[FINI] Ces hommes qui n'aiment pas les femmes [Helena Wayne]

L’aide d’agents externes n’était pas de refus pour le S.H.I.E.L.D. L’organisation avait des ressources, indéniablement, mais avait affecté peu de métahumains pour cette mission, de peur qu’ils ne soient repérés par DeSaad. La présence de Karen était donc un risque, mais nécessaire. Ses pouvoirs n’étant pas d’origine magique ou mutante, il y avait aussi peu de chance que DeSaad ne la repère. Pendant qu’Helena et Natalia discutaient du plan, et qu’elle les écoutait, elle ne cessait, bras croisés, de regarder cette tour. Tout ça lui rappelait de mauvais souvenirs. DeSaad faisait partie des plus proches conseillers de Darkseid, de ceux qui avaient détruit son monde natal. Même aujourd’hui, elle se rappelait encore du chaos, de la destruction, des milliers de morts… En quelques heures, Darkseid avait tué des millions de gens en faisant apparaître des puits de téléportation dans des zones hautement peuplées. Son armée avait déferlé sur le monde, un chaos comme on n’en avait jamais connu auparavant. Toutes les armées nationales avaient été dépassées par les évènements, et le monde entier avait dû s’appuyer sur les super-héros pour coordonner une résistance mondiale. Karen et Helena étaient parties, et, aujourd’hui encore, elle ignorait si Earth-2 avait pu se reconstruire. Elle ne pouvait guère que spéculer sur les chances de survie de son monde.

Et voilà maintenant que le passé se rappelait à elle. Karen n’osait imaginer ce à quoi ce mage noir devait se livrer dans sa tour, aux expériences sinistres qu’il réalisait. Surtout, elle se sentait inutile contre lui. La magie avait toujours été le point faible des Kryptoniens, et elle, elle avait l’habitude de tout miser sur l’attaque. Ici, il allait falloir qu’elle se montre prudente, qu’elle fasse attention aux sortilèges de cet individu sinistre, qui voulait répandre le chaos sur ce monde.

« Power Girl restera en soutien. Je ne veux pas être médisante, mais, avec votre nature de Kryptonienne, si vous entrez dans la base ennemie, DeSaad vous sentira. Vous n’interviendrez que si les évènements dégénèrent. Je grimperai avec vous à l’intérieur de la tour, Helena, et je laisserai le soin à Alomar d’évacuer les prisonniers. »

Sheva Alomar acquiesça. L’idée était d’appliquer la stratégie du cheval de Troie, en faisant entrer des éléments, afin d’ouvrir les portes de la base ennemie, et permettre à des renforts d’approcher pour faciliter l’évacuation des multiples prisonniers situés à l’intérieur.

« Ce plan me va. De toute manière, j’ai toujours été plus douée pour défoncer des murs que pour m’infiltrer. Si jamais tu es en difficulté, Helena, je viendrais.
 -  En attendant, familiarisez-vous avec les lieux. Comme je vous l’ai dit, il me faut réunir plus d’informations sur nos ennemis, et planifier notre attaque. »

Karen acquiesça, et s’approcha d’Helena, venant enrouler son bras autour de sa hanche.

« On va en profiter pour découvrir les lieux… Faire les touristes. Après tout, je suis censée voir ce que votre ONG fait de l’argent que ma société vous fournit, non ?
 -  Vous avez une chambre à l’hôtel de Mobayi, intervint Sheva. Ce n’est pas du grand luxe, mais ce sera toujours mieux que rien. »

La Kryptonienne la remercia, puis demanda à Helena de la suivre. Le duo sortit du repaire du S.H.I.E.L.D., sortant à l’air libre. Karen huma l’air de la jungle, et regarda autour d’elle. Au-delà du dispensaire et des quelques tentes blanches, il y avait une végétation dense et luxuriante.

« Je refuse que ce monde connaisse le même sort que le nôtre, Helena. Mais je sais aussi que je suis faillible face à DeSaad et sa redoutable magie. Ce n’est pas un mage noir ordinaire, il vient d’Apokolips, l’un des endroits les plus abominables de la Création. »

C’était inhabituel de la voir ainsi. Karen avait toujours été sûre d’elle, affrontant crânement les dangers, sachant que rien ne pouvait l’abattre. Cette certitude, cette assurance inébranlable, avait toujours constitué le pilier de leur relation. Mais, après avoir affronté DeSaad à plusieurs reprises, Karen pouvait laisser s’exprimer ses doutes. Continuer à nier, ça aurait été faire preuve d’un aveuglement irresponsable.

Elle regarda donc son amie et amante, pour conclure :

« Cette fois, je crois que c’est moi qui vais avoir besoin de toi. Je dois trouver un moyen d’améliorer ma défense. Tu vois, moi, quand il faut se battre, je fonce toujours sur la cible sans réfléchir à me protéger, et… Face à quelqu’un comme DeSaad, une telle approche ne fonctionnera pas. Alors… Qu’est-ce que tu ferais, à ma place ? »

Le plan d'Helena ne souffrait d'aucune faille évidente, mais l'agent Romanoff tint quand même à le modifier un peu, en demandant à ce que Karen reste en soutien. Sa nature de méta-humaine la rendait plus susceptible d'être repérée par les sortilèges de DeSaad, il valait donc mieux qu'elle reste éloignée de la tour le temps de faire évacuer les civils. Sauf qu'Huntress n'était pas vraiment en accord avec cette partie du plan.

« On parle de DeSaad, pas d'un chef de guerre africain. Si on se risque à entrer sans Karen, on augmente nos chances de finir en charpie. »

Mais Power Girl semblait plutôt d'accord sur cette partie du plan, assurant qu'elle arriverait en renfort si la situation venait à dégénérer. Bien que peu convaincue par cette idée, l'humaine préféra acquiescer en silence plutôt que de partir dans des dialogues interminables.

Le début de la mission était prévu pour le lendemain, un peu avant l'aube, l'heure à laquelle les camions viennent déposer leurs marchandises. En attendant, Helena et Karen allaient pouvoir profiter de leur chambre d'hôtel au Mobayi et faire un peu de repérage du secteur.

« C'est parfait. On se revoit demain. »

Une fois sortie du repère du S.H.I.E.L.D, Huntress prit une bonne bouffée d'air avec sa camarade. Cet oxygène pur, presque vierge de tout polluant chimique, changeait bien de Seikusu, de même que ce paysage naturel à perte de vue. Power Girl en profita pour se confier à sa camarade, lui avouant qu'elle avait peur de faillir face à DeSaad et sa magie noire. Il lui fallait un moyen d'améliorer sa défense.

« Eh bien... »

Helena jeta rapidement des coups d'œil aux alentours, puis se rapprocha de Karen pour pouvoir parler plus bas.

« J'ai quelque chose à te montrer, mais pas ici. »

Les deux femmes prirent une jeep pour se rendre à leur petit hôtel perdu dans la savane. Comme l'avait dit l'agent Alomar, leur chambre était rudimentaire, elle contenait juste le nécessaire vital... plus une drôle de mallette en plomb.

« Je savais qu'ils nous enverraient ici, alors j'ai fait envoyer ce paquet ici dès qu'on est descendues de l'avion. C'est une invention que j'ai commandée à tes labos. »

Et fatalement, la kryptonienne se demanda pourquoi elle n'entendait parler de cet engin que maintenant.

« La dernière fois que j'ai voulu concevoir un appareil pour assurer ta sécurité, tu m'as interdit de le faire en disant que tu n'avais pas besoin de défense technologique. Je t'ai écoutée parce que je ne voulais pas qu'on se fâche, mais ensuite j'ai décidé de travailler contre ton consentement. Je savais qu'un jour, ce bijou serait utile. »

Elle ouvrit la mallette et en sortit un harnais qu’elle enfila à sa camarade par-dessus son costume. Il était assez compact et facile à porter.

« Tu te souviens de mes carreaux d’arbalète perturbateurs de magie ? Ce harnais utilise la même technologie, mais il est plus puissant. Il déviera une partie des rafales magiques de DeSaad et limitera les dégâts sur ton corps. Mais tu dois faire attention, c’est encore une technologie expérimentale, et face à un sorcier aussi puissant, ça ne pourra détourner qu’une partie de sa puissance. Donc essaie quand même d’éviter certaines de ses attaques. »

Helena ne pouvait pas s’empêcher de se faire du souci pour Karen, et ce malgré sa puissance incroyable. Elle avait agi dans son dos et en utilisant ses ressources, mais c’était pour son bien. Et maintenant, ses magouilles allaient enfin être utiles.

