Dès que Damien avait ouvert la bouche, Kara avait suspendu sa respiration, et le geste de ses doigts déjà posés sur la fermeture éclair. Le doute, une seconde, s’insinua en elle, un éclair frappa sa nuque, la figeant dans un élan où résonnait ce timbre de voix lent, mais réprobateur. Réprobateur. Son sang se glaça, pour laisser une perle de sueur se former à sa tempe, alors qu’elle ouvrait légèrement la bouche, les yeux fixés dans ceux de Thorn alors qu’elle trouvait que le temps avait arrêté sa course autour d’eux… Elle avait mal agi. C’était sûr. Elle avait pris une initiative qu’il ne fallait pas. Il allait la punir ? Si c’était le cas, peut-être fallait-il baisser les yeux ? Et pourtant, Kara ne réussissait pas à dévisser ses deux petites billes de souris, brillantes, scrutant le moindre signe sur ce visage de marbre.
Elle s’entendit cependant articuler un très clair « Oui, Monsieur Thorn » pour confirmer qu’elle pouvait en effet paraître pressée. « C’est mal, Monsieur Thorn ? » Souffla-t-elle entre ses dents, écarquillant encore les pupilles lorsqu’il s’éloigna, convaincue qu’il allait la corriger. Dans son esprit, les réflexes de survie commençaient à s’activer, comme un petit animal trop audacieux, désormais au milieu d’une voie rapide, voyant les phares arriver… Et dans le même temps, quelque chose lui soufflait une sorte de confiance, une confiance en lui, en cet homme qui se reculait jusqu’à s’installer confortablement sur un divan à quelques pas d’elle.
La sensation d’isolement lui donna un frisson, qui remonta jusqu’à son crâne, et en une seule seconde, toute la tension et le doute s’envolèrent. Un sourire de lui faisait la pluie et le beau temps. Son cœur se sentit soulagé, ses épaules moins lourdes, elle savait qu’elle ne serait pas punie et… mieux encore, elle avait bien fait. Kara répondit à son sourire, par un rictus sans doute légèrement arrogant, de cette assurance qu’il lui avait autorisé à ressentir, cette fierté d’avoir devancé, pensait-elle, ses envies.
C’était une grande fille oui.
C’était infantilisant, non ?
Pourquoi trouvait-elle cela satisfaisant, alors ?
A mouvement mesuré, boostée par cette injonction et le sentiment d’agir correctement voire plus, Kara replaça ses mains dans son dos, recommençant à faire glisser le métal dans un bruit caractéristique qui éveillait des images évocatrices. Son corps se crispa de nouveau, au moindre geste qu’il faisait, attentive à l’extrême, comme un lien invisible qui les unissait. Cette posture masculine, dominante, méprisant la terre entière, lui sembla être le comble de la séduction…
Il soulignait combien elle avait été cavalière, en effet, ce qui la fit déglutir, et se demanda si elle devait désormais s’en mordre les doigts. Se faire pardonner ? Un spectacle ? Kara leva un sourcil, le temps que cette information fasse son chemin… La jeune femme n’était pas de celles qui s’effeuillent facilement, du moins avec grâce, puisqu’elle ne possédait pas la confiance nécessaire pour se sentir capable d’être crédible. Cependant, l’alcool avait cela de magique qu’il grattait silencieusement les barrières ou les freins, et quelque chose d’autre jouait sur ce qu’elle s’apprêtait à faire ; Damien l’avait demandé, non, pire il avait exprimé son envie. Au-delà de cette promesse de lui obéir, quelque chose lui dictait qu’il avait parfaitement raison : elle avait à se faire pardonner. Elle avait à se rattraper. Elle avait à le satisfaire. Et l’Héritier voulait du show. Alors, capable ou non, ce n’était pas la question. Poupée devait bien cela à Monsieur Thorn. Et petit à petit, l’idée qu’elle pourrait sans doute y arriver honorablement germa dans sa petite tête embrumée.
