Je fourre tout ce qui me passe par la main dans mon sac ouvert sur le lit. J’ouvre les tiroirs, me blesse les mains, me prends la menotte dans tout ce qui passe. Une bouteille de parfum tombe et se brise. Son odeur chimique, fragrance Patchouli, m’étouffe. Je ne pourrai plus jamais supporter cette odeur de hippie. Je me coupe les orteils sur les morceaux de verre, le liquide répandu brûle mes petites plaies. Mais je m’en fou, parce que mon stress a prit une intensité telle que je tremble. J’ai beau essayé de me raisonner, me dire «Ne t’en fais pas, tu vas t’en sortir...» j’ai des larmes plein les yeux et suis bien obligée, une culotte dans une main, une chaussette dans l’autre, de m’asseoir. Je ne vois plus rien et je n’arrive plus à respirer. Je me laisse tomber sur le matelas, si mou, essayant de respirer. «Inspirez, expirez Mona...Inspirez...quatre secondes...expirez...quatre...inspirez, quatre…» Je n’y arrive pas. La voix de mon psychiatre se mêle à celle de mon instinct «Tu vas crever ! Inspirez...expirez...tu vas crever...inspirez…expirez...tu vas...»
«LA FERME...LA FERME...» Et je pleure. Pire. Je ressemble à une gamine à qui on aurait appris la mort de son chat. Je sanglote bruyamment, la morve au nez. J’ai envie de me rouler en boule. En PLS. Position latérale de sécurité. Mais je me contente de trembler, pitoyable, effrayée, en hyperventilation. «Je veux pas mourir...Je...veuuux paas….aidez-moi...quelqu’uuun...» Je renifle, désespérée, tape des bras contre le lit, crie dans ma culotte que je tiens toujours. Je fini par la jeter dans le sac et me relever d’un coup. «NON. Hors de question. Reprends toi...»
Une silhouette passe. J’aperçois au travers de mes larmes l’ombre contre le mur. Je me tourne, mais pas assez rapidement pour voir si c’était un oiseau, Batman ou un couillon volant. Et cette vision me permet de redresser un peu le buste. De rage, j’essuie larmes et morves. Qui a osé dire que les femmes sont belles quand elles pleurent ? QUI à énoncé cette règle dans le cinéma, qui veut que même maquillée, l’héroïne est toujours parfaite ? Mon reflet dans la glace me fait peur. Je ressemble à un raton laveur sous Xanax. Je renifle, termine de nettoyer mon visage, grossièrement, avec un morceau de ma couette et parvient à respirer profondément, hoquetant toujours en tremblant. Mais une rage nouvelle m’habite. Je ne mourrai pas aujourd’hui.
C’est l’esprit légèrement plus clair, que je me remet sur mes pieds, douloureux, pour reprendre l’empaquetage de mes affaires. Je ne prends que ce qui semble nécessaire et le referme bruyamment dans l’odeur de Patchouli qui imprègne chaque particule de mon anatomie et sera longtemps après ce traumatisme, un rappel de ce cauchemar. Si seulement c’était un cauchemar.
Un nouvelle ombre passe, alors que j’enfile par-dessus mes sous-vêtement, une petite robe pull de couleur noir, la première que je trouve. Un oiseau. Un putain d’oiseau. J’ai envie de rire devant ma parano et saisi le sac rempli à ras-bord, que je traîne dans l’entrée. Il faut que je joigne quelqu’un. N’importe qui...sauf qu’évidemment, je ne retrouve pas ce foutu portable. Je lâche le sac dans le couloir, au moment où un bruit de papier me fait chavirer. En temps normal, je ne l’aurais probablement pas entendu, mais mes sens sont en alertes. Douloureusement en alertes. Chaque muscle tendu à se rompre, j’arrête de respirer. Il m’a retrouvé. C’est une certitude.