« Bien, maintenant que ça c’est réglé, si on allait faire ce repérage des alentours ? »

Karen était certes super-intelligente, mais il ne fallait pas croire qu’Helena était une idiote. Si elle ne disposait d’aucun superpouvoir, elle avait, en revanche, hérité de l’intelligence exceptionnelle de Bruce Wayne, le plus grand détective du monde, et elle avait accès aux immenses richesses de Starr Industries, l’entreprise de haute technologie florissante de Karen. De retour à leur petit hôtel à Mobayi-Mbongo, elle savaient, depuis la fenêtre, une belle vue sur la rivière Ubangi. Karen se retourna vers Helena quand elle lui annonça avoir inventé un dispositif capable de perturber la magie. L’appareil se présentait sous la forme d’un harnais, et, rapidement, Karen le scanna avec ses rayons-X. Au centre du disrupteur, il y avait un cristal.

« De l’obsidienne... Tu as été le chercher sur Terra, je suppose ? »

Sur Terra, les cristaux en obsidienne étaient utilisés principalement par les esclavagistes, car ils avaient l’incroyable capacité de perturber le fonctionnement de la magie. Toutefois, Karen savait que l’obsidienne ne fonctionnait pas contre les magies très puissantes. Elle savait aussi qu’il existait une variante plus puissante encore que l’obsidienne, le diméritium, ou dymérite, mais ce matériau était extrêmement rare. Karen hocha donc la tête en attrapant l’objet, et fila dans sa chambre pour l’enfiler, finissant en sous-vêtements.

« Je vais l’enfiler tout de suite, Helena... » annonça-t-elle par-delà la porte.

Elle glissa le harnais sur elle. Il était composé de lanières en cuir, et elle constata rapidement, en se regardant devant le miroir, que l’ensemble ne servait pas qu’à la protection, et sourit donc. Le harnais descendait jusqu’à son entre-jambes, ce qui fit qu’elle dut aussi retirer sa culotte, et retira également son soutien-gorge. Le cristal se trouvait au centre, et elle caressa la tenue, avant de se pincer les lèvres.

*Ce n’est pas raisonnable, mais nous ne sommes pas non plus à une heure près... Ou deux...*

Elle ressortit alors de la chambre commune, arrivant dans le salon. Helena s’apprêtait à partir, mais Karen lui sourit, avec une lueur pernicieuse dans les yeux, que son amie et amante devait bien connaître.

« Je parie que tu ne l’as pas conçu que pour ma protection, Helena... Parce que, sinon, tu aurais fait un simple collier, ou un pendentif... Et puis, ton harnais me gratte un peu là... »

Du doigt, elle désigna ses fesses, avant de sourire.

« Alors, il va falloir que tu m’aides à m’y habituer, ma chérie... »

Et, vu le ton employé, Karen ne souffrirait aucun refus. Elle attrapa ainsi le poignet d’Helena, et s’enferma avec elle dans leur chambre...


Trois heures plus tard...

Le soleil était en train de se coucher, et, le long de la rivière Ubangi, des pirogues remontaient la longue rivière. C’était un spectacle de toute beauté, que Karen pouvait voir, en étant assise sur l’herbe, à l’arrière de l’hôtel, au sommet d’une petite colline surplombant la rivière. La tête d’Helena était posée sur sa tête. Dans cet environnement sec et chaud, elles avaient quitté une chambre qui s’était transformée en sauna, et étaient donc sorties pour prendre l’air.

En bas, il y avait un petit chemin qui menait vers le « port » de Mobayi. Aucun paquebot, aucun entrepôt, mais une série de pontons et d’embarcadères en bois, où des pirogues venaient et repartaient. On trouvait essentiellement des pêcheurs, et, très rarement, quelques touristes. La région était trop isolée du monde pour pouvoir avoir beaucoup de tourisme. L’hôtel n’avait pas de WiFi, et Internet était balbutiant ici. Karen était connectée par satellite au réseau de son entreprise, mais, même avec elle, le réseau saturait aussi.

« On a du mal à se croire au 21^ème siècle, ici, Helena... En d’autres circonstances, je serais ravie de faire des vacances ici. Te faire l’amour au milieu de cette rivière, par exemple, alors que le soleil se couche sur ton corps, ça doit être magnifique... »

La situation ne se prêtait guère à l’humour. DeSaad avait asservi toute cette région, et disposait d’esclaves qu’il tuait à la tâche. Mais il fallait bien se détendre, après tout. Et, au moins, Karen avait l’assurance que le harnais d’Helena était solide.

« Merci pour ton cadeau, Helena... »

Avant d'aller faire leur repérage extérieur, Karen voulut essayer le harnais qu'Helena avait conçu pour la protéger. L'humaine attendit dans le salon pendant que sa camarade se changeait dans la chambre commune. Elle regarda par la fenêtre, admirant le paysage des terres sauvages de l'Afrique au soleil couchant.

Si belle... et pourtant si fragile.

Dire qu'à seulement quelques kilomètres de cette vue paisible et chaleureuse se terrait un monstre attendant le moment propice pour faire venir son maître dans ce monde encore plein de vie. Les enjeux de la prochaine bataille étaient énormes et pesaient lourds sur les épaules d'une simple humaine.

Serais-je à la hauteur ?

Quand Darkseid avait envahi Earth-2, elle n'avait rien pu faire pour empêcher son monde pour tomber ou pour empêcher son père de donner sa vie dans un ultime acte héroïque. Forcément elle doutait de l'issue du combat aujourd'hui... Heureusement, quand la kryptonienne revint avec rien d'autre sur le dos que son nouveau harnais de protection, couvrant ses parties intimes, Helena se souvint qu'elle n'était pas seule.

Elle est toujours avec moi.

Sur le coup, elle fut tentée de sortir, mais Karen l'en empêcha, avec cette petite lueur malicieuse dans le regard qu'elle connaissait bien.

« Je t'assure que je ne l'ai conçu qu'avec des idées strictement professionnelles. Si j'avais quelque chose de plus petit, l'effet répulsif anti-magie n'aurait pas été suffisant. »

En tout cas, elle n'allait pas se plaindre du résultat. Quelques ajustements seraient nécessaires avant le début de la mission, mais pour le moment...

« Karen voyons... ce n'est pas sérieux. »

Le ton de sa voix était en total désaccord avec ce qu'elle disait afin de bien faire comprendre qu'elle en avait envie. Immédiatement après, sa camarade l'attrapa par le poignet et l'emmena dans leur chambre pour un moment relaxant avant de s'attaquer au repérage.

Trois heures plus tard, sur les bords de la rivière Ubangi au coucher du soleil, Helena et Karen étaient posées sur une petite colline surplombant la rivière. L'humaine profitait de cette superbe vue en gardant sa tête contre celle de son amoureuse, heureuse au possible après la superbe baise qu'elle venait de s'offrir avec elle. Difficile de croire qu'elle allait bientôt partir pour une mission dont elle n'était pas sûre de revenir vivante. Elle savait qu'elle ne pouvait pas occulter cette possibilité, mais elle ne tenait pas non plus à en parler. Et tant mieux parce que sa camarade amenait des sujets de discussion autrement plus amusants.

« Oui, ce serait amusant... »

Elle ne sentit pas d'humeur à lui dire que, contrairement à elle, qui était protégée par ses gênes kryptoniens, elle ne pouvait pas se risquer à se baigner dans cette rivière sans craindre que des microbes et parasites en tout genre n'essaient de rentrer dans son corps.

« Merci pour ton cadeau, Helena... »

« De rien. Au moins maintenant, on sait qu'il est solide. »

S'il pouvait tenir en place malgré les assauts sexuels fougueux d'une kryptonienne, il resterait en place durant un combat.

« Plus sérieusement, on devrait aller faire ce repérage. Le soleil va bientôt se coucher, et j'aimerais pouvoir dormir un peu. La journée a été fatigante. »

Entre son passage près de la mort, son voyage en avion, le décalage horaire et le sexe à l'hôtel, ça faisait beaucoup de fatigue accumulée, même pour la fille de Batman. Le duo partit explorer le périmètre autour de la forteresse de DeSaad, en prenant garde de rester caché. Helena fit un repérage au sol tandis que Karen s'occupa de la voie des airs. En une demi-heure elles avaient terminé.

