaire ne pouvait souffrir de la présence de jeunes fleurs délicates. Elle s'en sera retournée à ses occupations, un peu chamboulée par la tournure qu'avait pris les évènements.

...


...


...


De ce qu'il est adviendra du pauvre diable après cette échauffourée, elle ne le saura pas. Elle se sera contentée de travailler. Et c'est ainsi qu'on la retrouve le soir alors que la nuit tombe, à côté de sa maisonnette isolée en train de biner son maigre potager. Elle habite seule en bordure du village, la Marguerite. Dans une masure sise à côté d'une étable qui aurait bien besoin qu'on en refasse le chaume. Elle s'attèle à ôter de son mieux les mauvaises herbes qui avaient envahi son carré cultivé tout en ressassant les évènements de la matinée.

Elle se sent tiraillée entre la honte d'avoir été rabrouée et humiliée en public et la vague qu'elle culpabilité qu'elle ressent à l'idée d'avoir refusé l'aide de cet homme aux champs. D'un côté l'homme est un simplet qui ne peut pas être tenu responsable de ses actes ... Mais d'un autre côté qu'aurait t'elle pu faire en se retrouvant seule avec lui pour gérer son dédain et ses moqueries ? Qu'aurait fait l'homme une fois libéré de ses liens et sans personne pour l'empêcher d'agir à sa guise ? Définitivement, la peur avait été plus forte que son bon coeur et ce constat rongeait la jeune femme. 

Eugene Erik

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 4 dimanche 03 mars 2024, 22:17:06

À la nuit tombée, tombée et assoupie, il ne se trouve plus grand monde pour aller faire son marché à la grand-place. Plus personne à dire vrai. Comme seul occupant des lieux, on retrouve toutefois un irréductible cloué là, capturé de nouveau après avoir... volé une deuxième tarte alors qu'on l'avait pourtant exilé. Eugene passe sans doute sa dernière nuit dehors ; c’est une chance. La prochaine, il la passera dans un tombeau.

Minuit passé, endormi à genoux, ses bras tirés en arrière par les courtes chaînes qui le maintiennent à son pilori, sa mémoire a été réinitialisée ; comme à chaque jour qui lui passe dessus. Et de cette dernière nuit de condamné – ignorant alors jusqu’au sort qu’il l’attend, justifiant qu’il dorme d’un sommeil si profond – voilà qu’on le réveille d’un coup de pied. Puis d’un deuxième, car Eugene a le sommeil aussi lourd que l’esprit léger.

Les habituelles questions du lever lui sortent de son intarissable réservoir à babillages : « Qui suis-je, où suis-je, en quel temps, en quelle circonstance, quand est-ce qu’on mange ». C’est une vie usante que la sienne.
Son réveil-matin, l’ayant soustrait à Morphée à grands coups de tatanes, elle porte une robe. C’est la Lynette, la mauvaise – ou la bonne selon le point de vue – elle a un carnet en mains, celui où Eugene y répertorie ses souvenirs. Naturellement, elle le lui a soustrait il y a quelques nuits de cela, le vol étant encore chez elle son moindre défaut. À l’effeuiller, elle a tout compris à l’affaire ; de l’amnésie répétitive à ce qui l’avait conduit ici en passant par son nom.

- Eh ben Eugene, qu’est-ce tu fais là ?

- Le diable si je sais ! T’es qui au fait ?

- Mais c’est moi, enfin, la Lynette, t’me r’connais point ?

Jamais ils ne s’étaient rencontrés formellement.

- Ah, mais si ! Je situe. Comment ça va ? On a un beau soleil aujourd’hui, non ? Enfin, je veux dire, pour la nuit, c’est plutôt bien ensoleillé.

Passées les banalités et élucubrations d’usage, Lynette s’empressant de l’envoyer promener, celle-ci en vînt au plus pressé. Des clés lui sortent de sous le jupon et les voilà qui entrent et crochètent opportunément les fers que lunettes noires porte aux poignets. Celles-ci, elle les avait « empruntées » à un garde qui, en sa compagnie, s’était adonné à quelques plaisantes polissonneries.

- Faut qu’tu rentres chez toi, l’est heure.

- C’est pourtant bien vrai, ça. Assura Eugene qui ignorait tout de son « chez lui » ou de l’heure.

- Tu te souviens, hein ? Ta chaumière, non loin de l’étable, tout là-bas, au bout du ch'min, à l’orée de la forêt ? Y’a ton ouvrière qui doit attendre après toi pour servir l’souper. Tiens, prends-y voir ton carnet et file-moi l’camp avant d’attraper froid.