J’ai oublié de respirer. Je souffle bruyamment, tentant d’empêcher le flot de larmes qui menacent de me submerger à nouveau. Mon portable. Il me faut mon portable. Cette quête me permet de ne pas laisser mes pensées repartir dans la panique. Tout pour ne pas retomber dans une crise qui ne ferait que me faire perdre plus de temps. «L’épée de Damoclès...le temps….je n’en ai pas. Elle va me tomber sur le crâne. Réfléchit Mona.» J’attends un instant, est-ce qu’il va défoncer la porte ? Il ne semble pas y avoir de bruit. Avec la lenteur d’un escargot, mon couloir me semblant tout à coup si long, je prend mon sac et m’approche de la porte d’entrée. Tentant de ne pas gémir à chaque fois que mes pieds blessés touchent le carrelage. Je dépose comme s’il s’était agit d’une bombe, mon fardeau et essaie de regarder, tremblante, par le Juda. Personne sur le palier. Juste cette enveloppe dont la présence m’est odieuse. Encore plus que s’il s’était agit d’un morceau de cadavre. Je n’ose pas l’ouvrir et je pense que le temps n’est pas à la curiosité, mais à la survie. Je fourre ça dans la poche latérale de mon gros sac, partant à reculons pour tenter de trouver mon téléphone. Je maudis la création du portable. Je me maudis de ne pas avoir écouter mes mères et ne pas avoir fait installer une ligne fixe. J’essaie de réfléchir sans y parvenir, les oreilles bourdonnant désagréablement. «Les acouphènes ? Ce sont des mécanismes de votre corps en cas d’anxiété Mona...vous ne devenez pas folle.» Pourquoi est-ce que c’est mon psychiatre qui vient parler dans ma tête dans un moment pareil ?
Et c’est les tympans qui palpitent sous trop de pression, que je revient sur mes pas dans le couloir. Je frôle le mur de la main, pour ne pas tomber. Mes jambes me paraissent lourdes. J’ai semé sur le sol, pareil au Petit Poucet, des empreintes rouges. Je n’ai cas les suivre pour revenir à ma chambre, me souvenant alors que je suis passée par la salle de bain. Mon portable doit être là. Je m’y dirige, la tête prise dans un étau faite de peur et de désir violent de s’en sortir. Un mélange dont on ne parle jamais dans les thrillers. Pourquoi ? C’est plus fort que le désir, plus fort que...tout en fait. La nausée au bord des lèvres. «C’est aussi un mécanisme due à l’anxiété...on ne peut pas faire grand-chose si ce n’est...» LA FERME BORDEL. Comme si c’était important, là tout de suite. Donnez-moi des solutions, quitte à vouloir squatter mes souvenirs, alors que ce n’est clairement pas le moment. Merde.
Dans la salle de bain, mon portable est là, sur le bord du lavabo. Je l’y ai laissé avant ? Après ma douche ? Je le saisi. Mes mains tremblent un peu moins, c’est déjà ça.
«Plus de batterie...sérieux ??» Pourquoi est-ce que j’ai scroller pour trouver des numéros à appeler ? Pourquoi est-ce que je ne l’ai pas mis à charger en arrivant ? Pourquoi est-ce que...C’est idiot, mais je pense qu’on ne m’en voudra pas de ne pas réfléchir de manière censée. Je le lance, il explose contre le mur, atterri en morceau dans la baignoire. «SÉRIEUX ?!»
Je ris. Nerveusement. Un rire qui m’effraie, son écho répercuté par les murs trop blanc de la salle d’eau. Si je m’écoute, je me met en boule sur le tapis devant les chiottes et je chiale encore. J’ai déjà les yeux rouges et bouffi. Je ne peux pas rester ici. L’enveloppe...merde. Il est ici !
«Et tu ne t’en rends compte que maintenant ? Bravo Mona...» Quelle conne.
Mais quelle conne...je reste à pleurer sur les lacunes de la technologie alors que ce type est dans le coin. Je l’imagine, le baillon dégueulasse dans la main, à…
Ce bruit...la fenêtre. Salon. Putain. PUTAIN PUTAIN PUTAIN. Des cris dans ma tête. Je me retiens à nouveau de trouver du confort dans le fameux PLS. C’est dans le salon que ça à pété. Je suis dans la salle de bain. Réfléchis. Écoute. Réfléchis BORDEL…
«MONAAAAAAA»
Il fredonne. Ce bâtard s’amuse vraiment. Je me laisse glisser le long du mur, prend en passant mon miroir de poche. J’évite de croiser mon propre regard dans le petit objet rond et en rampant, m’approche de la porte, restant dans l’angle mort pour la personne qui se trouve dans le salon. Le plus discrètement possible, au ras du sol, je tourne le miroir pour essayer de voir. Et ça marche. Je devrais sauter de joie et embrasser mon génie, mais je me contente de déglutir. Discrète, mais avec l’impression que les battements de mon coeur et de ma gorge qui s’assèche sont assourdissants. Heureusement, il semble trop occuper par sa chasse. Il va vers la porte d’entrée. Mais pourquoi faire ? Partir ? Ce serait trop beau...OH PUTAIN LES CLEFS !
