Terria se tint satisfaite de son explication. Bien qu'elle entrevoyait que M. Dowell aurait pu en savoir plus, ce dernier se contentait de ce qu'elle lui donnait.
Quel est le plaisir de gâcher des secrets, pensa-t-elle. Mieux valait lui laisser cette réflexion.
De tout façon, Tierra y voyait ici qu'un prétexte pour amener leur discussion sur un autre terrain. Par ailleurs, lorsque la querelle éclata, son interlocuteur lui révéla son plan d'évasion. En voyant M. Dowell prendre les devant, Terria se sentir enfin soulagée; l'idée de passer la nuit dehors l'ennuyait.
- « Et moi qui me demandait si vous étiez homme de ressorts, vous semblez être bien adroit. Volontaire. » dit-elle en prenant son bras.
Avec grâce, M. Dowell prit les devants et les deux amateurs de Moltère prirent la fuite sous la protection bienveillante de l'abrit-ciel qui les couvraient. La voiture arriva rapidement, chevaux au gallos. De façon instinctive, le page se rua sur la porte afin de permettre à son maître et son companion d'y monter aisément. Terria, toujours soucieuse des manières de la noblesse, prit soin de lever sa robe afin qu'elle ne touche le sol déjà mouillé.
L'air humide apportait une dépression, un vent froid. Un frisson soudain vint la parcourir, de l'échine jusqu'à sa chair, dressant son léger pelage aux aguets. M. Dowell se soucia, par courtoisie, de lui demander s'il devait prévenir quelqu'un de son prochain déplacement. Était-ce là sa manière de demander plus d'information? On ne pouvait lui reprocher ses manières impeccables. Elle ricana un peu.
- « Mari? Haha, c'est bien aimable à vous. Non, je n'ai pas ce genre d'attachement ou plutôt, cette laisse. »
Elle se tua un moment réalisant qu'elle avait possiblement commis une faute, réagissant par impulsion de ses convictions. Ses joues, se maquillèrent naturellement d'un rosé doux.
- « Pardon, enfin, possiblement avez-vous une dame qui vous est promise ou qui est vôtre? Je ne souhaitais pas manquer son possible respect. »
Présentant ses excuses par guise de politesse, Terria ne cachait pas son opinion vis-à-vis les liens du mariage et toute relation sérieuse ou profonde. N'y voyant là que du superficiel. Les colosses qui tiraient la calèche eurent tôt fait d'y mettre le pas alors que les passagers étaient installés. La taille des bêtes était un bon indicatif de la fortune d'un Ashgardien. Ainsi, M. Dowell ne semblait pas être modeste bien au contraire. Les chevaux donnaient l'impression qu'ils n'avaient peine à forcer pour avancer malgré le poids de la structure. Ils étaient de magnifiques compagnons équestres, pelage soigné et carrure droite. On aurait jurés qu'ils pouvaient déplacer une montagne de leur force brute. C'est ainsi qu'ils se mirent en chemin, fonçant à travers les rues désertées de l'intempérie en direction de leur nouveau havre.
Terria profita du moment pour admirer l'étendue de la ville à travers la glace, du côté qui lui plaisait bien, au sec. Elle croisa le visage d'une moins fortunée qui était restée dehors à quêter sous la pluie, demandant la charité à ceux qui fuyaient la pluie. Bien qu'elle était née de ce milieu, jamais il ne lui était venu à l'idée, dans son autre vie, de se résigner à de tels actes. Elle prenait en bassesse cette femme qui lui renvoyait une image incurable de la faiblesse. Plissant les yeux de dégoûts, elle se revira vers M. Dowell. Celui-ci inspirait tout ce qu'elle enviait et désirait de la noblesse; la beauté, la force et surtout la richesse. Ne souhaitant déplaire la conversation d'un silence, elle relança leur échange.
- « Vous savez bien vous entourer. »
Terria touchait sinueusement le tissus de soie luxueux qui recouvrait les banquettes intérieures pour palier à son affirmation, laissant planner l'impression d'un contact lascif. Derrière ses propres gants, elle ne pouvait sentir ni apprécier au plein potentiel cette sensation. Toutefois, se dénuder la main, aussi tôt dans la conversation pouvait être un brin déplacé. Ainsi, elle rejeta l'idée pour le moment, bien qu'elle souffrait pratiquement d'envie de se jeter dans cette luxure. Elle se réjouissait en se disant que M. Dowell devait avoir plus de surprises qu'une seule calèche. Ainsi, s'amusa-t-elle à deviner ce que ce dernier pouvait bien chérir lui aussi.
- « Alors, M. Dowell, cette passion qui ruisselle en vous et qui se libère à la manière d'un volcan, a-t-elle fait surface dernièrement ou avez-vous su la dompter? »
Au loin, un énorme manoir de pierre se dessinait peu à peu dans l'horizon.