Koos, servir quelqu’un d’autre que lui-même ? Comment pouvait-on servir les Dieux et prétendre, dans la même phrase, être son « propre maître » ? Pour le coup, Gorton vint à douter. Cette opération émanait-elle des Prescients, un terme désignant les maîtres des Technomages, ou n’émanait-elle que de Koos lui-même ? Inutile d’être devin pour constater que Gorton n’avait, en cet homme, aucune confiance. Arriviste, orgueilleux, calculateur, Koss était un manipulateur qui n’accordait aucune valeur à la vie humaine, qui avait dirigé et supervisé de multiples expériences scientifiques sur d’innombrables cobayes humains, afin d’implanter sur eux des mutations sinistres. Cette cité était un musée des horreurs, et Gorton, malgré son apathie légendaire, sentait remonter en lui un soupçon de rage et de colère, soupçon émanant de la personne qu’il avait été jadis, quand il pensait encore pouvoir, si ce n’est sauver le monde, au moins le changer un peu. Mais des gens comme Koos ? Ils ne s’intéressaient du sort de Cyanide que si ce sort les concernait directement.
Il leur sortit donc l’argument de l’apocalypse, ce qui ne manqua pas, sous son masque, d’amuser Gorton.
« Hum… Une prophétie apocalyptique… Encore ? Au cas où tu l’aurais oublié, Koos, l’apocalypse a déjà eu lieu. Si tu n’en es pas convaincu, retourne dans les ruines des cités-machines que toi et tes semblables exploitent sans vergogne. »
Le ton était clairement ironique. Hommes de science avant tout, les Technomages s’étaient toujours moqués des croyances anciennes, et il était, en un sens, surprenant que, après la chute du monde, les cultes soient revenus. Pourtant, dans les premières années ayant suivi la fin de l’Ancien Monde, la religion avait explosé, sermonnant les survivants pour leur usage abusif de la technologie, en soutenant que ce qui leur arrivait était un fléau divin. De manière générale, chaque fois qu’il y avait le chaos et l’anarchie, les humains recherchaient toujours une explication logique, et, à travers cette explication, une solution. Invoquer les péchés était sans aucun doute plus sûr que de se dire que ce qui venait de dévaster le monde était une force surnaturelle, contre laquelle on ne pouvait rien faire.
Gorton, de son côté, exprimait clairement son scepticisme suite à cette « vision ». Koos, Technomage devenu un homme de foi ? Fléau-Noir n’arrivait guère à se faire à cette idée.
« Je ne mens pas avec ces choses-là, contra Koos. L’Ancien Monde a été ravagé par les légions infernales du Chaos, mais nous avions toujours soupçonné que les monstres qui ont assailli notre planète ne constituent qu’une avant-garde, en se reposant sur l’existence de monstres beaucoup plus gros situés près des Failles. »
Koos n’avait pas épuisé toutes ses cartouches, et se déplaça, appuyant sur un bureau situé sur son bureau. Un hologramme s’éleva alors, flottant au-dessus du bureau. Il représentait le système solaire, avec les planètes qui tournaient autour du soleil.
« Il y a de cela des décennies, quand les Failles se sont ouvertes, les planètes présentaient un alignement parfait, qui, selon nos modèles, ont permis d’ouvrir les Portails. Cependant, cet alignement n’a pas duré longtemps, et les Portes se sont refermées. Cependant, d’ici quelques semaines, un nouvel alignement aura lieu. Autrement dit, nos modèles scientifiques se confortent à ma vision. »
Gorton restait toujours sceptique, ce que Koos savait, au regard du contentieux qui régnait entre les deux hommes depuis de nombreuses années. Le Tehcnomage éteignit son hologramme, et continua encore à marcher
« Je sais le mal que j’ai commis, Gorton. Depuis des années, je cherche la rédemption. Cette vision, c’est ma chance, un signe que les Dieux m’ont envoyé. Le Chaos compte en finir avec Cyanide, et il nous faut empêcher ça, et ramener la paix sur notre monde, afin de le reconstruire. »