J’ai envie de m’ouvrir les veines à l’instant où je l’entends qui les saisit. Comment j’ai pu être aussi stupide ?! J’aurais dû les prendre sur moi. Pas les laisser comme un foutu cadeau. J’aurais dû les emballer tiens, tant que j’y étais ! Pourquoi pas ? HEIN ESPÈCE DE FOUTUE CONNE ! Réfléchis...tu ne peux pas rester là.
"Oooh... mais c'est un gentil cadeau que tu me fais là Mona." Rajoutes-en tiens...espèce d’enflure.
Je profite du fait qu’il soit à la porte pour me glisser avec rapidité et habileté hors de la salle de bain, profitant du mobilier pour me cacher dans un placard bourré de manteau d’hiver. Pour cette fois, je remercie ma procrastination qui m’a fait ne pas les reléguer à la cave. De ma position, je ne peux plus voir où est le psychopathe, mais je l’entends. Lui, ne peut pas me voir, car je me suis glissée entre les manteaux, au fond. Je sais qu’il y a une sorte de trappe cachée. Vestige d’une porte communicante avec la cuisine. De la cuisine...Réfléchit putain Mona.
COMMENT AS-TU OSÉ L'ENLEVER !!!
Il est vraiment malade. Sur tous les pervers et autres tarés qu’on peut croiser en tant que jeune femme en fin de soirée, il a fallu que je gagne le pire d’entre tous. Avec le bruit qu’il fait, cela pourrait potentiellement attiré des gens, de l’aide. Les flics ? Mais une voix au fond, persistante, me fait remarquer ou essaie du moins, que beaucoup de voisin sont partis en vacances, que l’appartement le plus proche est inoccupé et que le quartier à beau être réputé, il est calme. C’est pour ça que je l’ai choisi pour écrire mes livres. Pourquoi j’ai été aussi désireuse de tranquillité ? Je mérite ce qui m’arrive ! Tiens…
Et l’autre qui continue de gueuler. Il m’insulte. J’ai envie de vérifier si mes traces ensanglantées sont visibles, mais j’ai peur de faire le moindre mouvement, totalement tétanisée. La commode qu’il renverse va peut-être, avec un peu de chance, masquer mes traces jusqu’au placard. Il n’aura aucune raison de savoir que je suis là. Mais je ne peux pas le jurer et je ne peux pas compter sur cette cachette. Il faut que je profite de ses cris. C’est bien Mona. Tu commence à réfléchir. Que ferais une héroïne de tes bouquins ?
Vas-y...époumone toi fils de pute. Comme ça je peux risquer de faire un peu de bruit...juste un peu…
La porte cède, sans un bruit. Moi qui avait peur qu’elle émette un craquement...je me retrouve dans le noir, dans le fond du placard de la cuisine cette fois. Je sens le chatouillement de la serpillière contre mon front. Il est en train de tout démonter dans l’appartement. La table, les lampes...il est dans le salon. Je peux le juger au bruit que font les objets qu’il détruit. «Inspirez...quatre seconde...» Je me colle à la porte, essayant de ne rien faire tomber dans le placard de la cuisine et pousse doucement la porte coulissante. Juste assez pour apercevoir la cuisine avec son énorme plan de travail en plein milieu. Le salon est visible en partie depuis où je suis, mais pas lui. Il doit être de l’autre côté de la pièce, assez loin pour que je tente quelque chose pour me rapprocher de la fenêtre qui donne sur l’escalier de secours. C’est risqué, mais ça vaut mieux de prendre des risques et avoir une chance d’y parvenir, plutôt que rester crever comme une conne. Et encore. Je suis certaine que ce malade ne me tuera pas directement, sans s’être amusé avant. Tu n’auras pas ce que tu veux...sale trouduc’.