« Parfait, on a ce qu'il nous faut. Rentrons vite. »

Une fois dans leur chambre, Huntress envoya les données recueillies à Black Widow par une connexion sécurisée, puis se débarrassa de sa tenue d'héroïne et se coucha en sous-vêtements dans son lit. La chambre était assez petite, du coup elle et Power Girl partageaint un lit deux places. Si elle n'avait pas tout ce voyage pour des raisons aussi dramatiques, elle aurait été heureuse, mais là elle ne pouvait plus se permettre de s'amuser.

« Je te préviens, pas de sexe. Tu peux me prendre dans tes bras si tu veux, mais là je veux dormir. »

Pour ceux qui la connaissaient bien, il était possible de voir que, derrière une apparente mauvaise humeur, la jeune femme essayait surtout de masquer son angoisse grimpante face à la dangereuse mission qui se profilait à l'horizon. Le sort du monde allait dépendre de sa réussite.

Pour rejoindre la forteresse de DeSaad, le duo emprunta une pirogue, plus discrète, en un sens, que de se promener à pied. Elles remontèrent ainsi le lit de la rivière, jusqu’à apercevoir la forteresse, qui se dressait au milieu des arbres. Elles purent ainsi voir que la base de l’UFLL disposait de son propre port, ainsi que de hors-bords plus modernes que de simples barques en bois. Il y avait des postes de mitrailleuses tout autour. Karen put voir un escalier en bois menant des quais de la base à la tour. Elles s’arrêtèrent quelques centaines de mètres avant, par mesure de précaution, et Karen s’envola ensuite, apercevant la forteresse ennemie depuis les hauteurs.

Autour de cette dernière, il y avait un cratère évoquant une mine, et, autour du cratère, des baraquements. Plusieurs barbelés séparaient le camp en différents secteurs, dont un où les mercenaires envoyaient les prisonniers, les entassant dans de grandes cages avec des toits en paille. Depuis des miradors, des gardes allumaient des projecteurs, et plusieurs chenils abritaient des chiens de combat.

*Je me demande pourquoi DeSaad a conçu sa forteresse ici, et ce qu’il cherche sous cette tour...*

Car les prisonniers de DeSaad creusaient bien. Karen retourna ensuite attendre Helena devant la pirogue, puis les deux repartirent, remontant la rivière jusqu’à la ville. Elles retournèrent dans leur chambre d’hôtel, et Helena indiqua vouloir juste dormir. Karen, toutefois, n’était pas dupe, et hocha la tête.

« Repose-toi bien, alors, Helena... Mais sache que nous allons nous occuper de lui. »

Karen n’avait pas un discours particulièrement encourageant à faire, car, pour l’heure, depuis le début de cette aventure, elle avait essuyé de sacrés revers.

« Nous sommes parties de rien au début, et, maintenant, l’ennemi est à notre portée... Crois-moi, il ne nous échappera pas ! »

Power Girl l’embrassa sur le front, puis la laissa ensuite dormir dans la chambre. Elle-même n’avait pas spécialement envie de sortir, et préféra donc sortir de l’hôtel, rejoignant la ville. Elle n’était pas forcément très grande, mais il y avait quand même quelques bars et autres échoppes où elle espérait pouvoir obtenir des informations.

La ville n’avait rien d’exceptionnelle. Karen vit quelques bâtiments en pierre, notamment au centre-ville. Peu de voitures, si ce n’est des Jeeps militaires appartenant à l’UFLL. De fait, la milice avait réellement pris le contrôle, et le poste de police de la ville (qui abritait aussi l’hôtel de ville et le service postal) était le siège local de la milice, avec plusieurs posters et affiches propagandistes sur le fronton. Les rares bars ouverts disposaient également des mêmes affiches, la ville étant sous coupe réglée de la milice.

Dans cet environnement, une étrangère comme Karen apparaissait forcément comme la cinquième roue du carrosse. Après une première approche dans un bar, elle partit rapidement. Les mercenaires la regardaient avec une lueur dans les yeux qu’elle ne connaissait que trop bien, et des regards concupiscents vers ses formes. Inutile de déclencher un esclandre.

*Aucune caméra du monde entier ne viendra jamais ici... Ces gens peuvent faire tout ce qu’ils veulent, il n’y a personne pour venir en aide à ces gens...*

Comment un pays aussi magnifique pouvait-il receler autant de cruauté ? Cette région était assurément l’une des plus pauvres du monde, et, même ici, même dans ce lieu abandonné, les gens continuaient à oppresser les autres. Parfois, Karen se demandait pourquoi son père avait voué sa vie à protéger les Terriens. Méritaient-ils vraiment cette aide, eux qui étaient si occupés à s’entredéchirer ?

*Je n’ai pas le droit de raisonner ainsi, ils ne sont pas tous comme ça.*

Karen entendit soudain du bruit, et fronça les sourcils.

« N-Non...
 -  Ta gueule ! »

Puis un claquement sonore, suivi d’un hurlement apeuré. Dans une ruelle, trois mercenaires étaient devant une fillette paniquée, qui était recroquevillée contre un mur.

« Pitié, laissez-moi... !
 -  Alors que tu as furètes près des entrepôts ? Ce n’est pas la première fois qu’on te repère, sale voleuse !
 -  On sait que tu recherches tes parents... Alors, on va te faire plaisir, le Maître recherche justement quelqu’un comme toi... »

L’idée sembla l’épouvanter, et elle tenta à nouveau de fuir, mais une main ferme se saisit de ses cheveux, et la jeta à nouveau au sol. Le mercenaire déboucla ensuite sa ceinture.

« M’en vais t’apprendre le respect, moi, sale... »

Il leva sa main, prêt à abattre la ceinture... Quand une force inconnue retint brusquement la ceinture. Surpris, le mercenaire se retourna.

« Que... ? »

Une indescriptible onde de choc le décolla du sol, et l’envoya s’écraser lourdement contre le mur. Karen se retourna ensuite vers les deux autres tueurs. Courageux, et sans doute un peu ivre, l’un s’élança vers elle avec un couteau. Karen dut surtout faire attention à ne pas le tuer par inadvertance. Elle le repoussa à son tour, et il passa à travers la fenêtre d’une maison abandonnée. Le dernier eut le réflexe de sortir son pistolet, pointant la femme.

« Putain, mais t’es qui, toi, je... Haaaa... ! »

Le pistolet de l’homme devint soudain brûlant, et il le lâcha... Puis Karen s’élança vers lui, les yeux rouges, et le saisit à la gorge, et le plaqua au sol.

« ’Me tue pas, pitié !
 -  Qu’est-ce que vous voulez à cette petite fille ?
 -  On voulait pas lui faire de mal à cette souillonne, juste... Juste l’impressionner ! Putain, putain, ‘me tue pas, ‘me tue pas...
 - Pourquoi ?
 -  Elle furetait près des entrepôts ! Ils ont pas le droit de s’approcher ! Mais on voulait juste l’impressionner, pitié ! »

Karen grogna, consciente que les beuglements de l’homme risquaient d’attirer les miliciens situés dans le bar à côté. Elle le neutralisa donc, puis se retourna vers la jeune fille, qui pleurait dans son coin, recroquevillée près des poubelles. Karen fléchit le genou, et tendit sa main vers elle, ses yeux retrouvant une couleur normale.

« Hey... Tu vas bien, petite ? »

Aucune réaction. Karen se pinça les lèvres, en entendant des bruits de pas qui se rapprochaient.

« Petite... Je m’appelle Karen. Écoute, on peut pas rester là...
 -  J’veux mon Papa et mon Maman...
 -  Je vais les retrouver... Mais il faut qu’on parte. »

Karen finit par la prendre entre ses bras, et disparut rapidement, retournant vers l’hôtel.

Le temps d’arriver à sa chambre, la gamine dormait déjà profondément. Karen la regarda silencieusement, voyant les traces de crasse sur son visage, ses bras malingres, son corps souffrant de l’absence de nutrition...

*Bordel...*

Quelque chose lui disait qu’elle n’était pas encore au bout de ses peines et de ses révélations... Mais, pour l’instant, elle préféra laisser la petite dormir, tout en attendant l’aube.