Qu’elle était secourable cette brave Lynette à une heure si tardive. Venir en aide à un inconnu, quand bien même celui-ci avait lourdé sa pauvre mère d’une tarte aux pommes ; ç’aurait presque fait d’elle une sainte. Exception faite, bien entendu, de sa jambe légère et du berlingot hospitalier. De sa rancune, aussi.
Alors qu’elle adressait un dernier coucou à ce candide amnésique en partance pour sa demeure, ignorant tout de sa présente condition, la sournoise ricana entre ses dents.

- Cette peau de vache de Margu’rite, ça lui apprendra, tiens, à me faire une vilaine réputation.

Le piège était à sa mesure. En libérant le paria pour l’envoyer chez la douce et aimable Marguerite, elle attirait sur elle le soupçon de complicité dans l’évasion du malandrin si celle-ci venait à le dénoncer. Nul doute que cet insupportable importun, désinvolte et bruyant au possible, attirerait tôt ou tard la suspicion chez cette fermière besogneuse.
Ayant trouvé son chemin de nuit, l'intrus pénétra ainsi à grand fracas dans la chaumière désignée plus tôt, non sans omettre d’enfoncer la porte après avoir usé de son crâne comme bélier.

Sonné en entrant, ayant alarmé l’hôtesse de ces lieux, il recouvra ses esprits et trouva à dire :

- S’cuse-moi, ouïe j’ai perdu mes clés.

Il ne risquait pas de les retrouver en ce sens où jamais celles-ci n’avaient esquissé un jour la paume de ses mains.

- Fais-moi plaisir, tu veux, dit-il en pensant s’adresser à une employée comme le lui avait laissé entendre Lynette, prépare-moi un truc à bouffer. Et dis-moi où est ma chambre tant que j’y suis. C'est toi qui sent les légumes pourris comme ça ?

Fallait pas dire des cochoncetés dans le dos de la Lynette. Ça non, fallait pas.
« Modifié: lundi 04 mars 2024, 05:23:29 par Eugene Erik »

Marguerite Clairbois

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 5 lundi 04 mars 2024, 00:24:31

La nuit enveloppe la petite masure de Marguerite dans un calme apparent. La jeune femme dort à poing ferme sur sa modeste petite paillasse, assommée par le juste épuisement de ceux qui triment jusqu'au tout dernier point du jour. Mais le silence est soudainement brisé par un fracas assourdissant.

Les yeux écarquillés par la peur et la surprise, Marguerite se redresse brusquement dans son lit étroit, son cœur battant la chamade. La porte de sa modeste demeure est enfoncée avec violence, laissant place à l'apparition d'une silhouette masculine qui lui parait à ce moment enragé.

- Que, , mais ... ? Qui qu'vous êtes ??

Bafouille t'elle, totalement déboussolée alors qu'elle se recroqueville instinctivement contre le mur derrière elle. Sans la moindre source de lumière, elle est incapable de reconnaître l'homme qui se comporte comme s'il était chez lui. Une attitude évidemment totalement déconcertante.

Yeux écarquillés, elle regarde la silhouette qui se découpe dans l'encadrement de la porte. Et les questions pleuvent.

- J'ai jamais eu d'clefs sur ma porte ! Qui qu'vous êtes ? On s'connait ? Vous faites quoi ici ?!

La liste des hommes qui connaissent les lieux et pourraient se permettre ce genre de familiarités avec la belle Marguerite est malheureusement longue. Il est de notoriété quasi publique que beaucoup de jeunes gaillards du coin ont goûté un jour aux faveurs de la belle et pourraient, sur un instant de folie, s'imaginer en droit d'entrer chez elle nuitamment pour lui exiger des choses. Difficile dans ces conditions de savoir à qui elle à affaire. Son expression devient outrée quand l'homme évoque l'odeur de légumes pourris et elle s'exclame.

- Oh ! C'est vous qu'sentez comme un chien qui s'serait roulé dans une charogne ! Z'êtes ivre ? Vous m'voulez quoi ??

Le moins qu'on puisse dire est qu'elle ne se sent pas rassurée du tout, la Marguerite ! Il y a rien de plus mauvais qu'un homme ivre à une heure pareille. Elle est seule, dans cette petite masure isolée du reste du village, à demi nue cachée sous un drap tiré devant elle. Impossible pour l'heure de fuir par la porte que cette silhouette menaçante occupe et d'aller quérir de l'aide dans le village. Ou atteindre la grange pour s'y armer d'un outil et s'y enfermer.

Eugene Erik

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 6 lundi 04 mars 2024, 05:54:20

Quelle vie que la sienne. Du moins, celle qu'il usurpait par mégarde, instrument de la malice d'une demoiselle aux desseins for mal intentionnés. Une bicoque comme seul foyer, même pas de clé, même pas de serrure et, pour seul compagnonnage, une simplette pas foutu de comprendre que le maître de ces lieux s'est était retourné à la demeure. Pour peu, il regretta bien le pilori.