Mon ventre me fait mal. A entendre des menaces proférées contre mes amis, j’ai envie de sortir et lui planter la serpillière dans le cul, pour la faire ressortir par devant. Laver le sol avec ses tripes et...fiou...il faut que je me calme. Si je me met à penser avec ma colère, cela ne donnera rien de bon. Il faut que je continue d’agir par la crainte de mourir. Un désir de survivre. Je me demande bien ce que pourra dire mon psychiatre si je m’en sors. «Inspirez...quatre...expirez...quatre...» Hahaha. Haa...je perds la tête je crois. Concentration.
Je n’ai pas lâché le petit miroir et je peux l’utiliser pour essayer d’observer un peu plus loin que ce que le placard m’offre de point de vue. Je ne distingue pas grand-chose, il fait sombre dans le salon et le temps pluvieux n’aide en rien. Je me concentre alors pour espérer l’entendre à défaut de le voir. Je compte jusqu’à quatre, inspire. Quatre...expire. Un. Deux. Trois...QUATRE !
Je profite du carrelage pour glisser jusque derrière un des côtés du plan de travail. Un piano. Je crois que c’est comme ça qu’on appelle ça en cuisine. Mon sang froid semble être revenu dans l’urgence de la situation. Je reste concentrée et continue d’utiliser le petit miroir, profitant qu’il y ait peu de luminosité pour ne pas risquer, par un reflet malencontreux, de me faire remarquer bêtement. J’étouffe un cri, qui se perd dans ma gorge sans sortir, lorsque je vois apparaître son pied. Il fait irruption dans la cuisine, mais je suis cachée. Et pendant qu’il tourne dans un sens, moi, je tourne dans l’autre, restant aussi silencieuse que possible, utilisant cette respiration quasi inaudible pour ne pas être entendue. Merci les longues parties de cache cache avec mes mamans. Si je m’en sors, promis, je leur écris pour les remercier. Mais je ne peux appeler personne pour le moment. Non seulement je n’ai plus de téléphone, mais après ce qu’il a dit, promis même, je ne veux pas impliquer qui que ce soit de mes proches dans cette affreuse histoire qui me semble durer une éternité. Si secours il doit y avoir, ils sont peut-être en chemin…
Je me crois perdue. Il vient dans ma direction et j’aperçois la pointe de son pied, mais tout à coup, il bifurque. Juste au dernier moment, il tourne les talons et repars, comme s’il s’était souvenu de quelque chose tout à coup, ou alors...J’en profite pour coincer la menotte comme je peux dans la manche de mon pull, afin de limiter un maximum tout bruit métallique qui risque de trahir ma présence. La sensation de peur est toujours là, évidemment, mais à force de réflexion, elle est moins forte qu’avant. Et puis...elle me dessert plus qu’elle ne me sert actuellement. Bon. Où est-il maintenant ?
Dans la chambre dont il à défoncé la porte. Je ne respire pas, je me glisse jusque devant le grand canapé, sentant une pointe dans mon genou. Merde et merde. Il a tout pété et je viens de m’érafler. Quelque chose s’est planté dans ma chaire. Juste assez pour me faire souffrir. Je l’entends se vautrer et en profite pour retiré le petit bris de verre. Putain...c’est ma menotte qui a fait ça ? Nooon…
Ce bruit métallique me fait me plaquer contre le sol, près du bas du canapé. Je prie pour que mon gros fessier soit assez plaquer au sol. Je prie pour que...je prie et je prie. Je ne suis pas croyante, mais là, tout à coup, je me fais musulmane, chrétienne et bouddhiste en espérant que l’un d’eux, là-haut ou quelque part, m’entende. N’importe qui fera l’affaire. Même Bob L’Éponge.
Comme un serpent, j’utilise mes coudes, met de côté la douleur dans mon genou, dans mes pieds, pour ramper jusqu’au bout du canapé, pour avoir une vue sur le couloir. Les clefs gisent, éclat brillant dans la pénombre, près de quelque chose d’autre, qui brille aussi. Mais plus ténu. Un raie de lumière. Un câble ? Ce malade à placé un câble ? Quel malade possède tout cet attirail ? Vraiment. Dans ma chance, je suis tombée sur le number one de la psychopathie ! C’est pas possible. Je crois que si je m’en sors et il le faut, je déménage. Pour m’éloigner de cet appartement qui est devenu trop dangereux, mais aussi et surtout, parce que ce quartier est inutile si on est en danger.
«Mademoiselle Duval...est-ce que vous êtes là ?»