Entre la journée qu’elle venait de vivre et ses blessures encore douloureuses, Helena avait vraiment besoin de repos. Cependant, son sommeil fut loin d’être calme. A chaque fois qu’elle trouvait le sommeil, des visions venaient la hanter : son monde en ruine, ravagé par l’armée de Darkseid, les héros tombant les uns après les autres, et finalement sa fuite avec Karen vers Earth-1… Elle aurai pu ne jamais réussir à dormir si ses souvenirs de sa camarade kryptonienne n’étaient pas aussi relaxants. Son soutien dans l’adversité, sa force au service de la justice, leur amour à la fois sentimental et physique… Peu à peu, elle parvint à se relaxer et dormir. Mais bien sûr, étant la fille de deux héros noctambules, elle n’eut pas besoin de dorlir beaucoup.

Helena se réveilla une heure avant le lever du soleil. Elle n’avait pas eu besoin de réveil, elle contrôlait son horloge biologique avec précision et savait quand elle avait assez dormi. Et quel ne fut pas sa surprise, à son réveil, de découvrir une petite fille africaine dans son lit, à la place où aurait normalement dû se trouver Karen. Cette dernière, qui n’était pas très loin, raconta à l’humaine ses péripéties de la nuit dernière.

« Je vois… Tu as bien fait de la ramener. »

La présence de DeSaad dans ce pays n’avait fait que jeter encore plus de désespoir et de souffrance sur ses habitants, alors qu’ils en avaient déjà bien assez comme ça. Cette enfant était la représentation physique de tout ce qui n’allait pas ici, et que l’opération d’aujourd’hui devait stopper. Certes ça ne résoudrait pas tous les problèmes, mais ce serait un premier pas.

« On doit se préparer et rejoindre le S.H.I.E.L.D au point de rendez-vous. Les camions de ravitaillement partent à l’aube. »

Si la kryptonienne put se préparer en un éclair grâce à ses pouvoirs, il fallut un peu plus de temps à l’humaine, qui se déshabilla puis enfila sa combinaison manuellement. Dans leur lit, la petite fille dormait toujours.

« Pas besoin de la réveiller. Amène-là sur le site de l’ONG pour qu’ils s’occupent d’elle, puis rejoins moi au point de rendez-vous. »

Karen prit l’enfant dans ses bras et s’envola vers le site de l’ONG pendant qu’Helena prit directement la direction de la tour de DeSaad. Une jeep conduite par l’agent Alomar l’attendait à la sortie de l’hôtel.

« Bien dormi ? »

« Oui, merci. Dépêchons nous, je ne veux pas faire attendre Black Widow. »

Le véhicule traversa les chemins de terre, s’enfonça dans la jungle et, au terme d’une bonne dizaine de minutes, atteignit finalement la position du rendez-vous, à moins d’un kilomètre de la zone d’où partait les camions de ravitaillement. Widow et Karen étaient déjà arrivés, l’opération pouvait commencer.

« Je crois que nous oublions certains éléments cruciaux. »

La phrase de Karen instaura un léger silence de surprise dans la salle de contrôle du S.H.I.E.L.D. Widow, qui avait plus ou moins pris les directions du projet, regarda la femme en fronçant les sourcils.

« Comment ça ? »

Karen regarda brièvement Helena, et se pinça les lèvres. Si Helena était la fille de Bruce Wayne, et assumait, dans leur duo, le rôle de détective, il ne fallait pas oublier que Karen, malgré son arrogance et sa propension à la provocation, était aussi très intelligente. Et, depuis le début de leur séjour en Afrique, elle avait le sentiment que quelque chose lui échappait, quelque chose qui était lié à ce qu’elle avait vu en Europe, contre les forces d’HYDRA.

Consciente que les autres agents attendaient ses explications, Karen se mit à parler :

« Cette fille que j’ai sauvée… Elle furetait près d’une série d’entrepôts situés au port de la ville. Ils sont étroitement surveillés par les miliciens de l’UFLL, et sont recouverts de plomb, de sorte que je n’ai pas pu voir ce qu’il y avait à l’intérieur.
 -  Ces entrepôts abritent la conserve de poissons, expliqua Sheva. Ils sont sous contrôle de l’UFLL, car ils fournissent de la nourriture à la ville. La gamine que tu as sauvé voulait juste manger. »

C’était une bonne hypothèse… Mais Karen n’était pas d’accord.

« Ce qui me trouble, c’est que, en analysant les environs, j’ai vu d’énormes câbles électriques, plantés dans le sol, qui partent du barrage hydroélectrique, et vont jusqu’aux entrepôts. Alors, je sais bien qu’il faut allumer des ampoules, mais cette consommation électrique me paraît anormalement élevée pour une simple conserverie de poissons. »

Widow se tut pendant quelques secondes après les informations de Karen.

« Alors, que suggérez-vous ?
 -  Huntress et moi avons vu des espèces de zombies dans la base d’HYDRA dans les Balkans. Je pense qu’ils étaient liés à la magie  de DeSaad. »

Karen réfléchissait presque à voix haute, et se déplaça un peu.

« Pourquoi DeSaad est venu s’installer ici ? Je crois que nous négligeons une option importante. Nous sommes parties du principe que DeSaad ne cherchait qu’à retourner chez lui, mais…
 -  Quoi donc ?
 -  Darkseid a déjà tenté d’envahir ce monde, et a échoué… Alors, si DeSaad voulait juste rentrer chez lui, pourquoi aurait-il été voir HYDRA ?
 -  Pour récupérer le masque, non ?
 -  Il aurait pu l’obtenir sans lui. Non… Cette nuit, une hypothèse affreuse m’est venue. Celle selon laquelle DeSaad ne serait pas un simple réfugié cherchant à retourner chez son maître, mais envoyé par lui pour préparer la revanche de Darkseid. »

Karen avait fait des recherches pendant la nuit, notamment sur DeSaad, en consultant les archives que son père avait réunies. Elle avait ainsi découvert que DeSaad était l’un des plus proches conseillers de Darkseid. Difficile d’imaginer cet homme, ce puissant mage, venir sur un monde, et être prisonnier de ce dernier, sans aucun moyen de contacter son mentor. Widow, qui commençait à comprendre le raisonnement de Karen, reprit alors :

« La rivière Ubangi est l’une des plus grandes rivières d’Afrique. Et, vers le sud, elle mène droit au fleuve du Congo, et, en tenant compte des autres cours d’eau…
 -  DeSaad développe un virus, et compte utiliser la rivière Ubangi pour le répandre dans l’Afrique. Je suis sûre que cette conserverie de poissons dissimule un laboratoire où l’UFLL expérimente les produits que DeSaad fabrique dans sa base. »

Widow se tut pendant quelques instants, avant de taper rageusement contre la table.

« HYDRA l’aide, assurément… »

Karen hocha la tête.

« La tour de DeSaad n’est plus le seul élément dont il faut tenir compte, maintenant.
 -  Il faut que je me renseigne sur cet entrepôt, trancha Widow. Mais on ne peut plus retarder l’attaque de la tour, nous avons une fenêtre d’ouverture que nous n’aurons plus si facilement… »

Là aussi, Karen était d’accord.

Autrement dit, les choses venaient de se compliquer, et il avait fallu que Karen sauve cette petite fille pour pouvoir enfin le réaliser.

La mission était sur le point de débuter lorsque Karen se mit à parler de l'entrepôt près duquel furetait la petite fille qu'elle avait sauvée. En bonne détective, Helena ne put qu'admettre que sa camarade avait de bons arguments pour justifier sa méfiance : les murs en plomb, les câbles électriques reliés directement au barrage... Sa théorie comme quoi DeSaad se serait allié à HYDRA non pas pour récupérer le masque et rentrer chez lui, mais plutôt pour organiser une invasion de la Terre, était aussi effrayante que justifiée.

« Karen a raison. S'il voulait le masque, DeSaad l'aurait juste volé à Zola. Il voulait s'allier à HYDRA pour une raison plus profonde, sûrement quelque chose dont même Zola ne savait rien. »

Très vite, la discussion partit sur un possible agent biologique dans l'eau de la rivière Ubangi, ce qui ajoutait un objectif de plus à la mission : aller vérifier cet entrepôt et, si nécessaire, le détruire. Mais il ne fallait pas non plus oublier l'objectif principal, dont la fenêtre allait bientôt se refermer.

« On doit se séparer. »

Même si l'idée pouvait paraître idiote, c'était la seule chose logique à faire.