« D’accord. »
Ses lèvres se tirèrent en un fin sourire dévoilant légèrement ses dents blanches, fermant les yeux un instant pour se donner une contenance. C’eut été le moment de boire un shot. Mais après quelques secondes de noir complet, la respiration lointaine de l’Antéchrist aux oreilles, Kara ondula le bassin, d’abord lentement, de manière assez gauche. Et plus elle abaissait la fermeture éclair, plus elle prenait confiance : elle allait porter cette robe longue, celle des lionnes et des tigresses… Ce n’était qu’une mise en bouche.
S’auto-convainquant, elle ouvrit les paupières pour se déhancher davantage, les pouces plongeant sous la ceinture de la jupe crayon et imposant la juste pression pour qu’elle glisse sur son bassin, passe l’os des hanches. Un demi-tour à cet instant, à pas lents, accentua son mouvement lorsque le tissu se tendit pour faire passer ses fesses au-dessus, et que Kara se trouvait contrainte de se pencher en avant pour faire couler le vêtement sur ses cuisses.
Une seconde, elle ricana, brisant un instant qu’elle avait réussi à rendre langoureux. Si elle avait su, elle aurait sans doute assorti ses sous-vêtements. Cette culotte en coton était d’un ennui mortel. Mais elle n’eut même pas envie de se justifier… De toute façon… Elle irait bientôt rejoindre sa jupe, qui venait de tomber lourdement au sol, et que d’un pas vers Damien, elle enjamba sans considération. Désormais de nouveau face à lui, la jeune femme plissa les yeux pour tenter de lire ce que son regard exprimait en la voyant ainsi.
La dernière phrase du Riche Héritier l’avait plongé dans une certaine excitation supplémentaire, gonflant son assurance comme l’alcool. Elle souleva le tissu de son chemisier en dévoilant son épaule, son visage s’illumina d’un puissant sourire carnassier, en la recouvrant. Kara réitéra son jeu quelques fois, l’ivresse rendant sa maladresse non comme un défaut, mais une hilarité supplémentaire pour elle. Elle était ridicule ? Tant pis, Kara paraissant s’amuser désormais, sans pour autant prendre à la légère son spectacle… Ses gestes étaient à destination de Thorn. Tous. Sans exception. Chaque regard lancé lui témoignait comme elle tirait de cette expérience, désormais, un certain désir, bien palpable. Sa respiration en était la preuve. Elle retira sa chemise blanche en se cambrant voluptueusement.
Presque nue, Kara prit un moment pour faire un pas supplémentaire vers le divan, baissant les yeux vers son soutien-gorge en dentelle blanche, attestant par son peu d’éclat qu’il était âgé, mais officiant parfaitement pour sa fonction première. S’il avait été une arme de charme, alors il y avait longtemps qu’elle ne l’avait pas utilisé comme tel… Pourtant, alors que ses yeux passaient de sa poitrine aux yeux de Damien, plusieurs fois, avec un sourire au coin des lèvres, Kara se sentit étrangement séduisante. Alors, ce fut facile de se contorsionner pour dégrafer cette pièce de dentelle inutile, en adressant même un clin d’œil taquin au Chef d’Entreprise. Il avait l’air d’un Fauve, ou d’être capable de voir parfaitement au travers du peu de tissu qu’il lui restait.
« C’est ça, Monsieur Thorn ? »
Une bretelle, puis l’autres, Kara secoua les épaules de la façon la plus glamour qu’elle puisse espérer l’être en étant imbibée, elle s’interrompit dans son mouvement en plaçant ses mains sur ses seins, comme si ce dernier rempart symbolique pouvait changer quoi que ce soit… Avant se lever une épaule presque aguicheuse, et de relâcher la dentelle qui sombra avec ses congénères sur la moquette.
Son buste nu, qu’elle gonfla pour lui plaire, s’exposa aux yeux de Damien alors que la jeune femme eut un sursaut de pudeur, qui teinta légèrement ses joues, avant qu’il ne disparaisse dans les vapeurs. Il n’y avait plus qu’un seul acte à ce spectacle. Kara échangea un regard, lourd de sens, avec son unique public, avant de faire un nouveau pas en avant, désormais assez près de lui pour qu’il la touche, à l’envie.
« Le spectacle vous plait ? »
Se disant, presqu’espiègle, la jeune femme plissa ses petits yeux en amande, minaude presque, glisse sa main sous l’élastique de ce dernier bastion, au niveau de sa hanche.