Il ne manqua pas de remarquer qu'elle semblait paniquée à ses gestes. Son manque d'expression faciale le sauva d'avoir l'air complètement alarmé, ce qui aurait pu confirmer les craintes de la jeune demoiselle. Cependant, voir ses cicatrices sembla la rassurer, car la panique disparut de ses yeux bleus. Il lui sourit tout simplement alors qu'elle semblait comprendre la situation, soulagé lui-même de voir qu'il ne l'avait pas terrorisée.
Cependant, cela ne changea rien à la question qu'il se devait de lui poser, et il vit alors dans ses yeux une résurgence de frayeur. Ah, donc elle savait, ou du moins comprenait, qu'elle n'était pas censée être dans son bureau. Elle lui parla alors qu'elle avait entendu parler de sa collection, des livres anciens et rares qu'il possédait, et cela n'était pas un mensonge; le Roi possédait effectivement une riche collection de livres rares, mais nombreux traitaient de sujets occultes qu'il n'était pas bon pour les gens non-préparés de poser les yeux dessus.
Elle lui 'avoua' que son intérêt, sa raison pour être entrée, n'était que son amour pour les livres, et Serenos sentit une certaine compréhension, une sympathie, grandir en lui; comme il était bon de rencontrer quelqu'un qui s'intéressait aux vieux ouvrages. Cela lui changeait de ces idiots qui ne voulait que lire des œuvres guerrières pour apprendre de meilleures façons de trucider leur prochain. Alecto venait de dire les meilleurs mots possibles pour que Serenos lui accorde son intérêt, presque comme si elle venait de prononcer un sortilège de charme.
"Eh bien, Alecto, puisque vous vous êtes infiltrée dans mes quartiers au risque d'être arrêtée…"
D'une main, le Roi l'aida donc à se relever, puis lui fit signe de le suivre, sans poursuivre sa phrase, laissant planner le doute chez la belle demoiselle quant à son destin. Il ne l'emmena pas dans son bureau, Alecto put le comprendre rapidement, parce qu'il l'emmenait dans l'aile ouest, s'éloignant donc des escaliers qui l'aurait emmenée vers son premier objectif. Les couloirs défilèrent pendant leur marche, et le Roi conserva un léger sourire, jusqu'à ce qu'ils atteignent une grande porte de fer, que le Roi poussa, laissant l'esclave de sorcière entrer à l'intérieur avant de l'y suivre.
Éclairée par un soleil artificiel autour duquel tournait des centaines de petites sphères représentants les planètes, la jeune femme se retrouva dans une très grande pièces, une autre bibliothèque, pour être plus exact, mais encore une fois, cela ne semblait pas être une bibliothèque normale; l'air ambiant y était lourd en magie, même pour une personne qui ne possédait pas le don. Des tomes de tous les sujets flottaient dans les airs, attaché avec des chaines pour les empêcher de se perdre, et personne ne s'en occupait. Les rayons, contrairement à la bibliothèque du bureau, étaient solidement cloués au sol, les empêchant de bouger. Comme personne ne s'y trouvait, Alecto pouvait nettement entendre la respiration du Roi derrière elle; sereine, maintenue, et pourtant présente, signalant que, dans cette grande bibliothèque, il n'y avait qu'eux deux. Peut-être cela la terrifierait, mais Serenos ne pouvait prévoir les réactions de tous; il était un puissant pratiquant de la magie, mais il était loin d'être un devin, ou d'être omniscient.
Le Roi de Meisa, derrière elle, posa les mains sur les épaules de celle qu'il croyait n'être qu'une autre domestique, et la fit avancer devant lui, jusqu'au lutrin, ou reposait un énorme livre.
"Ceci est un
Arcanum, c'est un lieu de recherche et d'érudition. Mon père, le Roi Talion, en avait fait une bibliothèque où il enfermait tous les livres, ainsi que leurs auteurs, qu'il jugeait dangereux. Des traités de philosophie, des histoires, des contes. Certains traités de magie y sont également. Quand j'ai pris le pouvoir, je l'ai fait ouvrir. Malheureusement, les grands esprits que mon père avait faits enfermer dans l'Arcanum ont quitté notre monde avant que je n'arrive. Pour apaiser leurs esprits, j'ai protégé leur savoir et leurs enseignements. Tristement, je n'ai pas trouvé de gens qui accordaient une valeur aux livres, et donc personne n'est entré dans l'Arcanum, hormis moi et ses défunts prisonniers, depuis plus de trente ans."
Il regarda la jeune femme, de ses grands yeux profonds et doux. Il faillit ajouter
avant vous, mais cela aurait été peut-être trop direct pour la jeune demoiselle qu'il venait de rencontrer. Après tout, elle ne savait rien de lui, et il ne savait rien d'elle. Pour quelle raison se montrait-il aussi ouvert? Peut-être était-il aussi volage que sa réputation le disait? Peut-être cherchait-il à la séduire et ainsi découvrir la vérité? N'était-il pas le Roi de Meisa? N'avait-il pas l'habitude des espions et assassins?
Il y avait de nombreuses explications pour le comportement de Serenos, mais cela resterait un mystère qu'il se fera un plaisir de conserver pour un moment, jusqu’à ce que la jeune femme trouve une façon d'entrer dans sa confidence.
"Il est dangereux de lire des livres provenant de ma bibliothèque personnelle. Vous avez eu de la chance, Alecto, qu'aucun ne se soit ouvert sous vos yeux. Certains sont enchantés pour causer des dommages magiques aux lecteurs profanes, et cela résulte au mieux d'un aveuglement temporaire, et au pire d'une mort douloureuse. Certains parchemins, je n'ose moi-même pas lire, car certains ont été créés pour causer la destruction de l'environnement immédiat du lecteur, et comme mon environnement immédiat, c'est mon château… Enfin, bref."
Il prit doucement un des nombreux livres volants et le déposa dans les mains de l'esclave.
"Si vous le désirez, quand vous vous prendrez l'envie de lire, je vous ouvrirai cette bibliothèque. Et y lire en ma présence."
Il lui offrait même de la compagnie.