« S'il y a une menace biologique, il faut intervenir, mais on ne peut pas laisser notre fenêtre d'intervention se refermer.
Widow, allez à l'entrepôt et occupez vous d'HYDRA. L'agent Alomar et moi allons nous infiltrer dans les camions pour entrer dans la tour et évacuer les civils. Karen, tu resteras en soutien des deux groupes. Pas d'objection ? »

La configuration proposée par Helena avait été mûrement réfléchie : Widow pouvait facilement entrer dans l'entrepôt, détruire les installations d'HYDRA et ressortir sans se faire repérer, pas besoin d'être nombreux pour ça. En revanche, l'évacuation des civils allait nécessiter au moins deux personnes, et Helena tenait à tout prix à être sur place. Enfin, il était déjà prévu de laisser Karen en soutien en attendant de passer à l'attaque contre DeSaad. Le plan d'Huntress était valable, mais peut-être ne conviendrait-il pas à tout le monde.

Karen avait l’intime conviction qu’elles étaient passées à côté de quelque chose d’essentiel. Pourquoi choisir cet endroit ? Certes, on pouvait lui objecter qu’il était isolé, et donc parfait pour permettre à DeSaad de mener à bien ses plans. Mais, s’il avait vraiment voulu retourner sur Earth-2, il serait venu près de Seikusu, là où les lignes de faille dimensionnelles étaient les plus friables. Il ne se serait pas enterré ici. Power Girl avait donc fait parler son intelligence, et elle avait peut-être faux... Mais il y avait pour elle trop d’indices, trop d’éléments différents qu’il fallait relier, et qu’elle ne voyait pas comment relier autrement qu’en supposant que DeSaad cherche à préparer le retour de Darkseid sur cette Terre. Son maître avait échoué sur ce monde, et c’était là une défaite intolérable. Or, maintenant que Darkseid avait dompté Earth-2, plus rien ne s’opposait à ce qu’il revienne sur ce monde.

Helena finit par prendre les rênes, et commanda à Widow de se rendre dans la ville, pendant qu’elle et Alomar se rendraient dans la tour.

« Hum... Je tiens à vous rappeler que c’est moi qui commande cette opération, nuança Widow. Néanmoins, je ne vais pas me lancer dans une querelle d’égos, je sais de quoi Huntress est capable, tout comme je connais les performances de Sheva. Assurez-vous d’aider à l’évacuation des prisonniers, pendant que je me renseignerai sur cet entrepôt, ainsi que sur le barrage. »

Si Natalia avait eu davantage de temps, de moyens, et de ressources, elle aurait pu mener des investigations complémentaires. Le manque de données trahissait une certaine forme d’amateurisme auquel le S.H.I.E.L.D. habituait peu. Mais ici, dans l’une des régions les plus reculées du monde, Natalia avait dû faire avec les moyens du bord. Elle s’adaptait donc, et n’allait sûrement pas se priver d’une Kryptonienne et d’une justicière.

Widow se déplaça encore, et récupéra une sorte de clef USB, qu’elle tendit à Karen.

« Plutôt que de vous tourner les pouces, utilisez votre super-vitesse pour rejoindre un Hélicarrier. Cette clef cryptée vous permettra de passer la sécurité. Nous allons avoir besoin d’aide pour s’occuper de DeSaad et des réfugiés. »

Karen hocha la tête. L’idée n’était pas mauvaise, car elle ne mettrait que quelques minutes à rejoindre la base militaire de Seikusu, à décliner son identité, et à obtenir du soutien. En revanche, il faudrait plusieurs heures pour qu’un Helicarrier vienne. En attendant, elle ne ferait qu’un aller-retour à Seikusu, en tâchant d’y rester le moins longtemps possible, de manière à pouvoir revenir.

« Je pense que je devrais aussi trouver quelques contacts auprès des Avengers, on ne doit prendre aucun risque avec DeSaad.
 -  Je ne sais pas si vous en trouverez beaucoup, les Avengers sont en mission ailleurs. »

Power Girl haussa les épaules.

« Très bien ! On gérera sans eux ! »

Karen ne comptait pas trop traîner, et Sheva et Helena avaient, elles aussi, un horaire à respecter. Elles devaient embarquer dans les camions à hauteur de la jungle, dans une zone sauvage, où il serait possible de se faufiler dedans sans se faire remarquer par d’autres personnes que les membres de l’UFLL ayant choisi de se retourner contre leur organisation.

Le groupe ressortit donc, et Widow alla parler avec ses hommes. Elle décida de répartir le peu d’agents qu’elle avait en deux équipes, une qui irait soutenir l’évacuation des prisonniers, et une autre qui irait au village, afin d’aider Widow à sécuriser ce qu’elle trouverait dans l’entrepôt, et probablement à hauteur du barrage. Karen, de son côté, serra Helena une dernière fois dans ses bras.

« Fais-leur mordre la poussière ! »

Elle s’envola ensuite, et rejoignit l’autre côté du monde.

Sheva, de son côté, se retourna vers Helena.

« Allons-y, il faut rejoindre le point de rendez-vous. »

Widow rappela brièvement que c'était elle qui dirigeait l'opération, un fait qu'Helena avait souvent tendance à oublier ou à ignorer, mais plutôt que de partir dans des querelles inutiles, elle accepta le plan de la demoiselle, et partit en direction de l'entrepôt après avoir donné à Karen une clef cryptée qui lui permettrait d'accéder à un Hélicarrier du S.H.I.E.L.D pour envoyer des renforts. De leur côté, Huntress et Sheva allaient s'introduire dans la tour de DeSaad comme c'était prévu et procéder à l'évacuation des villageois prisonniers.

« Allons-y, il faut rejoindre le point de rendez-vous. »

« Je vous suis. »

Une fois au point de rendez-vous, elles n'auraient plus qu'à grimper dans le camion de marchandises qui les mèneraient directement dans la forteresse du sorcier. Tout le problème était maintenant d'atteindre ce point de rendez-vous sans se faire repérer. Heureusement, il y avait très peu de soldats en dehors du périmètre immédiat de la tour, et le duo arriva à la lisière de la zone boisée sans trop de problème. Devant elle, une route de terre coupait la jungle en deux, et on pouvait déjà sentir le sol trembler sous leurs pieds à l'approche des camions.

« Dans lequel doit-on monter ? »

« Le dernier de la file. Il sera conduit par nos contacts. »

« Combien de temps ? »

« On aura un peu moins de deux minutes pour monter et se cacher. »

Expliqué de la sorte, ç'avait l'air simple, mais on ne sait jamais. Quand le premier camion arriva près des deux femmes, elles se cachèrent dans les fourrés et ne sortirent qu'après le passage du dernier camion pour courir derrière. Helena monta la première, et aida Sheva à monter à son tour. A l'intérieur du camion se trouvaient des dizaines de casses de tailles diverses.

« Et maintenant ? »

« Il y a deux caisses au fond du camion avec des croix noires peintes sur le dessous. On monte dedans et on attend qu'on vienne nous faire sortir. »

Elles allèrent au fond et soulevèrent les caisses les unes après les autres, jusqu'à ce qu'Huntress en trouve une avec une croix peinte, puis l'autre juste à côté. Les caisses étant vides, elles purent entrer dedans sans problème.

Le camion s'arrêta en atteignant le point de contrôle à l'entrée de la tour. Deux hommes armés entrèrent à l'arrière pour inspecter la cargaison tandis que deux autres, avec des miroirs télescopiques et des chiens, cherchaient d'éventuels intrus cachés sous le camion. Cachée dans sa caisse, Helena réfléchissait déjà à un moyen d'entrer si jamais elle était découverte dès maintenant, mais les hommes n'ouvrirent même pas les caisses, ils se contentèrent de taper contre pour voir si quelque chose remuait. En effet, la jeune femme n'avait pas vu que les contacts de Natalia avaient inscrits sur les caisses « Ne pas exposer à l'air libre » afin de décourager les gardes de fouiner sous peine de déclencher la colère du maître. Le contrôle se termina sans encombre et le camion continua sa route. Le duo était maintenant officiellement infiltré dans la tour de DeSaad.

Au cours des minutes qui suivirent, Huntress sentit la caisse être secouée et déplacée, elle perçut des bribes de conversation autour d'elle, mais ne les comprit pas car elle ne parlait pas la langue du pays. Quand les mouvements cessèrent, un homme ouvrit et lui fit signe de sortir. Elle et Sheva étaient au cœur de la forteresse ennemie. Les gardes leur indiquèrent le chemin des cellules puis partirent. Ils avaient rempli leur part du marché, le duo devait se charger du reste.