- C'est moi ! Assura-t-il sans que la malheureuse fut mieux rencardée. C'est Eugene, en tout cas, c'est comme ça que l'autre m'appelée. Eh pis... eh pis, d'abord, sois polie si t'es pas jolie même si je te vois pas dans noir, parce que c'est bien toi la charogne, à médire comme ça sur un honnête homme qui s'en revient chez lui. Tu parles d'une ouvrière, je te jure.

Trouvant comme seule source de lumière une âtre étouffée dans la cheminée, il s'en alla la remuer d'un coup de pied d'ici à ce que les braises ne lèchent un restant de bûche. On distingua alors mieux sa silhouette, révélant au moins ses lunettes de soleil qui faisaient sa singularité en ces lieux abonnés aux archaïsmes d'un autre âge.

- Ce que je veux qu'elle me demande...[/size[/b]] soupirait-il comme si ce fut Marguerite qui se trouva en faute. Ce que je veux, c'est dormir dans mon lit après avoir graillé copieusement. C'est pourtant pas le monde que je demande ! La dame tout a l'heure, elle a bien dit que t'étais sous mon emploi, alors mets-toi plutôt aux fourneaux avant que je dépérisse.

Après avoir insisté qu'on le nourrît, le bougre n'ayant fait pitance dernièrement que de fruits et légumes pourris qu'on lui fit pleuvoir dessus à verse, il inspecta la chaumière. Pas un escalier, pas une trappe dérobée ; tout ce qu'il avait, il le scrutait à présent à la lueur d'un feu de cheminée naissant.

- C'est ça mon lit ?! Se scandalisa-t-il d'une outrance petit-bourgeois en retroussant le nez après qu'il eut pointé du doigt la paillasse sur laquelle l'occupante des lieux se fut recroquevillée. Bah je te félicite pas. Non seulement tu dors dessus pendant que je suis de sortie, mais en plus, il est pas entretenu. Tu me feras bien le plaisir de retourner dormir dans l'étable après que mon souper sois servi. Ah la souillon celle-là ! Quelle idée j'ai bien eu de t'employer...

Quand Eugene avait une idée en tête - et jamais la bonne - il n'en démordait pas. Lynette lui avait filé le cap de son existence, aussi s'en tenait-il à son itinéraire pour ce jour. D'autant qu'à consulter le calepin qu'il avait en poche, confirmation fut établie qu'il était bien propriétaire des lieux ; la preuve, c'était écrit. C'était certes écrit de la main de Lynette, mais c'était écrit quand même. Eugene n'ayant à sa disposition que cette seule mémoire de poche, il s'y cramponnait sans en démordre. S'il considéra qu'il était ici chez lui, rien, à commencer par les preuves les plus concluantes qui furent, n'auraient pu l'en dissuader.
Voilà de quel drôle d'animal Marguerite s'était faite l'hôtesse involontaire en cette nuitée.


Marguerite Clairbois

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 7 lundi 04 mars 2024, 14:14:39

Si le doute était permis jusque là, l'arrivée de la lumière dans la pièce permet à Marguerite d'identifier sans ambiguïté le personnage qui lui fait face.

- Vous !

Dit elle, à la fois surprise et choquée. C'est un dément. Elle sait qu'elle ne peut tout simplement pas le raisonner. Elle se relève, toujours couverte par son drap et jette un regard vers la sortie. L'homme est debout, au milieu de la pièce et déblatère des tas d'absurdités. Mais il n'a pas l'air de beaucoup faire attention à ce qu'elle fait au final. Pas au point de l'empêcher de se lever, de se diriger vers la porte et de sortie. Sitôt celle ci atteinte, elle pourra se précipiter par l'ouverture et appeler à l'aide au village. Réveiller le baillis en pleine nuit (encore) parce qu'un individu s'est introduit chez elle (encore).

- Tout d'suite, tout d'suite !

Dit elle précipitamment, feignant la docilité. Elle ramasse en toute hâte sa robe pliée sur un banc à côté de son chevet et l'enfile à la va vite avant de se diriger avec prudence vers la sortie, effrayée à l'idée que l'homme s'inquiète de son attitude et décide soudainement de l'empêcher d'agir. Elle avance d'un petit pas prudent vers la sortie. D'un deuxième pas, elle passe très près de l'homme. Elle retient son souffle et finit en se glissant jusqu'à là sortie.

Le coeur battant la chamade, elle ose jeter un dernier coup d'oeil derrière son épaule avant de partir. Courir prévenir le baillis, oui c'est son intention. Appeler à l'aide. Et ... condamner l'homme à se faire trancher le cou. Cette pensée est comme une douche glaciale pour la pauvre Marguerite qui se fige dans son mouvement.

Elle reste figée là plusieurs secondes, le coeur tiraillé entre des pensées contradictoires. Et puis elle finit par soupirer alors que ses épaules s'affaissent.

- Vous d'vez partir.


