Qu’Helena précise qu’elles coopéraient dans cette opération ne changerait, dans le fond, pas grand-chose. Elles allaient se rendre dans une région hostile, sous la coupe gardée de miliciens brutaux, sauvages, violeurs, connus pour leurs exactions multiples, et sous l’autorité d’un mage surpuissant. Dans de telles circonstances, elles allaient
nécessairement devoir suivre les ordres du S.H.I.E.L.D., ne serait-ce que parce que c’était grâce à l’organisation qu’elles s’infiltreraient. Mais, pour l’heure, en-dehors de ces considérations, les deux jeunes femmes se serrèrent mutuellement.
«
Je t’aime, Helena... Ne t’en fais pas, on va lui botter le cul, à ce foutu mage. »
Karen sourit. Comme à son habitude, elle était toujours aussi bravade, inflexible. C’était bien elle, la Kryptonienne, l’invincible guerrière, sans peur et sans reproche, qui ne reculait devant aucune adversité. Une présence rassurante et forte. Helena avait beau être la fille de Bruce Wayne, elle pouvait parfois se montrer nerveuse, a fortiori dans une telle situation, où elles avaient frôlé la Mort à plusieurs reprises. Karen sentit qu’Helena ne se contenterait pas des prétentions usuelles de son amie cette fois, et Power Girl, après quelques secondes, reprit :
«
Ce sera difficile, mais on va y arriver, Helena. DeSaad est puissant, mais, maintenant, on sait à quoi s’attendre. Je suis vulnérable à la magie, mais pas autant qu’à la kryptonite. Et puis, nous avons déjà affronté des magiciens. »
Power Girl hocha la tête, et embrassa encore Helena.
«
Je serais prudente... Mais, qu’on le veuille ou non, il va falloir suivre les ordres du S.H.I.E.L.D., cette fois. »
Elles n’avaient pas d’autres options, si elles voulaient s’en sortir.
Plus tardAéroport Kotakoli
Région de Mobayi-Mbongo
République centrafricaineLe
Jodel D-140 survolait la rivière, perdue au milieu de la jungle. Une épaisse étendue d’eau, comme un bras bleu qui coupait en deux une vaste étendue d’arbres et de montagnes disparaissant à perte de vue. Depuis cet avion inconfortable, Karen essayait de se focaliser sur le paysage, plutôt que de bouillonner sur place. Elles avaient rejoint un Helicarrier du S.H.I.E.L.D. en Méditerranée, et avaient ensuite rejoint la région en se faisant passer pour des civiles, menant une opération humanitaire dans la région. Comme on pouvait le supposer, le plus important, pour l’heure, était de ne pas attirer l’attention, et, pour ça, il était nécessaire de bénéficier de cette couverture.
«
Nous survolons l’Oubangui, Mesdames. Ce que vous voyez, là, c’est l’un des rares exemples de réussite économique africain fonctionnant sans le soutien de l’homme blanc. »
Tout le long de la frontière entre la Centrafrique et le Congo, il y avait ce cours d’eau, l’Oubangui, qu’on appelait aussi la rivière Mbombo. Et, dans cette région, Karen vit un singulier spectacle. Au milieu du fleuve, des gardiens de fer étaient plantés dans l’eau, reliés entre eux par des câbles. Le
barrage de Mobaye-Mongo, officiellement inauguré le 24 novembre 1989, constituait un étonnant signe de modernité au milieu de cette région très pauvre, industriellement peu développée. Impossible de venir avec un jet ici, car il n’y avait pas de piste assez grande pour lui permettre de se poser.
Et, à côté de ce barrage, il y avait la petite ville de Mobaye.
«
Dites-vous qu’avant ce barrage, Mobaye n’avait pas l’électricité... »
Autrement dit, il avait fallu attendre 1989 pour que les quelques milliers d’âmes peuplant cette ville perdue puissent s’illuminer à autre chose que la bougie. Cette simple anecdote mettait bien en perspective les différences économiques et sociales criantes entre les pays développés et ces régions très pauvres africaines.
L’avion aborda sa descente, cahotant sur place, avant de se poser sur une piste de terre, bien loin des impressionnants aéroports japonais ou occidentaux. Il trembla sur place, avant de terminer sa course, soulevant quantité de poussières et de mottes de terres, pour finir par se stabiliser.
«
Et voilà ! »
Le pilote était un proche du S.H.I.E.L.D., qui les laissa descendre. La région était sûre, ici. C’était, pour Karen et Helena, une base de départ, avant de rejoindre des terres plus dangereuses.
Les deux femmes sortirent. Elles avaient peu de bagages, et, alors que Karen regardait autour d’elle, elle vit une Jeep se rapprocher lentement, remontant l’étroite piste d’atterrissage, pour s’arrêter près d’elles.
«
Madame Starr ? Madame Wayne ? -
C’est bien ça. Qui êtes-vous ? -
L’agent local du S.H.I.E.L.D... Sheva Alomar. Montez, je suis là pour vous. »