« Je vous suis Sheva. »

Sheva Alomar était née en Afrique. Elle était originaire d’une famille pauvre, ses parents travaillant à une usine gérée par une multinationale américaine, Umbrella Corporation. À l’époque, tout le monde aimait Umbrella. Dans sa région, l’Usine 57 avait permis d’apporter la prospérité économique, l’électricité, des routes, la technologie… Sheva se rappelait encore de ce moment où, à ses six ans, elle avait regardé le Nouvel An à New York dans leur village, en compagnie de tout le monde. Elle avait vu la sphère lumineuse descendre sur Times Square. La télévision avait été une fenêtre sur le monde, et la preuve des bienfaits d’Umbrella… Et puis, quand elle avait eu huit ans, elle avait découvert l’envers du décor.

Officiellement, l’Usine 57 était une usine pétrochimique. En réalité, l’installation abritait un laboratoire de recherches, et Umbrella développait sur les villageois locaux de nouveaux virus biologiques. Quoi de plus surprenant, venant de la part d’Umbrella ? Sheva avait grandi dans une région similaire à celle de Mobayi-Mbongo, une région marécageuse située dans l’Afrique subsaharienne, où personne ne venait, et où aucun touriste ne viendrait jamais s’égarer. Un endroit parfait pour Umbrella. Cependant, les expériences avaient fini par dégénérer, et Umbrella avait envoyé leurs agents faire le ménage, en supprimant tous les villageois, afin d’endiguer une infestation. Sheva serait morte, elle aussi, si un voisin ne l’avait pas aidé à s’échapper du village.

Sheva aurait pu oublier ce drame, mais il n’en avait pas été ainsi. Son pays natal était alors dirigé par un dictateur, comme bien d’autres pays africains, et avaient le soutien officieux des grandes puissances occidentales. Et leur dirigeant était proche d’Umbrella. Sheva avait rejoint la résistance, afin de renverser le tyran. Et les rebelles avaient reçu une aide attendue… Celle du S.H.I.E.L.D. L’organisation luttait aussi contre Umbrella, car la firme, en jouant avec des armes biochimiques, entrait dans le cadre des prérogatives de l’organisation. Toutefois, on ne venait pas à bout d’une transnationale de la même manière qu’on affrontait des terroristes. La firme avait de multiples soutiens, des appuis politiques, et une armée d’avocats et de juristes pour couvrir leurs actions, acheter les témoins, et faire pression sur eux.

En tout cas, Sheva avait réussi à mettre fin à la mainmise d’Umbrella sur son pays. Elle avait donc des raisons personnelles de s’impliquer contre DeSaad, qui, à ses yeux, n’était rien de plus qu’un autre tyran, similaire à Umbrella sur le principe.

« Ça fait des siècles que l’Afrique est du mauvais côté de l’Histoire. DeSaad n’est qu’un autre colonisateur parmi d’autres. »

Sheva se voyait comme étant relativement lucide sur son continent. Quand elle disait des « siècles », elle aurait aussi pu dire des « millénaires ». Il y avait eu les Européens, mais, avant ça, l’Afrique avait été envahie par les Arabes, les Ottomans, les Perses… On perdait le compte des empires s’étant installé au nord du Sahara. L’Afrique avait-elle jamais véritablement eu sa propre identité ? Sheva n’était pas surprise de voir à quel point le continent peinait à sortir de la misère, des horreurs de la guerre, de l’exploitation et de la colonisation. Les Africains n’avaient toujours connu que ça, ou, en tout cas, il n’y avait que de ça dont on se souvenait. Pourtant, née en Afrique, Sheva espérait quand même à des jours meilleurs.

Elles arrivèrent au lieu de rendez-vous. Là, rapidement, un camion arriva, avec des hommes qui faisaient partie de la résistance.

« Dépêchez-vous, vite ! »

L’activité était étroitement surveillée, et, si le camion prenait trop de retard, les gardes pourraient être méfiants. En grimpant à bord du camion, Helena aurait pu remarquer que Sheva bénéficiait d’une sorte d’autorité naturelle. Ces hommes étaient les siens, ceux qu’elle avait formés à l’époque d’Umbrella. Depuis la chute de la firme, Sheva faisait partie de la section africaine du S.H.I.E.L.D., qui était très active. L’Afrique recélait en effet de ruines, de temples historiques, chacun abritant des artefacts et autres instruments magiques au potentiel destructeur. Elle avait même soupçonné que DeSaad creuse dans les mines pour chercher un trésor. Une hypothèse que Natalia n’avait pas écarté, mais qu’elles n’avaient pas eu l’occasion d’étayer, faute de temps et d’hommes à l’intérieur.

Relativement baroque, le plan consistait à s’infiltrer par des tonneaux. Autant dire que le voyage fut assez inconfortable à l’arrière du camion, les nid-de-poule se faisant particulièrement sentir. Pour autant, Sheva supporta le trajet, jusqu’à l’arrêt du camion. Elle entendit le chauffeur parler avec les gardes, puis une lampe-torche s’alluma à l’entrée.

Dehors, il faisait maintenant nuit, ce qui était mieux pour l’infiltration. Le camion démarra rapidement, et roula au pas, se rendant dans un entrepôt. Le chauffeur descendit, et s’entretint avec les autres.

« Il y eut du mouvement à la ville… Deux camarades ont été retrouvés blessés.
 -  Ah oui ? demanda le chauffeur.
 -  Le Maître s’est montré extrêmement intéressé par cette rumeur, d’autant plus que ça avait lieu près de l’entrepôt. Et la gamine… Elle a disparu.
 -  La gamine ? Quelle gamine ?!
 -  Celle qui furetait près de l’entrepôt. Ashim l’avait déjà vu, et était bien décidé à s’occuper d’elle… Il a dit au Maître qu’une femme blonde indestructible l’avait attaqué. Depuis lors, le Maître est nerveux, et s’est isolé dans la tour. Si j’étais toi, j’éviterais de trop m’en approcher. »

Visiblement, les aventures nocturnes de Karen n’étaient pas passées inaperçues. Sheva attendit silencieusement, jusqu’à entendre le bruit du portail en train de se fermer, signe qu’elle et Huntress étaient désormais seules dans l’entrepôt. Elle ouvrit alors le tonneau, et en sortit.

« Bon… Si j’en crois les relevés satellites qu’on a pris, nous sommes près du port. La prison est située près des excavations, de l’autre côté. »

Elles, elles étaient dans la zone de stockage :

Helena et Sheva auraient du profiter de l'effet de surprise pour leur mission d'exfiltration, mais à entendre ce que racontait les gardes de la tour, l'intervention de Karen la nuit dernière n'était pas passée inaperçue. DeSaad s'était retiré dans sa tour, nerveux à l'idée que cette femme soit bien celle à qui il pensait. Et s'il s'attendait à la voir arriver, l'effet de surprise n'était plus possible. Mais heureusement, Huntress eut une idée pour retourner cette situation à leur avantage.

S'il s'attend à voir Karen débarquer, il va mobiliser la plupart de ses forces contre elle. On passera plus facilement inaperçu.

L'héroïne suivit l'agent du S.H.I.E.L.D à travers la tour. Elles choisirent d'éviter les gardes pour le moment au lieu de les neutraliser, afin de ne pas risquer une alerte générale. Sheva avait suffisamment étudié la configuration des lieux pour pouvoir s'y orienter facilement, Helena se contenta de la suivre jusqu'à atteindre le quartier cellulaire, juste à côté de la zone des excavations.

« Beau travail Sheva. Allez, dépêchons nous de les libérer. »

Quatre soldats armés patrouillaient entre les cellules pour surveiller les prisonniers. Les deux femmes se séparèrent pour aller les neutraliser. Helena approcha d'un premier garde et l'immobilisa avant de passer son bars autour de sa nuque pour bloquer l'arrivée de sang vers son cerveau. En quelques secondes, l'homme perdit connaissance. Une deuxième garde approcha et vit Huntress, mais n'eut pas le temps de donner l'alerte avant qu'elle ne lui envoie un carreau d'arbalète anesthésiant. Elle craignit alors que les deux autres n'arrivent, alors elle décocha son autre arbalète de poing et se mit dans un angle, mais la seule personne qui vint à sa rencontre fut sa partenaire de terrain, qui s'était débarrassée des deux autres. Dans les cellules, les gens s'agitaient en voyant les deux femmes. Sheva leur fit le point dans leur langue tandis qu'Helena commençait à forcer les serrures.