Dit elle abruptement. Elle se retourne et fait face à l'homme aux lunettes étranges. Elle se sent un peu plus confiance à présent qu'elle a une sortie dans le dos et la possibilité de fuir à toutes jambes dans une campagne qu'elle connait comme sa poche et dans laquelle elle saura s'orienter, malgrès l'obscurité.

- Vous êtes chez moi, Z'avez rien à faire ici ! Prenez la nourriture que vous voudrez et partez, de grâce !

Dit elle d'un ton qui parvient à être à la fois ferme et suppliant.

- J'suis désolée mais vous n'pouvez pas rester. S'ils vous trouvent ici ils vous pendront ! J'sais pas comment qu'vous êtes revenu mais vous êtes banni du village !

Ultime supplique d'une bonne âme qui balance dangereusement entre l'instinct de survie et le respect pour la vie humaine. Cet ultime instant de bonté la perdra peut-être.

Eugene Erik

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 8 mardi 05 mars 2024, 19:46:56

Banni du village, voilà une saine occupation. Une qui lui tombait comme un couperet, avec de quoi retravailler les perspectives derrière ses lunettes noires. Les signaux contraires s'emmêlaient dans ce qui lui faisait office de cortex, il avait des carambolages tout plein le système nerveux à l'heure-ci - tardive de surcroît. La bouche à demi-ouverte, il était resté planté là, inerte, à réfléchir à sa condition. Ses élans de propriétaires s'étaient heurtés à un mur de réalité aux briques bien dures ; il y avait de quoi y perdre ses dents, ou, en tout cas, la raison.
Son carnet, véritable Bible de poche d'un pèlerin en errance, lui avait soutenu qu'il était chez lui. Mais à bien y réfléchir, l'écriture qui le lui avait assuré jurait de beaucoup avec le reste du recueil. C'était fâcheux. Eut-il eu ce qu'il fallait d'amour-propre pour apprécier les événements à leur juste valeur, qu'il se serait senti bien con. Mais privé de sa mémoire, voguant au gré des circonstances, il était pareil à un animal. Pas un qui compta parmi les plus malins, mais un animal curieux et pas bien farouche qui ne faisait jamais le mal par intérêt ; simplement par erreur.

- Je serais pas chez moi...? Admettait-il péniblement en son for intérieur avant de sortir de ses contemplations pour s'adresser à l'hôtesse de ces lieux. Mais du coup, l'interpela-t-il avec une fraîcheur déconcertante, rompant soudain avec le tintamarre dont il fut la cause un instant plus tôt. Je peux rester ?

Il s'invitait ou presque, avec ses airs de couillons à qui on ne prêtait guère des airs de malice, mais plutôt de connerie furieuse. Innocente, la connerie. Existante, cependant ; on ne peut plus présente.

- Qu'est-ce que j'ai fait pour qu'on veuille me prendre en fait ? Il avait aussi une mauvaise audition après une semaine passé à mariner dans sa crasse au bord d'un pilori.

Presque fier de lui, avec une tête d'ahuri à lunettes noires, il se pointa de l'index avant de quémander qu'on l'instruisit davantage sur qui il était. Elle avait l'air d'en savoir long. Après tout, ce « Vous », scandé par la belle, dans l'indignation la plus outragée, laissait entendre qu'ils s'étaient connus.

- Je suis un grand bandit ? C'est ça ? Le genre qui... qui sauve les veuves des orphelins en volant aux riches ? C'est ça ?

Il se bricolait une légende sur une affaire de tarte aux pommes. Une mauvaise tarte aux pommes, qui plus est.
Toujours est-il qu'il apparut autrement moins menaçant maintenant qu'on le ravisa sur les rails de ses souvenirs oubliés. Marguerite avait toujours affaire à un doux dingue ; mais pas un qui fut franchement dangereux. Un Eugene, ça se manœuvrait facilement après tout. Un peu de bouffe et ce qu'il fallait d'imagination pour lui bricoler un passé sur mesure, il n'était point nécessaire d'en jeter davantage pour l'apprivoiser. Mais comme toutes les bêtes curieuses, on mettait le temps avant de le domestiquer ; le temps de comprendre quel drôle de bête il était vraiment.

Marguerite Clairbois

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 9 mercredi 06 mars 2024, 09:19:29


La marteau de la lucidité semble enfin frapper la tête du malséant. L'attitude de celui-ci change et le voilà qui parait maintenant confus et indécis.

Marguerite, qui avait guetté avec tension et apprehension les réactions du forcené, semble (un peu) réussir à s'apaiser en retour. Celle ci s'exclame par reflexe, quand il lui demande de rester.

- Non !!

Mais aussitôt elle parait regretter cet éclat spontané. Elle le regarde et détourne immédiatement le regard. Elle se dandine un instant, tiraillée une fois encore entre la raison et son bon coeur. Elle remet une mèche chatain derrière et son oreille et souffle sur un ton de compromis.