What the...qu’est-ce qu’elle fou là celle-là ? Karen...enfin pas Karen, mais je trouve que ça lui va bien. Dés qu’il y a un peu trop de musique, elle vient se plaindre. Dés qu’il y a un amant un peu trop bruyant, elle en parle à qui veut l’entendre. Salle conne. Tu ne pouvais pas te manifester plus tôt ? Je l’imagine bien là, avec son vernis toujours impeccable, ses robes de «Coquetail» comme elle dit, même pour aller sortir les poubelles. Cette quarantenaire refaite de partout, avec des seins comme des ballons, qui me juge par frustration de ne pas avoir ce que j’ai. Une carrière, des amants, des amantes...une vie en fait. Mais je ne peux pas sortir de ma cachette. Il va me choper, c’est sur.
« Vous êtes bruyante et...cela me dérange pendant mon film...»
Ah bah tiens. Te dire que ta voisine va peut-être se faire trucider, ça ne te vient pas à l’esprit ? Espèce de salope ? Je sais. Elle est peut-être la seule qui pourrait m’aider. Mais qu’est-ce que vous voulez ? Je ne vais pas risquer ma vie pour une femme qui ne lèverait pas le petit doigt pour moi si j’étais en train de mourir, mais serait la première à venir me dire que je suis trop bruyante dans mon agonie. En attendant, elle a fait stopper mon cinglé (Oui. MON cinglé. Après tout, il en a après moi…) et je ne dois pas rester sans rien tenter. Alors je prends un pied de lampe sur le sol et tente une approche, restant planquée autant que possible. L’avantage de connaître mon appartement par coeur, c’est de connaître le moindre angle mort par rapport à la localisation de l’autre malade.
« JE SAIS QUE VOUS ÊTES LA !» «JE VAIS ENTRER»
Quoi ? Merde...merde et remerde. C’est vrai qu’elle a des doubles des clefs. «En cas d’urgence, cela ne vous dérange pas ? Madame Karen (ce n’est pas son nom, mais je ne sais plus comment elle s’appelle cette grue) aura un double de vos clefs, étant la plus ancienne en ces lieux...Mais si vous ne voulez pas, il suffit de signer ici et on vous confiera vos clefs. Il faudra juste trouver quelqu’un d’autre pour...blablabla» Je n’avais pas écouté, j’avais signé pour écourter, sans me rendre compte que la Karen en question, était l’affreuse bourge qui vivait un peu plus loin dans le couloir et passait son temps à faire des reproches à tout le monde. Mais trop tard. La clef dans la serrure, je l’entends la tourner.
Certains, à ma place, aurait refusé de laisser une autre personne risquer sa vie en entrant dans un piège qui ne lui est pas destiné. Une héroïne de film ou de série aurait sorti un flingue de Dieu seul sait où pour tirer sur son agresseur et sauver la situation. Moi ? Je ne suis que Mona. Alors reste sur place, allongée près de la fenêtre brisée, calée contre le bas du canapé. La porte s’ouvre sur ma voisine, qui avance dans l’appartement et se prend dans le câble, après avoir buté dans mon sac. Mais je ne reste pas pour regarder la suite. Je rampe à reculons, mettant du sang un peu partout, pour aller en direction de la petite fenêtre qui donne sur l’escalier de secours. Je ne perds pas de temps. Il faut que je sorte. Et Karen ? Je lui enverrai du secours. Mais je ne risque pas ma peau pour une femme qui n’aurait pas risqué la sienne. Je ne mourrai pas aujourd’hui. Pardon madame Karen. Pardon...mais là, je ne suis pas une putain d’héroïne à la con et je ne me sacrifierai pas. J’ai déjà assez sacrifié de mon sang aujourd’hui.
J’ouvre la fenêtre lentement, fermant mes oreilles aux cris dans le couloir et me glisse sur l’escalier de secours en métal, contre lequel bute ma menotte, faisant résonner tout le bâtiment. Du moins j’en ai l’impression. Je n’ai pas vraiment le temps de me poser la question et commence à descendre aussi rapidement que mes pieds endoloris me le permettent, l’escalier en métal aux trop nombreuses marchent. Le sol paraît si loin...je crois que je crie en descendant, refusant d’entendre ce qu’il se passe dans l’appartement que je viens de quitter, avec pour seul vêtement, cette robe noire qui s’imbibe de la pluie qui a redoublé depuis, comme si les larmes que je suis parvenu à retenir coulent du ciel.