Il est vrai, et Mélinda le réalisa, et le reconnut, qu’elle n’avait pas parlé à Tsukuda de ses nouvelles capacités. Or, cette dernière avait justement mis le nez dedans en expliquant qu’elle avait peur d’attraper une maladie en buvant du sang. Néanmoins, avant de lui répondre, Tsukuda enchaîna sur la fortune de Mélinda, voulant savoir d’où la femme tirait une telle fortune. Ceci amena furtivement Akira et sa mère à se regarder… Dire qu’elle était une esclavagiste amènerait probablement la fragile Tsukuda à la rejeter pour de bon. Sur Terre, l’esclavage était vu comme une abomination, en raison de ses multiples abus, mais aussi en raison du fait que, sur Terre, comme il n’y avait que des humains, on admettait plus facilement que tous les individus soient égaux les uns aux autres. La vampire laissa donc passer quelques secondes, et reprit :
« Pour commencer, en tant que vampire, tu ne crains plus les maladies. Ton sang a été sensiblement renforcé, et les bactéries, les virus, ce genre de choses, ne peuvent plus t’atteindre. Tu peux toujours éternuer, ou être légèrement enrhumée, mais… De manière générale, tu auras toujours une santé de fer. Donc, pour ce qui concerne les maladies transmissibles par le sang… Si tu tombes sur ça, le sang sera juste de mauvaise qualité, comme boire une eau qui n’est pas bonne, mais… Mis à part ça, tu ne crains rien. Plus de grippe, par exemple. »
Mélinda lui sourit.
« Ça, il faut admettre que c’est cool… Mais ne va pas non plus te promener toute nue sous la neige, ma chérie, car nous craignons quand même le froid. »
Dans les faits, la vampire exagérait un peu. Un vampire pouvait tomber malade, mais une maladie humaine était guérie bien plus rapidement, quand elle arrivait, ce qui était toutefois rare. En revanche, il existait aussi des maladies propres aux vampires, mais, fort heureusement, elles étaient, là aussi, très rares.
« Ensuite, tu disposes de capacités légèrement améliorées. Tes sens sont amplifiés, ce qui fait que tu n’auras jamais besoin de porter de lunettes. De même, tu ressens moins la douleur, et tu cicatriseras plus rapidement. Enfin, et surtout, tu comprendras vite que tu disposes d’une nouvelle faculté, qui te permet de sentir le sang des autres. En affinant cette capacité, et en la travaillant, on peut ainsi dissocier et reconnaître les races à travers leur sang. Un vampire a une odeur particulière, qu’un humain n’aura jamais, par exemple. »
En soi, parler d’odeur pour désigner cette sensation était ce qui se rapprochait le plus de ce sixième sens, même si, dans les faits, ce n’était pas, à proprement parler, une odeur. La vampire lui offrait un tableau très prolifique, évitant de parler du plus gros défaut du vampirisme : une stérilisation totale, presque absolue. Mais ça, Mélinda n’en parlait pas encore, car elle ne pensait pas que Tsukuda en était encore à l’âge de vouloir avoir des enfants.
Ne voulant rien lui cacher, elle reprit ensuite :
« Quant à mes revenus… »
Elle se pinça les lèvres. Si elle expliquait à cette femme qu’elle venait d’une autre dimension, Tsukuda se dirait que la vampire avait totalement pété les plombs.
« Hum… Nous en parlerons plus en détail une autre fois. Sache juste que, même si je suis inscrite au lycée Mishima, j’existe depuis plusieurs siècles. Je suis… Je suis l’héritière d’une riche famille de propriétaires terriens, les Warren, mais… Ils ont tout perdu il y a quelques siècles, avant qu’on ne me transforme en vampire. J’ai hérité du peu qu’on a voulu me laisser, et… »
Mélinda se mordilla à nouveau les lèvres, massant l’arrière de son crâne, en réfléchissant.
*Que puis-je bien lui dire pour le moment ? Hum…*
Elle se tut pendant de longues secondes, une petite moue soucieuse venant déformer ses lèvres, puis mordilla ces dernières, avant de reprendre :
« Bon… Mon père était fou, Tsukuda. Moi, je ressemble énormément à ma mère, mais, quand je suis venue au monde, ma mère était très fatiguée, et… Disons que je l’ai tué. En venant au monde. Mon père et mon grand-frère, qui était également très proche de ma mère, n’ont jamais pu me le pardonner, et, comme je lui ressemblais, physiquement, en ayant les mêmes yeux verts qu’elle, ils ont vu en moi un monstre. J’ai vécu ma vie d’humaine dans une prison, Tsukuda, au milieu des autres esclaves et des autres victimes de mon père. Ce sont des ennemis de mon père qui ont fait de moi une vampire, afin que je puisse le chasser. J’ai repris son manoir, et je voulais affranchir les esclaves, mais… Elles ont refusé. Elles disaient qu’elles avaient besoin de moi, d’une femme qui les protègerait contre les autres esclavagistes, qui abuseraient d’elles. Alors, j’ai accepté de les reprendre… Et, grâce à elles, j’ai fondé une entreprise florissante, qui fonctionne encore aujourd’hui, et qui m’apporte une fortune considérable. »
Rien de tout cela n’était faux. Mélinda ne se voyait pas mentir à Tsukuda, mais elle avait logiquement édulcoré certains détails. Et, pour pouvoir aborder le reste, ce fut à son tour de poser une question.
« Dis-moi, Tsukuda… Avant même que nous nous rencontrions, et comme tu vis à Seikusu, est-ce que… Est-ce que tu as déjà entendu parler de… Dé phénomènes étranges ? Inexpliqués ? »
Mélinda prenait des gants.