- J'veux dire ... pas plus longtemps qu'cette nuit si vraiment vous avez nulle part où aller ... Mais vous vous lavez. Et vous partez d'main matin.

Une décision qu'elle a peur de regretter ... Après tout, l'homme n'a rien été moins qu'odieux avec elle depuis leur toute première rencontre.

Alors qu'elle balance dans l'incertitude quant à la marche à suivre immediatement, les questions posées avec innocence par l'intrus la font bondir et ouvrir une bouche ronde de surprise.

- Comment qu'vous osez m'demander ça ?! Vous avez mis tout l'village en colère !

A toutes les suggestions qu'il propose, elle dénie avec énergie, secouant la tête comme les mains.

- Non ... non ... non !

Dit elle à chaque fois, avant qu'elle révèle enfin la réaction.

- Vous avez volé une tarte. Et au lieu d'vous contenter d'être mis au pilori et d'et' r'laché plus tard, vous avez mis en rogne tout l'monde en vous moquant d'tout et d'tout l'monde.   

Oui parfaitement ... aussi absurde que ca puisse paraître, l'homme est menacé de mort à cause d'une simple tarte. Marguerite a un peu honte de ses contemporains et ne cherchera visiblement pas a les defendre. Elle lache un soupir.   

- Voilà pourquoi personne doit vous voir ...

Dit elle en guise de conclusion. Quant a la suite immédiate ... il faut y réfléchir. Marguerite referme lentement la porte au loquet disloqué et utilise un tabouret pour la maintenir fermée. La perte de son verrou la chagrine car évidemment, aller trouver le charpentier pour le remplacer est au dessus de ses moyens actuels ... Elle va devoir s'endetter auprès de lui et elle sait très bien quel arrangement il risque de lui proposer ... Elle soupire puis concentre ses réflexions sur les problèmes immédiats qui la préoccupent.

- J'dois aller au marché du bourg d'à côté d'main ... Vous mont'rez dans ma charrette et j'vous ferai descendre loin du village ...

C'est sans doutes peu mais c'est tout ce qu'elle peut raisonnablement offrir comme aide.  Elle se rapproche du feu, non sans guetter du coin de l'oeil les réactions de l'homme dont elle semble toujours se mefier un peu. Elle poursuit le mouvement entamé par celui ci, ravive les flammes et rajoute du bois pour aider le feu à repartir.

- J'vais vous faire chauffer de l'eau ... vous vous lav'rez et vous vous coucherez ...

Où ... ? Elle n'y a pas encore songé. Elle songe très sérieusement à lui abandonner le logis et à s'enfermer avec les bêtes pour la nuit. Le peu qu'elle possède est sans doutes moins précieux que ses animaux. Elle ne pourrait s'en remettre si le forcené se mettait en tête de les faire fuir ou de les blesser ...

Eugene Erik

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 10 mercredi 06 mars 2024, 18:57:31

- Je gère, t'inquiètes !

En invité de marque ; remarquable et remarqué, Eugene, d'instinct, sut qu'il devait faire honneur à l'hospitalité qu'on lui accorda, bien que ce fut les dents serrées. Sa gestion des événements qui lui furent dictés fut ainsi à la mesure de ses capacités, c'est-à-dire désastreuse en tout point. À la recherche d'un récipient où y verser de l'eau, il remua ciel et terre, mettant la chaumière sens dessus dessous pour enfin extraire un baquet providentiel dont elle se servait comme fourre-tout et où y étaient rangés douzaines de récipients plus petits. Eugene, naturellement, se priva bien de ranger tout le foutoir qu'il occasionna lorsqu'il vida sa baignoire en bois de toutes ses babioles.
Désespérément, l'hôtesse du foyer rangeait derrière son chaos ambulatoire partout où il passa. C'était en ces termes qu'il « gérait ». Et à cela, il y eut effectivement motifs à l'inquiétude.
Après avoir poussé le récipient au travers de la pièce, l'importun ôta ses parures sales avec une si singulière prestesse qu'on le crut prodige. Encore affairé toutefois à ôter son haut dans lequel il était bloqué piteusement, le reste déjà bien en bas des chevilles, on l'entendait néanmoins scander :

- Mets-y la flotte ! Vas-y, j'arrive !