« Du calme, on va vous sortir de là. »

Même s'ils ne comprenaient pas sa langue, l'héroïne sentit qu'ils avaient compris l'idée générale. A chaque cellule forcée, les occupants sortaient et l'agent Alomar leur indiquaient la direction jusqu'à l'équipe de terrain qui les faisait monter dans le bateau préparé pour l'évacuation. Il y eut quelques problèmes avec certains prisonniers qui avaient du mal à avancer à causes de blessures, mais dans l'ensemble tout se passa bien. Une fois le dernier homme en sécurité, le bateau partit avec l'équipe de soutien, laissant Helena et Sheva sur la plage.

« Bon, ça c'est bien passé. »

« Oui... un peu trop bien même. »

« Comment ça ? »

« DeSaad savait qu'on allait le poursuivre pour reprendre le masque. Et il savait aussi qu'on était déjà là puisque Karen s'est faite repérer hier soir. Et pourtant, il n'augmente pas la sécurité ? Pire encore, il reste cloîtré dans sa tour plutôt que de venir nous tuer ? Il mijote forcément quelque chose. »

La fille de Batman et Catwoman n'avait jamais cru à la facilité, et elle n'allait pas se mettre à y croire dans une mission où les enjeux étaient capitaux pour l'avenir du monde.

L’UFLL disposait d’une véritable armada. Il n’y avait pas que des soldats en treillis portant des fusils d’assaut, ils avaient aussi récupéré du matériel de guerre. Sheva et Helena, en remontant le long de la zone de stockage, virent ainsi des entrepôts et des garages abritant des chars d’assaut, des Humvee, ou encore des VBCI.

*Ces types sont prêts à combattre une armée entière...*

Au milieu du camp, la Tour de DeSaad se dressait, comme un phare sinistre. Ici et là, quelques points lumineux s’échappaient de cette tour. Sheva la regardait parfois, tout en se demandant ce qui pouvait bien se passer à l’intérieur. Pour le reste, elle avait effectivement étudié les lieux, à partir des informations fournies par satellite, mais aussi par les agents infiltrés au sein de la base. La sécurité était donc présente, avec plusieurs patrouilles. Fort heureusement, Sheva avait reçu une très bonne formation, et le duo n’eut pas trop de difficulté à s’avancer, tout en neutralisant les quelques gardes isolés. Huntress se montra particulièrement efficace, abattant à distance, à l’aide de carreaux anesthésiants, les sentinelles situées sur des miradors, permettant ainsi de faciliter la traversée.

Les deux femmes rejoignirent finalement les cellules. Il s’agissait d’une série de cages, posées à même le sol. Aucun bâtiment, juste une succession de grosses cages dans lesquelles on avait entassé les prisonniers. Sheva les observa à l’aide de jumelles, serrant les dents. Ils étaient fatigués, amaigris, épuisés, mourant à petit feu dans ces cages sinistres, soumis la journée à des chaleurs insoutenables, et le soir à un froid terrible. Hommes, femmes, et même enfants, DeSaad y parquait tout ce qu’il trouvait.

« Salopards... »

Il y avait pire que les étrangers venant piller l’Afrique... Il y avait les propres Africains qui choisissaient de les servir, de renier leurs principes. L’UFLL était encore pire, dans le fond, que DeSaad. Sheva et Helena repérèrent quatre gardes, patrouillant à travers les cages, par pairs. Elles n’eurent pas de difficultés à savoir quoi faire, et se rapprochèrent. Sheva se dirigea vers deux gardes, tandis que les prisonniers, pour ceux qui n’étaient pas encore trop affaiblis, se retournèrent vers elle.

Elle les attaqua dans le dos avec son arme. Les deux ennemis tombèrent comme des mouches, pendant qu’Helmena, elle, opta pour une approche non-létale. Sheva n’avait pas vraiment ce genre de problèmes, car, étant agente du S.H.I.E.L.D., elle disposait d’une autorisation pour faire feu, et, donc, pour tuer. On aurait pu discuter des impacts moraux, mais l’heure ne s’y prêtait pas vraiment.

« On ne pourra jamais traverser toute la base avec eux, ils sont trop fatigués, et trop nombreux. »

Sheva, tout en faisant ce constat, décida d’utiliser un camion. Une fois à l’intérieur de la base, les camions n’étaient plus contrôlés, et elle laissa Helena regrouper les prisonniers, pendant qu’elle-même alla chercher un camion, et le rapprocha de l’entrée.

« Allez, vite, grimpez, vous sortez d’ici !
 -  Mais... Qui êtes-vous ? s’étonna un homme.
 -  Les gentils », répliqua simplement Sheva.

Inutile de rentrer davantage dans les détails, d’évoquer le S.H.I.E.L.D., une telle organisation ne leur parlerait pas. Sheva opta donc pour autre chose afin de rassurer les plus indécis, en leur expliquant qu’elle faisait partie des services spéciaux de l’armée congolaise. Ce n’était pas totalement faux, en soi, si on faisait abstraction du fait que Sheva ne travaillait pas pour le Congo, mais pour une organisation internationale.

Ils grimpèrent tous dans la remorque du camion, puis Sheva fila dans la cabine de pilotage, et démarra. Elle avait enfilé rapidement un treillis sur l’un des gardes, avec une casquette. Une femme au volant ne manquerait pas de surprendre les gardes, et la femme tenait à éviter que l’opération de libération des prisonniers échoue à cause d’une simple erreur d’inattention. Elle démarra donc, et traversa rapidement le camp. Fort heureusement, tout se passa sans encombres, et elles rejoignirent les embarcadères.

Peu avant, Sheva laissa Huntress prendre de l’avance, en se débarrassant des quelques gardes situés le long des docks. Il fut impressionnant de la voir sortir du camion en route, déployant un grappin pour atteindre le toit d’un entrepôt, avant de se fondre dans le décor.

Sheva arrêta ensuite le camion, puis sortit. Elle contacta ensuite l’autre bord à l’aide d’un des projecteurs situés le long des embarcadères, et qui, en temps normal, permettaient aux agents de l’UFLL de surveiller la rive. Sheva avait été une véritable tornade de discrétion, pacifiant la zone de la dizaine de gardes s’y trouvant, dans une efficacité qui n’aurait pas déplu à son père ou à sa mère. Sheva s’empara donc d’un projecteur, le releva, puis l’éteignit et le ralluma successivement, s’exprimant en morse. Elle attendit ensuite quelques secondes, et sourit en voyant une lumière clignoter de l’autre côté.

« Les bateaux arrivent ! » jubila-t-elle.

Tout ce qu’il fallait faire, maintenant, c’était attendre. Il fallut une dizaine de minutes pour que les bateaux s’approchent. De grosses barques, sans un moteur, qui aurait pu attirer l’attention. Helena montait la garde, et Sheva aida les prisonniers à grimper à bord des embarcations. Certains la remerciaient déjà, d’autres agissaient en sachant qu’ils n’avaient pas vraiment d’autres options, mais beaucoup étaient surtout trop fatigués pour pouvoir faire autre chose que suivre.

Les prisonniers grimpèrent donc dans les bateaux, tandis que, les quittant, plusieurs commandos du S.H.I.E.L.D. s’approchèrent.

« Positionnez-vous dans un entrepôt. Les prisons sont vierges de monde, mais, en ce qui concerne l’intérieur de la tour, il y a peut-être encore des otages.
 -  Vous ne pourrez pas prendre cette base seule, Agent Alomar.
 -  C’est pour ça que je compte sur vous pour couvrir nos arrières. À deux, nous nous infiltrerons plus efficacement qu’un groupe entier dans la tour. »

Les renforts acquiescèrent, et Sheva retourna voir Helena, qui lui expliqua que tout ça... Était trop simple pour le moment.

« Ben... Dans ce cas, je suppose qu’il ne nous reste plus qu’à nous jeter dans la gueule du loup. Quoi que DeSaad manigance, ça doit se passer dans cette tour. »

Inutile d’espérer la rejoindre par la surface. Pour entrer dans la tour, il allait falloir passer par les mines, et donc retraverser à nouveau le camp pour rejoindre les prisons, et, de là, filer dans les grottes.

