Bienvenue sur l'Arche.
Le moteur ronflait paresseusement, alors que le vieux mécano tentait de deviner le nœud du problème. La jeune femme, assis sur une caisse à outils posée à quelques mètres de là, laissa échapper un bâillement d'ennuis. Les dommages étaient réparables. Il le fallait bien après tout. La flotte ne pouvait se permettre de perdre une de leurs unités volantes. L'homme jeta un regard mauvais à la donzelle avant de se replonger sur son travail. Elle grimaça, jouant distraitement avec l'une des flèches tirées de son carquois. Une sale manie qu'elle avait là, d'avoir les mains toujours occupées. Mirna, la jeune femme en question, se leva, adressant un vague geste au type avant de retourner à ses occupations.
Kal l'avait tanné pour surveiller les opérations, bien déterminée à l'envoyer aller voir ailleurs si il y était. Elle n'avait pas bronché. Son chef avait la méchante tendance d'éviter sa lieutenante à tout prix. Sauf lors des batailles. Il fallait bien après tout, avoir un minimum d'échange. A l'heure qu'il était, la petite troupe devait s'en mettre plein le ventre alors que les quelques rares désignés montaient la garde à l'extérieur. Elle soupira, levant par réflexe, sa tête vers le ciel. Son regard rencontra la surface brillante du dôme forgé pour ne pas refléter le soleil et aveugler ses occupants.
L'Arche. Pendant des années durant, cela avait été une utopie. Des savants avaient parcourus les mondes afin de trouver les moyens technologiques et magiques pour crée le bâtard de ces deux mondes, une Cité idéale, gardant ses habitants à l'abri des rudesses du monde extérieur. Cela faisait plusieurs décennies que la cité s'était envolé et avait pris son ancre au dessus de terres désolées ou la misère et la sauvagerie continuait à régner.
Jamais, la jeune femme n'aurait cru mettre les pieds dans cet endroit. Et pour cause. Pour ça, elle aurait dû avoir une fortune délirante, des parents bien pourvus et n'ayant ni l'un ni l'autre il était tout à fait normal qu'enfant elle ne s'imaginait arriver ici. Pourtant, son père, soldat accompli avait su se faire reconnaître au point d'obtenir son droit de passage sur l'Arche. Ses qualités de leader l'avait amené à mener la petite armée de la Cité, lui permettant d'intégrer la noblesse de l'endroit. Il avait ensuite accédé au rang de Seigneur et désormais c'était Kal, son disciple, qui occupait sa place, celle de Sénéchal, général des forces de ce lieu.
Elle ajusta sa cape noir et or, assortie à l'armure solide que portait la Garde de l'Arche, avant de rattacher son carquois sur son épaules. Son arc et ses flèches étaient des petits bijoux de la technologie de l'Arche, causant des dégâts plus importants à toute cible touchée. Le soleil était encore haut dans le ciel, et elle avait du temps devant elle avant la Fête qui réunirait la fine fleur de la Cité. La jeune femme y était conviée en tant que Gardienne. C'était un honneur, mais elle l'avait vu comme un fardeau. A chaque mort du Précédent Gardien, on choisissait une personne compatible pour garder le
Cœur. Enfin, plus précisément, c'était lui qui sélectionna le gardien potentiel. L'étrange artefact était l'une des clés de la réussite de cette entreprise, sans lui pas d'Arche. Il s'agissait d'un globe bleuté, cerclé d'or, gardé dans une boîte constamment fermée de lequel s'échappait quelques rayons de lumière. Les pouvoirs qu'il renfermait étaient multiples : il accroissait les pouvoirs de ceux qui le possédaient, permettait de retrouver un objet ou une personne convoité, ou bien d'autres propriétés inconnues. Il n'était, au sein de l'Arche, utilisé que pour une chose principalement : permettre de faire tenir la ville de façon aussi haute. Le globe était conservé dans la demeure principale de l'Arche, qui accueillait les réceptions (et donc serait comblé ce soir-ci) et la grande bibliothèque des archives. On pouvait le trouver au sous-sol derrière une lourde porte gardé par deux soldats entraînés. La défense principale restait Mirna. Son lien privilégié avec le Cœur lui permettait d'en connaître l'emplacement et dans le cas le plus extrême... de fusionner avec celui-ci. Cela n'était
jamais arrivé et on ne pouvait que supputer sur le devenir du Gardien qui effectuerait ce choix.
Plongée dans ses pensées, elle sursauta, se rendant compte qu'elle venait d'arriver devant le bâtiment de la milice. La lourde porte émit un grand grincement avant de s'ouvrir sur une salle peu éclairée. «
Laissez-moi vous conter l'histoire de Mirna, Princesse de l'Arche » rugit un voix rauque dans la pénombre. Elle resta dans l'ombre afin de profiter du spectacle «
Blonde pulpeuse, avec des arguments massifs... (Il mina une paire de poitrine imaginaire)
, fille du Sénéchal, chef des armées de notre paradis. Elle grimpa les échelons à la force de ces poings et atterrit en seconde du suivant de son père, le glorieux Kal, nouveau Sénéchal des Temps Glorieux. Aujourd'hui, la voilà Gardienne du somptueux trésor... mais quel est la particularité de cette bonne femme me demanderait vous.» Une jeune soldat lança une réponse hasardeuse, bientôt suivi d'une pluie de propositions toute aussi surréaliste les unes des autres.
Elle sourit. «
Bien sur que non, bien sur que non... la miss est dotée d'une résistance surhumaine, croyez-moi si je vous disais qu'elle a déjà chuté d'un immeuble aussi haut qu'un Géant pour s'en relever sans une égratignure. » Elle grimaça face à cette semi-vérité. Oui elle avait déjà chuté... mais pas sans quelques dommages au passage.
Non. L'étrange artefact auquel elle était lié augmentait de manière considérable sans résistance, sans pour autant la rendre immortelle ou invincible, juste un léger boost de son organisme. Son corps pouvait récupérer de n'importe quoi si on lui laissait le temps... sauf de la décapitation et autres douceurs. La douleur ne s’effaçait pas, et elle ne la possédait plus si elle était trop loin du Cœur (dans un autre pays par exemple, le champ d'effet restait assez large).
La jeune femme avança et tout le monde se tut. L'homme qui avait sortit le petit discours piqua du nez. Elle laissa échapper un rire franc et l’atmosphère se détendit. Bientôt, on ne fit plus attention à elle. Après tout, Mirna était des leurs. La soldate se laissa tomber sur une chaise, à une table occupé par plusieurs de ses camarades. Leurs uniformes bleus et or les associaient à la flotte aérienne de l'Arche. Le temps passa. Elle bavarda avec eux, profitant de ce moment, songeant à la réception qui commençait dans la bâtisse principale de l'Arche.