Sans doute fut elle trop outrée de le découvrir aussi à son aise, déjà à poil et sans pudeur, ignorant qu'il y avait prétexte à s'offusquer de voir un homme exposer sa nudité avec une telle désinvolture. Aussi Eugene s'affaira-t-il à soustraire l'eau chaude de l'âtre afin de l'y verser lui-même avant de se loger assis dans la grosse bassine. Pas assez longue cependant pour qu'il y étendit les jambes, celles-ci quelque peu recroquevillées.
Dans cette eau encore presque bouillante où il s'y brûla à s'y immerger le derrière, Eugene en fit aussitôt clapoter le contenu tandis qu'il s'aspergea tout le corps à grandes louchées de main. La pièce toute entière fut ainsi maculée d'eau, ainsi qu'un chien mouillé s'y serait séché furieusement. Marguerite ne fut pas en reste, ses linges nocturnes tout aussi trempés que le restant de la pièce. Il ne lui avait accordé aucun répit.

N'ayant que fait ruisseler l'eau sur sa peau, ôtant le gros du sale, mais ne décrassant pas car ignorant tout du savon et ses vertus, il s'exclama déjà, le cul dans sa bassine d'eau, après avoir levé haut les bras :

- Et voilà, tout propre !

Mais à la voir, à y regarder même dans ses yeux, le propret ne sut trop interpréter ce qu'elle eut en tête. Il devina toutefois que son hôte était, au mieux, quelque peu perplexe de sa soudaine prestation sanitaire. Voire même circonspecte, pour ne pas dire autre chose.

- Non ? Hésita-t-il ensuite d'une voix aigue, se recroquevillant à moitié dans la bassine de crainte d'avoir contrarié la malheureuse.

L'hospitalité, quand on recueillait chez soi de pareils énergumènes, tenait du vice prompt à paver la voie du calvaire.

Marguerite Clairbois

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 11 jeudi 07 mars 2024, 09:02:22

Il en faut de la patience pour gagner sa place au paradis ...

Tel un gamin de 5 ans dans un corps d'homme, l'invité sans nom met un chantier sans nom dans la masure et Marguerite a toute les peines du monde à contenir le chaos qu'il génère. Et c'est d'ailleurs parce qu'elle commence à le voir comme un enfant un peu simplet et non plus comme un homme accompli qu'elle ne sourcille pas quand il se déshabille et entreprend de se laver. (Et puis vous savez, c'est une fille de la campagne. Des hommes nus d'ailleurs, elle a vu tellement que ce n'est plus ce genre de choses qui la choque ...)

- Faites douc'ment, vous mettez l'chantier partout.

Tente d'elle de l'admonester à plusieurs reprise. Sans beaucoup d'effet d'ailleurs. Prenant le rôle du parent, Marguerite finit par prendre les devant en saisissant une brosse au poil rèche ainsi qu'un pain de savon.

- Non vous y êtes pas du tout.

Lui répond t'elle, avec la voix ferme que peut avoir un parent qui parvient encore à se contenir face à un enfant turbulent. Elle lui intime avec la même fermeté.

- Asseyez vous.

La jeunette remonte ses manches et entreprend alors de frotter avec vigueur la peau de l'homme bien trop imprégnée des odeurs de chou moisi pour que ce soit supportable. Marguerite (pourtant habituée aux effluves de la campagne) en plisse le nez maintenant qu'elle a l'occasion de sentir de si près. Ce n'est pas un brossage délicat ni vraiment agréable mais il a pour but d'être efficace, qu'importe ce que l'objet de ses attentions en pense. Marguerite a vu sa robe se faire faire éclabousser et puisqu'elle ne dispose pas de 40 tenues, il faudra bien qu'elle fasse avec pour le moment. Elle ignore le désagrément du tissu qui lui colle à la peau et révèle à l'homme sans doutes plus que ce qu'elle devrait.

- Couper vos ch'veux vous f'rait pas d'mal non plus.

Eugene Erik

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 12 vendredi 08 mars 2024, 14:09:12

Avant de lui élaguer la tignasse cependant, il fallait purger le vilain bouillon qui macérait dans bassine. De l'eau, il fallut en faire chauffer davantage puis vider la précédente au dehors, et au beau milieu de la nuit qui plus est, si l'on voulut venir à bout de cette peine. C'était à croire qu'une brosse seule n'aurait suffi à venir à bout des immondices l'ayant recouvert ; qu'il aurait mieux valu jeter Eugene aux flammes.

Trop hospitalière pour virer pyromane cependant - y'avait pourtant de quoi - la bonne Marguerite briqua sec. Passées les premières couches de légumes, ce qui demeura de crasse sur l'énergumène tînt du coutumier. Il n'empêcha que la bougresse redoubla d'efforts afin qu'il brilla comme un sous neuf. Il avait au moins fallu cela pour qu'elle fit enfin partir l'odeur. Le plus gros était derrière elle, mais elle ne démérita pas dans ses efforts pour autant.
Toute gironde et grâcieuse se trouvait-elle être, elle avait dans les bras la force des rustres ; des travailleurs. Car après tout, ça n'était rien moins qu'une paysanne débonnaire et acharnée dans son ouvrage qui lava Eugene à lui en déchirer l'épiderme. Elle n'avait pas, envers lui, la patience ou la retenue qu'elle pouvait accorder à son bétail ; aussi frottait-t-elle sans faiblir.

