Comme elle s’y attendait, Tanisha avait toute une garde-robe disponible pour elle. Miranda imaginait volontiers sa mère, et ses ancêtres, observer ces vêtements. Tanisha dut s’absenter, et la PDG accepta qu’elle parte, en profitant pour faire son choix. Enfiler une armure ne lui semblait pas encore envisageable, et elle se déshabilla rapidement. Nue, la femme soupira lentement, faisant le point dans sa tête. Tout ça... Ça faisait beaucoup d’un coup, et ça avait dû être encore pire pour les autres Forge, car le niveau de technologie était alors moins élevé.
*
Et, après moi, ce sera au tour de Kara d’être ici...*
L’héritage des Forge ne cesserait jamais de la surprendre. Qui sait ce que sa mère lui cachait encore ? Même maintenant, alors que Miranda avait entrez ses mains l’héritage familial depuis plus d’une quinzaine d’années, elle arrivait encore à être surprise par les secrets et les révélations des Forge. Ce n’était que quand elle avait pris le contrôle de GeoWeapon Corp. qu’elle avait entendu parler de la Grande Quête des Forge... Retrouver la Pierre-Monde, cet artefact ancestral qui fut façonné par Maerlyn, avec l’énergie d’innombrables Dieux, pour enfermer les Grands Anciens, en créant des dimensions parallèles servant à les emprisonner. Des légendes fascinantes, qui tournaient autour d’une antique tour, la Tour Sombre, la tour de Maerlyn, qu’il avait utilisé pour créer et forger la Pierre-Monde. L’histoire, au demeurant, était vraiment palpitante.
La Tour Sombre était un endroit mystérieux, dont l’existence même était historiquement remise en cause. Les Forge en avaient entendu parler par l’intermédiaire des pistoleros de Gilead, un ancien royaume de Terra qui avait disparu suite à une guerre contre Ashnard il y a environ vingt ans. Les pistoleros disaient de la Tour Sombre qu’elle permettait d’accomplir tous les miracles. Selon les légendes, la Tour était un nexus magique, un lieu de concentration de la magie qui existait, non seulement sur Terra, mais aussi dans le Multivers tout entier. Un point sacré, un site magique extrêmement élevé. Ce n’était que sur ce lieu que Maerlyn avait pu créer une tour, faisant office de catalyseur, afin de charger la Pierre-Monde.
Depuis lors, on disait que la Pierre avait été confiée aux Anges, afin qu’ils la surveillent, car, après la chute des Grands Anciens, les Dieux eux-mêmes s’étaient divisés pour récupérer la Pierre-Monde. Plutôt que de se heurter aux panthéons de toute la Création, Maerlyn avait choisi de la confier aux Anges. Cependant, la Pierre-Monde avait été volée aux Anges lors du Grand Conflit, la guerre contre les Démons. Elle avait servi à bâtir Sanctuary, et, depuis Anastasia LaForge au moins, la Grande Quête des Forge avait toujours été de retrouver la Pierre-Monde. Cet artefact légendaire se trouverait ainsi dans Sanctuary, une légendaire cité fondée par des Anges dissidents et des démons rebelles, soucieux d’oublier la guerre, et de vivre en paix dans un monde qui leur serait propre. Retrouver Sanctuary avait toujours été l’ultime objectif des Forge.
Miranda avait consulté les notes de ses ancêtres, et elle savait que la Tour Sombre existait vraiment, et qu’elle se trouvait dans la région la plus dangereuse de Terra... Au-delà de l’Empire d’Ashnard, au bout du Sentier du Rayon, derrière Tonnefoudre, derrière les Malterres de la Discorde, et, enfin, derrière les Terres Blanches d’Empathica. Une Forge avait mené une expédition il y a des siècles, et avait trouvé le champ de roses rouges. Il n’y avait qu’un seul chemin pour rejoindre la Tour, par le Sentier du Rayon. Beaucoup avaient tenté d’y aller par la mer, mais, tout autour de la Tour, il existait des phénomènes météorologiques terribles. Le long de la mer, des tempêtes apocalyptiques avaient lieu, tandis que l’eau abritait quantité de monstres marins terrifiants, comme des Mégalodons, des hydres géantes, des krakens...
Quand on atteignait la Tour, après Empathica, on atteignait le champ de roses rouges. Des roses qui étaient déjà là quand Maerlyn était arrivé. Can’-Ka No Rey, c’est ainsi que les elfes appelaient cet endroit. On disait de ces roses que les arracher du sol était mortel, en raison des épines qui s’y trouvaient, et qui pouvaient couper n’importe quelle armure. Cependant, dès qu’on la retirait, la rose perdait de son piquant, mais point de son éclat. Elle ne se fanait jamais, et disposait de propriétés magiques exceptionnelles.
Miranda songeait à tout cela, et, quand Tanisha revint, la PDG s’était habillée.
Le choix ne fut guère aisé, mais elle avait fini par opter pour la
combinaison noire, particulièrement moulante. Quand Tanisha revint, Miranda était dans un salon, consultant des données sur une tablette graphique. Elle reposa cette dernière quand la Capitaine revint, en lui offrant un présent.
«
Oh... »
Encore une surprise de sa mère... Et quelle surprise !
«
Mon Dieu... »
En découvrant l’étoffe, Miranda fut sans voix en voyant la rose. Elle était là, belle, avec des pétales éclatantes. La preuve que tout était vrai, la preuve ultime que la Tour existait.
«
Anastasia LaForge a entrepris des recherches archéologiques et des excavations importantes, car cette rose était, d’après la légende, le seul héritage de sa mère. Avant d’être des vendeurs d’armes et des industriels, notre famille se composait d’explorateurs. La mère d’Anastasia avait entrepris une expédition aux confins du monde, afin d’y trouver la légendaire Tour Sombre. Les notes de son périple se trouvaient dans un carnet, un carnet qui a disparu avec le temps, et dont il ne reste plus que des extraits parcellaires... Mais cette rose, Tanisha, ne souffre pas des affres du temps. Elle ne peut se faner, et est la preuve ultime que la quête des Forge n’est pas vaine illusion. Elle est belle... Aussi magnifique que dangereuse. »
L’histoire n’était connue que des Forge. Un autre secret de cette complexe famille dévorée par l’ambition, et par leur maudite quête. Un héritage lourd, que beaucoup enviaient sans en connaître le prix réel.
«
On dit que cette rose chante, Tanisha. La mère d’Anastasia était devenue folle, dans son grand manoir, à force d’entendre le chant de la Rose. Toutes les Forge ont, sans succès, essayé d’honorer ce chant, ce mystère... Et c’est maintenant à moi que cet héritage incombe. »
La rose, pour l’heure, ne chantait pas, mais exerçait sur Miranda une attraction magnétique, mélange de répulsion et de fascination. Miranda se déplaça lentement, et posa la rose dans un vase. Elle secoua la tête, et choisit d’oublier ça, et de revenir à des sujets plus prosaïques.
«
Maintenant que nous avons le temps, parle-moi davantage de ce Culte. Dans le Dogan, nous n’avons fait qu’aborder les choses. Pourquoi vénérer ma famille ? Nous ne sommes que des humaines, et largement faillibles malgré notre arrogance légendaire, crois-moi. Comment ce Culte a pu finir par voir le jour ? »