Aussi grand que soit ce manoir, il n’y avait qu’une seule sortie, alors, partant de là, Karen avait les moyens de les bloquer. Les Rossi étaient des criminels endurcis, mais, dans leur soif, ils avaient été trop gourmands. Bien trop gourmands. Si les Rossi avaient la mainmise sur les autorités locales, ils ne les avaient pas sur le SHIELD, qui avait le bras long. Pour les convaincre d’agir, Karen leur avait prouvé que, parmi les éléments du trafic de ce soir, il y aurait des objets de contrebande venant de dimensions alternatives, comme les artefacts, ou même certains esclaves vendus. Ces éléments étaient suffisants pour amener le SHIELD à intervenir, et pour contraindre la police italienne à les aider. Karen avait donc du soutien, et de quoi ébranler ce trafic. Elle savait que le SHIELD pistait ces gens. Les Guramu, depuis leur position privilégiée à Seikusu, s’étaient considérablement enrichis en vendant des armes futuristes venant de Tekhos, des Terranides, des artefacts magiques, des gemmes… Les Rossi étaient l’un de leurs clients. Pour l’heure, tous ces criminels en col blanc fanfaronnaient, mais, d’ici peu, Helena et Karen allaient leur rappeler la toute-puissance de la justice.
*Même si je n’ai aucune confiance dans le SHIELD, ils seront tout de même plus indiqués que moi et Helena pour s’occuper de toutes ces pauvres femmes…*
Karen était furieuse, outrée de voir combien l’Homme aimait exploiter son prochain, et combien, en définitive, l’Homme n’était rien d’autre qu’un loup pour l’Homme. Les Rossi et, de manière générale, les mafieux, avaient toujours profité de la misère humaine pour s’enrichir grassement. Très souvent, Karen avait demandé à Kal’, son père, pourquoi ce dernier avait choisi de protéger les humains, alors qu’ils étaient si prompts à se déchirer entre eux. Et, à chaque fois, son père lui avait expliqué combien sa position était difficile, combien il était tentant de sortir de son rôle de protecteur pour assumer des fonctions plus politiques. Sur Earth-2, Superman avait été terriblement populaire, et, à chaque élection présidentielle américaine, quand on demandait au peuple son avis, l’Homme d’Acier caracolait toujours en tête des sondages. Pour autant, Kal’ avait toujours refusé ce rôle, en expliquant patiemment à sa fille que la Terre n’était pas un monde parfait, et que les humains étaient faillibles, comme tout un chacun, et qu’il fallait protéger les plus faibles contre les plus forts, en lui expliquant, philosophiquement, que, sans fort, il n’y avait pas de faible.
Pour l’heure, Helena prenait son mal en patience. Très proche d’elle, Karen savait qu’elle avait eu une aventure avec Ishtar Naviento, une dragonne noire de Terra, et qu’elle était même devenue brièvement son esclave sexuelle. Power Girl n’avait pas spécialement apprécié, mais, après tout, quand elle et Helena faisaient l’amour, le jeu de domination apparaissait rapidement, et Helena était revenue en un seul morceau. Son amante défendait la soumission volontaire, pas cet esclavage forcé et barbare.
Cependant, un imprévu eut lieu quand un garde amena Helena auprès de la vieille dame perverse. Karen prit son mal en patience, se mordillant nerveusement les lèvres. Ils se rendirent vers les cuisines, où Helena perdit rapidement patience, et se débarrassa rapidement du couple libertin, ainsi que du garde, rejetant ainsi la proposition de la vieille femme d’en faire son esclave personnelle.
*Ces types sont cinglés… Ils ont tellement d’argent qu’ils tentent de monnayer ce qui, par définition, ne peut, et ne devrait, se monnayer : la liberté.*
Karen félicita rapidement Helena.
« Tu as bien fait, ma chérie. Cette vieille mégère ne l’avait pas volé. »
Oh ça non ! Helena, de son côté, retourna rapidement vers la vente, où les deux filles virent alors le fameux artefact. Antonio Rossi le tenait à deux mains, le soulevant en l’air, comme une sorte de prédicateur.
« Admirez-le ! Ce puissant artefact provient de contrées éloignées, au-delà des confins notre réalité… »
Prête à intervenir, Helena lui ordonna alors de couper les lumières. Karen acquiesça rapidement, mais, quand elle appuya sur le bouton… Rien ne se passa.
*Hein ?*
Au même moment, des neiges retentirent dans le communicateur d’Helena, amenant Karen à grimacer. Des hurlements résonnèrent dans la foule, tandis que l’artefact, sous les yeux éberlués de cette dernière, se mit à s’élever dans les airs. Il représentait une sorte de masque aux motifs dorés, et Antonio Rossi hurlait de douleur, en lévitant avec lui, battant inutilement des jambes. Deux gardes tentèrent de le retenir par les jambes, mas le masque se mit soudain à crépiter, ses yeux se mettant à luire en violet, une lueur qui devenait de plus en plus vive, de plus en plus intense, avec un bourdonnement redoutable… Jusqu’à ce que deux rayons d’énergie ne sortent des yeux, provoquant une violente explosion.
Rossi hurlait de douleur, tandis que ses mains, comme soudées au masque, étaient en train de se calciner sur place, brûlant au contact mortel du masque.
« Impur qui a cru pouvoir voler le Masque, le vendre comme on vend un bout de tissu au coin du marché ! »
Karen comprit que la magie était à l’œuvre, perturbant ses systèmes.
« Helena ?! HELENA !! »
Rien à faire, tout était saturé, et plusieurs de ses mini-drones avaient grille. Elle en enclencha un autre, plus en hauteur, et put voir que des éclairs violets fusaient depuis le masque, frappant aléatoirement les convives, les transformant en torchères dans d’horribles hurlements d’agonie. Au milieu de la panique, une silhouette encapuchonnée s’approchait, sa main griffue tendue vers le masque, psalmodiant des litanies.
Les vitres des mezzanines explosèrent alors, et libérèrent des hommes en tenue noire de commando, tandis que des portes supplémentaires s’ouvraient pour vomir des tueurs supplémentaires, équipés de fusils d’assaut, de lunettes infrarouges, et qui canardèrent la foule. Les agents de sécurité répliquèrent rapidement, tandis que le mystérieux mage, au centre de la cohue, se rapprochait du masque, s’approchant ainsi d’Helena.
« Emparez-vous du Masque ! Vite ! »
Plusieurs commandos tirèrent sur le mage, comme pour le retenir, mais leurs balles rebondirent contre un bouclier magique qui le protégeait. Karen se reporta depuis ses cartes satellites, et se pinça les lèvres en constatant que plusieurs vans noirs blindés venaient d’approcher l’entrée de la résidence, défonçant le portail d’entrée, et libérant des tueurs, qui se heurtèrent aux mafieux sur place.
*Qui sont ces types ? Et ce mage ? Helena, merde…*
Le plus effrayant était toutefois encore à venir, car, tandis que le mage s’approchait toujours de l’artefact, les corps touchés par les éclairs de l’artefact se relevèrent lentement, révélant des visages hideux et des corps monstrueux. De longs museaux hérissés de dents pointues et épaisses, et des griffes longues et acérées. Les morts se relevèrent donc, transformées en monstres redoutables, et s’attaquèrent à tous les humains présents.
En quelques instants, la situation avait dégénéré dans le chaos le plus complet.