- Aïe !

Osait encore se plaindre le fainéant qui, non content de faire irruption chez une donzelle au beau milieu de la nuit, se laissait oindre par ses soins. À la brosse, certes ; il n'empêcha toutefois que Marguerite fit preuve à son égard d'une mansuétude peu commune. Mais en ingrat qu'il était, l'inconvenant persistait à s'en plaindre. Pire encore et, comme de bien entendu, il lui compliqua la tâche plus que de rigueur en se tortillant dans tous les sens.

- Pourquoi que vous me faites du mal comme ça ? Je vous ai rien fait moAÏE !

Pourtant privilégié, capricieux qu'il était, Eugene se posa presque en martyr tandis qu'on lui récura le cuir avec une ardeur peu commune. Il ressortirait de ce bain plus propre qu'il ne l'avait jamais été de sa vie. À supposer qu'il en réchappa, car la mère Clairbois y allait très franchement. Tant et si bien qu'il eut semblé qu'elle chercha à faire autant disparaître la saleté que ce qui se trouva dessous.
Cherchant à se défendre comme il put - c'est-à-dire stupidement - Eugene agrippa l'avant-bras de son bourreau afin qu'elle stoppa ses offices. Plus petite que lui de près d'une tête et, pesant bien quinze à vingt kilos de moins que lui, sa force de paysanne supplanta pourtant aisément la sienne, aussi ne l'arrêta-t-il pas plus d'une seconde.
Mais toujours à se débattre, Eugene lui jeta à la gueule et tout autour la mélasse dans laquelle il macéraot. De quoi la rendre plus sale qu'il ne l'était à présent, bonne pour un bain elle aussi.
Sans une once de remord, il eut en plus de tout le toupet consistant à la commander.

- On fait une trêve, là, j'ai trop mal. On vide l'eau, on y remet de la plus propre, et chacun se frottera lui-même. Je vais périr autrement. L'est dingue avec sa brosse, l'autre !

Elle était à présent comptée parmi les crasseux désormais qu'il l'avait souillée de la drôle de soupe qui lui avait ruisselé le long de l'échine. L'eau avait continué à chauffer en prévision d'un deuxième bain tant il avait été sale. La deuxième brassée, maintenant que l'odeur et les résidus de saleté seraient vidés dehors, promettait de laisser derrière elle une eau plus claire.
Pour faire pénitence de l'avoir salie Eugene s'affaira lui-même à vider la bassine dehors, noyant le parterre de fleur à proximité avant qu'il ne revînt, toujours aussi nu et décomplexé, ses lunettes de soleil irrésistiblement collées sur son nez.

- Mets-y la flotte qu'on en finisse. Ordonnait-il comme s'il se fut trouvé maître de ces lieux. T'es pas trop salie, toi, ça ira vite.

La fois-ci qu'il retourna dans son bain, déjà bien plus propre qu'auparavant, Eugene prit soin de recroqueviller un peu plus ses jambes écartées afin de laisser une place conséquente dans la bassine. C'était là tout ce que sa galanterie lui permettait d'accomplir après une infraction à domicile.





Marguerite Clairbois

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 13 vendredi 08 mars 2024, 14:59:06

Se salir ... c'est malheureusement quelque chose dont Marguerite à l'habitude et qu'elle ne craint pas. Ce qui doit être fait doit être fait, point. Elle se lavera par la suite s'il le faut, ca ira toujours plus vite que de faire sa mijaurée pendant trois heures. Que le bougre remue , la salisse et la mouille au point de perdre toute pudeur à ses yeux, ca ne l'empêche pas de continuer à œuvrer sans marquer autre chose qu'une légère impatience.

- N'faites donc point l'enfant, z'êtes plus sale qu'un cochon sortant d'sa soue.

Maugréé t'elle. Elle avait frotté tant qu'elle pouvait, essayant d'ignorer les pitreries de son invité jusqu'à ce que celui ci l'attrape et impose définitivement une trêve. De mauvaise grâce elle consent à un changement d'eau, ce qui va tarder d'autant l'heure à laquelle elle pourra enfin retourner se coucher. Au moins l'homme l'aide t'elle à effectuer ce pénible changement. Pendant qu'elle va au puit tirer de nouveaux seau d'eau, celui-ci s'occupe de vider son baquet dans la cour. Elle ne s'étonne même pas qu'il choisisse de se promener à poil et n'en fait aucun cas. Quand elle finit par rentrer dans la masure, le visage rougi par l'effort qu'elle vient de déployer, elle tombe sur le spectacle de l'homme assis dans son baquet, qui se pousse et l'invite manifestement à partager son eau.

- Qu'est c'qui vous fait penser qu'j'aurais envie d'me coller nue contre vous ?