Le plan se déroulait sans le moindre accroc, ce qui était étrange pour Helena. Tout laissait supposer que DeSaad s'attendait à leur visite, et pourtant elles avaient sorti les prisonniers de la tour avec une facilité déconcertante. Pas de signal d'alerte donné par Black Widow ou Karen, donc normalement pas de problème de leur côté non plus. Tout ça sentait le coup fourré, mais elle n'avait hélas pas le temps de s'inquiéter de cela. Elle et Sheva repartirent en vitesse en direction de la prison, de là elles pourraient rejoindre les mines qui leur permettraient d'accéder à la tour sans risquer de se faire remarquer trop vite.

« Allons y alors. »

Le retour jusqu'à la prison se fit sans trop de difficulté, les gardes qui n'étaient pas déjà éliminés depuis leur passage à l'aller ne faisaient pas assez attention pour remarquer deux femmes se déplaçant comme des fantômes. Une fois sur place, elles retrouvèrent les quatre gardes neutralisés, deux d'entre eux étaient juste assommés, les deux autres étaient morts. Par sécurité, Huntress mit les corps dans les cellules, où ils seraient moins visibles si jamais quelqu'un était pris de l'envie de descendre voir ce qui se passe.

Le duo s'aventura dans les mines, Sheva en tête car elle connaissait mieux le trajet. La suivant d'un pas rapide, Helena continuait à s'interroger sur la facilité de la situation, et elle n'y voyait que deux explications : soit DeSaad craignait tellement Karen qu'il concentrait toutes ses défenses pour l'intercepter, soit il avait déjà commencé son rituel pour faire venir l'armée de son maître sur Earth-1. La première possibilité donnait un avantage aux héroïnes, parce qu'un ennemi inquiété commet des erreurs, la deuxième était plus inquiétante pour elles puisqu'elle les obligeaient à se dépêcher. Mais ne sachant pas de quoi il retournait, elle était obligée d'agir à l'aveugle, ce qui n'était pas vraiment pour la réjouir.

Alors qu'elles progressaient dans les mines, Helena dut s'arrêter sur ordre de Sheva. Des hommes patrouillaient dans les galeries.

« Je croyais qu'il n'y avait personne dans ces galeries ? »

Du moins c'était ce qui était prévu lors de l'élaboration du plan. Rien qu'en voyant ça, l'héroïne comprit que quelque chose clochait.

DeSaad s'attendait à notre arrivée, il a renforcé la sécurité.

Mais ce n'était pas quelques hommes en plus qui allaient les arrêter. N'ayant nulle part où se cacher, elles foncèrent droit vers l'ennemi. Il y avait deux soldats armés de fusils automatiques, ils tombèrent tous les deux en un éclair devant Huntress et l'agent Alomar. Mais ils n'étaient sûrement pas venus seuls.

« Que fait-on ? On garde le plan tel quel ? »

Il était hors de question d'abandonner la mission, mais on ne pouvait pas ignorer le fait que les informations utilisés pour établir le plan d'attaque n'étaient peut-être plus valables maintenant.

BLACK WIDOW

La ville était plongée dans une épaisse obscurité. Pas un bruit, pas un son, si ce n’est le bruissement de l’eau, les grillons, ou quelques autres animaux nocturnes… Ou les patrouilles des membres de l’UFLL. Et, comme il n’y avait aucun lampadaire dans les rues de la ville, personne ne voyait la solitaire silhouette se mouvoir à travers les ombres. Elle avançait rapidement, tout en veillant à neutraliser les gardes, pour éviter des soucis supplémentaires. Aussi rapide qu’efficace, elle bondissait sur eux, les neutralisant à l’aide de fléchettes électriques qu’elle tirait depuis ses poignets, et les dissimulait ensuite dans d’étroites ruelles.

Une Jeep circulait le long de la ville, décrivant une série de rondes, tout en s’éloignant parfois du centre du bourg pour se rapprocher des hameaux. Constamment, l’UFLL rappelait aux locaux sa présence, probablement pour éviter tout acte de rébellion. Natalia, elle, se rapprocha du seul bâtiment éclairé : le mystérieux entrepôt.

*Et entouré de gardes… Sûr que ce n’est pas une simple poissonnerie.*

Elle ne pouvait que s’en vouloir de son manque de rigueur dans son enquête. Elle s’était intéressée à cet entrepôt, mais avait cru qu’il s’agissait juste d’une zone de stockage de l’UFLL, et, surtout, avait manqué de temps. Widow avait fait un choix : accompagner Huntress et Alomar, ou éclaircir ses doutes. Finalement, elle avait opté pour cette seconde approche, redoutant d’avoir loupé quelque chose d’important.

La poissonnerie était entourée par des clôtures, avec des projecteurs éclairant la zone, et plusieurs gardes. Natalia commença par grimper sur un proche toit, et passa plusieurs secondes, silencieusement assise, à faire du repérage. Elle identifia les gardes, leurs mouvements, et rechercha des points d’entrée. Quand on exerçait sa profession, on ne se jetait jamais contre les ennemis sans un minimum de préparation. Le repérage, l’observation, étaient absolument fondamentales, quitte à devoir parfois y passer des heures.

Mais, ici, Natalia eut tôt fait de repérer son passage, et se redressa lentement.

*Allez… En position !*

Et elle bondit en avant, sautant depuis le toit.

SHEVA ALOMAR

Tout ça était bien trop facile. Sheva pensait comme Helena… Il se passait quelque chose d’anormal, et ce précisément parce que tout fonctionnait bien trop bien. DeSaad avait récemment combattu les deux femmes, et devait se douter que son repaire ne serait plus dissimulé longtemps. Helena était donc nerveuse, tout comme Sheva, tandis que le duo s’enfonçait dans de sombres galeries. Il était difficile d’y voir quoi que ce soit, mais Sheva et Helena disposaient de lunettes de vision nocturne, fournies grâce au S.H.I.E.L.D., qui leur permirent de s’avancer jusqu’à rejoindre une grande grotte centrale.

Ce fut là que les femmes virent des lampes-torches, puis une patrouille s’approcha. Les deux hommes furent rapidement neutralisés, puis le duo s’approcha, Helena émettant des doutes. Sheva se contenta de hausser les épaules.

« Nous n’avons pas d’autres options. C’est ce soir ou jamais ! »

Deux simples gardes, ça ne voulait rien dire, en soi. Peut-être s’agissait-il juste d’une patrouille isolée, d’une modification dans les plans de sécurité de l’UFLL. Sheva s’avança le long d’un couloir assez étroit, menant à un autre grand hall. Elle avait son pistolet pointé vers l’avant, en se demandant bien ce qui allait pouvoir se passer…

…Quand un caillou tomba sur son épaule.

La réaction fut immédiate, et elle se retourna, pour voir une silhouette massive tomber sur elle, et bondit en arrière, évitant une lame qui se ficha dans le sol. Des yeux flamboyèrent alors, et elle crut bien qu’elle allait se faire tuer quand Helena attaqua l’homme sur le côté, déviant ses tirs. Les lasers fusèrent de ses yeux, et découpèrent le mur à proximité, mais loupant Sheva.

« Hmmm… »

L’homme se retourna vers Helena, et bloqua son autre coup, puis la frappe au ventre. Le choc fit décoller Huntress, qui s’envola sur une dizaine de mètres. Sheva s’était relevée entre-temps, et pointa son pistolet vers la tête de l’homme.

« Rendez-vous ! »

Ce dernier la regarda en fronçant les sourcils… Et Sheva appuya sur la gâchette. La balle heurta violemment le crâne de l’homme, mais rebondit sur le sol.

« Mon Maître m’a envoyé sécuriser les lieux. Il savait que vous passeriez par là. »

Sheva serra les dents, en constatant qu’il s’agissait d’un mutant. Le soldat de DeSaad avait été injecté par des cellules kryptoniennes, grâce à ce mélange de magie noire et de technologie très évoluée arrivant d’Apokolips. Ses yeux flamboyèrent encore, et il tira à nouveau. Sheva bondit sur le côté, et tira encore.

Les lasers défoncèrent le sol, et provoquèrent un grondement… Le tir de l’ennemi avait atteint un pilier porteur, et Sheva entendit de nouveaux craquements, mais ne put guère en tenir compte, car l’ennemi s’élançait déjà vers elle. Elle roula sur le côté, évitant son coup de poing, qui troua le sol… Et provoqua des lézardes supplémentaires. Soudain, le sol se déroba sous le corps de Sheva, qui poussa un hurlement en se mettant à glisser, et heurta un rebord, puis s’affala sur un toit.

Sous la mine, il y avait la véritable cause des excavations archéologiques de DeSaad : un village ancestral...