Bien des hommes lui ont déjà fait le coups. "Viens Marguerite, je vais te frotter le dos." Et crac. Ce n'est pas le dos qu'il finit par lui reccurer. Si l'homme avait été beau ou même raisonnablement attentionné , elle aurait pu considérer pendant un instant la question. Une petite galipette n'a jamais fait de mal à personne et malgré ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas tous les jours que les occasions se présentent. Mais définitivement les circonstances ne s'y prêtent pas. Elle est fatiguée, à bout de patience et en l'état, le comportement immature de l'homme n'est absolument pas de nature à éveiller des envies chez elle.

- J'me laverais au baquet après.

Déclare t'elle simplement. Elle lui lance la brosse qui atterit dangereusement près de son entrejambe avec un grand "plouf".

-  Mais avant ça ... Vous, vous vous frottez avec ça comme j'viens d'vous l'faire. Partout. Et moi j'vais m'occuper d'votre tignasse.

Sauf que ... celle ci est bien trop emmêlée et dégoutante avant qu'elle puisse y plonger les ciseaux à laine qu'elle utilise pour tondre les moutons. Elle va devoir laver ca à grande eau. Se positionnant derrière lui, elle utilise une grande cruche pour laver à grandes eaux et utilise un savon pour tenter de décrasser tout ca.

- Bougez pas, ca vous brûl'ra les yeux si vous vous en mettez dedans.



Eugene Erik

Humain(e)

Re : Bouc émissaire

Réponse 14 vendredi 08 mars 2024, 17:53:32

Ses élans de courtoisie à présent refoulés vertement, Eugene reprend ses droits dans sa bassine, un brin étonné qu'elle se complaise ainsi dans sa crasse. Sa mémoire lourdement déficiente, il ignore jusqu'aux affres induites par une proximité excessive. Il n'avait pas pensé à mal et pour cause ; penser, Eugene, sait pas. Aussi lui tranchera-t-elle la tignasse à défaut de la gorge. Mais il se refusera catégoriquement à ôter ses lunettes de soleil. Pas par prétention, simplement car il n'a pas compris qu'il les avait sur le museau, s'imaginant sincèrement que le monde était aussi sombre qu'il le percevait derrière les verres opaques qu'il prenait pour ses yeux.

Aussi douce avec ses tifs qu'elle le fut avec son grain de peau, Eugene serra les dents et geignit le temps qu'elle lui arracha presque les cheveux sous couvert de les démêler. La potence, il l'aurait préférée ; au moins car le bourreau ne faisait pas durer son supplice.
Alors il se frotta en attendant. Sans y mettre du cœur à l'ouvrage, toutefois, encore tout endolori du traitement qu'elle lui avait réservé quelques instants auparavant.

- T'as quoi contre les bains ? Qu'il lui demande alors.

Légitimement surpris qu'elle ait fait tant de manières afin qu'il soit rutilant, et ce pour ne pas se laver en retour, le voilà qui insiste, circonspect.
À se frotter le bras du bout de la brosse à peine - il a douillé - Eugene persiste dans sa curiosité, avec une candeur qui friserait l'insolence si elle n'était pas enrobée de bêtise à l'état pure.

- C'est parce que t'es grosse ? T'as peur de pas entrer dans le baquet ? Hein ? C'est pour ça ?

La question était sincère, ce qui ne la rendait que plus vexante encore. Il sentit d'ailleurs qu'on tira plus ardemment sur sa crinière emmêlée après qu'il se soit interrogé en ces termes. Incapable toutefois d'établir le lien de cause à effet entre les deux événements, jamais il n'arrêta les frais ; onéreux ceux-ci.

- Moi, je pense qu'en tassant bien, ça entre.

Elle était pourtant plus menue que lui, avec cependant quelques modestes attributs et le corps charpenté d'une fermière assidue dans ses œuvres. Mais de l'avoir tantôt appréhendée de si près, il la considéra par l'opulence de son buste plus tôt présenté à lui sous un linge mouillé. Faussant ainsi l'image qu'il avait d'elle, il la crut plus dodue qu'elle ne l'était réellement. D'autant que la force dont elle fit preuve ne concourra qu'à l'imaginer plus ample qu'elle ne l'était ; la pénombre à peine tranchée par les flammes de la cheminée et ses lunettes n'aidant que peu à mieux apercevoir son environnement proche.

- Parce que sinon, va encore falloir faire chauffer de l'eau. Et vu que j'ai renversé celle qui avait en réserve en vidant la bassine tout à l'heure - ah oui je te l'avais pas dit, maintenant tu sais - faudra aller en chercher dehors je crois bien. Ça nous amène tard cette histoire.

Lui aussi avait sommeil, et, à mots couverts,  lui reprochait presque de retarder l'heure du dodo au prétexte qu'elle dut se laver à son tour.


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